LA FILLE DU TRAIN

Commentaire sur le livre de
PAULA HAWKINS

*Nous sommes tous des voyeurs. Les gens qui prennent le train tous les jours pour se rendre au travail sont les mêmes partout dans le monde : chaque matin et chaque soir, nous sommes installés sur notre siège, à lire le journal ou écouter de la musique ; nous observons d’un œil absent les mêmes rues, les mêmes maisons et, de temps à autre, nous apercevons un éclair de la vie d’un inconnu. Alors, on se tord le cou pour mieux voir. *

(Extrait : LA FILLE DU TRAIN, de Paula Hawkins, Pocket, Sonatine éditeur, 2015, papier, 455 pages)

Entre la banlieue où elle habite et Londres, Rachel prend le train deux fois par jour : le 8 h 04 le matin, le 17 h 56 le soir. Chaque jour elle est assise à la même place et observe, lors d’un arrêt, une jolie maison en contrebas de la voie ferrée. Cette maison, elle la connaît par coeur, elle a même donné un nom à ses occupants, qu’elle voit derrière la vitre. Pour elle, ils sont Jason et Jess. Un couple qu’elle imagine heureux, comme Rachel et son mari ont pu l’être par le passé, avant qu’il la trompe, avant qu’il la quitte. Rien d’exceptionnel, non, juste un couple qui s’aime. Jusqu’à ce matin où Rachel voit Jess dans son jardin avec un autre homme que Jason.

Que se passe-t-il ? Jess tromperait-elle son mari ? Rachel, bouleversée de voir ainsi son couple modèle risquer de se désintégrer comme le sien, décide d’en savoir plus sur Jess et Jason. Quelques jours plus tard, c’est avec stupeur qu’elle découvre la photo de Jess à la une des journaux. La jeune femme, de son vrai nom Megan Hipwell, a mystérieusement disparu…

Un long fleuve agité
*temps normal, je simulerais la politesse, mais ce
matin, je me sens authentique, je me sens moi-
même, je suis exaltée, comme si j’étais défoncée,
et, même, si j’en avais envie, je serais incapable de
feindre la gentillesse. *
(Extrait)

C’est un polar psychologique glauque, triste et obsessif. La fille du train, c’est Rachel, une femme déchirée, alcoolique et dépressive. Elle prend le train quotidiennement. Pratique pour faire croire à sa colocataire qu’elle travaille et qu’elle paiera le loyer. Elle prend aussi le train pour faire déraper ses pensées et suivre un couple qu’elle s’est inventé, Jess et Jason, qu’elle croit voir par les fenêtres du train.

Elle imagine bientôt le couple s’enliser dans un cercle d’infidélité jusqu’à ce que Jess disparaisse de la circulation. Le mystère s’intensifie avec la disparition, réelle celle-là d’une jeune femme nommée Mégan.

Les trois femmes au cœur de cette histoire plutôt noire prennent la parole à tour de rôle. Une triple narration qui permet d’explorer en alternance le point de vue de chacune et la façon dont elles sont entraînées dans un cercle de violence et de mal-être. Il y a aussi des hommes dans cette histoire. Deux principalement : Scott et Tom, ce dernier est dépeint d’une façon peu engageante : <La vie entière de Tom était bâtie sur des mensonges, des malhonnêtetés et des semi-vérités censées le faire passer pour quelqu’un de supérieur, de plus fort et de plus intéressant qu’il ne l’était…>

Ce dernier extrait vient préciser l’atmosphère du récit, le non-dit caché entre les lignes qui prend le lecteur au cœur. C’est un récit très riche, un peu lourd, pas toujours facile à suivre mais qui se dévoile sur des chapeaux de roues dans le dernier quart du livre. Il faut être attentif pour bien saisir la vraie nature des personnages et l’enchaînement des rebondissements, exacerbé par la triple narration.

C’est un bon thriller, mais il est complexe et accuse des longueurs. C’est un récit noir dans lequel la seule réalité des personnages est la folie qui les guette. La plume est bien maîtrisée malgré une certaine dérive. On sait que Paula Hawkins veut nous entraîner quelque part, mais impossible d’imaginer la finale.

La nature convergente de la triple narration en alternance m’a plu et je me suis laissé entraîné par l’intensité du récit. Attendez-vous à explorer l’attitude de personnages complexes face à leurs démons. On est loin du genre <C’est beau la vie> . C’est une lecture qui laisse des marques.

Suggestion de lecture : DANS LA TOILE, de Vincent Hauuy

Paula Hawkins a vécu au Zimbabwe, en France et en Belgique et réside maintenant à Londres. Elle a été journaliste pendant quinze ans avant de se consacrer à la fiction. LA FILLE DU TRAIN, son premier roman a été vendu à 18 millions d’exemplaires dans le monde. Dreamworks en a acquis les droits d’adaptation cinématographique, et le film est sorti en 2016. Son deuxième roman, AU FOND DE L’EAU a paru en 2017 chez Sonatine.

De la même auteure

Bonne lecture
Claude Lambert

GHETTO X, Martin Michaud

Ayant démissionné des crimes majeurs, Victor Lessard accepte de donner ses impressions à son ancienne partenaire, Jacinthe Taillon, sur la scène du meurtre d’un journaliste d’enquête. En parallèle, son mentor, Ted Rutherford, lui fait une révélation troublante à propos du passé de son père, Henri Lessard. Pris pour cible dans un attentat, Victor doit bientôt disparaître pour assurer sa sécurité et celle de ses proches. Jacinthe le rejoint en catimini et, ensemble, ils remontent une piste jusqu’à un obscur groupe armé d’extrême droite, lequel semble avoir été dans la mire du journaliste assassiné.

Au péril de leur vie, ils tenteront de freiner les desseins meurtriers de ces extrémistes et ceux de l’homme mystérieux qu’ils protègent. Mais, pour Victor, un enjeu plus terrifiant se dessine : une descente au cœur de la faille qui a modifié la trajectoire de son existence afin de comprendre ce qui s’est réellement joué le jour du drame qui a causé la mort de sa mère et de ses frères.

Victor remet ça

Cette fois, Martin Michaud n’a pas réussi à me garder captif. J’ai trouvé la narration plutôt pauvre mais il y a autre chose. J’ai retrouvé le personnage fétiche de l’auteur, un Victor Lessard plutôt essoufflé, fade, distant et froid. Par contre, j’ai retrouvé le caractère bien trempé de Jacinthe Taillon, toujours bouillante et aussi directe qu’un coup de poing. C’est elle qui m’a gardé dans le coup.

