René Goscinny raconte les secrets d’Astérix

*Ma légende selon le cas, m’amuse, m’indiffère ou m’agace.
Elle m’agace quand on me fait dire des choses que je n’ai pas dites.
Elle m’amuse quand un petit garçon me regarde, avec des yeux
écarquillés parce que, pour lui, je suis Astérix réincarné.*

(René Goscinny en citation, extrait de RENÉ GOSCINNY raconte les
secrets d’Astérix, Éditions le Cherche-Midi, 2014, disponible en
papier et en numérique. Pour cet article : édition de papier, 220 pages)

(Le Figaro)
Voici l’histoire d’Astérix racontée par son co-créateur, René Goscinny disparu prématurément en 1977. Rassemblées sous forme d’abécédaire, des centaines de citations composent ce «récit» inédit émanant directement de celui qui, un jour, écrivit pour la première fois sur une feuille de papier le nom «ASTÉRIX».

Avec son ami dessinateur Albert Uderzo, le génial scénariste ignorait alors qu’il venait de créer un héros planétaire :  350 millions d’albums vendus et plus de 150 traductions. On en sait maintenant un peu plus sur Astérix, Obélix, Panoramix et le secret de la potion magique, sur les sources d’inspiration de René Goscinny, sa méthode d’écriture et l’extraordinaire complicité développée avec Uderzo. On en sait maintenant un peu plus sur l’univers d’Astérix, protégé de très haut par Toutatis…

UN AMI POUR LA VIE !
*Notre seule ambition, c’est de
faire rigoler…les autres
Interprétations sont démesurées.*
(René Goscinny, extrait)

RENÉ GOSCINNY RACONTE LES SECRETS D’ASTÉRIX est un recueil de récits, d’extraits d’entrevue, de citations et de calembours de René Goscinny, créateur d’Astérix. Ce n’est pas une autobiographie. Goscinny n’aurait jamais eu le temps de la faire. Il est mort en pleine gloire, très jeune, 51 ans…très prématurément, le 5 novembre 1977 d’une crise cardiaque. Heureusement, Astérix a survécu grâce à un ami de toujours : Albert Uderzo.

Ce faisant, René Goscinny nous a laissé un héritage extraordinaire, voir unique au monde : *L’œuvre de René Goscinny est si abondante et multiple que la notoriété de l’auteur se perd dans celle de ses héros* (Extrait) Tous les propos de Goscinny sous quelques formes qu’ils soient sont réunis dans cet opuscule sous forme d’abécédaire affectueusement préfacé par la fille de monsieur René : Anne Goscinny : *Désormais, pour entendre la voix de mon père, j’ouvrirai aussi ce livre-là.* (Extrait)

Lire le CV de Goscinny a été pour moi, étourdissant. Déjà en 1977, je regrettais sa disparition car il a donné à la BD, ce genre littéraire capricieux à l’époque, un souffle qu’il n’a jamais perdu. Si je reviens à ce livre sur les secrets d’Astérix, sa forme d’abécédaire était pratiquement obligée. Le concepteur n’avait pas le choix…trop de citations sur des sujets extrêmement variés…

Dans un contexte purement autobiographique, je suis sûr que Goscinny aurait présenté les choses d’une façon différente. Mais sous sa forme actuelle, le livre a un petit quelque chose de…je sais pas…nombriliste peut-être, un peu sensationnaliste. Vu l’extraordinaire productivité de Goscinnny, rien ne pouvait m’empêcher de dévorer ce livre.

L’ensemble des citations, les définitions de l’auteur, les bulles, les interventions d’Uderzo, tous ces éléments rassemblés dans une certaine anarchie qui fait sympathique perpétuent avec une évidente émotion l’intelligence supérieure et l’extraordinaire imagination de René Goscinny.

Il se raconte avec une passion débordante et le livre est effectivement bourré de petits secrets, des petites choses toutes simples que j’ignorais, des petites indiscrétions, des notes historiques et surtout comment insérer des personnages ou objets qui n’étaient pas du tout voués à la pérennité comme la potion magique par exemple, ou le Idéfix.

Enfin, c’est non sans émotion que j’ai compris la nature du contact entre Hergé, le père de Tintin, mon ami d’enfance et Goscinny, le père d’Astérix, mon ami d’adolescence, et la profonde interaction entre René Goscinny et Albert Uderzo : *Moi c’est l’autre* (extrait)

Je pense que ce livre vient chercher toutes les générations. Il comprend beaucoup d’humour, la marque distinctive de Goscinny, de l’émotion, de la tendresse, des révélations surprenantes et des allusions aussi fines que drôles comme celle-ci par exemple qui évoque l’installation de Goscinny aux États-Unis : *J’étais parti aux États-Unis pour travailler avec Walt Disney, mais Walt Disney n’en savait rien* (Extrait)

Je ne veux pas me lancer dans ce qui pourrait vous paraître une dithyrambe, mais il faut prendre ce livre pour ce qu’il est : un petit coffre au trésor dans lequel humour rime avec amour, sensible rime avec susceptible, talent rime avec enfant. Le livre rassemble les propos d’un homme qui aimait être aimé. Ce livre m’a touché, m’a fait rire et m’a appris beaucoup de choses. Je vous le recommande chaleureusement.

Le mot de la fin, je le laisse au Cherche midi, car il est l’expression d’une heureuse finalité eu égard au patrimoine culturel mondial. Il dit tout… :*En redonnant aujourd’hui la parole à celui qui l’a donnée à Astérix, nous faisons œuvre de mémoire. Sociologues, essayistes, universitaires, spécialistes, journalistes se sont emparés du mythe. Mais la véritable histoire d’Astérix, c’est celle que raconte René Goscinny.*. (Extrait : introduction «Ils sont fous, ces romains!» René Goscinny raconte les secrets d’Astérix).

Suggestion de lecture : ASTÉRIX CHEZ LES QUÉBÉCOIS, de Tristan Demers

Né le 14 août 1926 à Paris, René Goscinny passe son enfance en Argentine, entre Buenos Aires et la pampa. Après des débuts prometteurs de sous-aide-comptable d’un aide-comptable dans une usine de récupération de vieux pneus, il entre comme apprenti dessinateur dans une agence de publicité. 

BRÈVE BIOGRAPHIE…GRANDES ÉTAPES POUR GOSCINNY

À 19 ans, il part à la conquête de l’Amérique et, plus précisément, des studios Walt Disney. Il rencontre Morris à New York, Jean-Michel Charlier à Bruxelles et Albert Uderzo à Paris. Goscinny, qui a compris que son talent s’épanouissait plus efficacement dans le scénario que dans le dessin, met en chantier une multitude de bandes dessinées (parmi lesquelles « Oumpah-Pah », « Strapontin » et « Luc Junior »).  

En 1955, il reprend le scénario de « Lucky Luke » et anime, avec Sempé, une version en bande dessinée du « Petit Nicolas »… En 1959, Goscinny, Charlier et Uderzo prennent une part active dans le lancement de l’hebdomadaire ‘Pilote’. Avec Uderzo, Goscinny y signe le premier épisode des aventures d’Astérix ; En 1962, il crée « Iznogoud », une série mise en images par Jean Tabary.

Puis, le petit Gaulois connaît une irrésistible ascension : en 1965, le premier satellite français est baptisé « Astérix » et, quelques années plus tard, les albums sont traduits dans une trentaine de langues…Pendant que le boom « Astérix » secoue la bande dessinée, Goscinny fait de ‘Pilote’ un laboratoire de création où s’épanouit la nouvelle bande dessinée, avec Gotlib entre autres.

En 1973, Goscinny crée, avec Uderzo et Georges Dargaud, les studios Idéfix. En 1976, alors que les studios donnent naissance aux « Douze Travaux d’Astérix », le 23e album du petit Gaulois sort, tiré à 1 300 000 exemplaires. L’histoire de Goscinny s’arrête le 5 novembre 1977, tandis que l’équipe des studios Idéfix travaille sur « La Ballade des Dalton », perpétuant son rêve le plus ancien …

Vous le voyez, il est impossible de faire le tour de cette illustre carrière en quelques lignes. Je vous invite à visiter, pour en savoir plus, le site officiel d’Astérix. Vous ne serez pas déçu.
Bonne lecture
JAILU/Claude Lambert
Le dimanche 15 décembre 2019

GORE STORY, le livre de GILLES BERGAL

*Le commandant était dans un piteux état…
-Commandant ! Je vous croyais à l’agonie.
-Eh bien, tu t’es trompée, et c’est à ton tour
de crever, comme tous ceux que tu as
rassemblés ici… elle chercha une issue, mais
il n’y en avait pas…*
(Extrait : GORE STORY, Gilbert Gallerne, Édition
Objectif Noir, 2015. Édition numérique 115 pages
numériques)

C’est dur de tuer un personnage de roman. Surtout quand le personnage en question est une…tueuse. Fabien Chevriez, auteur de la série BLOODY MARY en fait l’expérience quand, après 37 épisodes sanglants, il décide de se débarrasser de ce personnage et de passer à autre chose. C’est alors qu’un mystérieux fanatique commence à tuer des personnes proches de Chevriez en copiant les manières de BLOODY MARY. Chevriez l’a compris mais il a la tête dure. L’étau se resserre. Avec de l’aide, Fabien tente de résoudre l’énigme pendant que les assassinats s’enchaînent.

