Commentaire sur le livre de
JERÔME BELLAY
*Seule dans ce long tube à bestiaux pour vaches sacrées
du monde des faux-semblants, elle avait la sensation
coupable de se trouver abandonnée, comme une
courtisanne en fuite, dans le silence poisseux d’une nuit
de débauche et d’ennui. Non, cette vie-là n’était
décidément pas faite pour elle. *
(Extrait : ENTRE LES LIGNES OU LE JOURNALISTE ASSASSINÉ,
Jérôme Bellay, Édition Cherche Midi, collection Documents, 2012,
édition numérique, 260 pages)
Vincent Delorme est un grand reporter à la télévision : un baroudeur qui a couvert les grands événements de la planète. Alors qu’il dédicace son dernier livre, il est assassiné d’un coup de revolver. Le tueur s’enfuit en laissant son arme. Pas d’autres indices. L’opinion, les milieux politiques et professionnels sont en émoi, car c’est un journaliste vedette qui vient d’être froidement abattu. L’enquête piétine… jusqu’au moment où l’une de ses consœurs, présentatrice du 20 heures, imagine que c’est dans le livre qu’il dédicaçait que se tient la clef de l’énigme. Ou plutôt entre les lignes de cet ouvrage.
Journalisme en coulisse
Il n’y avait pas pire capharnaüm que la rédaction la nuit.
Elle semblait vitrifiée par une bombe è neutrons qui
aurait détruit les hommes en épargnant les murs. Vidée,
tout restait en l’état, pêle-mêle sur les bureaux, dans un
désordre indigne.
À croire que les journalistes étaient à
ce point hantés par l’inexorable marche de l’actualité
qu’ils cherchaient à reprendre le temps, chaque matin,
là où il s’était suspendu pour eux, la veille au soir. (Extrait)
Voyons d’abord le tableau. Vincent Delorme est un grand reporter de la télé. C’est aussi un écrivain. Alors qu’il dédicace son dernier livre : LE SEIGNEUR DES DOS-PELÉS, il est assassiné d’une balle dans la tête, à bout portant. L’assassin jette le revolver et s’enfuit. C’est tout ce qu’on sait. Pas d’indice, pas de piste, pas d’indication.
Même si les hautes autorités prennent très au sérieux l’assassinat d’un journaliste d’aussi haute notoriété, les policiers sont dépassés. Leur rôle dans cette histoire demeurera d’ailleurs plutôt insignifiant.
Or une journaliste, consœur de Delorme, présentatrice vedette de la télé, Marie-Ange Fournier développe la conviction que la solution de l’énigme se trouve dans le livre de Delorme. Le titre a d’abord attiré son attention : LE SEIGNEUR DES DOS-PELÉS. Il faut savoir que les dos-pelés, aux fins de l’intrigue sont ces vautours charognards qui se nourrissent de cadavres ou qui tournent autour d’une personne ou d’un animal sur le point de mourir.
Marie-Ange y voit un indice, songeant que Delorme était un journaliste de terrain spécialisé dans le reportage international et envoyé aux quatre coins du monde. Peut-être Delorme s’est-il frotté à une organisation qui n’a pas l’habitude de pardonner l’indiscrétion ou peut-être était-il impliqué dans une affaire louche. Peut-être en savait-il trop…
Intriguée par certains passages du récit, Marie Ange part en chasse et se lance dans une enquête extrêmement complexe qui dévoilera entre autres un côté obscur et peu flatteur du journalisme. Si je me réfère à la définition des dos-pelés et à cette citation, ce ne sont pas les vautours qui manquent dans le monde.
Ainsi, Marie-Ange Fournier ira de surprise en surprise, tentant de faire éclater une vérité qui pourrait lui coûter très cher.
C’est un livre que j’ai trouvé difficile à lire parce que son développement va dans tous les sens. Le fil conducteur est instable. On sait que Marie-Ange enquête. Lorsque je tombais sur un passage qui avait pour effet de me faire adhérer au récit, subitement, un virage m’amenait dans une autre direction. Pas facile à suivre.
Il y a toutefois un point intéressant qui peut retenir l’attention du lecteur, mais c’est en dents de scie : en effet, on découvre assez vite que Marie-Ange avait plus qu’un petit sentiment pour Vincent Delorme, elle en était carrément amoureuse. On connait donc la véritable motivation de Marie-Ange : faire éclater la vérité en souvenir de l’être aimé.
C’est un peu mince, mais j’ai pu m’accrocher, malgré de nombreux passages confus, à l’instinct de Marie-Ange. Le récit a également un petit fond politique bizarre et agaçant. Malgré une écriture un peu dérapante, il y a tout de même une intrigue intéressante.
L’idée générale de l’histoire est bonne mais elle est sous-développée et mal exprimée et ça comprend un français parfois douteux et l’utilisation d’anglicisme. La finale est abrupte et dramatique. Je l’ai trouvé un peu décevante. On aurait dit que l’auteur en avait assez et s’est dépêché de finir. Un point positif en terminant : l’auteur dévoile le côté obscur du journalisme international. Ce que j’ai lu à ce sujet m’a semblé crédible.
Si vous vous accrochez fort à l’opiniâtreté de Marie-Ange et aux côtés cachés du journalisme, Il se pourrait que vous appréciiez ce livre. Sinon…
Suggestion de lecture : LA JEUNE FILLE ET LA NUIT, de Guillaume Musso
Figure majeure du journalisme audiovisuel français, Jérôme Bellay débute sa carrière dans la presse écrite en 1961, puis passe à la radio et à la télévision dont Antenne 2 à partir de 1972, où il occupe successivement les postes d’adjoint au chef du service politique et de rédacteur en chef. Il passe par la suite à France Inter et concrétise en 1987 la création de France Info dédiée è l’information.
À travers toutes ces activités professionnelles, Jérôme Bellay publie quatre livres : LE SEIGNEUR DES DOS-PELÉS en 1979, LE CHERCHEUR D’OPALE en 1983, L’ULTIME SACRILÈGE en 2007, et ENTRE LES LIGNES OU LE JOURNALISTE ASSASSINÉ en 2008.
BONNE LECTURE
Claude Lambert
le samedi 24 juillet 2021