Cette fois, Lessard a décidé de prendre du recul des Crimes Majeurs pour enquêter et essayer de comprendre la mort de sa mère, de ses frères, la disparition de son père. Assis sur une malédiction explosive, Lessard est en danger et pourtant il accepte d’aider Jacinthe Taillon à résoudre le mystère du meurtre d’un journaliste d’enquête.

Cette démarche périlleuse va entraîner nos enquêteurs dans les arcanes du terrorisme et de la radicalisation, en passant par l’espionnage et les activités d’un mystérieux et redoutable camp d’entraînement appelé GHETTO X.

C’est une histoire intéressante mais dont le fil conducteur a été sous-développé. Il y a de nombreux sauts dans le temps, des bonds en arrière et en avant. Difficile à suivre. En général les personnages manquent d’authenticité, sont plutôt abstraits et manque de profondeur. Martin Michaud ne m’a pas habitué à ça. L’évolution du récit est plutôt lente mais elle conserve quand même une certaine intensité.

Il y a de l’action mais peu de rebondissements. Le rythme n’est pas mauvais. La première moitié du récit traîne en longueur mais la seconde moitié devient plus captivante même si le découpage temporel m’a donné des sueurs. L’écriture est relativement épicée, gardant l’empreinte d’un langage québécois très relâché. Ça ne m’a pas déplu, loin de là.

Ce roman fait bande à part dans la bibliographie de Martin Michaud. L’histoire avérée s’imbrique dans la fiction. Sa trame est originale car elle développe un thème qui est en fait, une corde sensible de la Société, c’est-à-dire le phénomène montant de la radicalisation des jeunes. J’ai aussi appris des choses intéressantes sur la guerre froide et ses effets dans le monde. Le Québec n’a jamais vraiment échappé à ces influences et j’ai été sensible à l’argumentaire de l’auteur malgré le fait que la psychologie des personnages ne fait qu’effleurer la surface.

Comme j’ai plutôt été déçu de la narration, je recommande plutôt l’édition de papier. Quoiqu’il en soit, suivre cette histoire nécessite de la patience car les petites étincelles qui nous amènent à comprendre les motivations des radicalisés sont plutôt éparses et centralisées dans la deuxième moitié. Le camp appelé GHETTO X est une bonne idée. Il consacre le caractère intrigant du récit. Cet élément, combiné au caractère explosif de Jacinthe Taillon, attachante malgré tout, furent pour moi des incitatifs à aller jusqu’au bout. Ce n’est pas le meilleur de Martin Michaud, mais ça se laisse lire.

Suggestion de lecture : SIX MINUTES, de Chrystine Brouillet


Affiche de la télésérie VICTOR LESSARD, série
dont est extraite la musique du livre audio.


l’auteur Martin Michaud

Pour en savoir plus sur Martin Michaud ou pour le suivre, cliquez ici. Suivez les liens pour lire les commentaires que j’ai publiés sur ce site concernant VIOLENCE À L’ORIGINE, SOUS LA SURFACE, et LA CHORALE DU DIABLE

BONNE LECTURE
BONNE ÉCOUTE
CLAUDE LAMBERT
le samedi 8 juin 2024

POPULATION : 48

Commentaire sur le livre
d’ADAM STERNBERGH

version audio

*L’existence de cette ville – notre survie – repose sur des principes partagés, des intérêts et une confiance mutuelle, comme dans n’importe quelle autre communauté. Sauf que dans cette communauté, quand ces principes ne sont pas respectés, les gens souffrent et meurent. * (Extrait de POPULATION : 48  d’Adam Sternbergh, version audio, Audible studios éditeur, 2019, durée d’écoute : 11 heures 11 minutes. Narrateur : Erwan Zamor

Caesura Texas – une minuscule bourgade clôturée, au fin fond du désert. Population ? 48 habitants. Des criminels, a priori. Ou des témoins. Comment savoir ? Tous ces gens ont changé d’identité, et leur mémoire a été effacée. Pour leur bien. Dans l’optique d’un nouveau départ.

En échange de l’amnistie, les résidents doivent accepter trois règles simples : aucun contact avec l’extérieur, aucun visiteur, et aucun retour possible en cas de départ. Une expérience unique, menée par un mystérieux institut. Pendant huit ans, tout ce petit monde est resté à peu près en place. Jusqu’à aujourd’hui.

Errol Colfax, en effet, s’est suicidé… avec une arme qu’il n’aurait jamais dû posséder. Puis Hubert Humphrey Gable est assassiné. Calvin Cooper, le shérif local, est contraint de mener l’enquête. Ce faisant, il risque de déterrer des secrets que l’essentiel des habitants auraient préféré voir rester enfouis. 

Chaos en vase clos

Cette histoire est une variation d’un thème déjà connu : une mystérieuse institution dirigée par une psychiatre du type *savant fou* et bénéficiant d’un obscur financement, crée une petite agglomération où on entasse les pires criminels : meurtriers, tueurs en série, psychopathes violents, pédophiles et violeurs d’enfants, bref, une variété de monstres à qui on a enlevé la mémoire. 48 cervelles qui n’ont aucune idée des horreurs inimaginables qu’ils ont pu commettre et à qui on offre sursis et confort grâce à un programme appelé CEASURA dont les motivations sont plus ou moins définies.

Un seul résident échappe à ces définitions : un jeune garçon nommé Isaac qui tient sans le savoir le destin de CEASURA dans ses mains. On appellera cette agglomération une ville portant le nom du programme : CEASURA. Personne d’autres ne peut y entrer mais les habitants peuvent en sortir, sans toutefois jamais y revenir. Les règles sont clairement établies dès le départ par le personnage central de l’histoire, le shérif Cooper. Cet aspect du récit place les lecteurs-lectrices dans une zone de confort appréciable.

Ce que j’ai compris assez vite c’est que le traitement infligé aux criminels par la psychiatre Judi Halliday n’empêche pas la vérité de se camoufler près de la surface et je suis resté en haleine pour savoir quand ça se produira et surtout COMMENT ça se produira et qu’est-ce qui se passera, en particulier avec Isaac.

