UNE HISTOIRE DU QUÉBEC, Jacques Lacoursière

*Le 24 juillet 1534 marque le début de l’histoire
officielle du Québec. Ce vendredi-là, des hommes
du capitaine malouin Jacques Cartier plantent une
croix sur la pointe de Gaspé…*
(Extrait : UNE
HISTOIRE DU QUÉBEC, Jacques Lacoursière. Papier :
Éditions du Septentrion 2012, 200 pages. Version audio :
Audible studios éditeur, 2019, durée d’écoute : 4 heures
46 minutes. Narrateur : Alexis Martin.)


Ce livre est une synthèse de l’histoire du Québec. Il retrace « l’évolution de la société québécoise en intégrant dans son texte les grands événements politiques, la vie quotidienne, les débats d’idées et l’opposition entre les éléments conservateurs et progressistes qui ont forgé le destin du Québec ». Jacques Lacoursière va à l’essentiel en livrant le fruit de quarante années de recherche et de réflexion.

Introduction à un pays
*Peu de canadiens avaient manifesté une grande
ardeur à défendre leur Mère-Patrie. Quelques-uns
avaient même pris les armes en faveur des insurgés.
Le 25 mars 1776 à Saint-Pierre-du-sud, non loin de
Montmagny, un combat s’engage entre fidèles sujets
de sa Majesté et canadiens rebelles. On voit alors des
pères se battre contre des fils…*
(Extrait)

UNE HISTOIRE DU QUÉBEC est une synthèse très brève et simplifiée de l’histoire du Québec qui débute officiellement en 1534 par la plantation d’une croix à Gaspé : geste hautement symbolique posé par le Capitaine Jacques Cartier. Étrangement, l’histoire du Québec débute par la découverte du Canada. La brièveté du récit par rapport à la période couverte m’a laissé mitigé. Je dirais que c’est le défaut de sa qualité. Beaucoup de détails importants ont été escamotés mais l’essentiel a été livré.

Pour une introduction simplifiée à l’histoire du Québec, j’ai trouvé le tout très acceptable et pour être honnête, j’aurais beaucoup aimé qu’à l’école, l’histoire du Québec m’ait été racontée à la façon d’Alexis Martin, le narrateur du récit de Jacques Lacoursière en version audio.

Comme je le précise au début, le style du texte est très introductif et évoque une chaîne d’évènements sans nécessairement en expliquer le sens mais en en rapportant toutefois les conséquences. C’est un texte vulgarisé qui, sans entrer dans les détails, constitue un outil de révision de l’histoire très valable.

J’ai quand même su et compris beaucoup de choses qui m’ont échappé au fil du temps : que Jacques Cartier symbolisait un désir d’expansion et de puissance de la monarchie française. La France et l’Angleterre accumulaient les guerres et ça s’est senti jusqu’à la défaite de Montcalm aux Plaines d’Abraham en 1759 marquant le début de la conquête britannique du Québec. On comprend mieux la rivalité entre canadiens anglais et canadiens français, rivalité de langue, de religion et d’identité.

Mais qu’à cela ne tienne, le Québec ne s’est jamais départi de son petit côté *Nouvelle France* et cet aspect des québécois est mis en perspective dans le récit de Jacques Lacoursière et cela, je l’ai beaucoup apprécié.

J’ajouterai à ces nouvelles connaissances la naissance de certaines idées dont quelques-unes ont et ou encore la vie dure : le séparatisme, les conséquences de la guerre, la séparation de l’église et de l’État et même l’annexion du Canada aux États-Unis qui a été souhaitée à une époque où les britanniques se débrouillaient fort mal avec la notion de haut et de bas Canada. J’ai beaucoup apprécié la synthèse sur Maurice Duplessis, l’auteur proposant un intéressant rapport de forces et de faiblesses sur son héritage politique.

Donc en résumé, c’est un ouvrage intéressant qui va à l’essentiel, jugé incomplet par beaucoup de critiques, parce que ça manque de détails entre autres, qu’on enchaîne les évènements sans en expliquer le sens.

