LE SQUELETTE DE RIMBAUD, de Jean-Michel Lecocq

*-Mon souci concerne l’illustration du roman de Franz Bartelt
que vous connaissez tous, je veux parler du fémur de Rimbaud.
Un exemplaire de ce roman doit être exposé dans une vitrine.
J’aimerais qu’à coté soit présenté le fémur de Rimbaud. *
(Extrait : LE SQUELETTE DE RIMBAUD, Jean-Michel Lecocq,
Lajouanie éditeur, 2019, format numérique, 232 pages)

Plus d’un siècle après sa mort, Arthur Rimbaud sème le chaos dans le département qui l’a vu naître, les Ardennes. Le maire de Charleville-Mézières, voulant fêter dignement le poète, décide de redonner un peu d’éclat au musée qui lui est consacré. En préparant la nouvelle exposition, l’édile et son conseil provoquent une découverte inouïe qui va révolutionner la galaxie rimbaldienne, mais pas seulement… Une cellule de crise est mise sur pied. On va y croiser, un officier de police peu porté sur la poésie et un juge d’instruction qui préfère Baudelaire à Rimbaud. Ce duo va croiser des personnages étranges, prêts à tout pour éviter que le terrible secret entourant la mort de Rimbaud soit éventé.

Les os d’Arthur
Les caricaturistes n’étaient pas en reste et l’un d’eux était allé
jusqu’à représenter une ronde avec les autorités en train de
danser et, au milieu, la tête de Rimbaud montée sur un squelette
 unijambiste en train de se déhancher, avec cette légende :
 la danse macabre.
(Extrait)

C’est un ouvrage original que j’ai trouvé bien écrit et qui m’a fait sourire car malgré son cadre sérieux, j’ai trouvé qu’il ne manque pas d’humour. Voyons le tableau. Le maire d’un département des Ardennes, pays natal du célèbre poète Arthur Rimbaud, décide de souligner dignement le centenaire de la mort du prestigieux poète en exposant dans son musée un fémur de Rimbaud. L’annonce fut suivie d’abord de la surprise générale, d’un éclat de rire, puis de la consternation et jusqu’à la levée de bouclier.

L’exhumation fut décidée…les Ardennes allaient perdre pour un temps leur belle tranquillité. *Ce fut donc au terme d’une démarche biaisée, inique, impopulaire et juridiquement bancale que, par une belle journée d’été, il fut procédé à l’ouverture de la tombe d’Arthur Rimbaud* (Extrait) Ho surprise générale, la tombe du génie renfermait un corps ayant ses deux jambes. Impossible. Rimbaud a été amputé vers la fin de sa vie.

Après enquête, on identifie une autre tombe où se trouvait sûrement le poète. Double surprise générale, pas de corps dans la tombe. C’est l’émoi. La population est au bord de la désobéissance civile. Pire…le coupable commet des meurtres pour protéger son identité. Un policier rémois, Vidal mènera une enquête qui va le pousser très loin. Fait à noter : il n’aime pas Rimbaud. On n’est pas sorti de l’auberge.

Et dire que cette aventure un peu burlesque part du caprice d’un politique municipal. J’ai aimé ce petit livre pour plusieurs raisons. Oui, c’est teinté d’humour mais le récit n’a jamais atteint l’absurde.

J’ai apprécié la retenue de l’auteur même si je l’ai senti hardi pour se moquer gentiment des rimbaldiens haut-perchés car faut-il le rappeler, Rimbaud, dont l’auteur jalonne un peu la vie dans son récit, n’a pas toujours été un enfant de chœur, et c’est sans parler de l’homosexualité supposée du poète et de ses aventures avec un autre célèbre poète : Paul Verlaine.

Je suis heureux aussi que l’auteur n’ait pas spécialisé son récit dans la poésie. C’est une tendance qui ne m’attire pas beaucoup. Mais le récit est intrigant. Ça reste un roman policier parcouru de pans de vie de Rimbaud ainsi que des extraits de ses poèmes insérés seulement au début de chaque chapitre. C’est de bon goût et j’ai lu les vers, extraits de poèmes célèbres avec beaucoup de plaisir.

C’est un suspense bien pensé qui m’a éclairé sur la vie d’Arthur Rimbaud sans jamais nuire à l’intrigue. Je n’ai ressenti aucune irritation, bien au contraire. Les personnages sont pétillants. Je confirme ce que je croyais avant d’entamer la lecture : un polar ayant comme toile de fond LE SQUELETTE DE RIMBAUD, ne doit sûrement pas manquer d’originalité.

Suggestion de lecture : LA VENGEANCE DE BAUDELAIRE, de Bob Van Laherhoven

Jean-Michel LECOCQ est un auteur français né à BOGNY-SUR-MEUSE, dans les Ardennes, le 19 avril 1950. Sa première apparition dans le monde de l’édition remonte à 1972, avec la publication, chez Millas-Martin, d’un recueil de poèmes. Il publie, en 2009, son premier roman, «Le secret des Toscans», un polar historique dans lequel il dévoile sa passion pour l’Histoire. Plusieurs livres suivront. En octobre 2016, il publie «Les bavardes», une enquête au cœur de la petite station balnéaire de Sainte-Maxime. Deux ans plus tard, Lecoq nous surprend avec LE SQUELETTE DE RIMBAUD.

Rimbaud est un poète incontournable, auteur de nombreux poèmes comme Sensation, Ma bohème, Le bateau ivre. Lorsque son chemin croise celui de Verlaine, la passion les emporte jusqu’au drame. Arthur Rimbaud est LE poète par excellence. Jean Nicolas Arthur Rimbaud est né le 20 octobre 1854 à Charleville-Mézières dans les Ardennes. Sa mère l’ élève seule, suivant des principes stricts.

Le jeune Arthur est un élève brillant, il remporte des prix de littérature dès son adolescence. Il saute la classe de cinquième. Grâce à sa plume talentueuse, il remporte divers prix dont le premier prix du Concours académique en 1869. Jeune homme révolté contre l’ordre des choses, il voit la poésie comme un moyen de les faire évoluer. 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 24 mars 2024

LE PETIT LÉONARD DE VINCI, BD de William Augel

Extrait : LE PETIT LÉONARD DE VINCI, bande dessinée de William Augel, La Boîte à bulles éditeur, 2020. Format numérique.  82 pages.

Avant d’être un grand génie, Léonard de Vinci a été un petit génie ! Tout ce qui l’entoure est prétexte à réflexion, apprentissage et invention des oiseaux à la poterie, en passant par la récolte des olives ou la fabrication des spaghettis. Sa curiosité le pousse à avoir des idées à propos de tout, et à voir la beauté partout. Il ira même jusqu’à dire que «le plus petit des félins est une œuvre d’art». À la fois peintre, ingénieur, philosophe, architecte, musicien, le voilà désormais personnage de bande dessinée ! Sous la plume de William Augel, c’est drôle attendrissant, et même instructif ! Que demander de plus pour ravir à la fois parents et enfants ?