C’est un récit d’une incroyable violence et j’ai été rivé à mon livre par une plume qui frappe très fort au point de me donner des frissons. J’ai déchanté un peu à la finale avec la description crue et froide d’un carnage qui dépasse l’entendement et dont je n’ai pas saisi tout à fait l’utilité à part peut-être me conforter dans l’idée qu’il n’y a pas de limite à la folie.

Bien sûr la vérité finit par éclater mais il faut voir comment… j’ai trouvé la finale simpliste, lourde, chargée d’informations données par une impressionnante quantité de personnages qui s’entrecoupent et…s’entretuent. Bref, une finale qui ne finit pas de finir me laissant à penser que l’esprit le plus dérangé de cette histoire est encore celui de la psychiatre qui révèle sa vraie nature dans un dialogue très édifiant.

C’est un récit un peu atypique mais féroce et qui frappe fort. Le sujet développé n’est pas nouveau mais son développement laisse place à beaucoup de rebondissements et il est intéressant pour les lecteurs/lectrices de connaître graduellement les détails de la vie des résidents et les raisons pour lesquelles ils choisissent de rester à CEASURA et le jeune Isaac m’a gardé dans l’histoire plus que les autres car jusqu’’aux dernières pages, on n’est pas fixé ni sur ses origines, ni sur son sort on sait simplement qu’il a un rôle à jouer et qu’un cœur pur n’a pas sa place dans une colonie d’esprits aussi sordides.

Bref, c’est un polar fort, intrigant, démesuré sur le plan de la violence, bien ficelé sur le plan psychologique, le récit est immersif et m’a fait beaucoup ressentir de *non-dit* un élément qui laisse une large place à l’imagination des lecteurs à cause de l’épaisseur du mystère qui entoure CEASURA. POPULATION : 48, un huis-clos que je garderai en mémoire.

Suggestion de lecture : LE LIVRE SANS NOM, anonyme

Adam Sternbergh a passé son enfance et une partie de son adolescence à Toronto. Puis Il s’est installé à Brooklyn où il a travaillé comme journaliste entre autres au Times de New-York. Il se décrit tantôt génial, tantôt méprisant mais il ne laisse pas indifférent en particulier avec LE FOSSOYEUR et maintenant POPULATION : 48.

Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 18 mai 2024

NE LA QUITTE PAS DES YEUX

Commentaire sur le livre de
LINWOOD BARCLAY

en version audio

*Il n’avait pas du tout l’air d’un monstre. Mais le problème des monstres, justement, c’est qu’ils n’ont pas la tête de l’emploi. * (NE LA QUITTE PAS DES YEUX, Linwood Barclay, version audio, Audible studios éditeur, 2016, durée d’écoute : 11 heures 52, narrateur : François Hatt.)

Multi pistes

Vous êtes marié, père d’un petit garçon. Un boulot intéressant. Un couple plutôt heureux. Et si le pire était à venir? Une belle journée, une sortie en famille, votre épouse qui s’éloigne quelques instants. Et qui ne revient pas. Fugue? Enlèvement? Suicide?

Voici l’histoire de David Harwood, un journaliste qui emmène sa femme, Jane et son fils de quatre ans, Étha au Parc d’Attractions. Premier apéritif : Éthan disparait. D’interminables minutes plus tard, David retrouve Éthan. Soulagement très provisoire… David et le petit se mettent en route pour retrouver Jane…plus de Jane. Où est-elle passée exactement et est-ce qu’on la retrouvera ? C’est un roman très sombre qui m’a procuré anxiété et frissons, spécialement dans le dernier quart du récit alors que les nombreux éléments du puzzle se mettent en place et nous mènent à la conclusion d’une incroyable série de machinations.

C’est un thriller assez efficace quoiqu’un peu surfait ou grossi si vous voulez, certains passages me semblant plutôt invraisemblables. C’est un roman fort mais avec une crédibilité moyenne, des personnages un peu artificiels, pas très aboutis et dont, dans certains cas, j’ai plus ou moins compris les motivations. J’ai toutefois quelque peu réussi à m’attacher à David à cause de son entêtement, de son opiniâtreté, de son attachement pour Éthan et qui est soupçonné par un policier qui a justement le soupçon un peu trop facile.

Le roman manque de profondeur et son sujet n’est pas vraiment nouveau mais il est intrigant et comporte beaucoup de rebondissements, de revirements, de la tension occasionnelle et une finale efficace quoique sensiblement prévisible mais ça, ça dépend toujours du lecteur et de la lectrice.

Je dois vous dire que j’ai écouté la version audio de ce livre et que j’ai été carrément emporté par la performance du narrateur François Hatt qui a su exploiter au maximum de son talent, sa voix multipiste harmonieuse et énergique. Pas le choix. Monsieur le narrateur a forcé mon attention et m’a figé sur mon fauteuil. Ce détail surmonte beaucoup les faiblesses de ce roman qui reste malgré tout accrocheur et captivant. L’histoire est complexe, un peu tentaculaire.

Mais le fil conducteur est solide et rend l’histoire relativement agréable à suivre. Donc Pour résumer : principales faiblesses : à une ou deux exceptions près, des personnages mal aboutis, peu travaillés, scénario peu original et comportant beaucoup de clichés. Et j’ajoute à cela une traduction un peu douteuse. Principales forces : intrigant, belle intensité dans le suspense, enchaînements rapides, excellente finale. L’ensemble est bien imaginé et Le personnage principal est intéressant à voir évoluer.

Bref, ce roman ne réinvente rien mais il constitue un bon divertissement.

Suggestion de lecture : ENLÈVEMENT, de Tara Taylor-Quinn

À gauche, Linwood Barclay. Voir sa biographie. À droite, le narrateur François Hatt. Il a un parcours pour le moins impressionnant.

À écouter, du même auteur

Bonne lecture/écoute
Claude Lambert
Le dimanche 12 mai 2024

L’ESCALIER DU DIABLE

Commentaire sur le livre de
DEAN KOONTZ

*-Le mal à l’état pur, insiste Sanjay. Tous
les fous ne prônent pas le mal, mais tous
 les gens malfaisants sont fous. *
(Extrait : L’ESCALIER DU DIABLE, Dean Koontz,
Archipel éditeur, 2020, édition de papier, 448 pages
Lu en format numérique pour la présente.)