Moi je prends ce titre pour ce que je crois qu’il est : un condensé qui va à l’essentiel. La décision d’aller plus loin dans mes connaissances de l’histoire m’appartient et je dois dire que c’est tentant.

Suggestion de lecture : L’HISTOIRE DU QUÉBEC EN 30 SECONDES, de Sabrina Moisan et Jean-Pierre Charland

Jacques Lacoursière est un historien et auteur québécois né en 1932 à Shawinigan et mort à Québec en 2021.. Il se spécialise dans la vulgarisation de l’Histoire du Québec.  Dans les années 1960, il fut collaborateur à Libre Nation, un journal nationaliste et indépendantiste. Passionné d’histoire, L’auteur a fait une refonte complète dans la collection Histoire populaire du Québec, maintenant en cinq tomes. Jacques Lacoursière a aussi, en 1996, participé à l’élaboration de la télésérie historique Épopée en Amérique réalisée par Gilles Carle. Il est le frère de la romancière Louise Lacoursière.


Tout a commencé en 1534…avec Jacques Cartier
(Toile de Suzor-Côté)

Bonne lecture

Bonne écoute

Claude Lambert

le dimanche 26 novembre 2023

 

LONGWOR, L’ARCHIPEL-MONDE, de Denis Duclos

*«Tlacacalilizli ! Les flèches, les flèches vivantes
qui tuent !… Ah, malheur, il est mort ! » hurlait
maintenant la sorcière, des sanglots dans la
gorge. Elle secouait en tous sens sa chevelure
épineuse.*

(Extrait : LONGWOR, L’ARCHIPEL-MONDE,
Le Cycle de l’Ancien Futur, livre 1, Denis Duclos, édition
de papier, J’ai lu éditeur, édition numérique mai 2001,
Rivages/Fantasy éditeur 1999, 345 pages)

Longwor : un minuscule archipel au nord-est de la Guyane, que les courants marins et les anomalies magnétiques ont caché aux yeux du monde. Augustin Coriac, disparu dans ces parages voici un siècle, y aurait-il surpris des secrets encore plus étranges que ceux qui l’ont guidé jusque-là ? Sur la Majeure, la plus grande île de l’archipel, Augustin découvre chemins forestiers, passages souterrains et marais pestilentiels. Mais il est vite confronté à la violence des jeux de pouvoir qui agitent ce micro monde. Il échappera à mille dangers tout en découvrant le pouvoir secret du «Grand Dragon» qui régit la destinée de l’archipel.

Un surprenant microcosme
*« Buvons, mes amis, au Grand Équilibre, qui, comme par miracle,
interdit aux puissances de ce monde de nous faire sombrer dans
l’apocalypse ! Buvons à la vie qui permet à ce pauvre être de
résister à tous les traitements inhumains qu’on lui a fait subir !»
On trinqua à l’adresse du thrombe endormi. *
(Extrait)

LONGWOR, L’ARCHIPEL-MONDE est le premier opus d’une série appelée LE CYCLE DE L’ANCIEN FUTUR. C’est un grand récit aventurier qui a attiré mon attention pour plusieurs raisons. Il s’agit de la démarche d’un aventurier. Ça n’a rien d’extraordinaire comme récit, cependant, l’histoire a certains attributs très intéressants. Voyons d’abord le synopsis.

À la fin du XIXe siècle, un aventurier appelé Augustin Coriac trouve le moyen d’atteindre et d’explorer un endroit légendaire quelque part au nord-est de la Guyane, mais pourtant caché aux yeux du monde par des courants marins capricieux et des anomalies magnétiques.

Dès son arrivée, il rencontre Phial d’Atoy de Parinofle qui deviendra guide officiel de cette odyssée extraordinaire dans cet archipel à la beauté aussi luxuriante qu’hostile. L’objectif de Coriac est d’atteindre Clotone, la capitale de l’Archipel mais il devra affronter de nombreux dangers, les subtils jeux de pouvoirs des principaux acteurs étant les moindres.