Une belle collection en marche

Pour avoir beaucoup lu sur le sujet, j’avais une bonne idée de la vie et du génie de Léonard De Vinci. Après avoir découvert la bande dessinée de William Augel, qui a pris soin de bien se documenter, je réalise maintenant à quel point Léonard De Vinci aimait la vie et était animé par le besoin de l’enjoliver, l’embellir, l’adoucir en créant, en inventant. Pour ce génie, la moindre activité était matière à apprentissage.

Cette bande dessinée m’a amusé, détendu, attendri même car de Vinci voyait de la beauté partout et tout pour lui était matière à inspiration. Ajoutez à cela le talent naturel de De Vinci, bien mis en évidence dans la BD, Augel a fait de lui l’homme-orchestre que l’on connait : architecte, peintre et ingénieur, entre autres et même poète car le génie magnifiait la beauté et l’exprimait…*Même le plus petit des félins est une œuvre d’art*.

Je suis certain que De Vinci avait le sens de l’humour. On ne peut pas être acariâtre avec une aussi bonne nature. Une chose est sûre, la BD d’Augel ne manque ni d’humour, ni de spontanéité.

La bande est montée de la même façon que LE PETIT MOZART signé par Augel, paru en 2017 à La Boîte à Bulles et dont j’ai déjà parlé sur ce site…même technique du comics trip et du gag indépendant. Même virtuosité, même désir d’introduire en douceur, avec humour et couleur les enfants à la lecture. Il y a même, à la fin de l’ouvrage, une petite section ludique qui devrait intéresser les petits.

L’ouvrage comporte, je crois, une petite faiblesse, la même que j’ai déjà rapportée dans mon article sur LE PETIT MOZART. L’auteur aurait dû à mon avis, publié un petit texte, destiné aux enfants toujours et expliquant QUI était Léonard De Vinci.  Ça vaut pour les parents aussi parce que beaucoup d’entre eux croient toujours à la transmission orale et aiment raconter des histoires. 

Ce n’est pas bien grave. La BD demeure géniale. Mais comme dans LE PETIT MOZART, je suggère aux parents de faire une petite recherche afin d’introduire l’enfant à la BD, accroître son intérêt. Encore une fois, Augel m’a comblé sachant surtout qu’il utilise la forme de bande dessinée la plus exigeante, celle qui conclue une histoire imagée dans une seule et même page. En cette matière, je crois qu’Augel est devenu un virtuose.

Je recommande chaleureusement ce petit bijou aux parents pour offrir à leurs enfants. Personnellement, je l’ai lu en format numérique, dans une présentation impeccable qui fait environ 80 pages. La question que je me pose maintenant, c’est *avec qui William Augel va-t-il nous surprendre* dans sa prochaine BD.

Suggestion de lecture : ASTÉRIX LE GAULOIS/ASTÉRIX LA SERPE D’OR de René Goscinny et Albert Uderzo

Du même auteur



  1. William Augel crée un petit frère à son livre jeunesse LE PETIT MOZART, créé en 2019. Pour lire mon commentaire, cliquez ici



William Augel est né au Mans, en 1973. Dessinateur et illustrateur indépendant, il signe plusieurs ouvrages pour la jeunesse et travaille régulièrement pour des magazines tels que, «La Salamandre». Il publie en 2011 aux éditions de l’Oeuf Atomes Crochus puis, en 2012, Monstrueuse Cathy dans la collection BN des éditions Jarjille, qui sera suivi d’un second album, en grand format cette fois, mettant en scène le même personnage. En 2016, toujours chez Jarjille, paraissent Zoostrip et Pinard mon nectar puis, l’année suivante, c’est à La Boîte à Bulles que William publie son nouvel album Le Petit Mozart et maintenant en 2020, Le PETIT LÉONARD DE VINCI » et ça continue


Léonard De Vinci

BONNE LECTURE
CLAUDE LAMBERT
le vendredi 22 mars 2024

GAFFES À GOGO, bande dessinée

Commentaire sur la BD de
ANDRÉ FRANQUIN
avec la complicité de Jidéhem

Cette édition de la collection Gaston Lagaffe intègre toutes les planches réalisées par André Franquin, certaines inédites. Chacune d’elle a été remasterisée d’après le trait original et délicieusement recoloriée au plus près des souhaits de l’auteur. Gaston Lagaffe demeure un des plus fameux personnages de la BD,
rêveur et inventif, aux trouvailles aussi inattendues que catastrophiques. Né du journal de Spirou, un bébé d’Yvan Delporte, Gaston Lagaffe est un antihéros évoluant aux côtés de personnages connus et appréciés des amateurs de BD dont Fantasio. (publié en album à partir de l’année 1960.)

Beatnik et gauche mais tellement sympa

(Extrait GAFFES À GOGO #2 par Franquin et Jidehem, BD, Dupuis éditeur, 1962, numérique)

J’ai accueilli avec satisfaction l’initiative des éditions Dupuis qui ont mis à jour, dans l’ordre chronologique, les aventures du plus singulier et célèbre *gars de bureau* imaginé en bande dessinée : Gaston Lagaffe. C’est ainsi que j’ai renoué avec un autre de mes copains d’enfance qui s’ajoute à Tintin, Astérix, Quick et Flupke et même Bob Morane. Gravitant autour de Gaston, j’ai été aussi heureux de retrouver Spirou et Fantasio.

Évidemment le personnage central demeure Gaston, irrésistible, paresseux débordant d’imagination et affichant en permanence l’air cool et naïf qui n’est pas sans rappeler l’image typique du beatnik américain. Toute l’imagination de Gaston est investie dans toutes sortes de trucs et d’essais pour éviter de travailler et pour gaffer. J’ai toujours trouvé étrange voir inexplicable qu’il ne se fasse pas mettre à la porte. Déjà comme premier lecteur, je me posais la question. On peut considérer que le personnage est irrésistible. En tout cas, à l’époque, il m’avait conquis.

Je suis tombé sur GAFFES À GOGO tout à fait par hasard en explorant internet, plus précisément une application de lecture en ligne, ce qui m’a permis de découvrir les éditions de la deuxième génération, avec entre autres des couleurs retravaillées et quelques inédits dont une bande dessinée de Gaston destinée à la publicité d’une limonade appréciée en Belgique, de la marque PIEDBOEUF.

Je n’ai pas vraiment apprécié qu’on prête à Gaston un caractère mercantile d’autant que ça ne s’adresse qu’au lectorat belge. Pour le reste, je me suis régalé et surtout, je me suis rappelé de bons souvenirs de mon enfance alors que déjà, j’effectuais mes petites visites régulières à la bibliothèque municipale.