Avant-propos

Avant de commenter GORE STORY je veux juste préciser la différence entre deux genres littéraires cousins. D’abord le GORE : d’après l’internaute, le gore est un genre qui privilégie les scènes dans lesquelles le sang coule. Le gore est issu de l’horreur.

À ce sujet, Wikipédia est beaucoup plus direct et inspiré en disant que le gore est un sous-genre caractérisé par des scènes extrêmement sanglantes et très explicites dont l’objectif est d’inspirer au spectateur le dégoût, la peur, le divertissement ou le rire.

Le genre TRASH est différent. TRASH est un terme familier emprunté à l’anglais qui désigne quelque chose de sale, similaire à un déchet ou une ordure. Par extension, une histoire trash est plus que médiocre, de très mauvaise qualité ou vulgaire. D’après Wikipédia, une action, une œuvre, voire une personne, sale, répugnante ou moralement malsaine. Je vous ai déjà parlé de la littérature neurasthénique du Marquis de Sade.

Son livre LES 120 JOURNÉES DE SODOME est un excellent exemple d’œuvre TRASH, tout comme 18 MEURTRES PORNO DANS UN SUPERMARCHÉ de Philippe Bertrand, ou encore comme le nullissime BAISE MOI au cinéma, le désormais célèbre navet de Virginie Despentes et Coralie Thrin Thi.

GORE STORY est un livre du genre GORE comme LE RÉVEIL DES MORTS VIVANTS de John Russo, ou HERBERT WEST RÉANIMATEUR du grand HP Lovecraft… encore étonnant qu’à l’origine, GORE STORY ait été édité aux éditions TRASH.

UN AUTEUR TUE SA TUEUSE
*-Hier un type est venu me reprocher davoir
fait mourir mon personnage. Il m
a menacé,
Noémie est intervenue, ils se sont disputés,
et il a fini par se mutiler avant de disparaître.*
(Extrait : GORE STORY)

Je n’ai jamais été un amateur de gore et ce n’est pas le livre de Bergal qui m’a réconcilié avec le genre. Je trouve toutefois intéressant de voir évoluer une histoire dans laquelle un romancier tue son personnage principal, Bloody Mary, après lui avoir fait couler le sang aux gallons sur 37 livres. Je m’attendais à une touche d’originalité, je n’en ai pas trouvé. J’y ai noté toutefois certaines qualités qui plaisent dans les circonstances.

Par exemple l’humour…il sera soit noir soit coquin, mais on en trouve beaucoup dans GORE STORY : *…Marguerite voyait tout et son cerveau fonctionnait à merveille. Il y avait longtemps qu’elle avait repéré la complicité entre l’auteur et l’attachée de presse et elle avait eu vite fait d’additionner deux et deux pour trouver soixante-neuf.* (Extrait)

Dans ce livre l’humour noir arrache des sourires et peut aussi générer des frissons : *En deux ou trois coups, la tête partit vivre sa vie de son côté tandis que le reste du corps demeurait allongé façon Louis XVI sur la table LOUIS XV.* (Extrait)

Intéressante aussi est la façon dont Bergal insère l’humour en tournant les phrases de façon rythmique à grand renfort de jeux de mots : *La nuit noyait les lieux comme une nappe de néant où n’entrait nul néon mais quelques noctambules noctambulaient néanmoins nonobstant la noirceur nocturne…* (Extrait) Autant de tournures de phrases qui sont rythmiques en effet mais qui ne veulent pas dire grand-chose.

En général, les livres du genre GORE ne sont pas très longs et sont extrêmement violents, le sang coulant à flot. Dans Gore story, ne manquerait qu’un vampire pour tout nettoyer (si je veux prendre mon tour de faire une blague douteuse).

L’auteur aurait pu innover tout en restant dans le genre. Malheureusement, ce n’est pas le cas, sur le plan littéraire Gore story présente beaucoup de lacunes comme d’ailleurs les autres histoires gore que j’ai lues dans les dernières années. L’aspect policier/enquête est sous-développé. D’ailleurs la trame en général est sous-développée.

Une fois qu’un meurtre est commis, on dirait que l’auteur expédie sa petite cuisine pour passer plus vite au meurtre suivant. À partir des trois quarts du livre, on sent l’essoufflement de l’auteur jusqu’à la finale qui est carrément catapultée sans oublier l’écrivain Fabien Chevriez qui fait copain-copain avec la commandant de police. C’est d’un kitch absolu.

Enfin, il n’y a pas d’émotion dans cette histoire comme dans Jason ou Freddy au cinéma. Dans GORE STORY, Fabien Chevriez perd ses amis un par un avec un détachement choquant. Je ne crois pas vraiment que le gore soit hermétique au changement. C’est l’auteur qui en décide. GORE STORY est saturé de rouge et ça s’arrête là. Heureux de passer à autre chose.

Suggestion de lecture : DREAMWALKERS, d’Alain Lafond

Gilles Bergal est un Pseudonyme de Gilbert Gallerne. Il est né en 1954, est un écrivain français de roman policier, lauréat du Prix du Quai des Orfèvres 2010. Banquier de profession, il a été critique littéraire et a traduit plusieurs best-sellers américains. Le fantastique est son genre littéraire préféré. Sous son pseudonyme, il a publié plusieurs nouvelles, des romans d’horreur et sous le nom de Milan, il a publié le cycle ANTICIPATION. Il publie maintenant sous son vrai nom chez Fleuve Noir. Il collabore régulièrement à une revue consacrée à l’écriture. Dans sa chronique intitulée ÉCRIRE, il donne de judicieux conseils aux jeunes auteurs émergents.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 14 décembre 2019

 

FISSURES NOIRES, le livre de JESS KAAN

<Dylan Coudrelier s’était effondré face contre
terre, provoquant l’hilarité de ses amis, un rire
de gosses habitués à se souler et tomber ivres
morts. Mais la marrade avait vite cessé quand
la tête de Max…avait explosé et souillé le
carrelage de l’entrée de sang, d’os et de
cervelle.>
(Extrait de la nouvelle UN HABITANT, UNE BALLE, du
recueil FISSURES NOIRES de Jess Kaan, Éditions Le
Héron d’argent, 2014, édition numérique et de papier,
336 pages)

Les élèves d’un car scolaire meurent dans des circonstances mystérieuses, un étrange cocon rouge serait en cause… 1916, sur le front allemand, un mystérieux tableau garderait il ouvertes les portes de l’enfer ? Pendant une amicale, un sniper frappe. Les morts s’accumulent. La peur ajoute au ravage. Qui survivra pour raconter. À Locquières, un chômeur profanant la tombe de son patron s’apprête à réveiller d’inquiétantes forces obscures. Vous vous préparez à lire des nouvelles inquiétantes dans lesquelles l’univers familier se délite et laisse place à l’Ailleurs. Et si notre réalité commençait à se fissurer…

Les titres du recueil étant assez évocateurs, j’en reproduit ici la liste :

KÉVIN, CHUTE D’UNE DAMNÉE, RUSTBELT, ÉPIÉS, UN HABITANT UNE BALLE, SHROMAZDISTE, L’INTRIGUE, LE SYNDROME DE MIDAS, LES CHATS, 59, TOUTE LA PEINE DU MONDE, 915, PAUPÉRISATION, LE RESTOROUTE, APRÈS LE NEKKER, FANTASY IMPROMPTUE, CRUEL HIVER, LA GUILDE DES AVALEURS D’ASPHALTE, LES HERBES HAUTES, FENÊTRE OUVERTE SUR…, MACHINE À BROYER LA JEUNESSE.

LA RÉALITÉ QUI BASCULE
*Aux survivants, nous offrirons la beauté absolue
et l’éternité. Mais ils pourront toujours renoncer
à ces dons en se suicidant. Si vous voulez survivre,
il vous faudra renoncer à la technologie et à
toute forme artistique…*
(Extrait de la nouvelle «59» du recueil FISSURES
NOIRES de Jess Kaan.)