Luttant contre l’étrange épidémie de suicides qui a emporté son mari, Jane Hawk est devenue la fugitive la plus recherchée des Etats-Unis. Tant par le gouvernement que par les responsables d’une confrérie secrète. A présent, elle tient une proie dans son viseur : un homme influent… disposant d’une armée de tueurs. Mue par sa soif de vengeance, Jane rejoint les flancs enneigés du Lac Tahoe, en Californie. Ce qu’elle va y découvrir est terrifiant. D’autant qu’elle va devoir gravir l’escalier du diable ! Jane sait que le temps lui est compté. Que sa vie ne tient qu’à un fil. Mais, elle respire encore… Et une conspiration menace des millions d’êtres humains.

L’ascension de Jane Hawk
*Les experts dont je parle n’ont aucune notion de la vraie
vie, Ce sont des élitistes dans l’âme, pétris de belles
théories, mais sans aucune expérience du monde réel. *
(extrait)

C’est le troisième volet des aventures de Jane Hawk, ex-agente du FBI qui enquête sur la mort suspecte de son mari. En cours d’enquête, Hawk découvre l’existence d’une conspiration qui menace des millions d’individus. Elle met son fils à l’abri car, comme elle en sait trop, tout le monde la recherche. Elle réussit à kidnapper un homme puissant qui est au cœur du complot : Booth Henrikson, rien de moins qu’un monstre.

Il est difficile de parler de ce roman sans tout dévoiler mais vous comprendrez mieux ce qui vous attend avec l’extrait qui suit :

<-Retrouver ton chemin avec une lampe n’est pas compliqué, mon fils, mais tu comprendras mieux ta douleur quand tu devras effectuer la descente dans le noir, à l’aveugle, comme une scolopendre dans une grotte. Cet escalier symbolise la vie, mon fils. Il évoque la triste réalité du monde, la cruauté et la brutalité humaines. Si tu espères survivre, sale petit merdeux, je te conseille de te montrer fort, comme moi. Descend au fond du trou et retiens la leçon, mon fils. Au fin fond du trou.> Extrait.

Vous avez une idée de ce dans quoi veut vous entraîner Dean Koontz, une visite dans les arcanes de la folie, des âmes noires.

C’est un roman solidement bâti mais qui comporte des faiblesses. L’intrigue est excellente et induit même une certaine addiction mais je crois que l’auteur a quelque peu abusé du pouvoir descriptif de sa plume. En effet, plusieurs passages d’une violence extrême n’ajoutent aucune valeur au récit. J’ai trouvé également que le jeune fils de Jane Hawk, Travis est sous-utilisé dans l’histoire. Il se cache.

C’est à peu près tout. Quant à la finale, malheureusement je l’ai trouvé bâclée, expédiée. On sait que L’ESCALIER DU DIABLE a une suite : LA PORTE INTERDITE mais Koontz ne m’a pas tellement donné le goût de poursuivre. Je pense que la finale aurait pu être beaucoup mieux travaillée et contenir quelques indices intrigants de nature à mettre l’eau à la bouche.

La principale force du récit est dans le fil conducteur. L’histoire est facile à suivre et comporte beaucoup d’action et certains passages sont pour le moins surprenants. L’écriture est fluide, ça se lit vite et bien. Jane Hawk fait un peu figure de superhéros mais au moins, l’auteur a veillé à ce qu’elle ne verse pas dans la caricature. Je l’ai même trouvé attachante.

Si vous êtes sensible, vous êtes tout de même prévenu que L’ESCALIER DU DIABLE est un roman très noir et très violent et on n’est pas insensible à la morbidité du questionnement qu’il pose : <et si ça arrivait pour de vrai?>          

Suggestion de lecture du même auteur : DARK WEB

LA SUITE

 

Né en 1945 en Pennsylvanie, Dean Koontz publie son premier roman en 1968 : Star Quest mais attendra jusqu’en 1981 pour atteindre la renommée avec LA NUIT DES CAFARDS. Les livres suivants sont une véritable collection de best-sellers dont MIDNIGHT, LA MAISON INTERDITE, LA CLÉ INTERDITE. Auteur prolifique, Dean Koontz a aussi publié plusieurs livres sous différents pseudonymes.

Bonne lecture

Claude Lambert
Le dimanche 5 mai 2024

LE SQUELETTE DE RIMBAUD, de Jean-Michel Lecocq

*-Mon souci concerne l’illustration du roman de Franz Bartelt
que vous connaissez tous, je veux parler du fémur de Rimbaud.
Un exemplaire de ce roman doit être exposé dans une vitrine.
J’aimerais qu’à coté soit présenté le fémur de Rimbaud. *
(Extrait : LE SQUELETTE DE RIMBAUD, Jean-Michel Lecocq,
Lajouanie éditeur, 2019, format numérique, 232 pages)

Plus d’un siècle après sa mort, Arthur Rimbaud sème le chaos dans le département qui l’a vu naître, les Ardennes. Le maire de Charleville-Mézières, voulant fêter dignement le poète, décide de redonner un peu d’éclat au musée qui lui est consacré. En préparant la nouvelle exposition, l’édile et son conseil provoquent une découverte inouïe qui va révolutionner la galaxie rimbaldienne, mais pas seulement… Une cellule de crise est mise sur pied. On va y croiser, un officier de police peu porté sur la poésie et un juge d’instruction qui préfère Baudelaire à Rimbaud. Ce duo va croiser des personnages étranges, prêts à tout pour éviter que le terrible secret entourant la mort de Rimbaud soit éventé.

Les os d’Arthur
Les caricaturistes n’étaient pas en reste et l’un d’eux était allé
jusqu’à représenter une ronde avec les autorités en train de
danser et, au milieu, la tête de Rimbaud montée sur un squelette
 unijambiste en train de se déhancher, avec cette légende :
 la danse macabre.
(Extrait)

C’est un ouvrage original que j’ai trouvé bien écrit et qui m’a fait sourire car malgré son cadre sérieux, j’ai trouvé qu’il ne manque pas d’humour. Voyons le tableau. Le maire d’un département des Ardennes, pays natal du célèbre poète Arthur Rimbaud, décide de souligner dignement le centenaire de la mort du prestigieux poète en exposant dans son musée un fémur de Rimbaud. L’annonce fut suivie d’abord de la surprise générale, d’un éclat de rire, puis de la consternation et jusqu’à la levée de bouclier.