Le premier élément qui m’a sauté aux yeux est le soin particulier que Denis Duclos a mis dans la création de Longwor. Il a donné à l’archipel une histoire, des légendes, des mœurs, une géographie, un système politique, une mythologie, toutes sortes de créatures, espèces et sous-espèces et j’en passe mais non sans mentionner le plus important : LE GRAND ÉQUILIBRE, une expression rituelle qui se réfère à des croyances partagées dans tout Longwor.

C’est la caractéristique majeure de l’Archipel qui rend capital le souhait des insulaires de ne jamais entrer en contact avec le Nouveau-Monde. *On m’a parlé d’un jeu entre les îles, d’un lien compliqué entre la politique et les courants marin…* (Extrait)

toutes ces caractéristiques attribuées à Longwor sont tellement vastes et, je dois le dire, inutilement compliquées, que l’auteur a consacré 20% de son livre (un cinquième…je trouve ça énorme) à une petite encyclopédie des Îles de Longwor, c’est-à-dire un dictionnaire d’êtres de toutes sortes peuplant l’imaginaire de l’archipel : hommes, dieux, fées, chevaux, navires, thrombes et même des morts vivants. Ajoutons à cela trois dictionnaires thématiques spécifiques à Longwor.

Autre élément qui m’a frappé dans ce livre est la beauté de l’écriture. L’auteur y décrit un microcosme qui n’est pas sans rappeler les envolées descriptives de Jules Verne : *Vous ne le connaissez pas dit fièrement Propio. « Elle court comme une brenèle, grimpe comme une chevirelle et nage comme un phomar. Éventuellement, elle mord comme un petit traquart… » (Extrait)

Beaucoup de mots sont des déformations ou des extensions de mots courants comme *gouvernoral* au lieu de gouvernemental ou *BLIN* au lieu de lin. Évidemment, donner autant d’attributs à un peuple caché comme l’histoire et la mythologie nécessitait qu’on lui attribue également un langage.

Voilà. Je vous ai donné les principales raisons qui me poussent à vous recommander ce livre…des raisons qui constituent un côté dépaysant avec beaucoup de trouvailles. Sur le plan de l’histoire, c’est plus ordinaire…un aventurier qui découvre et explore un monde nouveau, étrange et pouvant être dangereux. Ordinaire, et courant en littérature. Mais il y a beaucoup d’autres choses que l’histoire dans Longwor et ça fait de cette lecture une belle diversion.

Suggestion de lecture : SAUVAGE, de Jamey Bradbury

Denis Duclos est sociologue, docteur d’État, directeur de recherche au CNRS à Paris, écrivain et chercheur associé à un groupe de recherche de l’Institut Télécom. Denis Duclos est intervenu régulièrement dans le Monde diplomatique depuis 1993. Il a écrit des récits mythiques et d’Heroic fantasy inspirés par sa réflexion sur le concept de pluralité. Le «cycle de Longwor» est inspiré du cycle homérique. Il décrit des aventures épiques dans un archipel imaginaire, où la liberté des personnages se confronte à la «machine» des fonctions identitaires de chaque île.

LA SUITE

Bonne lecture
Claude Lambert

le samedi 25 novembre 2023

UN VILLAGE EN TROIS DÉS, Fred Pellerin

<Peuple ! Vous comptez votre argent, vous buvez,
vous sacrez, vous vous contraceptionnez…Vous
n’êtes même pas capable de vous z’entendre sur un
défunt à refuntiser…Vous n’êtes qu’une pauvre
accumulation de monde. Vous ne serez jamais z’un
village. Jamais.>
Extrait : UN VILLAGE EN TROIS DÉS, Fred Pellerin,
Sarrazine éditeur,  2019, édition de papier. 180 pages.