Qu’est-ce qui m’a attiré et qui m’attire encore chez Gaston ? Avant d’être paresseux, il est surtout gaffeur et ses gaffes créent des situations impossibles qui amène le jeune lecteur à pouffer de rire. Je ne sais pas si Franquin allait ouvrir un bal avec ce personnage extraordinaire qu’est Gaston mais pensez à toutes ces comédies que nous offrent la littérature, même classique, le cinéma, le théâtre…quelle proportion de ces comédies sont basées sur le phénomène de la gaffe, pensez à Pierre Richard, avec le DISTRAIT entre autres, Jerry Lewis, Charlie Chaplin, le grand Molière, et j’en passe.

Les gaffes pour autant qu’elles ne sont pas trop dramatiques ont toujours provoqué le rire…la bonne humeur…la détente. Franquin y a jouté sa petite touche et a fait l’effort de rendre son personnage le plus universel possible dans une série accessible à tous les âges, donc même les adultes y trouvent leur compte. Si vous ne l’avez pas déjà fait, faites connaissance avec Gaston Lagaffe et laissez-vous aller. Si cela vous intéresse, un dossier complet sur le célèbre personnage a été publié par Wikipédia. Cliquez ici.

Suggestion de lecture : YUL ET SA CLIQUE, une BD de Julien Mariole





En haut, André Franquin (1924-1997) est un auteur belge francophone de bandes dessinées, connu surtout pour les séries Spirou, Fantasio, GASTON, Modeste et Pompon. Il est aussi créateur d’un animal imaginaire mais très sympa : Le Marsupulami.

En bas à gauche, Yvan Delporte (1928-2007) scénariste belge francophone de bandes dessinées et rédacteur en chef du journal Spirou de 1956 à 1968. Yvan Delporte fut le premier scénariste de Gaston Lagaffe.

En bas à droite, Jidéhem de son vrai nom Jean De Mesmaeker (1935-2017) bruxellois, scénariste, dessinateur et décoriste de bandes dessinées. Il assistera pendant un bon moment André Franquin pour les séries SPIROU ET FANTASIO et GASTON LAGAFFE.

BONNE LECTURE
Claude Lambert

le dimanche 11 février 2024

 

ENFANCES DE POUSSIÈRE, de Karim Berrouka

<Elle hurle, appelant Siegmund à l’aide et ceignant son ventre
rond de ses deux bras. Dehors, le visage de la fillette s’est
métamorphosé en une gueule effroyable, bavant une mousse
carminée qui gicle et dégouline en longs filets pâteux sur ses
longs crocs gâtés.>
Extrait de la nouvelle COMME UN ANGE
GARDIEN, du recueil ENFANCES DE POUSSIÈRE de Karim
Berrouka, ActuSF éditeur, 2013, pages en imprimé. Format
numérique pour la présente. 1279 kb, Contient six nouvelles…

LES TITRES

-L’enfant rouge

-…comme un ange gardien

-Le piano

-Conjonction

-Clothilde court dans la forêt

-Ils sont cinq

Lorsque Marine met au monde son petit garçon, celui-ci est rouge. Mais vraiment rouge ! Et cette particularité va faire son cauchemar. Nombreux sont ceux qui voudront le disséquer, en faire un messie, un produit marketing ou un antéchrist à détruire… «L’Enfant rouge» est la première nouvelle d’un recueil qui déborde d’idées toutes plus farfelues les unes que les autres. Karim Berrouka convoque des cauchemars, des fantômes, des monstres et pire que tout, des hommes, pour nous faire rire, parfois jaune.

 

Un recueil d’idées folles
<Vénus se lève aussi et, d’un ton sec, pointe un doigt
péremptoire dans sa direction…Père Soleil intervient
une nouvelle fois. -Asseyez-vous tous les deux. Ça
suffit. Pluton, écoute un peu ta sœur ! -J’en ai marre
d’écouter cette vieille peau. C’est toujours moi qui
prends. Je sais bien que c’est la préférée.>
Extrait

Il suffit parfois d’une idée folle ou excentrique pour provoquer un sérieux questionnement. C’est comme ça que j’interprète ce recueil de nouvelles, sachant que je suis un peu à contre-courant. Ces nouvelles évoquent en surface des cauchemars, des fantômes, des êtres difformes mais l’ensemble fait très philo. Le schéma de pensée de l’auteur est complexe et ça transpire dans l’écriture qui porte, par conséquent, à de multiples interprétations.

Ces nouvelles sont porteuses de messages, de réflexion. Par exemple, la première nouvelle donne le ton : L’ENFANT ROUGE. L’histoire touchante de Marine qui met au monde un enfant ayant un signe distinctif très singulier. Il vient au monde…rouge…complètement rouge. C’est un cauchemar pour Marine qui voit toutes sortes de profiteurs se pointer pour des raisons mercantiles ou religieuses, ou pire encore, prophètes et gourous convaincus du caractère satanique de l’enfant qu’il faut donc tuer pour conjurer la malédiction.

Bien que dramatique avec une finale penchant légèrement vers le surnaturel, cette nouvelle porte à réfléchir sur le respect des différences et une vertu dont la Société a toujours été en carence : la tolérance.

Ma nouvelle préférée, celle qui m’a gratifié d’un frisson bienveillant s’intitule CONJONCTION. C’est une conférence entre les planètes. Je parle des astres et non d’ambassadeurs. Cette conférence se tient un peu à la manière d’une réunion de famille présidée par Père Soleil et réunissant des frères et des sœurs qui palabrent, se chicanent, mais s’aiment bien.

*-Problèmes, répond sèchement Vénus. On sait. Tu as toujours des problèmes. -Et qu’est-ce que tu faisais ? L’interroge Mercure, d’un ton glacial. Ton excuse cette fois-ci ? -Je… Je… – Tu quoi ? Lance Vénus avec mépris. Laisse-moi deviner… Je… Je… -Vas-y, dis-lui, ça lui fera plaisir, l’interrompt Neptune. T’as pas de honte à avoir. * (Extrait)

Mais quelle est donc cette planète si hésitante et en apparence timorée ? C’est la Terre, le seul membre de la famille à porter le poids de la vie sur ses épaules. J’ai trouvé remarquable cette espèce de débat imaginé par l’auteur sur le destin de la terre…la Terre qui pleure. Est-ce vrai que, quand on perd un frère ou une sœur, c’est comme si on perdait une partie de nous-mêmes.

Les récits, dans l’ensemble, me portent à croire que le pire ennemi de l’homme est encore l’homme. C’est bien écrit mais comment décrire un univers délirant. Certains textes sont un peu difficiles à suivre tant leur structure est complexe. C’est le cas par exemple d’ILS SONT CINQ : Cinq prisonniers enfermés dans le néant…c’est le nom qu’on donne au pénitencier… la planète néant perdue au milieu de nulle part…ça vous dit quelque chose ?

Les textes de Berrouka parlent fort, ne craignent pas les idées tordues ou l’absurde. Mais ils exigent des lecteurs et lectrices de la concentration et une certaine ouverture d’esprit. La première nouvelle est d’un intérêt tel qu’il porte à continuer. Mais je dois le dire, j’ai eu par moment, du mal à m’accrocher. Il m’a fallu du temps pour me faire aux tournures de phrases. J’ai finalement convenu que l’ensemble était un assemblage d’éléments de réflexion. Ça m’a permis de passer à travers l’ouvrage, de l’apprécier et même de l’aimer.