L’exhumation fut décidée…les Ardennes allaient perdre pour un temps leur belle tranquillité. *Ce fut donc au terme d’une démarche biaisée, inique, impopulaire et juridiquement bancale que, par une belle journée d’été, il fut procédé à l’ouverture de la tombe d’Arthur Rimbaud* (Extrait) Ho surprise générale, la tombe du génie renfermait un corps ayant ses deux jambes. Impossible. Rimbaud a été amputé vers la fin de sa vie.

Après enquête, on identifie une autre tombe où se trouvait sûrement le poète. Double surprise générale, pas de corps dans la tombe. C’est l’émoi. La population est au bord de la désobéissance civile. Pire…le coupable commet des meurtres pour protéger son identité. Un policier rémois, Vidal mènera une enquête qui va le pousser très loin. Fait à noter : il n’aime pas Rimbaud. On n’est pas sorti de l’auberge.

Et dire que cette aventure un peu burlesque part du caprice d’un politique municipal. J’ai aimé ce petit livre pour plusieurs raisons. Oui, c’est teinté d’humour mais le récit n’a jamais atteint l’absurde.

J’ai apprécié la retenue de l’auteur même si je l’ai senti hardi pour se moquer gentiment des rimbaldiens haut-perchés car faut-il le rappeler, Rimbaud, dont l’auteur jalonne un peu la vie dans son récit, n’a pas toujours été un enfant de chœur, et c’est sans parler de l’homosexualité supposée du poète et de ses aventures avec un autre célèbre poète : Paul Verlaine.

Je suis heureux aussi que l’auteur n’ait pas spécialisé son récit dans la poésie. C’est une tendance qui ne m’attire pas beaucoup. Mais le récit est intrigant. Ça reste un roman policier parcouru de pans de vie de Rimbaud ainsi que des extraits de ses poèmes insérés seulement au début de chaque chapitre. C’est de bon goût et j’ai lu les vers, extraits de poèmes célèbres avec beaucoup de plaisir.

C’est un suspense bien pensé qui m’a éclairé sur la vie d’Arthur Rimbaud sans jamais nuire à l’intrigue. Je n’ai ressenti aucune irritation, bien au contraire. Les personnages sont pétillants. Je confirme ce que je croyais avant d’entamer la lecture : un polar ayant comme toile de fond LE SQUELETTE DE RIMBAUD, ne doit sûrement pas manquer d’originalité.

Suggestion de lecture : LA VENGEANCE DE BAUDELAIRE, de Bob Van Laherhoven

Jean-Michel LECOCQ est un auteur français né à BOGNY-SUR-MEUSE, dans les Ardennes, le 19 avril 1950. Sa première apparition dans le monde de l’édition remonte à 1972, avec la publication, chez Millas-Martin, d’un recueil de poèmes. Il publie, en 2009, son premier roman, «Le secret des Toscans», un polar historique dans lequel il dévoile sa passion pour l’Histoire. Plusieurs livres suivront. En octobre 2016, il publie «Les bavardes», une enquête au cœur de la petite station balnéaire de Sainte-Maxime. Deux ans plus tard, Lecoq nous surprend avec LE SQUELETTE DE RIMBAUD.

Rimbaud est un poète incontournable, auteur de nombreux poèmes comme Sensation, Ma bohème, Le bateau ivre. Lorsque son chemin croise celui de Verlaine, la passion les emporte jusqu’au drame. Arthur Rimbaud est LE poète par excellence. Jean Nicolas Arthur Rimbaud est né le 20 octobre 1854 à Charleville-Mézières dans les Ardennes. Sa mère l’ élève seule, suivant des principes stricts.

Le jeune Arthur est un élève brillant, il remporte des prix de littérature dès son adolescence. Il saute la classe de cinquième. Grâce à sa plume talentueuse, il remporte divers prix dont le premier prix du Concours académique en 1869. Jeune homme révolté contre l’ordre des choses, il voit la poésie comme un moyen de les faire évoluer. 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 24 mars 2024

LE SECRET DE DIEU, d’Yves La liberté

Commentaire sur les

Tome 1 : Le message des templiers
Tome 2 : Le trésor enfoui

*Les caïnites prétendaient que la perfection consistait
à commettre le plus d’infamies possibles. *
(Extrait : LE MESSAGE DES TEMPLIERS, Yves Laliberté,
Les éditions Coup d’œil, 2014, LE SECRET DE DIEU,
LIVRE 1 format numérique, 718 pages)

Après avoir déjoué de justesse un attentat à l’anthrax à Ottawa, l’agente fédérale Kristen Vale est chargée de l’enquête sur la mort d’élèves atteints d’une nouvelle forme de peste pulmonaire. De son côté, le jeune historien de la Chambre des communes, Quentin DeFoix, reçoit un courriel obscur qui le mènera sur les traces d’un signe mystérieux et du cadavre d’un sénateur au parlement canadien. Ensemble, Kristen et Quentin feront tout pour gagner une incroyable course contre la montre qui les entraînera d’Ottawa à Niagara Falls et les mettra sur le chemin des Templiers. La sécurité de la population en dépend.

Bien qu’ils aient échappé à des pièges infernaux, l’agente Kristen Vale et l’historien Quentin DeFoix sont loin d’avoir terminé leur mission : découvrir le secret de Dieu. Le temps est compté. Attentat, tentatives de meurtre et prise d’otages, les événements s’enchaînent, et dans cette atmosphère de panique, on ne sait plus qui dit vrai. Pendant que l’équipe continue son enquête qui l’entraîne toujours plus loin dans le passé et dans les souterrains cachés d’Ottawa et de Montréal, le neveu de l’agente Vale, Grady, dont l’état de santé est fort inquiétant, perçoit d’étranges phénomènes que personne d’autre ne semble comprendre.

Les aventuriers de l’histoire
*Vous m’impressionnez vivement, d’abord pour avoir
décodé le texte gravé sur la tour de la paix. Il fallait un
historien de votre trempe pour retourner un siècle en
arrière *
(Extrait livre 2, LE TRÉSOR ENFOUI)

J’ai toujours été intrigué par les templiers, qui étaient, au départ, un petit groupe de chevaliers pauvres du Christ, vivant spirituellement, dans le dénuement. Leur premier but était d’escorter les pèlerins sur la route de Jérusalem vers les lieux emblématiques de la vie de Jésus.