C’est un recueil intéressant qui se caractérise par une belle variété de styles et d’influences. J’y ai savouré du bout de la langue un peu de Guy De Maupassant, EDGAR ALLAN POE et même THÉOPHILE GAUTHIER car il faut bien préciser ici la différence entre le *fantasy* et le *fantastique*. Dans le recueil de Kaan, il n’y a pas de sorcière, de dragons ou d’elfes.

Dans FISSURES NOIRES, on trouve plutôt des personnages qui tentent de se tenir la tête hors de l’eau dans leur fleuve de misère. Je ne vous cacherai pas que les nouvelles dans l’ensemble sont plutôt noires et mettent lez nez de la Société sur les misères qu’elle a créé elle-même…

Un aspect extrêmement intéressant de ces nouvelles, c’est que dans l’ensemble, elles commencent par la réalité. Le décor est planté dans un ordinaire très noir, puis, bascule peu à peu dans une distorsion de la réalité. L’auteur crée alors une brèche, une fissure donnant accès à une dimension surnaturelle. Sa façon de le faire est remarquable. C’est la grande force du recueil.

L’auteur est très habile et manie parfaitement l’art de la nouvelle. Par ses nouvelles, il présente un portrait peu flatteur de la société. Dans chaque nouvelle, il y a un petit quelque chose de sombre, de malsain même qui va crescendo.

Chaque nouvelle laisse un petit goût amer, mais aussi, développe le goût onirique de faire un ménage dans la société, un ménage qui commence d’abord par soi-même : voyons quelques extraits :

*Afin de prouver que je ne suis pas fou et que les mutilations que je vais m’infliger ne résultent pas d’une maladie mentale, voici quelques détails me concernant : je m’appelle Arnaud Ribauval* (Extrait : LES HERBES HAUTES)

ou encore cet extrait de ma nouvelle préférée : 59 qui pourrait faire l’objet d’un roman complet comme beaucoup d’autres des nouvelles de ce recueil d’ailleurs, à cause de l’originalité des sujets. Chaque nouvelle constitue une petite fresque de la société dans ce qu’elle a de pire, ce qui n’est pas pour me déplaire.

*Nous sommes les gardiens d’Agven. Écoutez-nous humains, car il en va de votre vie. Dans huit jours exactement et à cette heure, il ne restera plus sur terre que 59% d’entre vous que nous stériliserons. Les autres, nous les aurons éliminés, car nous en avons décidé ainsi* (Extrait : 59)

Ces mystérieuses voix qui viennent d’une fissure laissent le choix aux épaves entre l’alpha et l’oméga : *Aux survivants, nous offrirons la beauté absolue et l’éternité. Mais ils pourront toujours renoncer à ces dons en se suicidant* (Extrait : 59) langage direct sur la crasse que camoufle habilement la Société.

Vous comprenez sans doute mieux maintenant la signification du titre. Ces fissures altèrent la réalité des hommes pour les placer face à eux-mêmes. Ça ne fait pas très sympathique mais l’écriture est d’une remarquable beauté et va bien au-delà d’une simple histoire. Il y a des leçons à tirer et tant qu’à tirer, on peut supposer qu’il y a de l’espoir.

J’ai beaucoup aimé ce recueil. Tout est sombre c’est vrai. Mais le livre a deux forces qui tranchent : Les brèches dans la réalité, ces fissures qui nous font verser dans le fantastique mettent notre société face à elle-même avec ce qu’elle a de plus tordu, mais c’est écrit, imaginé avec une finesse qui m’a fasciné, voilà pour la première force et il y a, je l’ai déjà dit, la beauté de l’écriture et une parfaite maîtrise des sujets.

L’écriture est aussi fluide et le propos très direct…pas de temps mort, aucune déviation. Les décors sont savamment plantés. Lisez les titres plus haut, regardez bien la page couverture au début de cet article…tout est en place pour nous amener dans un ailleurs, mais en douceur…

J’en ai déjà parlé sur ce site, écrire une nouvelle est souvent difficile. C’est un art. Il faut couper court et jongler entre le raisonnement cartésien et la fluidité de l’écriture de façon à figer le lecteur et finalement l’engloutir et le pousser à l’empathie pour plusieurs personnages.

Il y a dans l’ensemble un petit aspect philosophique, une observation méthodique des travers de la société. Pas d’erreur, FISSURES NOIRES est une réussite. Je vous recommande ce livre sans hésiter.

Suggestion de lecture : NOUVELLES NOIRES, recueil de Renaud Benoit

Né sur les bords de la mer noire, Jess Kaan est un auteur éclectique puisque ses écrits couvrent les champs de la science-fiction et de la fantasy humoristique et surtout du fantastique. Ses récits, ayant souvent comme toile de fond le nord du Pas de Calais, naissent d’anecdotes vécues ou entendues.

L’auteur s’est donné comme objectif de pousser le lecteur à éprouver de l’empathie pour ses personnages et de les confronter ainsi à la déglingue de la réalité. Il a reçu en 2003 le prix Merlin pour sa nouvelle L’AFFAIRE DES ELFES VÉROLÉS et en 2005 le prix de l’armée des douze singes. Un de ses scénarios écrits en 2012 a été adapté pour un court métrage.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 8 décembre 2019

SOUS LA SURFACE, livre de MARTIN MICHAUD

*Le nom de l’expéditeur n’était pas affiché et quelques
clics m’ont confirmé qu’il provenait d’un numéro que
je ne connaissais pas. Prenant soin de ne pas être
remarquée, j’ai tapé la première chose qui me passait
par la tête et j’ai appuyé sur la touche d’envoi : QUI
QUE VOUS SOYEZ, VOUS ÊTES MALADE!*
(Extrait : SOUS LA SURFACE, Martin Michaud, les éditions
Coup D’œil, édition de papier, 430 pages)

Patrick Adams, le favori dans la course à l’investiture démocrate est en pleine campagne avec sa femme, Leah Hammett. Alors que son mari se prépare à être propulsé vers le sommet, Leah reçoit un étrange message qui vient perturber leur ascension et la replonge dans un passé douloureux bien enfoui. Elle tente d’éclaircir ce pan sombre de sa vie. Mais la tâche se révèle plus difficile qu’il n’y paraît, surtout lorsque l’on s’apprête à devenir la première dame des États-Unis. S’amorce alors une danse entre mensonges et vérité. Objectif : plonger sous la surface et affronter ses démons…

VICES CACHÉS, MAGOUILLES
ET POLITICONNERIES
*Au premier étage…ils trouvèrent le corps de Garcia.
Ce dernier gisait dans une mare de sang, la gorge
tranchée. Ramirez n’avait jamais été un as en
mathématiques, mais il n’eut pas besoin de faire
le décompte pour savoir qu’ils n’étaient désormais
plus que deux.*
(Extrait : SOUS LA SURFACE)

C’est la deuxième fois que je lis Martin Michaud. J’avais été emballé par LA CHORALE DU DIABLE. Plusieurs années et plusieurs volumes après, je ne suis toujours pas déçu. Une belle évolution et peut-être un goût de faire différent me font douter qu’avec SOUS LA SURFACE, Martin a voulu sortir un peu des sentiers battus avec un thriller mêlant la corruption, l’amour et la politique.

C’est explosif…très explosif. Le meilleur moyen de définir le livre de Michaud est d’emprunter les paroles de la journaliste Mallory Brown, personnage fictif de SOUS LA SURFACE qui résumera durement les évènements extraordinaires qui ont secoué Lowell et toute l’Amérique.

Le genre d’évènement qui fait qu’on aimerait tout jeter à terre et reconstruire…l’homme inclus :*Meurtres, morts violentes, parfum de scandale, soif de pouvoir, complots, dissimulation, mensonges, trahison, tractations secrètes et tromperie, le contenu sulfureux de SOUS LA SURFACE plonge le lecteur dans la tourmente* (Extrait) eh oui, SOUS LA SURFACE est aussi le titre d’un livre de l’héroïne qui racontera tous les évènements qui ont déchiré son âme.

SOUS LA SURFACE est le récit de Leah Hammet, 45 ans, ancienn mannequin professionnel, puis écrivaine. Une femme ordinaire à ceci près qu’elle est la conjointe de Patrick Adams, le favori aux présidentielles américaines.