Suggestion de lecture : NOUVELLES NOIRES, recueil de Renaud Benoit

Karim Berrouka, né le 26 mai 1964, a été chanteur et parolier du groupe punk Ludwig von 88 avant de se lancer dans l’aventure de l’écriture de science-fiction et de fantasy. Il a publié deux romans chez Organic et Griffes d’Encre, respectivement Cyclones et La Porte, avant de se résoudre à publier aux éditions ActuSF un recueil de nouvelles dont le titre fait un clin d’œil à Philip K. Dick : Les Ballons dirigeables rêvent-ils de poupées gonflables ? Avec son style délirant, Berrouka entraine son lecteur dans des atmosphères folles aussi bien que sombres, empruntant au passage à la fois à l’Oulipo et au surréalisme.

Bonne lecture

Claude Lambert

le dimanche 4 février 2024

IL A JAMAIS TUÉ PERSONNE MON PAPA

Commentaire sur le livre de
JEAN-LOUIS FOURNIER

*Un jour, il est rentré avec sa traction dans un
troupeau. Il a abîmé quelques moutons, mais
il a pas écrasé le berger, il s’est arrêté juste
avant. *
Extrait IL A JAMAIS TUÉ PERSONNE
MON PAPA, Jean-Louis Fournier, Stock éditeur,
1999, 152 pages, format numérique pour la présente.

Il était docteur, le papa de Jean-Louis Fournier. Un drôle de docteur qui s’habillait comme un clochard, faisait ses visites en pantoufles et bien souvent ne demandait pas d’argent.
Il n’était pas méchant, seulement un peu fou quand il avait trop bu ; il disait alors qu’il allait tuer sa femme. Un jour il est mort : il avait quarante-trois ans. Longtemps après, son fils se souvient. En instantanés, il trace le portrait de ce personnage étonnant, tragique et drôle à la fois. Il a appris, en devenant grand, l’indulgence. Et qu’il ne faut pas trop en vouloir à ceux qui, plus fragiles, choisissent de « mauvais » moyens pour supporter l’insupportable. Il en résulte un livre drôle et poignant.

Des pages de vie
*On a tout essayé pour que papa ne boive
plus : des prières, des neuvaines, des
messes…on a même essayé un curé…*
(Extrait)

C’est un petit livre fait d’histoires très brèves qui sont autant de pans de la vie du docteur Fournier…des histoires racontées par son fils, Jean-Louis, avec toute la candeur qui caractérise habituellement les petits garçons. Le bon docteur soigne des gens qui le paient mal ou pas du tout mais qui lui offrent toujours à boire :

*On essayait de le ranimer : la cousine lui mettait des glaçons sur la tête, maman lui faisait boire du café très fort, puis elle repartait au salon faire des sourires aux invités, leur dire que papa allait bientôt rentrer, et elle retournait à la cuisine s’occuper de lui. Finalement…Les invités ne s’étaient rendu compte de rien. Ils disaient à maman qu’il n’était pas étonnant de voir papa fatigué, avec le nombre de client qu’il avait ! * (Extrait)

Telle était la vie de la famille Fournier, une reconstruction quotidienne des apparences autour d’un homme pas méchant malgré ses allures parfois menaçantes, gauche, maladroit, parfois drôle mais pour des résultats finalement assez tristes. Mais de petite histoire en petite histoire, j’ai découvert qu’on ne pouvait pas vraiment en vouloir à cet homme singulier. J’ai été surtout ému par la bonne nature de ses enfants et le courage de la maman.

Cette succession de petits épisodes est une bonne idée. On peut se les imaginer comme des sketches, des instantanés de l’école de la vie avec des moments comportant parfois un certain humour mais générant aussi de la tristesse. Voilà…humour et tristesse qui se côtoient : *Je me souviens, un jour, ils ont été au cinéma…C’était docteur Jekyll et Mister Hyde…C’était l’histoire d’un docteur très gentil et très savant. Il travaillait dans la journée, mais le soir, il se transformait. Il devenait comme un monstre…Est-ce que maman, elle s’est rendu compte que c’était un peu l’histoire de papa ? * (Extrait)

Il faut sans doute bien connaître Jean-Louis Fournier pour comprendre le petit ton de dérision qui caractérise son recueil. Il a un sens de l’humour assez aiguisé, il ne craint pas la controverse. J’ai l’impression qu’il part du principe que le ridicule ne tue pas. Bien que ces textes autobiographiques font passer les lecteurs par une gamme d’émotions, j’ai senti, dans les propos de Jean-Louis Fournier davantage d’affection que d’amertume pour son père, un raté au grand cœur, gentil mais imprévisible. D’ailleurs il dit lui-même qu’il ne lui en veut pas et qu’il aurait aimé mieux le connaître.

J’ai donc passé un bon moment de lecture, qui a passé très vite évidemment. Autodérision, humour grinçant. Une histoire de résilience et d’acceptation. Je me suis longtemps demandé, après la lecture de ce livre, comment un homme aussi graffigné par la vie ait réussi à me faire rire des épreuves de la vie. Ça fait réfléchir.

*Maintenant j’ai grandi, je sais que c’est difficile de vivre, et qu’il ne faut pas trop en vouloir à certains, plus fragiles, d’utiliser des «mauvais» moyens pour rendre supportable leur insupportable. * (Extrait)

Suggestion de lecture : LE MONDE DE BARNEY, de Mordecai Richler

Auteur prolifique, Jean-Louis Fournier a toujours su mêler humour, culture et sincérité. Fournier est un homme-orchestre mais c’est surtout son humour à la fois pétillant et touchant qui gagne le cœur du public. Avec ses essais humoristiques, Jean-Louis Fournier rencontre un succès immédiat. Par exemple, dans ARITHMÉTIQUE APPLIQUÉE ET IMPERTINENTE, il apprend au lecteur et à la lectrice à calculer le poids du cerveau d’un imbécile. Je souligne enfin la publication de deux ouvrages sur l’enfance de l’auteur.

On sait que dans IL A JAMAIS TUÉ PERSONNE MON PAPA, il aborde l’alcoolisme de son père et OÙ ON VA PAPA qui lui vaut le prix FÉMINA 2008 pour une évocation émouvante du handicap de ses fils. Enfin, en 20013, il publie LA SERVANTE DU SEIGNEUR, sur la vocation religieuse de sa fille.