On sait que par la suite, les Templiers sont devenus un ordre, qui a grandi et s’est enrichi mais toujours en gardant l’objectif premier. Comme on le sait, les choses ont beaucoup évolué jusqu’au reniement par le pape et l’exécution des templiers par le roi de France Philippe IV Lebel qui, ce faisant, a pu regarnir un peu les coffres de l’état. C’est vite dit, mais dans les faits, c’est un peu plus compliqué.

L’auteur Yves Laliberté nous en apprend beaucoup plus dans son roman LE SECRET DE DIEU, une fiction mais évoquant des hypothèses intéressantes. Tout débute de nos jours avec un courriel mystérieux reçu par un jeune historien, Quentin Defoix qui formera un binôme avec l’agente fédérale Kristen Vale qui enquête sur la mort d’enfants atteints d’une nouvelle forme de peste pulmonaire. Sans le savoir, les deux enquêteurs prendront la route du SECRET DE DIEU.

Ce sont les mystères entourant les templiers qui m’ont attiré vers ces livres. Ils sont très riches en explications, en idées, en hypothèses et assez bien en accord avec le contexte historique. L’intrigue de base est intéressante et même captivante. Malheureusement, elle est noyée dans des explications qui ne finissent pas de finir.

Bien qu’intéressants, les exposés historiques sont beaucoup trop longs. Quentin et Kristen m’on plusieurs fois donné l’impression qu’ils s’écoutaient parler. Heureusement, les chapitres sont courts et assez bien ventilés.

J’aurais préféré que l’auteur vulgarise davantage, simplifie les exposés, fasse un peu plus court et donne davantage de place à l’intrigue au centre de laquelle se trouve LE SECRET DE DIEU. Pour ceux qui aiment les longues descriptions parfois stylisées, ce sera parfait.

Malheureusement, l’auteur m’a perdu. En simplifiant un peu la science qui garnit son œuvre, il aurait pu me surprendre, ce qu’il a tout de même réussi à faire un peu dans le second volume dans lequel il y a plus d’action. Je crois que l’œuvre aurait pu être réduite à un volume.

Bref, intéressant mais trop long, répétitif avec beaucoup de dialogues statiques. Le sujet reste toutefois digne d’intérêt.

Suggestion de lecture : LES ROIS MAUDITS, de Maurice Druon

Détenteur d’un doctorat en lettres françaises et sémiotique, enseignant de littérature québécoise à l’Université, Yves Laliberté est l’auteur de deux essais et quatre thrillers. Il a œuvré toute sa vie dans le domaine de l’information. Il a été plongé dans le roman d’aventure dès son jeune âge. À onze ans, il aimait déjà écrire des romans et des histoires pour bandes dessinées. Aujourd’hui, il se sent animé par la passion du détective dans les recherches qu’il mène en criminologie, en médecine légale et en histoire québécoise.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 17 mars 2024

SI JE SERAIS GRANDE, d’Angélina Delcroix

*Elle me caresse les cheveux et me dit qu’on va réussir.
Réussir quoi ? Je sais pas. Elle quitte ma chambre. Les
cris recommencent dans le jardin d’à côté et s’estompent. *
(Extrait : SI J’ÉTAIS GRANDE, Angélina Delcroix, or. Éditions
Nouvelles Plumes, 2019, version audio : Audible studio éditeur,
2019. Durée d’écoute : 11 heures 50 minutes. Narrateur :
Pascal Chemin)

  1. Deux petites filles disparaissent le même jour, sans laisser de traces. Elles sont voisines, mais n’étaient pas ensemble au moment de leur enlèvement. Eleanor, bientôt six ans, vit dans la crainte de déplaire à ses parents. Est-elle la menteuse que décrit sa mère ?
  2. Des cadavres d’enfants viennent d’être découverts. Mais il y a une survivante. l’adjudante Joy Morel se retrouve à la tête d’une enquête éprouvante qui va l’entraîner aux frontières de l’inimaginable…

LES ÉLITES DE LA HONTE
âmes sensibles s’abstenir
*…Et les pensées qu’elle avait eu en entendant la voix sur le
répondeur… Quelle horreur ! À quel moment s’était-elle
transformée en un monstre d’égoïsme ? Quel malheur nous
autorise à enfermer à double tour empathie, bienveillance et
générosité ? La conséquence en était aujourd’hui mortelle. *

Le récit est ébranlant. J’avais parfois besoin d’arrêter…de respirer et de réfléchir même sur la réalité que met en lumière ce roman noir. Jetons d’abord un bref coup d’œil sur le synopsis : en 2006, deux petites filles disparaissent séparément, même si elles sont voisines. Dix ans plus tard, un charnier est découvert…un charnier d’enfant…au milieu des cadavres, une survivante dont l’esprit est totalement chaviré :

*C’est plus fort que moi. Une force me pousse. Je ne me contrôle plus. Je laboure les bandages comme un chien creuserait pour trouver un os. Au passage, je me griffe la peau autour. Maman crie. Je l’entends, mais de loin. Je suis partie dans mon monde…celui de la souffrance. * (Extrait)

 À la tête de l’enquête, Joy Morel, enceinte de quatre mois et plutôt mal remise de son enquête précédente entraînera son équipe et en général les personnages sains de l’histoire et par la bande les lecteurs-lectrices, auditeurs-auditrices au-delà des frontières de l’imaginable. Mais voilà…qui est sain dans cette histoire et qui ne l’est pas? C’est loin d’être évident.

Même si vous n’êtes que légèrement sensible, attendez-vous à grincer des dents car dans ce roman noir, tout n’est que meurtres rituels et torture d’enfants, haine, cruauté, violence, satanisme, pédophilie, folie. Le récit dévoile une des pires distorsions de l’âme humaine et touche la corde sans doute la plus sensible en littérature et dans la Société en général : les enfants. C’est à la limite du supportable.

Même le titre qui évoque un certain caractère d’innocence camouffle une incroyable terreur. Je n’ai pas eu vraiment de plaisir à écouter cette histoire. L’efficacité de la plume de Delcroix a exacerbé ma curiosité jusqu’à la finale…une finale d’ailleurs qui m’a glacé le sang. C’est bien écrit…trop bien peut-être et c’est d’une crudité parfois refoulée heureusement mais en générale glaciale et dérangeante.