Alors qu’elle se prépare au Super Tuesday, elle reçoit un mystérieux texto de son premier amoureux, censé être mort depuis 25 ans. Dès lors, une tempête d’émotions éclate à l’intérieur et Leah jure d’aller au bout de cette histoire et vous pouvez me croire quand je vous dis que le fouet va claquer.

Le lecteur pourrait être surpris des qualités et attributs que l’auteur a donné à son principal personnage : *Il y a toujours deux forces en moi. Deux personnalités diamétralement opposées. Leah, la femme douce et effacée, cette façade que je présente en public. Et puis il y a LEE, ce démon qui m’habite et que je m’efforce de contenir, cette femme dure et impitoyable. Cette femme au cœur de glace.* (Extrait)

À travers le drame extrêmement intense que vit Leah Hammet, L’auteur décrit avec une minutie extraordinaire les rouages de la politique américaine, la complexité du système électoral et l’atmosphère étouffante des conventions, réunions, séminaires et les tractations étranges et pas toujours nettes du collège électoral.

C’est vrai que j’ai toujours trouvé les manœuvres électorales américaines compliquées, mais Martin Michaud nous les décrit avec une fluidité qui force l’admiration. La plume est concise, efficace, directe, pas de temps morts, la toile est trop complexe. L’auteur l’a compris.

Avec un étonnant savoir-faire, l’auteur amène tous ses personnages sans exception SOUS LA SURFACE, l’envers du décor pour tenter de balayer toutes les saletés qui s’y trouvent. Michaud ne néglige rien, ne ménage personne, même pas le lecteur qui ne voit pas venir une finale spectaculaire et imprévue. Avant d’entreprendre la lecture je me suis dit : surprend-moi Martin. C’est fait, c’est même au-delà de toutes mes attentes.

J’ai vu beaucoup de choses intéressantes dans ce livre car il est évident que l’auteur s’est documenté. Une plongée dans le cœur du pouvoir de la politique américaine, la course effrénée et dans certains cas désespérée pour le pouvoir, le mal engendré par l’ambition et l’absence de scrupules.

Mais tout n’est pas noir car quelque part dans l’œuvre, malgré le caractère soutenu démoniaque de l’intrigue, le lecteur est témoin d’un magnifique, d’un extraordinaire geste d’amour difficilement cadrable dans un univers aussi malsain. Vous voyez, rien ne nous est épargné dans ce thriller haletant y compris une fort mortifiante preuve d’amour.

Avec SOUS LA SURFACE, je suis fier de voir confirmé le nom Du québécois Martin Michaud dans les ligues majeures, comme créateur d’émotions qui n’a rien à envier aux auteurs de thrillers américains.

Suggestion de lecture du même auteur : LA CHORALE DU DIABLE

ici.radio-canada.ca

Né à Québec en 1970, Martin Michaud est un véritable homme-orchestre : avocat, scénariste, écrivain, il est aussi musicien. Sur le plan littéraire, il s’est spécialisé dans le thriller à forte intensité.

Ses trois premiers ouvrages (IL NE FAUT PAS PARLER DANS L’ASCENSEUR et LA CHORALE DU DIABLE en 2011, JE ME SOUVIENS en 2012) obtiennent un succès spontané et fulgurant avec la création d’un personnage tourmenté mais d’une impeccable moralité : Victor Lessard. Son œuvre lui vaut de prestigieux prix littéraires.

Pour en savoir davantage sur cet auteur déjà qualifié de maître du thriller québécois, consultez le site internet officiel de Martin Michaud. Cliquez ici.
Pour lire mon commentaire sur LA CHORALE DU DIABLE de Martin Michaud, cliquez ici.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 7 décembre 2019

TAG, le livre de GHISLAIN TASCHEREAU

*Il vous est garanti que le corps de la cible
disparaîtra et ne sera jamais retrouvé…
puisque je n’ai rien contre le bénévolat,
sachez que… UN DÉFAUT DE PAIEMENT
VOUS SERAIT FATAL.*
(Extrait : TAG, Ghislain Taschereau,  Les Éditions
Goélette, édition de papier, 265 pages)

Tag est un tueur à gages. Il a deux problèmes principalement : il méprise l’humanité en général et l’être humain en particulier et souffre d’un énorme sentiment de frustration. Le tueur à gages serait-il devenu sensible ? Pas nécessairement. Tag ne sait pas encore si tous les humains méritent la mort ou si on peut en sauver quelques-uns. Il ne va pas tarder à le découvrir grâce à une expérience étonnante qu’il prépare avec un soin méticuleux et exécute avec un exceptionnel souci du détail. Cette expérience en est une de déconditionnement. Tag est-il un fou dangereux ou encore un justicier irréaliste ?

HUMAINE DÉMENCE
*Il fit vite coulisser la portière de la fourgonnette
et prit la tête du juge dans un étau. Dizcoti glapit
tandis que TAG le halait à l’intérieur du véhicule.
Sa mauvaise forme physique fit en sorte qu’il
s’éteignit facilement et rapidement…*

(Extrait : TAG)

Ghislain Taschereau nous livre cette fois l’histoire de Loïc L’Heureux appelé TAG, un tueur à gage misanthrope et froid qui n’a qu’un rêve, et il s’en fait même un objectif : détruire l’humanité : *Il faut que je parvienne à la grande extinction. Je ne veux plus avoir mal à mon espèce. * (extrait)

D’ailleurs Tag ne tue pas. Il *éteint*. Dans sa mentalité, ce n’est pas du tout la même chose. Vous aurez compris que TAG voue une haine profonde pour l’humanité : *Je hais les humains. Ces ordures me font regretter de faire partie de leur sale race. Je les hais tous profondément et avec attention. * (Extrait)

Dans l’évolution du récit, TAG consacre son temps principalement à trois activités : remplir des contrats *d’extinction*, déconditionner des humains, c’est-à-dire les remettre sur la bonne voie selon les critères de TAG et enfin, travailler à son grand projet d’extinction de l’humanité.

Première chose importante : Taschereau a vraiment bien travaillé son personnage. Malgré toute la haine qu’il peut cracher, la psychologie du personnage ne m’a pas repoussé. Je veux en dévoiler le moins possible parce que lire TAG, c’est aller de découverte en découverte. Devant l’impossibilité de réaliser son rêve, TAG devient un expérimentateur.

Sa haine est manifeste mais sa recherche du bon m’a semblé évidente. En fait Taschereau nous décrit un esprit à la dérive un peu comme s’il prenait un pot à la santé de la connerie humaine. TAG est un personnage recherché et profond. Sa psychologie est complexe mais ses motivations sont limpides.

Dans une entrevue accordée au Journal de Montréal en 2014, Ghislain Taschereau expliquait à la journaliste Marie-France Bornais qu’en créant TAG, personnage habité par la haine et la violence, il voulait provoquer une prise de conscience de la bêtise humaine.

Il a donc donné à son personnage les moyens, la rigueur et la froideur pour y parvenir. Autre force majeure du livre, son auteur a su entretenir l’intrigue jusqu’à la finale probablement parce que le personnage lui-même EST une intrigue.

Malgré tout, l’auteur l’a mis en position d’être compris à certains égards par le lectorat. En effet, qui n’a pas rêvé tôt ou tard de débarrasser l’humanité de sa mauvaise graine : meurtriers, violeurs, pédophiles, dictateurs sanguinaires et autres… loin de moi l’idée d’excuser le personnage mais je suis sûr que les lecteurs et lectrices vont trouver dans le récit un petit quelque chose qui va venir s’ajuster à leur philosophie sociétale.

Enfin un dernier point à signaler : l’auteur fait preuve d’un certain humour dans son livre et je ne me limite pas au fait que c’est toute la société qui est tournée en dérision mais sa façon de s’exprimer, surtout dans ses comparatifs m’a arraché quelques sourires :

*Quand TAG s’enquit de l’endroit où se trouvaient les *internets* rapides, une vieille serveuse, maquillée comme un clown qui se serait voulu sexy lui désigna trois petites portes…* (Extrait)

J’ai toujours aimé cette façon de mettre de l’humour dans un texte, aussi dramatique puisse-t-il être. Quant à la finale, je dirai que dans le dernier quart, le récit prend toutes sortes de directions et perd de sa spontanéité. Le personnage principal se cherche, allant d’idée en idée. Toutefois, Les trouvailles qu’on y fait, issues d’un esprit qui dérape complètement garde le lecteur dans le coup jusqu’au puissant et dramatique point final.

J’ai aimé ce livre et je le recommande. Je n’ai pas vu le temps passer. Il se lit très vite. Il est accrochant, à la rigueur troublant. L’histoire est assortie, peut-être même enrichie d’une vision ironique, voir acide que l’auteur se fait de la Société. J’ai trouvé l’ensemble original…à lire.