Quelques livres de l’auteur

Pour lire mon commentaire sur le C.V. DE DIEU, cliquez ici

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 21 janvier 2024

L’inspecteur Specteur et le doigt mort

Commentaire sur le livre de
GHISLAIN TASCHEREAU

*La nuit craquait comme un cafard sous le pied.
Il faisait soif. L’inspecteur Specteur avait des
fourmis dans les jambes. Ce n’étais pas aussi
prestigieux que deux rats dans l’estomac, mais
c’était déjà ça. *
(Extrait : L’INSPECTEUR
SPECTEUR ET LE DOIGT MORT, de Ghislain
Taschereau, Les Intouchables éditeur, 1998, papier,
215 pages)



C’est à Capit, capitale de la Friande qu’on a trouvé le doigt mort, coincé dans la trappe d’une boîte aux lettres. À qui appartient ce cure-nez ? Qui l’a placé là, au vu et au su de tous ? Dans quel but ? L’enquête ne sera pas de tout repos. Heureusement, notre héros a vendu son âme à Satan en échange d’un don particulier. Il est le meilleur inspecteur de police au monde: l’inspecteur Specteur. Mais son adversaire n’est pas un enfant de chœur.

 

Les couleurs du rire
*Ils avaient fait les trois-quarts du chemin quand Ré
mit le pied sur sa soutane et tomba pour la première
fois. Il piqua du nez -qu’il avait plein- et amortit la
chute de sa main brûlée. Une grosse pierre lui
amocha un membre du clergé. Le <ouille> qu’il
lança n’était qu’à un <c> près de ce qui le faisait
se cambrer. *
(Extrait)


C’est un livre drôle, noir, un peu vulgaire, extrêmement expressif, violent, avec une bonne dose d’intrigue et de suspense, le tout intelligemment développé faisant continuellement osciller le lecteur et la lectrice dans les limites du bien et du mal, de l’amour et de l’indifférence. Je vous donne une petite idée de l’histoire, ce que le quatrième de couverture ne fait pas.

Dans des circonstances un peu spéciales que je vous laisse découvrir, l’inspecteur, un tantinet manipulé, conclut un pacte avec le diable. Il échange son âme contre le statut de meilleur inspecteur au monde. Le contrat comprend toutefois deux petites clauses sous-évaluées par Specteur : il ne pourra avoir ni de femme, ni de petites amies. Pour le sexe, il devra s’en remettre aux prostituées et il ne se gênera pas d’ailleurs.

Puis, il devra vivre toute sa vie avec une tare, une maladie. Ici le choix se porte sur l’alcoolisme. Entre temps, une enquête complexe s’annonce pour le nouveau génie : un doigt mort est trouvé, coincé dans la trappe d’une boîte aux lettres. Qui l’a placé là ? Dans quel but? Même pour le meilleur limier au monde, ça s’annonce compliqué.

À plusieurs égards, ce livre est un bon divertissement mais il contient un humour très acide, un caractère irrévérencieux qui porte aux tournures de phrases ayant deux possibilités : ou elles sont à double-sens ou très directes…très très directes : *-…Àmène-toi immédatement au bureau. -Je m’amènerai au bureau quand je le voudrai, sale trou du cul ! Emmerdeur ! Pédéraste ! Dessert de prêtre ! Tampon de nonne ! Siège de vélo ! Sphincter de gorille ! morve de gnou ! Pus de lépreux ! * (Extrait)

Avouez que ça vous a arraché un petit sourire. Il y a aussi de petites subtilités auxquelles j’ai été sensible, des passages bien tournés : *-Il y a combien de temps que vous n’avez pas fait un séjour dans le corps d’un homme ou d’une femme ? Assez longtemps non ? …-La dernière fois, je crois que c’était dans le corps de Linda Blair. Tout ça s’était terminé dans un vulgaire film. C’était un peu décevant comme performance. Mais je m’étais tout de même un peu amusé…le lit…le crucifix, la mère, le prêtre…Que de souvenirs…* Extrait

Cette petite incartade m’avait ramené au souvenir d’un film qui m’avait beaucoup impressionné. Je vous laisse deviné lequel. C’est un livre assez original, plein de tournures de phrases humoristiques, d’allusions, de double-sens et de trouvailles comme ici l’inspecteur s’appelle specteur, son commandant s’appelle mandant. Son paternel s’appelle Ternel. Son ami le curé s’appelle Ré. Et j’en passe.

Quant à l’intrigue, et c’est là la faiblesse du livre, je l’ai trouvée noyée dans l’humour noir, les passages à caractère sexuel et autres passages farcis de sous-entendus.  La description des personnages prend aussi beaucoup de place. On se perd donc un peu dans l’enquête. Mais pour une lecture atypique, vous pouvez me croire, c’est très sorti des sentiers battus. Ce fut pour moi un bon divertissement.

Suggestion de lecture : LA GRIFFE DU CHAT, de Sophie Chabanel

Ghislain Taschereau est né à Saint-Pierre Baptiste, dans la région des Bois-Francs, en 1962. Après un baccalauréat ès théâtre à l’Université de Moncton, au Nouveau-Brunswick, Ghislain commence une carrière d’humoriste en 1989 à titre de scripteur à l’émission 100 LiMiTE. Il excelle comme auteur, comédien, narrateur et réalisateur.

À la télévision et à la radio, Ghislain a surtout œuvré avec le groupe humoristique Les Bleu Poudre. Il est également l’auteur de six romans : L’Inspecteur Specteur et le doigt mort (Les Intouchables, 1998), L’Inspecteur Specteur et la planète Nète (Les Intouchables, 1999), L’Inspecteur Specteur et le curé Ré (Les Intouchables, 2001), Diane la foudre (Les Intouchables, 2000), Tag (Goélette, 2014) et Étoiles tombantes, (Goélette, 2015).

 

Inspecteur Specteur
la suite

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 2 décembre 2023

LES INDES FOURBES, roman graphique

Commentaire sur la BD de
ALAIN AYROLES et JUANJO GUARDINO

(Dessin extrait de : LES INDES FOURBES, scénario d’Alain Ayroles, dessins de Juanjo Guardino, Éditions Delcourt 2019. Formats papiers et numérique. Numérique pour la présente, 160 pages.)

 *Seigneur, je suis de Ségovie. Je vous épargnerais le récit de mes premières années et de la vie que je menai en Castille. Sachez simplement qu’elles furent placées sous le sceau de l’indigence, de la fourbe et de la friponnerie. En dépit de mes constants efforts, malgré des trésors d’astuce et des joyaux d’imagination, je ne parvins jamais à m’élever au-dessus de ma misérable condition. * (Extrait)

Fripouille sympathique, don Pablos de Ségovie fait le récit de ses aventures picaresques dans cette Amérique qu’on appelait encore les Indes au siècle d’or. Tour à tour misérable et richissime, adoré et conspué, ses tribulations le mèneront des bas-fonds aux palais, des pics de la Cordillère aux méandres de l’Amazone, jusqu’à ce lieu mythique du Nouveau Monde : l’Eldorado !

