LA THÉORIE GAÏA, livre de MAXIME CHATTAM

Voici un livre qui ne plaira peut-être pas aux lecteurs impatients. Chattam nous immerge dans une intrigue des plus brumeuse dès la deuxième page, mais ne consent à développer son thème qu’après une centaine de pages. Et quand je dis intrigue brumeuse, je veux dire le genre d’intrigue qui ne nous retient pas lorsqu’on veut fermer le livre, le genre qui ne s’incruste pas dans notre mémoire quand on passe à autre chose.

L’histoire est celle de trois scientifiques, Emma, Peter et Ben, qui seront appelés à aider l’union européenne à enquêter sur une histoire de placements très douteux fait par une firme de tests pharmaceutiques. Emma sera envoyée sur une île de Polynésie française. Peter et Ben, respectivement le mari et le frère d’Emma, seront envoyés dans les Pyrénées. C’est à cet endroit que l’intrigue s’épaissira encore plus. Certains indices nous laissent supposer que des catastrophes météorologiques se préparent, d’autres simplement que la folie des hommes les mènera à leur perte… Encore là, on ne peut que le supposer. Rien de passionnant, rien d’accrocheur.

Jusqu’à ce que…

Jusqu’à ce qu’on en revienne sur l’île tropicale, où Emma débarque avec Tim, son «conducteur». Mais où est le comité d’accueil qui devait les recevoir? Où sont les habitants du petit village bordant la côte? Alors qu’ils crient à la recherche de signes de vie, ils feront des découvertes terrifiantes qui les convaincront  rapidement qu’il serait préférable de ne pas se faire remarquer.

Là j’ai commencé à être nerveux, alerte. J’ai commencé à avoir peur, et m’imaginer être avec eux sur l’île. Une fois même, cette idée m’a suivi jusque dans mes rêves. Et alors que la peur est constante sur l’île, aux Pyrénées monte une tension générale tandis que Ben et Peter font des découvertes inquiétantes sur les activités réelles de l’entreprise testant soi-disant les produits pharmaceutiques.

De façon générale, j’ai aimé ce livre, mais je le trouve quelque peu mal ficelé. L’auteur semble vouloir exploiter plusieurs idées, mais ne parvient pas à en faire un bon alliage. Par contre, les scènes sur l’île suffisent à me faire pencher vers une note positive. Avant de lire La théorie Gaïa, je pensais avoir à faire à un thriller écologique, mais il n’en est rien. Si je devais absolument donner qu’un seul thème à ce livre, je dirais que c’est l’origine et le statut de la violence de l’homme. 

A ce propos, j’ai mis en complément un extrait qui m’a particulièrement intéressé.

Suggestion de lecture : ARCHE de Stephen Baxter

Phenixgoglu
Décembre 2012

Extrait du livre La théorie Gaia

À en croire ses notes, il était fasciné par les tueurs en série dont il avait catégorisé les comportements violents en se basant sur quatre schémas mythologico-historiques. Ces tueurs pouvaient être soit loups-garous, soit vampires, soit démons, soit Frankenstein.

Le premier [document] concernait les meurtriers qui devenaient des bêtes au moment de passer à l’acte, abandonnant toute humanité, et se comportaient comme des loups-garous, humains le jour, bestiaux la nuit, capables de massacrer avec une férocité incroyable et une totale absence de calcul.

Les seconds, les vampires, étaient au contraire très méthodiques, cherchant à jouir pleinement de leur acte et à prolonger ce plaisir, notamment en utilisant charnellement leur victime. Ils se nourrissaient de l’autre.

Les troisièmes, les démons, pouvaient également s’apparenter à un comportement de Docteur Jekyll et Mister Hyde, puisqu’il s’agissait de meurtriers ayant une dualité de personnalités. Une façade protectrice contre la société, et une autre de brute sanguinaire.

A la différence du loup-garou, le démon, une fois à visage découvert, ne se comportait pas comme une bête, il pouvait tout à fait se montrer machiavélique, sadique, jouer avec l’autre, prendre son temps dans la destruction là où le loup-garou n’était qu’une bête sauvage massacrant sa victime purement et simplement. La séparation entre le tueur et l’homme civilisé était très marquée, et la part d’ombre parfois refoulée.

Pour finir, le Frankenstein se caractérisait par une fascination pour les corps morts, l’acte de tuer n’étant qu’un moyen nécessaire mais non jouissif pour obtenir la vraie satisfaction : le cadavre devenait fascinant là où la victime vivante n’avait aucun effet sur le meurtrier. De ces quatre catégories, deux étaient permanentes : le vampire et le Frankenstein, les deux autres étant épisodiques.

Il était précisé que pour classer les individus, leurs motivations, du moins celles qu’ils prétextaient, importaient peu ; ce qui les définissait comme appartenant à l’un ou l’autre de ces archétypes devait se lire dans leurs actes. Le meurtre étant toujours la réponse d’une personnalité à une situation, il y avait systématiquement dans les faits la signature de cette personnalité.

L’exposé se poursuivait sur une note de psychiatrie précisant que les tueurs dits « loups-garous » avaient tout des psychotiques tandis que les tueurs en série psychopathes correspondaient aux « démons » et « Frankenstein », enfin les sociopathes les plus intelligents se classaient en général du côté des « vampires ».

L’étude d’une scène de crime pouvait parfois permettre la classification du meurtrier. Scène chaotique, traces omniprésentes, massacre sans contrôle apparent pouvaient induire un loup-garou, donc un individu mentalement perturbé, ayant du mal à cacher son instabilité, voire une personne déjà suivie psychologiquement.

Une scène démontrant que l’assassin avait exécuté rapidement sa victime pour « s’amuser » avec le cadavre, démembrement, viol dans les plaies… renvoyait au Frankenstein, plutôt un homme renfermé, asocial et timide. La scène de crime ordonnée, suivant un processus établi, avec souvent torture, viol, manipulation psychologique, témoignait d’une personnalité dite « démon » ou « vampire ». Scène avec traces d’hésitations, de tentatives multiples avant la mise à mort (s’il ne s’agissait tout simplement pas du premier crime) pouvait désigner le démon, ses deux personnalités luttant l’une contre l’autre. De même que des éléments induisant du remords, de la honte (couvrir le visage de la victime pour ne pas affronter son regard par exemple), pointaient vers le démon.

C’était en général un homme au-dessus de tout soupçon mais ayant un comportement parfois étrange, noyant sa part sombre dans un excès ou en faisant beaucoup pour se cacher de peur d’être démasqué. Individu souvent très social, presque trop, adepte des apparences. A l’inverse, le vampire, une fois sa routine du crime instaurée, n’a pas de doute, de remords. Il tue et prépare ses crimes, n’exagère pas dans sa vie, préfère tenir ses distances avec les autres, sans non plus vivre reclus. Il cherche à être le plus banal possible.

Peter s’étonna de découvrir ce petit guide de l’analyse criminelle dans les dossiers d’un scientifique et ne voyait pas où cela le menait. Au fil des pages, Estevenard renvoyait vers des études précises que Peter trouva dans la bibliothèque mitoyenne.

Il s’agissait d’ouvrages historiques relatant différents crimes mais également des livres de contes. On y parlait de vampires, de lycanthropes, de chasseurs de cadavres, et ces études tentaient de démontrer que derrière des mythes de monstres se cachaient les actes de pervers monstrueux qui n’avaient rien de fantastique. A en croire ces études, les monstres existaient bien, mais pas ceux que l’on croyait. Le monstre était parmi les hommes. En l’homme.

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