Suggestion de lecture : CHARADE, de Laurent Loison

Ghislain Taschereau est un comédien, humoriste, réalisateur et auteur québécois né en 1962. Sa carrière d’humoriste est extrêmement substantielle. Elle a commencé en 1989 comme scripteur à l’émission 100 LIMITES, un bulletin de nouvelles plutôt mordant qui était diffusé à TQS. Fort de cette première aventure, Taschereau a enchaîné avec Bob Binette, les Bleus poudre et j’en passe.

Sur le plan littéraire Ghislain Taschereau a connu un succès flatteur avec un personnage qu’il a créé, L’INSPECTEUR SECTEUR qui a ceci de particulier, que pour être le meilleur inspecteur de police de la planète pendant toute sa vie il a invoqué Satan involontairement et lui a vendu son âme sans à peine s’en apercevoir. Cette création a valu quatre best-sellers à Taschereau.

BONNE LECTURE
Claude Lambert

Le dimanche premier décembre 2019

FIN DE RONDE, le livre de STEPHEN KING

*…je vais vous dire un truc que je dirais jamais si j’étais sobre. J’aimerais que Babineau le tue. Qu’il lui injecte un truc vraiment toxique et qu’il le fasse dégager.
Parce qu’il me fait peur…il nous fait peur à tous.*
(Extrait : FIN DE RONDE, Stephen King, Albin Michel 2017 pour la traduction française, 460 pages, éd. Numérique)

Dans la chambre 217 de l’hôpital Kiner Memorial, Brady Hartsfield, AUTEUR DU MASSACRE À LA MERCÉDÈS QUI A FAIT HUIT MORT, git dans un état végétatif depuis sept ans, soumis aux expérimentations du docteur Babineau. Mais derrière son regard fixe, Brady est bien vivant et capable de commettre un nouveau carnage sans même quitter son lit. Comprenons-nous bien : QUELQUE CHOSE DANS LA CHAMBRE 217 DU SERVICE DES TRAUMATISMES CÉRÉBRAUX DE LA CLINIQUE RÉGIONALE VIENT DE SE RÉVEILLER…QUELQUE CHOSE DE MALÉFIQUE…

AVANT-PROPOS :

TÉLÉKINÉSIE : D’après le dictionnaire de l’internaute.com, la télékinésie est une faculté paranormale de déplacer un objet par la seule pensée. Wikipédia parle de psychokinèse ou psychokinésie présentée comme une hypothétique faculté métapsychique d’agir directement sur la matière, par l’esprit.

SUBLIMINAL : Une perception subliminale est une perception qui se situe en dessous du seuil de la conscience. Un message subliminal peut ainsi être transmis à une personne sans que celle-ci en ait conscience. Dans le sens strict du terme la perception subliminale est limitée au stimulus trop faible ou trop rapide pour être traité consciemment.

UN LÉGUME QUI TUE
*«Une voiture. Elle est passée sur la foule
comme une tondeuse à gazon. Le putain
de taré m’a manqué de peu. Je sais pas
combien il en a fauché…»*

En matière de lecture, j’ai plutôt tendance à élargir mes horizons avec de nouveaux auteurs, des styles différents. Il m’arrive toutefois régulièrement de revenir à mes auteurs fétiches et parmi ceux-ci : Stephen King. Mon choix s’est porté sur un titre récent : FIN DE RONDE qui vient compléter la trilogie après Mr MERCEDES et CARNETS NOIRS et qui vient fermer le cycle BILL HODGES, INSPECTEUR À LA RETRAITE.

Voyons voir d’abord le contenu. Ceux qui ont lu la trilogie se rappelleront que Brady Hartsfield, ce fou dégénéré a hérité d’une chaussette pleine de billes d’acier que Holly lui a porté en plein sur le crâne avec un maximum de force. Résultat, Brady se retrouve à l’hôpital à l’état de légume.

Tout le monde le croit fini, mais non, il se réveille le gentil monsieur avec la même idée encore plus folle qu’avant : pousser des jeunes au suicide. Il se découvre un don pour la télékinésie et un autre don, autrement plus dangereux, celui de faire migrer son esprit dans un autre corps afin d’en prendre le contrôle. Brady a beau jeu de provoquer de nombreux suicides en utilisant l’hypnose par le biais d’un jeu électronique appelé Fishin’Hole.

J’ai été un peu déçu du fait que King a versé plus dans l’intrigue policière avec une trame très complexe, pénible par moment. L’ensemble est plutôt lourd et manque de fluidité. Il y a une grande quantité de personnages et le fil conducteur souffre de précarité. Le lien entre Brady, le jeu vidéo et le joueur potentiellement suicidaire n’est pas établi clairement. Il y a des longueurs et il est facile de se perdre dans ce pavé de 500 pages.

Le livre comporte toutefois beaucoup de forces dont une des principales caractéristiques de Stephen King, celle de travailler ses personnages, de les approfondir, de leur attribuer des défauts, des qualités, un passé, une mentalité. King tend à rendre ses personnages réels avec un maximum de sincérité en particulier pour Bill Hodges dont l’état de santé a le don d’inquiéter le lecteur.

Autre force importante liée au talent de Stephen King, c’est le brassage d’émotions qui caractérise ses ouvrages. FIN DE RONDE n’échappe pas à la règle : il y a Brady dont on voudrait tordre le cou et qui échappe continuellement aux limiers, Hodges dont la santé est plus que précaire. Je n’ai pas ressenti la peur comme je la ressens habituellement dans la bibliographie de King mais il a réussi à me faire passer par une gamme d’émotions.

Je dois ajouter à tout ça, que, outre une finale digne d’un des esprits les plus imaginatifs de la littérature, FIN DE RONDE n’est pas sans nous faire réfléchir sur le caractère addictif des jeux vidéo et sur les réseaux sociaux qui à mon avis échappent à tout contrôle comme internet d’une certaine façon. Il y a aussi matière à réflexion sur le suicide : 800 000 personnes meurent chaque année par suicide dans le monde.

Une statistique frappante dit que trois québécois s’enlèvent la vie chaque jour. C’est énorme. Le suicide n’est pas inné. Comme dans FIN DE RONDE, il est provoqué. Enfin, je veux préciser que les messages subliminaux existent. L’utilisation de cette technique a été criminalisée dans plusieurs pays.

Il est vrai que cette fois, King a versé davantage dans l’intrigue policière mais il l’a fait avec finesse et intelligence même s’il est parfois un peu difficile à suivre et bien sûr il a ajouté les ingrédients qui font que King demeure King : le mystère, le pouvoir psychique et le caractère authentique de ses personnages.

Pour toutes ces raisons, et je ne tiens pas compte du destin réservé à Bill Hodges et Brady Hartsfield, je recommande sans hésiter FIN DE RONDE…on ne pouvait trouver meilleur titre.

Suggestion de lecture : QUE S’EST-IL VRAIMENT PASSÉ, collectif

Pour tout savoir sur Stephen King, biographie, bibliographie, filmographie et les actualités entourant l’auteur, je vous invite à visiter le CLUB STEPHEN KING.

Je vous invite à lire les commentaires que j’ai écrit sur LA TOUR SOMBRE et 22/11/63, deux œuvres majeures de Stephen King.


BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 30 novembre 2019

Faire des sciences avec Star Wars, ROLAND LEHOUCQ

*…Aussi nous sommes-nous posé la question
suivante : dans Star Wars, est-il possible de
faire la part de la science et de la fiction,
celle du rêve et de la réalité?*
(Extrait : FAIRE DES SCIENCES AVEC STAR WARS,
Roland Lehouck, ouvrage publié en 2005, remanié
et complété en 2015, Éditions LE BÉLIAL pour
l’édition numérique.)