Un village en trois dés, c’est une nouvelle incursion de Fred Pellerin dans le dédale de Saint-Élie-de-Caxton. On y retrouve la faune légendaire préservée : Méo le barbier décoiffeur, Toussaint le marchand généreux. Aussi, sur ce sixième voyage conté, on a la chance de faire la rencontre d’Alice, la première postière de l’histoire locale, elle qui savait licher les enveloppes dans les deux sens – tant pour les fermer que pour les ouvrir -, et de connaître un peu mieux le curé neuf, mandaté pour redonner du lustre à la foi ambiante du Caxton d’époque. Un village en trois dés, c’est des histoires qui se tiennent en équilibre sur un petit cube de hasard ou de providence. 

Sept fois la foi
Ils étaient un nombre.
Ils rêvaient d’un monde.
Ils étaient un voyage.
Ils rêvaient d’un village.
Extrait

Encore une fois, je suis entré dans l’univers de Fred Pellerin. Je me suis offert une enrichissante visite spatio-temporelle de Saint-Élie-de-Caxton afin par exemple de mieux comprendre les origines de Saint-Élie : *C’est à ce moment précis que le village de Saint-Élie-de-Caxton a commencé à exister. C’était le 12 avril 1865.
Juste avant l’heure du souper. *
(Extrait) Ce *moment précis* c’est à vous bien sûr de le découvrir amis lecteurs et amies lectrices dans un des plus beaux passages du récit.

J’avais aussi le goût de retrouver les vieux de la vieille…Méo le barbier décoiffeur, Lurette la Belle, héroïne du chapitre UNE MALLE POUR UN BIEN. J’ai fait aussi la connaissance d’une p’tite nouvelle : Alice, la première postière de l’histoire locale, elle qui savait licher les enveloppes dans les deux sens – tant pour les fermer que pour les ouvrir – Extrait   

Et puis, j’étais curieux de rencontrer un nouveau ptit curé, un flambant neuf, gracieuseté de Monseigneur L’Évêque, un petit cadeau disons non-désintéressé, l’évêché souhaitant brasser les âmes un p’tit peu et revitaliser la foi. C’est ainsi que j’ai revisité Saint-Élie-De-Caxton, à travers six petites histoires qui, comme le mentionne l’éditeur, se tiennent en équilibre sur un petit cube de hasard et de providence.

Qu’est-ce que les dés ont à voir avec Saint-Élie-de-Caxton? Évidemment, je l’ai découvert en cours de lecture et ce fut pour moi, tout à fait inattendu comme évènement, le tout reposant sur ce que je pourrais appeler le mot-clé et même le fil conducteur du petit recueil : LA FOI. Quelle finale remarquable. J’en ai eu quelques petits frissons d’émotivité. Encore une fois j’ai pu goûter la belle écriture aérienne de Fred Pellerin qui attise les émotions, pousse à la réflexion et nous gratifie d’un petit vent rafraîchissant.

Comme je l’ai ressenti en lisant L’ARRACHEUSE DE TEMPS en 2016, je me suis lové dans la plume de Fred qui est d’une grande richesse, la richesse des mots de chez nous…fantaisies, expressions colorées ou tordues, jeux de mots qui arrachent rire et sourire. La beauté de l’écriture est la garantie d’une lecture riche en émotions et génératrice de réflexion : *La connexion entre êtres humains existe depuis plus longtemps que le Wifi. On nommera cette chose EMPATHIE. * (Extrait)

Le récit laisse-t-il à penser que Saint-Élie-De-Caxton a été créé sur un coup de dés? À vous de le découvrir. UN VILLAGE EN TROIS DÉS est donc une lecture, légère, rafraichissante et agréable que je n’hésite pas à vous recommander. Fred Pellerin manie la langue avec habileté, joue avec les mots et privilégie le langage du Caxton :

*Ils ont bâti une église et se sont commandé un curé. Nous étions alors à cette époque où le curé était chose courante dans le sens de la régularité, comme dans celui de la mobilité. Tu voulais un curé ? Tu appelais l’évêché et il t’en mettait un sur la route, emballé sous vide livré la journée même. * (Extrait)