Le tout se rapproche considérablement de l’actualité, la maltraitance des enfants étant une malheureuse réalité. L’auteure vient aussi nous rappeler que souvent, les personnes que l’on croit bien connaître ou qui sont haut placées dans la Société ne sont pas celles qu’on pense. Il y a des penchants qui sont hautement inavouables.

C’est un roman *Coup de poing*, très fort, très noir, immersif et même gore. Son sujet dérange mais pousse à la réflexion et c’est ce que souhaite l’auteure dans une note publiée à la fin de l’ouvrage. Il faut toutefois faire attention…il y a beaucoup de personnages, on s’y perd un peu…

Encore plus dur de savoir qui est bon, qui est mauvais : *Soit, je suis vraiment un être à part, soit ils sont tous tordus. Vu qu’apparemment je suis toute seule à être différente, la réponse est toute trouvée. * (Extrait) Malgré tout, j’ai été éprouvé par le récit, ébranlé à l’idée qu’on applique à des enfants un étau psychologique qui leur donne un horrible choix : Mourir ou devenir eux-mêmes des monstres. Préparez-vous à du *pas facile*.

Suggestion de lecture : GORE STORY, de Gilles Bergal

Angélina Delcroix, psycho praticienne et auteure

À écouter aussi, de la même auteure
le premier volet de la série JOY MOREL

Bonne lecture
Bonne écoute

Claude Lambert

le samedi 16 mars 2024

JE SUIS PILGRIM, de Terry Hayes

<Une chose m’apparaît clairement tout-à-coup,
c’est tout, sauf un banal homicide pour de l’argent,
de la drogue ou une quelconque pulsion sexuelle.
Avec ce meurtre, on est dans le registre de
l’extraordinaire.>
Extrait : JE SUIS PILGRIM, Terry
Hayes, or. JC Lattès éditeur, 2014, version audio : Audiolib
éditeur, 2019, durée d’écoute : 27 heures 53 minutes,
narrateur : Sylvain Hagaësse

Une jeune femme assassinée dans un hôtel sinistre de Manhattan. Un père décapité en public sous le soleil cuisant d’Arabie Saoudite. Un chercheur torturé devant un laboratoire syrien ultrasecret. Un complot visant à commettre un effroyable crime contre l’humanité. Et en fil rouge, reliant ces événements, un homme répondant au nom de Pilgrim, nom de code d’un individu qui n’existe pas officiellement. Il a autrefois dirigé une unité d’élite des services secrets américains. Il s’est retiré mais son passé d’agent secret va bientôt le rattraper…

Haute tension
<Outre que c’est à désespérer du genre humain,
 je dois dire que je suis encore plus impressionné
 par l’assassin. Il n’a pas dû être facile d’arracher
 trente-deux dents une par une sur un cadavre.>
Extrait

C’est le meilleur thriller que j’ai lu. L’idée du complot contre l’humanité n’est pas nouvelle en soi. Le sujet est même réchauffé en littérature et au cinéma. Toutefois, le développement du récit réserve à l’auditeur et l’auditrice des surprises, des frissons, des revirements, de nombreux rebondissements et possiblement quelques haut-le-cœur.

Le sujet est donc simple : une chaîne d’évènements meurtriers amène les services secrets américains à mettre au jour un complot contre l’humanité susceptible d’éradiquer les États-Unis et par la bande, plus de la moitié de l’humanité. L’affaire est extrêmement sérieuse, le temps restant très minime. Pour sauver la planète, on fait appel à un élite des services secrets. Nom de code : PILGRIM.

Le récit repose sur la recherche et l’enquête de Pilgrim qui est extrêmement pointue, complexe et potentiellement mortelle. Si le développement est simple, le déploiement de l’enquête qui va crescendo, associé au pouvoir descriptif de la plume donne un tout absolument génial. Ajoutons à cela l’intensité du personnage principal, PILGRIM, très bien travaillé avec un équilibre parfait de forces et de faiblesses et une psychologie parfaitement mise au point.

C’est un récit très violent qui a la faiblesse de faire passer les américains pour les gentils bougres sauveurs de la planète et détenteurs de la vérité. Pas étonnant que l’histoire ait, comme toile de fond, la destruction du World trade center et présente une image très sombre de l’Islam. Toutefois, le récit a la force de mettre en perspective des aspects méconnus du terrorisme et présente une image peu flatteuse des services secrets :

*Les évènements de ces douze dernières heures étaient, pour les services de renseignements, une faillite qu’on pouvait qualifier d’historique. La mission première du Renseignement américain dans son ensemble, dont le budget était faramineux, était de protéger la Mère Patrie, et jamais, depuis Pearl Harbor ces organisations toutes puissantes n’avaient foiré à ce point, au vu et au su de tous. * (Extrait)

Je veux signaler enfin que le début de l’histoire est lent. Il a été difficile de s’y accrocher. Mais soyez patient. Ça change vite. Stress garanti, voire addiction. Il y a aussi, après la finale, une forme d’épilogue inutilement longue à mon avis. Donc, JE SUIS PILGRIM est un roman très fort. L’auteur nous amène à nous inquiéter pour l’agent PILGRIM, à penser pour lui, à ressentir toutes ses émotions. L’histoire est bien développée, la finale est surprenante. Le récit bénéficie aussi d’un bel équilibre.

Si la distinction est évidente entre les bons et les méchants, l’auteur détaille autant la démarche de PILGRIM que celle du terroriste Islamiste, appelé le Sarrazin qui a, pour un temps, le pouvoir de mort sur l’humanité. Et puis c’est la première fois que je lis un roman d’espionnage qui me permet de comprendre un peu ce qui se passe dans la tête d’un terroriste et d’observer qu’un terroriste peut-être lui-aussi terrorisé. Très bonne lecture.