Roland Lehoucq, astrophysicien et président des Utopiales, le festival international de science-fiction de Nantes décortique les dernières productions d’Hollywood pour démêler le vrai du faux, le crédible de l’incongru, la science de la pseudo-science. Et lorsqu’il a fallu s’attaquer à Star Wars, il y avait de quoi faire un livre entier.  FAIRE DES SCIENCES AVEC STAR WARS a été réédité 10 ans après. On pourra enfin savoir si la Force existe vraiment, comment est fait le sabre laser, peut-on détruire une planète entière en pesant sur des boutons comme ça s’est fait avec l’étoile noire. Beaucoup d’autres questions sont passées en revue…

LA TECHNOLOGIE DE LA FORCE
*Pour le plus grand bien de nos neurones,
nous allons donc nous livrer à une petite
analyse scientifique de Star Wars… «Que
la force soit avec vous!» vous risquez d’en
avoir besoin…*
(Extrait : FAIRE DES SCIENCES AVEC STAR WARS)

Nombreux sont les cinéphiles qui ont envahi les salles *obscures* pour venir chercher du rêve, de l’impossible, du spectaculaire et du grand déploiement dans une galaxie très très lointaine. C’est en tout cas le sentiment que j’ai personnellement quand je vais voir un film de science-fiction ayant le panache de Star Wars. Je viens dire à monsieur Lucas : «Surprenez-moi…montrez-moi de l’énorme…du gigantesque…de l’impossible…»

Impossible ? Vraiment ? Le professeur Roland Lehoucq a profité de cette réactualisation de la saga Star Wars pour publier une édition revampée et enrichie du livre qu’il a publié en 2005 : FAIRE DES SCIENCES AVEC STAR WARS. Dans ce livre, Lehoucq décortique la science déployée dans les deux trilogies de STAR WARS et la compare avec ce que la science actuelle peut faire.

Il sépare le possible de l’impossible, le rêve de la réalité…il sépare la science de la fiction et c’est surprenant ce qu’on peut arriver à faire sous certaines conditions. Toutefois, à ce stade de nos connaissances, le jeu n’en vaut peut-être pas la chandelle.

Quoiqu’il en soit, l’auteur isole les principaux grands thèmes, les explique scientifiquement, voit s’ils sont applicables maintenant ou explique ce qu’il manque pour qu’ils soient applicables. Ces thèmes sont La Force, le sabre laser, l’étoile de la mort, les vaisseaux et leur mode de déplacement et enfin, les planètes.


Pour ce que j’ai compris de la démarche de l’auteur, c’est qu’il utilise son expérience d’astrophysicien et sa science de la physique pour enquêter et tenter de répondre à des questions qu’on pourrait se poser comme par exemple : est-ce possible de fabriquer un sabre-laser? Et c’est quoi la Force? Est-ce que les Jedis commandent aux forces de l’univers au point de sortir un vaisseau spatial embourbé dans un lac et d’aller le stationner tranquillement bien au sec juste par la force de sa pensée?

Les thèmes développés et leurs liens avec l’une des séries les plus rentables de l’industrie cinématographique font de FAIRE DES SCIENCES AVEC STAR WARS un petit livre original. Il n’a qu’une centaine de pages ou presque, mais c’est un concentré de science relativement accessible.

Je dois dire que Roland Lehoucq a vraiment fait un très bel effort pour vulgariser ses propos scientifiques. Malgré cet effort, j’admets ne pas avoir tout compris. Je survolais et je plongeais quand un thème en particulier m’intriguait.

En général, les lecteurs et lectrices ne doivent pas s’attendre à tout saisir spécialement quand l’auteur verse dans des sujets scientifiques plutôt pointus comme la physique quantique, l’énergie ou les trous noirs, la théorie de Newton. Lehoucq savait tout cela et il a écrit son ouvrage en conséquence en y ajoutant de l’humour, ce que j’ai beaucoup apprécié et des exemples sélectionnés avec soin.

J’ai bien aimé ce livre en particulier parce que l’auteur sait que les cinéphiles voient en Star Wars un spectacle cinématographique avec les surprenantes prouesses du *gars des vues*. Jamais l’auteur n’a tenté de discréditer la magie de la pellicule. Il a simplement voulu démystifier les grands déploiements technologiques de la saga. Il ne m’a pas déçu.

Je n’hésite donc pas à recommander FAIRE DES SCIENCES AVEC STAR WARS, un titre qui va comme un gant à ce petit volume et qui pourrait bien vous donner le goût de revoir la saga avec un œil différent. Je rappelle que cette édition a été revue, augmentée, et le plus beau de l’affaire, elle est gratuite en format numérique.

Suggestion  de lecture : CERVEAU CORPS HUMAIN, questions réponses, par Science et vie

Roland Lehoucq est un écrivain et astrophysicien français né en 1965. Au moment d’écrire ces lignes, Roland Lehoucq publie essentiellement des livres de vulgarisation scientifique.

Il est surtout connu pour son livre FAIRE DES SCIENCES AVEC STAR WARS mais Il a aussi développé d’autres grands thèmes dans ses livres de vulgarisation comme D’OÙ VIENNENT LES POUVOIRS DE SUPERMAN et LES EXTRATERRESTRES EXPLIQUÉS À MES ENFANTS. À chacune de ses démarches d’écriture, Roland Lehoucq se pose d’abord toujours la même question : EST-CE POSSIBLE ?

À LIRE AUSSI

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 24 novembre 2019

LE JEU DU MAÎTRE, livre de JAMES DASHNER

tome 2
La révolution

-J’ai préparé trois cercueils à votre intention,
déclara l’agent Weber…-
-Et maintenant, il est temps de vous connecter.
(Extrait : LE JEU DU MAÎTRE, tome 2, La Révolution,
James Dashner, éditions Pocket jeunesse, 2016,
édition de papier, 300 pages)

Voici le tome 2 de la série LE JEU DU MAÎTRE. Il raconte l’histoire de Michaël. Pour ceux et celles qui n’ont pas lu le premier tome, je résumerai en disant que Michaël est un jeune homme qui se passionne pour le VIRTNET : une plateforme de réalité virtuelle à cheval entre le jeu vidéo et le réseau social.

Une seule condition pour avoir accès au VIRTNET : plonger dans le sommeil, relié au serveur par des fils sensoriels. De cette façon, le cerveau de Michaël rejoint cet univers parallèle où il peut rencontrer entre autres ses amis hackers. Mais une série de suicides vient troubler le jeu et ses participants. Un saboteur met en danger l’univers virtuel. Il se pourrait que le danger soit bien réel.

Ainsi, Michaël et ses amis doivent affronter Kaine, un cyber-terroriste, une tangente, un programme informatique doué de sens et son caractère est belliqueux… Dans le tome 1 Michaël a survécu de justesse aux pièges de Kaine. Dans le tome 2, LA RÉVOLUTION , Kaine confirme son projet diabolique : coloniser tous les hommes en remplaçant leur esprit humain par un esprit virtuel. La prise de contrôle a commencé. À défaut d’éliminer Kaine, Michaël doit à tout prix ralentir cette machination infernale.

LES PIÈGES DE L’UNIVERS VIRTUEL
*-Arrête ça tout de suite! Tu m’entends ?
Michaël l’ignora et continua d’entrer
les chiffres… -Encore un seul geste et
je tire! Michaël tapa le dernier chiffre
du code quand il entendit un déclic.*
(Extrait : LE JEU DU MAÎTRE la révolution)

Cette fois-ci, James Dashner nous entraîne dans un monde futuriste, ultra-technologique et dans lequel la réalité chevauche le virtuel. Le monde virtuel est un énorme réseau appelé VIRTNET, accessible par le sommeil. Les habitants permanents du VIRTNET sont des tangentes, c’est-à-dire de simples logiciels. Le héros de l’histoire s’appelle Michael.

Michael était une tangente mais un jour, il a été téléchargé dans le cerveau d’un humain : Jackson Porter dont on est sans nouvelles depuis. Dans le récit, il y a une hypothèse selon laquelle Porter serait *sauvegardé* quelque part. Quant à Michaël, il est devenu un humain, son intelligence virtuelle a pris le corps de Jackson.

C’est l’œuvre de Kaine qui compte coloniser tous les hommes en remplaçant leur esprit humain par un esprit virtuel. Michaël et ses deux fidèles amis, Sarah et Bryson se sont donnés comme objectif de stopper Kaine et de le mettre hors d’état de nuire.

J’ai trouvé l’histoire originale. À certains égards, elle m’a rappelé TRON : le film de science-fiction des studios Disney réalisé en 1982 par Steven Lisberger et qui a eu une suite en 2010. Le roman du film a d’ailleurs été publié chez Hachette jeunesse en 2011. Ceux et celles qui ont vu le film se rappelleront que Flynn a été téléporté dans le jeu vidéo. Aujourd’hui on dirait plutôt *téléversé*.