 

2020 – Prix des libraires de bande dessinée,
2020 – Prix BD Gest’ du meilleur récit court Europe, 2019 – Prix Landerneau, 2020 – Prix Le Parisien de la Bande dessinée

Flamboyant mariage
de la plume et du pinceau

Parmi les nombreuses légendes qui ont enrichi la littérature au fil des siècles, celle de l’Eldorado figure en bonne place. Je parle bien sûr de cette contrée mythique d’Amérique du sud qui supposément, regorge d’or et qui a conduit beaucoup d’hommes à la mort ou à la folie. Ce mythe remonte au XVIe siècle. L’Eldorado constitue la toile de fond d’une œuvre géniale d’Alain Ayroles et Juanjo Guarnido qui fait une entrée triomphale dans l’univers du 9e art, l’enrichissant avec un talent qui force l’admiration.

L’histoire se déroule pendant le siècle d’or espagnol, c’est-à-dire la période où le rayonnement culturel de la monarchie catholique espagnole atteint son apogée. L’histoire est celle d’un sympathique bon à rien, Don Pablos de Ségovie, paresseux, ratoureux, profiteur et qui, au fil du récit alterne entre l’extrême pauvreté et l’extrême richesse. Ce coquin de Pablo naviguera avec une simple carte à destination des Indes. C’est ainsi qu’on appelait l’Amérique du sud au XVIe siècle.

Le but est simple quoique pas facile à atteindre : Devenir riche en appliquant les lois paternelles, la deuxième loi en particulier : *Tu ne travailleras point*. C’est ainsi que Pablo vivra toute une série d’aventures rocambolesque. Au départ, jeté à la mer pour avoir triché aux cartes, réchappé sur une petite île et recueilli par des hommes noirs, il vivra toute une série de quiproquos qui l’amènera jusqu’à la cour d’Espagne.

La première chose qui m’a sauté aux yeux dans cette bande dessinée est l’extraordinaire richesse du graphisme. J’y ai décelé un grand souci du détail dans les traits et les jeux de couleurs. De plus, qu’une bande dessinée puisse m’émerveiller autant sur le plan graphique que sur le plan littéraire est un phénomène relativement rare. Même si LES INDES FOURBES est un récit à flash-backs, le fil conducteur de l’histoire est solide.

L’histoire comporte en effet toute une série de retours dans le temps ou si vous voulez, des allers-retours temporels. Ce type de développement donne parfois des récits compliqués et mêlants qui peuvent pousser au décrochage. Ici, l’auteur, Alain Ayroles maîtrise le développement de son histoire avec une remarquable habileté et la fait fondre en douceur dans les superbes aquarelles de Juanjo Guarnido.

Donc, nous avons ici une belle et grande aventure, pour ne pas dire une véritable fresque historique, d’un filou sympathique et attachant qui fait avaler des couleuvres aux esprits faibles en faisant le moins d’efforts possibles dans le but de devenir riche…sans rien faire, un rêve encore très actuel. Donc, pour se résumer : la BD comprend de l’humour, des revirements, des rebondissements, un peu de violence aussi mais tout à fait inévitable si on saisit bien la folie de l’Eldorado.

L’effet visuel est d’une beauté presqu’hypnotique et la synergie entre le récit et les dessins est parfaite. J’ai vu cette BD sur support numérique dans une excellente édition. C’est mieux sur papier toutefois car l’éditeur a publié le livre en grand format. On peut sans doute mieux apprécier toutes les subtilités graphiques. Je vous recommande chaleureusement LES INDES FOURBES. Ce fut pour moi un enchantement.



(Extrait : LES INDES FOURBES, dessin de Juanjo Guardino)

Suggestion de lecture : ABSCONCITÉS, par le dessinateur Klub

Alain Ayroles (à gauche sur la photo) est un scénariste français de bandes dessinées né en 1968. Il est auteur de deux séries publiées en parallèle chez Delcourt : GARULFO et DE CAPE ET DE CROCS. Juanjo Guardino est dessinateur de bandes dessinées et dessinateur chez Disney à Montreuil. Il a participé entre autres à la conception de plusieurs FANZINE et publié des illustrations pour les versions espagnoles des *comic books Marvel*

(photo : Éditions Delcourt 2020)

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 11 novembre 2023

 

ASTÉRIX GLADIATEUR/LE TOUR DE GAULE D’ASTÉRIX

Présentation audio

Commentaire sur les livres de
ALBERT UDERZO et RENÉ GOSCINNY

*Alors…j’ai eu une idée géniale : ramener à César un des gaulois irréductibles de la région. -HEIN ?? Mais Préfet, ces gaulois irréductibles ont un grand défaut. -Ha, lequel ? C’est qu’ils sont irréductibles justement ! *
(Extrait : ASTÉRIX GLADIATEUR/LE TOUR DE GAULE D’ASTÉRIX, Albert Uderzo, René Goscinny, Audiolib éditeur, 2019. Durée d’écoute : 1 heure 49 minutes. Principaux narrateurs : Dominique Pinon, Caroline Klaus, J.Claude Dondat)

Nouveau numéro de la série ASTÉRIX AUDIO avec 8 voix, musique et bruitage
Astérix gladiateur
Pour empêcher Assurancetourix de finir dévoré par les lions aux jeux du cirque, Astérix et Obélix relèvent tous les défis et enfilent leur costume de gladiateur.
Le Tour de Gaule d’Astérix
Astérix et Obélix se lancent dans un tour de Gaule gastronomique, pour provoquer les Romains : à chaque région, sa spécialité culinaire…

Et ça continue, par Toutatis !
*…-j’vous ai r’trouvé Gaulois ! Et maintenant
je sais qui vous êtes. N’avancez pas ou je
vous envoie mon pilum dans le sternum !
(Extrait)

Je vous invite à lire le commentaire que j’ai publié sur ce site concernant les deux premiers épisodes des aventures d’Astérix adaptées au support audio ASTÉRIX LE GAULOIS et ASTÉRIX, LA SERPE D’OR car mon appréciation des deux épisodes suivants, ASTÉRIX GLADIATEUR et LE TOUR DE GAULE D’ASTÉRIX est la même. L’adaptation est bonne, les acteurs sont talentueux. C’est un très bon spectacle sonore. 

Mais il y a toujours ce petit quelque chose qui m’échappe… ces petits détails indétectables par l’oreille que seul le dessinateur Albert Uderzo peut mettre en évidence. Je le précise encore, c’est un livre audio génial mais ça ne remplacera jamais la bande dessinée. On peut parler toutefois de performance complémentaire et la collection en cours de production demeure prometteuse, car on y reconnait jusqu’à maintenant l’esprit des auteurs, Goscinny en particulier.

Je ne peux que répéter mes propos déjà publiés : *Il est probablement normal qu’un auditeur du troisième âge qui écoute un livre audio d’Astérix ait une certaine nostalgie de la bande dessinée. Mais ce qui est plus important est que la production audio pourrait permettre aux enfants de faire connaissance, sans aucun avant-goût avec les personnages principaux de la bande dessinée européenne la plus vendue dans le monde, soit près de 400 millions d’exemplaires cumulés en cent onze langues.