Suggestion de lecture : PROJET ANASTASIS, de Jacques Vandroux

Après plusieurs années en journalisme, Terry Hayes rencontre le réalisateur de cinéma australien George Miller avec qui il collabore à la novélisation du scénario de Mad Max. Miller embauche ensuite Hayes pour écrire avec lui le scénario de Mad Max 2 (1981). Hayes, qui devient ensuite scénariste et producteur pour le cinéma et la télévision, s’installe à Hollywood. Il signe, en 1989, les scénarios de Calme blanc (Dead Calm), adapté d’un roman éponyme de Charles Williams, et de From Hell , 2001. Hayes, qui remporte plus de vingt récompenses en carrière, publie en 2013 son premier roman, le thriller Je suis Pilgrim (I am Pilgrim), rapidement devenu un best-seller international. Source : Wikipédia

BONNE LECTURE
BONNE ÉCOUTE
Claude Lambert
le dimanche 10 mars 2024

SIX MINUTES, le livre de Chrystine Brouillet

*À côté d’un des pieds de la table, Graham repéra le
goulot de la bouteille. – J’ai l’impression que la
victime a été agressée tout de suite après avoir
ouvert à son visiteur. Qu’il l’a assommée avec la
bouteille. Puis égorgée. *
(Extrait : SIX MINUTES, Chrystine Brouillet, Éditions
Druide, 2017, édition de papier, 380 pages)

Quand Maud Graham est appelée à éclaircir le meurtre d’un homme trouvé gisant dans son sang, elle ne peut se douter des motifs de ce crime. Qui pouvait bien en vouloir à ce point à cet homme sans histoire ? La détective avance en plein brouillard jusqu’à ce que commence à se dessiner une toile complexe. Si l’enquête porte d’abord sur l’assassinat d’un homme, c’est sur la maltraitance subie par des femmes qu’on lèvera le voile en cours d’investigation. Alarmée par le danger qui menace ces femmes devenues des proies malgré elles, Graham se lance sur la trace de l’agresseur. Une poignante course contre la montre démarre…

Ces femmes devenues des proies
*…Maud Graham découvrait avec consternation
pourquoi Nicole n’avait pu identifier instantanément
la blessée. Sa paupière gauche avait triplé de volume,
ses lèvres étaient déchirées, ses joues avaient
tourné au bleu. Un bandage blanc couvrant son nez
indiquait qu’il avait été fracturé et des hématomes
au cou trahissaient la tentative d’étranglement. *
(Extrait)

J’étais très heureux de renouer avec la détective Maud Graham à laquelle je m’étais beaucoup attaché dans LE COLLECTIONNEUR, ouvrage angoissant qui m’a fait aussi connaître des personnages énigmatiques ados attachés aux thèmes préférés de Chrystine Brouillet : Grégoire et Maxime. Ils n’ont pas de rôles signifiants dans SIX MINUTES mais j’ai senti qu’ils avaient maturé…j’étais aussi heureux de sentir une Maude Graham aussi mordante et efficace.

Elle est très justement décrite d’ailleurs dans SIX MINUTES : *…Un genre de vedette ici. Bonne. Trop bonne. Obstinée. Elle ne lâche jamais sa proie. Le pit-bull roux !* (Extrait) Dans SIX MINUTES, Graham est confrontée à un meurtre sauvage et deux femmes en cavale. L’enquête s’annonce coriace. Son instinct affûté et sa curiosité l’amèneront à déduire que tout est lié. Mais l’enquête est extrêmement complexe.

Le lecteur découvre graduellement pourquoi les femmes sont en cavale. En fait, elles fuient, tétanisées par la peur. Ce sont des femmes battues. Eh oui ! SIX MINUTES aborde avec intelligence et force la troublante thématique des *badboys*, la violence conjugale. Une fois établi que Christian Desgagné est un homme violent et dangereux et pourrait être lié au meurtre de Dominique Poitras, tout s’enchaîne rapidement et le récit devient une course contre la montre.

Desgagné était certain que Dominique recevait les confidences de sa femme sur les traitements dont elle était victime. Desgagné a le portrait social assez commun des hommes violents : beaux, intelligents, apparemment sans reproches, calmes, sociables. Il n’y a pas de profil vraiment significatif.

Le narcissisme pervers est caché en toutes circonstances sauf quand il est seul avec sa femme.. Il ne se doute de rien. Ce n’est pas sa faute si sa femme le pousse à bout…il faut apporter des *correctifs*, il se sait sans reproche. Ce n’est pas sa faute. Ce n’est jamais sa faute.

L’intrigue s’appuie beaucoup sur la psychologie des personnages et met en exergue la relation agresseur-agressé. Évidemment, cette nécessité pourrait pousser le lecteur à détester cordialement l’agresseur jusqu’à ce qu’on se rappelle que la violence est une pathologie qu’on peut traiter. Ce type de violence est de moins en moins toléré dans notre société moderne, heureusement. Donc dans son enquête, Graham doit composer avec la peur chronique qui habite les femmes violentées.

J’ai pu encore une fois apprécier le doigté et l’opiniâtreté de la détective : *Tout m’intéresse. Tout ce qui touche à une victime m’intéresse. Tout ce qu’elle était, tout ce qu’elle montrait, tout ce qu’elle dissimulait. Tous ses secrets. Toute sa famille, tous ses proches. Tout ce que vivent ses proches, tout ce que me taisent ses proches. C’est une seconde nature chez moi. Je cherche ce qu’on me cache.* (Extrait)

Fortement inspirée et documentée, Chrystine Brouillet fait remonter à la surface avec un réalisme désarmant la terreur et la solitude des femmes agressées amenant le lecteur à se demander comment les femmes pouvaient vivre avec une telle peur au ventre et trouver le moyen de rejeter la faute sur elles-mêmes.

Le récit est bien structuré. Il a toutefois un petit côté prévisible qui sera surtout évident pour les lecteurs assidus de Chrystine Brouillet. Pour certaines éditions, le quatrième de couverture précise : *Entre le moment où une femme racontait que son mari menaçait de la tuer et celui où elle était entendue par un juge, six mois pouvaient s’écouler alors que six minutes suffisaient amplement pour qu’un homme étrangle sa femme.* (Extrait)  SIX MINUTES est plus qu’un polar. C’est un témoignage crédible.

Suggestion de lecture, de la même autrice : INDÉSIRABLES

Talentueuse et prolifique, Chrystine Brouillet a écrit une cinquantaine de romans, surtout policiers. Sa série mettant en scène la détective Maud Graham connait un énorme succès, avec plus de 700 000 exemplaires vendus. Cette héroïne, que la romancière décrit comme « une femme ordinaire exerçant un métier hors de l’ordinaire », est une enquêtrice de grande expérience au flair et à la ténacité redoutables. Aussi impatiente que généreuse, elle cultive, à l’image de son auteure, un doux penchant pour la gourmandise…


Bonne lecture
Claude Lambert,

Le samedi 2 mars 2024