L’histoire de Dashner va beaucoup plus loin, le récit est poussé au point que Michael et ses amis et, par la bande, le lecteur, ne sont pas toujours certains de savoir où ils sont : dans le réel ou le virtuel? *Il y a tellement de mondes…Le VirtNet est devenu une extension de la vie. Ce qui est ironique, quand on considère mon projet de donner un corps de chair et de sang au plus grand nombre de tangentes possibles…* (Extrait)

En lisant ce livre, j’ai reconnu la plume de Dashner qui m’a fait frémir il y a quelques temps avec L’ÉPREUVE. Plume nerveuse, fil conducteur fluide, rythme élevé voire haletant par moment. Pas de longueurs, pas de temps morts mais la concentration est requise : *Quand l’humanité devient capable de créer un monde si parfaitement semblable au nôtre, comment faire la différence entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas?*

Le talent descriptif de Dashner est remarquable. Je parle de cette capacité d’écrire pour créer l’image des mondes dans l’esprit du lecteur. On s’entend, LE JEU DU MAÎTRE est une fiction, le VirtNet dépasse toutes raisons mais la plume de Dashner pousse le lecteur et la lectrice à y croire.

Personnellement, je n’ai pas vu le temps passer et les pages défilaient vite. J’ajoute à cela que Dashner a créé des personnages très attachants à qui on a attribué un caractère trempé mais réaliste avec des défauts, des qualités. La façon dont ils évoluent dans leur aventure en dit long sur l’amitié, l’esprit d’équipe, l’entraide et l’abnégation. Des qualités auxquelles Dashner nous a habitué dans la série L’ÉPREUVE.

En terminant, LE JEU DU MAÎTRE n’est pas sans nous fournir une sérieuse matière à réflexion. La socialisation dans un monde virtuel implanté tel que décrit dans l’histoire dépasse l’entendement pour l’instant. À notre époque, la technologie évolue à une vitesse grand V. La réalité virtuelle peut-elle s’étendre jusqu’à confondre la réalité ?

Nos futurs enfants trouveront ils le virtuel plus attirant, plus excitant. Ça pourrait donner lieu à un intéressant débat sur l’éthique. Ça donne aussi à réfléchir sur une tare de la Société avec laquelle on compose plutôt mal pour le moment : Le cyber terrorisme.

Toujours est-il qu’en attendant, la finale de LA RÉVOLUTION ouvre la voie évidente à une suite. J’ai très hâte de voir. Entre-temps, je vous invite à lire les deux premiers tomes de cette grande aventure.

Suggestion de lecture : IL NE FAUT PAS PARLER DANS L’ASCENSEUR, de Martin Michaud

James Dashner est un auteur américain né en 1972. Après avoir écrit des histoires inspirées du SEIGNEUR DES ANNEAUX, il a suivi des études de finances, mais très vite, il est revenu à sa passion de l’écriture. Aujourd’hui, il continue d’inventer des histoires inspirées de ses livres et films préférés. Sa dernière trilogie L’ÉPREUVE connait un immense succès aux États-Unis …tellement qu’après la trilogie Dashner a écrit un nouveau tome pour éclaircir les derniers mystères du labyrinthe.

DU MÊME AUTEUR, ÉGALEMENT COMMENTÉ SUR CE SITE :

Bonne lecture

Claude Lambert

le samedi 23 novembre 2019

Les enfants de minuit, de SALMAN RUSHDIE

*Comprenez ce que je dis : pendant la première heure du 15 août 1947-entre minuit et une heure du matin- pas moins de mille et un enfants sont nés à l’intérieur des frontières de l’État souverain et nouveau-né de l’Inde. En soi, ce n’est pas un phénomène extraordinaire…

Ce qui rendait l’évènement remarquable, c’était la nature de ces enfants, chacun d’eux étant, à cause de quelque caprice de la biologie, de quelque pouvoir surnaturel du moment…dotés de traits, de talents ou de facultés qui ne peuvent être qualifiés que miraculeux…* (Extrait : LES ENFANTS DE MINUIT, Salman Rushdie, 1983, réed. 1987, Éditions Stock pour la traduction française, édition de papier, format poche, 675 pages)

Le roman débute avec la naissance simultanée, le 15 août 1947, de l’Inde indépendante et de Saleem Sinai, avec 999 autres de ses semblables, les « Enfants de minuit » nés la nuit de l’indépendance, dotés de propriétés magiques, notamment le don de télépathie. Mais son appendice nasal, qui n’est pas sans rappeler la trompe du dieu Ganesh, lui vaut railleries et persécutions. Ses parents, en l’opérant des amygdales, lui ôtent une partie de ses pouvoirs occultes. Enchaîné au destin national pour le meilleur et surtout pour le pire, Saleem fait l’expérience des divisions indiennes, entamées dès la partition du Pakistan en 1971.

MILLE ET UN PHÉNOMÈNES
*Indira c’est l’Inde et l’Inde c’est Indira… mais
n’avait-elle pas pu lire une lettre de son père
à un enfant de minuit, dans laquelle sa
Personnalité transformée en slogan était niée;
(Extrait : LES ENFANTS DE MINUIT)

Il est difficile de résumer et de commenter un tel livre. C’est une histoire originale, étrange. Bien sûr, les enfants nés à proximité de minuit le 15 aout 1947 sont dotés de pouvoirs extraordinaires. Mais ces pouvoirs sont secondaires dans l’histoire, je ne vais donc pas m’étendre là-dessus.

Toutefois, pour vous donner un exemple, un de ces enfants peut changer de sexe à sa convenance, et notre héros narrateur lui, Saleem Sinai a le pouvoir de pénétrer, sonder et influencer les esprits. Plus l’enfant est né près de minuit, plus le pouvoir est fort. Minuit sonnante dans le cas de Saleem.

Même si ce n’est pas l’objet du livre, ces pouvoirs font peur et ébranlent l’Inde. Ce qu’il faut surtout savoir, c’est que Saleem Sinai, doté d’un nez surdimensionné, appelé successivement dans l’histoire Morve-au-nez, Bouille-sale, Renifleux, Bouddha et Quartier-de-lune sera intimement lié au destin de l’Inde. La naissance vient avec l’indépendance de l’Inde, la mort viendra avec l’État d’urgence dans une Inde qui se cherche, l’Inde de Gandhi.

Le livre raconte donc l’histoire de Saleem Sinai dont le destin bascule dès la naissance, la nourrice Mary Pereira ayant eu la bizarre idée de changer les étiquettes de bébés…donc je disais l’histoire de Morve-au-nez…la vie ayant un certain sens de l’humour, beaucoup plus tard, le fils de Saleem aura des oreilles d’éléphant.

C’est une histoire très longue, très dense. Le récit est lourd, parfois indigeste à cause de la plume de Rushdie, riche d’abondance et multidirectionnelle. On y trouve une grande quantité de personnages, assez pour s’y perdre. Les phrases sont extrêmement longues. Il faut s’accrocher, parfois désespérément au personnage principal et encore là, il faut se rappeler que celui-ci ne porte pas toujours le même nom à cause de son nez *concombresque* (extrait). C’est mêlant.

Toutefois, malgré ses allures de fleuve littéraire interminable et qui s’écoule lentement j’ai senti dans cette lecture un certain humour. Vous ne serez pas surpris de trouver dans ce livre-chronique de nombreuses métaphores, allusions, ellipses…des petits *soit-dit-en-passant* aux remarques acerbes…tout tend à démontrer le caractère allégorique du récit…

L’environnement étant parfois plus important que le personnage principal, le récit s’attache quand même à Saleem depuis son enfance dans une famille qui n’était pas la sienne, en passant par la chaleur de l’adolescence et jusqu’à l’âge adulte :

*Tous les saleem sortent de moi depuis le bébé grand format première page instantanée jusqu’au garçon de dix-huit ans avec son amour dégoûtant et cochon, sortent honte de moi et culpabilité, volonté-de-plaire et besoin-d’être-aimé et désir-de-trouver-un-rôle-dans-l’histoire et croissance-trop-rapide, je suis libéré de morve-au-nez…* (extrait)

En ce qui me concerne, le principal intérêt du livre, et il est loin d’être négligeable, c’est que Saleem Sinai est contemporain d’une Inde dont il présente une image peu flatteuse… contemporain de la création du Pakistan (1947), de la guerre de libération du Bangladesh (1971) la partition de l’Inde et du Cachemire, la partition du Bengale, contemporain de nombreuses guerres et chicanes de territoires…

C’est sans compter l’entrée de l’Inde dans l’ère nucléaire, œuvre d’un premier ministre qui a changé la face de l’Inde et pas nécessairement pour le mieux, Indira Gandhi et le caractère fictif de l’histoire veut que ce soit elle qui ait anéanti le congrès des enfants de minuit. : Saleem est aussi contemporain du Mahatma, pour un temps (Ghandi 1860-1948, année de la création de l’État d’Israël).