Et c’est sans compter sur cette espèce d’amitié qui lie le Québec à Astérix. Je suis content de ce deuxième opus. C’est du beau travail. Ça ne mettra jamais la bande dessinée dans l’ombre mais ça pourrait la compléter d’une magnifique façon. Le point le plus important sinon le plus positif est que les premiers lectorats adoptent le livre audio ce qui, je l’espère, , développera le goût des jeunes pour la lecture. *

Sans égard à l’âge, tous apprécieront les caractéristiques et particularités du cinéma à l’usage exclusif des oreilles : effets sonores, bruitages multiples, dialogues spontanés, narration dynamique. Encore une fois, la qualité audio est excellente et c’est drôle… l’humour de ses auteurs demeure intemporel et ne s’est jamais tari. J’ai hâte aux prochains épisodes.

 

Suggestion de lecture : RENÉ GOSCINNY RACONTE LES SECRETS D’ASTÉRIX

Albert Uderzo (à droite) naît le 25 avril 1927 à Fismes, dans la Marne. Totalement autodidacte, il s’essaie au dessin animé, travaille pour plusieurs revues, et crée de nombreux héros. À la mort de son éternel complice, René Goscinny, il fonde les Éditions Albert René et perpétue l’esprit d’Astérix.
René Goscinny (à gauche) naît le 14 août 1926 à Paris. Passionné par l’écriture et le graphisme, il collabore à de nombreuses bandes dessinées comme Iznogoud ou Le Petit Nicolas. De sa rencontre avec Albert Uderzo naîtront les célèbres aventures d’Astérix et Obélix, héros majeurs de la bande dessinée française.

C’est dans des pièces du répertoire que Caroline Klaus (au centre) fait ses premiers pas avant de déployer ses talents de comédienne et de chanteuse. Elle est également musicienne et danseuse. Sa voix aux multiples facettes lui permet d’exceller dans les doublages et la narration. 

Ancien élève du Cours Simon, Dominique Pinon (photo de gauche)) a débuté au cinéma avec Jean-Jacques Beineix. Il rencontre Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro et c’est Delicatessen, La Cité des enfants perdus, Le fabuleux destin d’Amélie Poulain… Dominique Pinon a enregistré pour Audiolib, entre autres, Le Hobbit qui lui a valu le Prix Lire dans le Noir 2013.

Grâce à ce qu’il appelle lui-même des cordes vocales « multidirectionnelles » Jean Claude Donda (photo de droite) a su s’imposer comme un véritable maître du doublage. Après Roger Carel, il est une des grandes voix d’Astérix.

Bonne écoute

Claude Lambert
Le vendredi 22 septembre 2023

 

LES PRÉCIEUSES RIDICULES, comédie de Molière

audio

*…deux hommes traités avec plus de mépris que nous. À peine ont-elles pu se résoudre à nous faire donner des sièges, je n’ai jamais vu tant parler à l’oreille entre elles, tant bailler, tant se frotter les yeux et de demander tant de fois quelle heure est-il ? *
(Extrait : LES PRÉCIEUSES RIDICULES, Comédie de Molière, Compagnie du Savoir éditeur, 2014, durée d’écoute : 43 minutes. Comédiens : André Rochel, Francine Dartois, Pierre Stephen, Marie Laurence.)

La fille et la nièce d’un bon bourgeois, nommé M. Gorgibus, sont deux pédantes qui ne rêvent que de se voir entourées de beaux esprits, gens à la mode qui ne parlent que dans un style prétentieux ; elles ont changé leurs noms de Madelon et de Cathos pour les noms plus sonores d’Aminte et de Polixène et elles se posent en précieuses. Gorgibus, qui, avant tout, est un homme de gros bon sens, veut marier ces jeunes filles avec deux jeunes gens de bonne maison, nommés La Orange et du Croisy.

Ces jeunes gens s’expriment avec simplicité et naturel, ce qui ne les recommande pas auprès de Cathos et de Madelon qui les éconduisent avec mépris. Les deux gentilshommes jurent de se venger et envoient chez elles, à cet effet, deux valets impudents, qui se donnent pour des hommes de qualité. Nos deux sottes prennent les extravagances du marquis de Mascarille et du vicomte de Jodelet, puisque tels sont les noms qu’ils se sont donnés, pour la perfection de l’esprit et de la galanterie.

Tout à coup, les maîtres arrivent, le bâton à la main, chercher leurs domestiques ; ils ne manquent pas de railler les coquettes sur le choix de leurs admirateurs et les laissent confondues et accablées de honte. Gorgibus les engage un peu rudement à profiter de la leçon et elles disparaissent devant cette apostrophe foudroyante : «Allez-vous cacher, vilaines, allez-vous cacher.»

Aussi en audio…

La préciosité
un reflet français du XVIIe siècle
*…je n’entends rien à toutes ces balivernes. Je veux
être maître absolu et pour trancher toutes sortes de
discours, vous vous serez mariées toutes deux avant
qu’il soit peu ou ma foi vous serez religieuses…*
(extrait)

Pour ceux et celles qui hésitent à aborder le classique, LES PRÉCIEUSES RIDICULES constituent une merveilleuse porte d’entrée dans cet univers. Il s’agit d’une comédie en un acte exprimée en prose : À l’écoute, ça dure moins d’une heure, c’est drôle, léger, désopilant et antiélitiste. En effet, Molière y développe le thème d’une tendance sociale qui était courante dans la bonne Société française du XVIIe siècle : la préciosité, ce qu’un bon québécois appellerait le snobisme mais c’est peut-être un peu plus complexe.

Compte tenu de la position qu’occupait les femmes dans la Société à cette époque, la préciosité était peut-être un des rares moyens permettant de se tailler une place et gagner un peu de respect. Mais Molière n’en avait cure. Il avait horreur de la préciosité. D’ailleurs. Molière était très critique de ses contemporains. Son regard était sévère. Ça transpire dans toute son oeuvre.

Je note toutefois une certaine retenue de l’auteur dans le texte. Il ne voulait sans doute pas trop se mettre à dos ses contemporains qui appréciaient la préciosité. Cependant, je n’ai pas senti de retenue du côté de la performance vocale des comédiens. Ils m’ont surpris et enchanté par leur entrain et leur déclamation calculée.

Cet opus est loin d’être le meilleur de Molière à mon avis car il caricature deux femmes précieuses et pincées au point d’en être ridicules. Peu de recherche dans le texte, une finale carrément expédiée. C’est écrit à la va vite. Toutefois, il était urgent pour Molière de plaire au roi d’une part et d’assurer son financement d’autre part. Le célèbre auteur a donc planché sur ce qui allait mettre tout le monde à la cour et dans le public d’accord : au-delà de l’humour spontané, de la drôlerie, du burlesque et surtout la caricature.

Molière ne fait que démontrer ici que plus on fait d’artifice, plus on est artificiel. Sans être recherchée et d’une grande profondeur, j’ai trouvé cette comédie drôle et tout à fait divertissante, jouée par d’excellents comédiens. Une pièce qui grossit démesurément les prétentions intellectuelles de deux femmes très ordinaires.