Dès le départ, vous pourriez être séduit par la première de couverture. Sur l’illustration, un dé tombe du clocher d’une église. À la fin de ma lecture, je me suis dit que c’était superbement imaginé. J’ai adoré. Apprêtez-vous à entrer dans un monde de légendes…

Suggestion de lecture: LA MAISON TELLIER ET AUTRES CONTES, Guy De Maupassant

Les histoires de Fred Pellerin sont celles de son village: Saint-Élie-de-Caxton, petit village québécois de la Mauricie, « où les lutins et les fées s’écrasent dans les pare-brise le soir ». Anecdotes, potins, rumeurs passent à la moulinette de Fred Pellerin pour en ressortir sous forme de contes pour adultes. 

Et la force de ce formidable bonimenteur est, sans être démagogique, de nous raconter des histoires… toujours vraies! Fred Pellerin met des enjoliveurs à la surréaliste banalité, brasse notre mémoire collective par ses acrobaties verbales. Fred Pellerin, figure emblématique du conte au Québec, s’est aussi illustré au-delà de nos frontières. Quarante-trois ans et plus de 4000 représentations professionnelles au sein de la francophonie mondiale.

 

AUTRES LIVRES DE FRED PELLERIN

Bonne lecture
Claude Lambert

Le dimanche 19 novembre 2023

CHRONIQUES D’UNE TERREUR PROGRAMMÉE

Commentaire sur le livre de
DAMIEN GUIRAND

*Un bruit d’éclaboussures. Pui un silence. Puis des cris de peur.
Suivis de hurlements de douleur. Diane entendait les terribles
souffrances de son fils mais n’avait aucun moyen d’intervenir.
Pétrifiée…elle se contenta d’adopter une position stationnaire.*
(Extrait : CHRONIQUES D’UNE TERREUR PROGRAMMÉE, Damien
Guirand, L’Alchimiste éditeur, 2019, format numérique, 1482 kb, papier :
106 pages)

La planète se trouve peu à peu paralysée par de mystérieuses catastrophes, des accidents autant absurdes qu’atroces surgissant n’importe où n’importe quand. Tout converge vers une nouvelle forme d’attentat. Les questions s’accumulent tandis que la peur grandit partout sur le globe. Qui se cache derrière toutes ces horreurs ? Pourquoi personne ne les revendique ? Mais, surtout, jusqu’où sont prêts à aller ces inconnus qui sèment une terreur de plus en plus grande ? Le temps passe alors qu’une évidence se dessine : et si les fondements mêmes du monde moderne en venaient à vaciller ?

Des horreurs qui questionnent
*-Tu es humaine, ajouta Paralysie. Il est normal que toutes ces
atrocités te bouleversent…Mais repense à l’aboutissement
terminal. Repense à la société idéale que nous sommes en
train de bâtir. Notre cause est la plus noble des causes. Mais
elle doit passer par une période d’affrontement, une guerre. Et
toute guerre nécessite des sacrifices, malheureusement. *
(Extrait)

CHRONIQUES D’UNE TERREUR PROGRAMMÉE est une novella, c’est-à-dire un texte qui se situe entre la nouvelle et le roman court. C’est un roman <coup de poing >, une de mes lectures les plus addictives à ce jour. Ici, on pourrait remplacer le terme <tremblement de terre> par <tremblement de livre>. Ça vous donnerait une idée assez juste de l’effet que ce livre a eu sur moi. Voyons le topo : des catastrophes dont l’horreur va crescendo ébranlent la planète :

<…à l’instant même où le meilleur agent de la CIA entreprit d’exprimer son illumination de génie, un étrange faisceau rouge traversa l’avion qui le transportait. Et dans la microseconde qui suivit, Markus de Andrea et les mille trois cents autres personnes qui l’accompagnaient rejoignirent plusieurs milliards de leurs ancêtres dans le sombre monde des non-vivants. Pulvérisés en plein ciel.> Extrait

La peur s’installe dans le monde car ces catastrophes sont totalement imprévisibles quant aux endroits et aux moments où elles frapperont et au nombre de morts qu’elles feront. Catastrophes naturelles ? Terrorisme ?