À travers ses enfants de minuit, Salman Rushdie touche et traverse des périodes sensibles de l’histoire. J’ai appris beaucoup de choses. J’ai développé des connaissances et par la bande, de l’empathie pour Saleem et pour l’Inde et aussi, ce petit quelque chose, ce non-dit qui pourrait être comme une empreinte autobiographique.

LES ENFANTS DE MINUIT est un livre complexe, très intense. Son rythme est modéré et un peu épars mais l’histoire et la philosophie qu’elles véhiculent m’ont accroché. Rushdie y a mis beaucoup de choses, sans oublier des touches particulières d’humour, de fantastique, de surnaturel et de raillerie. J’ai finalement une bonne opinion de ce livre.

Suggestion de lecture : MOMO DEUS, de Yuval Noah Arari

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C’est le 19 juin 1947, à Bombay (Inde) que Salman Rush­die voit le jour. A tout juste 14 ans, le jeune Salman quitte son pays natal pour aller s’instal­ler avec sa famille en Angle­terre. Très tôt, il se passionne pour la litté­ra­ture. C’est donc sans grande surprise que Salman Rush­die embrasse une carrière d’écri­vain.

Son premier roman (un conte de science-fiction) Grimus, en 1975, est méprisé par les critiques litté­raires de l’époque. Qu’à cela ne tienne, Salman Rush­die ne se décou­rage pas pour autant et continu dans sa lancée : De La Honte (1983), à L’Enchan­te­resse De Florence (2008) en passant par Les Versets Sata­niques (1989) (Voir plus bas), avec ses ouvrages, le gamin de Bombay est devenu un symbole de la lutte pour la liberté d‘expres­sion dans le monde entier (Source : Gala.fr)

LES VERSETS SATANIQUES est le quatrième roman de Salman Rushdie. Il a été publié en 1988 et la même année, il reçoit le prix littéraire Whitbread. L’œuvre est encensée les premiers mois, mais rapidement, des campagnes visant à interdire l’ouvrage se développent, d’abord en Inde puis en Afrique du sud, et l’effet d’entraînement aidant, le Pakistan, l’Arabie Saoudite et plusieurs autres pays.

Enfin, le 14 février 1989, l’ayatollah Khomeini publie une Fatwa, c’est-à-dire une condamnation à mort contre Rushdie qui devra vivre dans la clandestinité pratiquement pour le reste de sa vie. En effet, le livre est jugé injurieux, la description de l’Islam et de Mahomet étant jugée irrévérencieuse.

Le 14 février 1989, l’ayatollah Khomeini publie une fatwa de mort contre lui en mettant en cause son œuvre et force l’auteur à entrer dans la clandestinité. Je veux rappeler ici que les versets sataniques existent vraiment dans le Coran, versets 19 à 23 de la Sourate 53. Pour en savoir plus là-dessus, cliquez sur ce lien. Pour une lecture du quatrième de couverture, cliquez ici.

BONNE LECTURE
Claude Lambert

Le dimanche 17 novembre 2019

H+ : Tome 1 TRANSMUTATION, de CÉLIA IBANEZ

*Moi je fais partie des H N A : les humains non améliorés, de la région la plus sinistre d’Allantys. Des bouges incapables de <Googleiser> une information à partir de leur cerveau…des sombres crétins tolérés par le gouvernement sans avenir…* (Extrait : H+ , tome 1, TRANSMUTATION, Célia Ibanez, À l’origine, éditeur Green Light, 2017, version audio : Audio livre-14, narration : Emmanuelle Lemée, 2018 duré d’écoute : 7h5m , captation : Audible)

Vénus est une H.N.A. – humaine non-améliorée – qui rêve de quitter sa banlieue défavorisée pour vivre à Solon, la capitale d’Allantys, à la pointe de la modernité. Mais comment trouver un emploi et envisager l’avenir sans moteur de recherche greffé dans le cerveau et sans puce d’identification ? Comment devenir riche et célèbre quand on est née en marge du système ? Quand elle apprend qu’elle est la grande gagnante d’un concours national sur plus de vingt mille candidats, son rêve prend forme : en acceptant les termes du contrat, elle aura la chance de devenir un humain de huitième génération. Mais ira-t-elle au bout des conditions ?

AU-DELÀ DE LA TRANS HUMANITÉ
*C’est vraiment la chose la plus bizarre que j’ai jamais
vue. À Solhan, la mode est aux B M V…les bijoux
mutants vivants. Ils sont créés en laboratoire, dressés
pour nous servir…je croyais que c’était une légende
urbaine…*
(Extrait)

L’histoire se déroule dans une société futuriste à caractère dystopique sur une planète fortement abimée par une absence totale de conscience environnementale. Le prolétariat, le petit peuple est composé de HNA, c’est-à-dire les humains non améliorés.

Selon sa position, ses moyens, ses relations, sa chance et autres facteurs, un HNA peut atteindre des grades supérieurs allant de HA1 à HA8. Le HA8 est presque complètement bionique, immortel, pas besoin de dormir, accès illimité à Internet par le cerveau et j’en passe. C’est le summum du transhumanisme…le rêve ultime.

TRANSMUTATION raconte l’histoire de Vénus Myr Garcia, une jeune femme issue du *boyau*, un quartier misérable de Sorgem. Un jour, Vénus reçoit une lettre du président Atlas qui lui confirme qu’elle a gagné le grand prix d’un concours national auquel ont participé pas moins de 20,000 personnes. Ce grand prix n’est rien de moins qu’une transformation en HA de huitième génération…le top…aux limites de la perfection.

Toutefois, le processus qui mène aux premières phases de la transformation est perturbé par *Les anges de la liberté*,  un groupe rebelle hostile à la trans humanité . Une chaîne d’évènements amène Vénus à faire la connaissance d’un ange illustre : Harry Dum Lunel, beau, sexy, charmant, magnétique… Vénus développe un sentiment tellement fort qu’elle aura à faire un choix entre réaliser son rêve ou devenir une icône de la révolution. 

C’est un livre fascinant. Une histoire originale qui plonge le lecteur dans les arcanes de la trans humanité, un processus à la fine pointe de la science et de la technologie qui amène l’homme et la femme à s’améliorer, devenir énergique, performant, endurant, cérébral. Le récit fait l’étalage de subtilités scientifiques, de technologies complexes et présente de façon détaillée la trans humanité avec ses tenants et aboutissants.

J’ai été fasciné à plusieurs égards : d’abord, l’idée même des stades de perfectionnement de l’être humain, l’univers même créé par Célia Ibanez qui a fait preuve d’une imagination presque sans limite avançant par exemple l’idée que le cerveau humain soit doté d’un moteur de recherche. Je frémis à l’idée d’avoir Google dans ma tête avec un forfait internet illimité. C’est une trouvaille.

L’auteure décrit avec un remarquable souci du détail Solon, la capitale d’Allantys dotée d’incroyables gadgets technologiques. Ibanez décrit aussi avec un luxe de détails tout le rituel social et le train de mondanités qui caractérisent chaque stade d’amélioration. Je vous laisse imaginer tout le <pourléchage>  qui entoure la transformation en H8.

C’est un livre qui nous amène de découverte en découverte, de trouvaille en trouvaille et qui aboutit sur un déchirement qui annonce un tome 2 fort intéressant. Vénus est attachante. La plume est fluide, légère et extrêmement généreuse, ce qui compense pour la narration d’Emmanuelle Lemée qui est plutôt hésitante avec tendance à s’enfarger sur les mots compliqués. Elle a une belle voix, mais sa prononciation a tout juste la note de passage.

Donc Vénus est sur le point de se laisser aller dans l’ultime processus d’hybridation. Ira-t-elle au bout? C’est ce que nous dira le tome 2. Entre temps, je vous recommande ce livre qui a été pour moi un excellent divertissement en plus d’être un puits de réflexion sur l’avenir de l’humanité et le futur de l’intégrité de l’homme.

Suggestion de lecture : LA FANTASTIQUE ODYSSÉE : Chérif Arbouz

Célia Ibanez est née en 1982 à Marseille. Elle est aujourd’hui conférencière dans le domaine de l’ésotérisme, et spécialisée dans l’étude des sociétés secrètes. Ses différents voyages l’ont amenée à consacrer une part croissante de son attention aux religions et traditions spirituelles, ainsi qu’aux évènements de l’actualité, qui constituent la principale source d’ inspiration du Cinquième Monde, sa première série de romans. Célia Ibanez accompagne des enfants ayant des troubles de comportement.

 

La narratrice française Emmanuelle Lemée : 120 livres audio en 8 ans.

LA SUITE :

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 16 novembre 2019