L’idée est bonne quoique légèrement sous-développée. Moi j’ai aimé. Je vous le répète, si vous cherchez une porte d’entrée dans le monde de la littérature classique, et même si vous y furetez déjà, investissez une peu de temps dans LES PRÉCIEUSES RIDICULES. Rire garanti.

Suggestion de lecture : TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE, de Voltaire

Jean-Baptiste Poquelin, dont le nom de scène est Molière, naît le 15 janvier 1622 à Paris. Fils d’un tapissier, Jean-Baptiste Poquelin renonce à reprendre l’affaire familiale qui le destinait à une vie bourgeoise et se tourne vers le théâtre. Il fonde en 1643 «l’Illustre Théâtre» et se fixe comme objectif de «faire rire les honnêtes gens». Il rencontre cette année-là Madeleine Béjart dont il tombe amoureux.

La troupe connaît des débuts difficiles. Elle parcourt la province de long en large de 1646 à 1658. Durant cette période, Jean-Baptiste apprend le métier d’acteur et commence à écrire ses premières comédies comme L’Étourdi et Le Dépit Amoureux sous le pseudonyme de Molière. Devenu dramaturge, son mouvement littéraire est le classicisme et ses œuvres sont principalement des farces et des comédies.

Charlène Vince de l’Internaute.com a publié un article dont le texte ci-haut est un extrait. C’est un dossier  abrégé mais excellent sur la vie et l’œuvre de Molière. Cliquez ici.

Les principales œuvres de Molière

Les Précieuses ridicules (1659)  L’École des femmes (1662)  Dom Juan ou le Festin de Pierre (1665)  Le Misanthrope (1666)  Le Médecin malgré lui (1666)  Amphitryon (1668)
George Dandin ou le Mari confondu (1668)  L’Avare (1668)  Le Tartuffe ou l’Imposteur (1669) Les Fourberies de Scapin (1670)  Le Bourgeois gentilhomme (1670)  Les Femmes savantes (1672)  Le Malade imaginaire (1673)

Bonne écoute
Claude Lambert
Le dimanche 10 septembre 2023

LES AVENTURES EXTRAORDINAIRES D’ARSÈNE LUPIN

COMMENTAIRE SUR LE RECUEIL
L’AIGUILLE CREUSE et autres histoires

De Maurice Leblanc

*Est-ce qu’il ne s’agit pas d’Arsène Lupin ? Est-ce que nous ne devons pas, avec lui, nous attendre justement à ce qui est invraisemblable et stupéfiant. Ne devons-nous pas nous orienter vers l’hypothèse la plus folle ? Et quand je dis la plus folle, le mot n’est pas exact. * (Extrait :  Les aventures extraordinaires d’Arsène Lupin, tome II, Jean-Claude Gawsewitch éditeur, 2012, édition de papier, 370 p.)

Arsène Lupin évoque des énigmes, des secrets enfouis et des cachettes mystérieuses, des machinations, des courses-poursuites et des coups de théâtre. Un héros désinvolte et raffiné, cambrioleur mais gentleman, hors-la-loi autant que justicier, Arsène Lupin, en passionnant des générations de lecteurs par sa verve et ses exploits, figure en bonne place au panthéon de la littérature populaire.»

Le voleur honnête

Je me suis finalement décidé à lire LES AVENTURES EXTRAORDINAIRES d’Arsène Lupin dans leur version originale. Sur le personnage lui-même, je suis un peu mitigé en ce sens que j’ai eu de la difficulté à m’y attacher. Lupin est une légende plus grande que nature, presque trop parfait, arrogant, mufle à ses heures, prétentieux, manipulateur et imbu mais tellement brillant, subtil, intelligent et malin.

Ce sont les histoires qui m’on subjugué, la plume incroyablement maîtrisée de Maurice Leblanc qui a créé un *gentil bandit* tellement magnétique, travaillé en profondeur et si génial qu’il est devenu un monstre sacré, un immortel incontournable de la littérature et de l’écran. Le tome 2 des aventures de Lupin est particulièrement important car on y retrouve un chef d’œuvre de la littérature policière : L’AIGUILLE CREUSE, un roman phare qu’il faut absolument lire si on veut pénétrer en profondeur l’âme de Lupin et saisir l’esprit de l’auteur.

J’ai beaucoup aimé L’AIGUILLE CREUSE pour plusieurs raisons. Il est question, dans ce récit, d’un épais mystère comportant un secret que les rois de France se transmettaient et dont Arsène Lupin s’est approprié. La fameuse « aiguille » contient le plus fabuleux trésor jamais imaginé. Voilà qui explique, en partie seulement, la puissance du personnage et ses moyens d’agir.

J’ai trouvé le récit aussi particulièrement captivant parce qu’il introduit un personnage à la fin de son adolescence : Isidore Beautrelet, élève de rhétorique surdoué, ce qui est incongru au départ. Il se trouve qu’Isidore est devenu mon héros dans cette aventure parce qu’il a tenu tête à Lupin et a fait la barbe à un policier obsédé par la capture du célèbre voleur : le détective Ganimard.

L’ouvrage comporte plusieurs petites curiosités. J’en citerai une dernière, qui donne une saveur particulière à L’AIGUILLE CREUSE : Leblanc parodie Sherlock Holmes. L’antihéros devient Herlock Sholmès, un détective particulièrement antipathique et imbu. J’ai adoré.

L’œuvre, parue entre 1908 et 1909 n’a pas vieilli. Ça se lit sans prendre conscience du temps qui passe et j’ai compris très vite pourquoi, à travers les mystères, revirements et rebondissements, par sa manière d’être et sa psychologie, Arsène Lupin est devenu le GENTLEMAN CAMBRIOLEUR, terme qui sera consacré d’ailleurs par la célèbre chanson de Jacques Dutronc et qui deviendra le thème de la célèbre télésérie.

Je vous souhaite sincèrement de lire ces aventures avec le même enchantement que je celui que j’ai ressenti et les émotions qui l’accompagnent évidemment.

C’est le plus grand des voleursOui, mais c’est un gentlemanEt chaque femme à son heureRêve de voir son visage
De l’actrice à la danseuseÀ l’épouse la meilleureGentleman cambrioleurA gagné le cœur
C’est le plus grand des voleursOui, mais c’est un gentlemanIl s’empare de vos valeursSans vous menacer d’une arme
Quand il détrousse une femmeIl lui fait porter des fleursGentleman cambrioleurEst un vrai seigneur
Extrait de la chanson GENTLEMAN CAMBRIOLEUR : Yves Dessca/Jean-Pierre Bourtayre/Frank Harvel
 
Suggestion de lecture : LE CHIEN DES BASKERVILLE, d’Arthur Conan-Doyle
 

Explorez la biographie de Maurice Leblanc ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 27 août 2023