Terrorisme sûrement. Mais pourquoi n’est-il pas revendiqué ? Et qui se cacherait derrière ce rideau de terreur ?  Avec une redoutable minutie, l’auteur met volontairement le lecteur mal à l’aise en décrivant, dans un enchaînement de chapitres courts sans liens, des évènements meurtriers. Le lecteur jongle alors avec l’idée que des terroristes dont la brillante intelligence atteint la psychopathie orchestrent tous ces meurtres de masse.

Quant à comprendre la logique de tout ça, le lecteur devra être patient, car après la description, l’auteur donne des indices qui permettent au lecteur de mettre les choses en place puis, de la lettre d’une mère à sa fille, la lumière jaillit. Être ligoté par une lecture ne m’arrive pas souvent mais ce petit livre m’a simplement ébranlé. Il est direct, incisif, angoissant et pousse à la réflexion sur la viabilité des grands systèmes économiques qui régissent le monde devant garantir l’équité et la justice alors qu’ils font tout le contraire. Le capitalisme est particulièrement visé.

Le récit vient nous rappeler aussi un fait qu’on est malheureusement porté à oublier : pour déstabiliser des personnes, une région, un pays voire la terre entière, il suffit d’installer et d’entretenir la peur. Et puis peut-on vraiment empêcher quelqu’un mû par une volonté implacable de faire le mal surtout s’il est motivé par une doctrine, une idéologie ou une religion? Si un lecteur ou une lectrice a envie de tourner la page d’un livre mais craint de le faire, c’est à coup sûr parce que l’auteur l’a atteint dans son âme.

Il est presqu’heureux que le roman soit court car avec un pareil sujet, l’auteur aurait pu se lancer dans un grand roman, une série, un film si ça se trouve. Mais Damien Guirand a choisi une voie beaucoup plus difficile, celle de la novella qui charge l’auteur de brasser un maximum d’émotions dans un minimum de pages. Ce n’est pas le genre de livre qui entretient la confiance en l’avenir car il pousse le lecteur à se poser la terrible question : Est-ce-possible ? Ça pourrait arriver ? On ne sort pas indemne d’une lecture aussi géniale.

Suggestion de lecture : LES ORCHIDÉES DE STALINE, de Corinne De Vailly et Normand Lester.

Damien Guirand est né en 1987, en Savoie. Passionné de cinéma et de science-fiction, il dévore tout ce qu’il trouve à lire. Son appétit se mue rapidement en désir d’user de ses propres mots, dans ses propres histoires. Un jour, il met un terme à ses tergiversations, allume son ordinateur et plonge naturellement dans l’écriture. Il dessine alors des intrigues palpitantes et inquiétantes où se mêlent des thèmes propices à questionner le lecteur. Bienvenue dans son monde sans concession.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 18 novembre 2023

LES MONSTRES, le livre de Lauren Beukes

*Dans sa tête, tout était confus. Les souvenirs s’enfuyaient
 dans des recoins sombres tels des poissons d’argent. Mieux
valait les ignorer que de chercher à les attraper. *
(Extrait : LES MONSTRES, Lauren Beukes, à l’origine, papier,
Pocket éditeur, 1975, 609 pages. Version audio : Audible Studios
éditeur, 2015, durée d’écoute : 14 heures 10 minutes, narratrice :
Gaëlle Savary.)

Depuis qu’elle travaille à Detroit, département des Homicides, l’inspectrice Gabriella Versado ne s’était jamais trouvée face à une telle monstruosité : un jeune garçon mutilé, le haut de son corps mêlé aux membres inférieurs d’un cerf. Profondément remuée, Gabi se lance à la recherche du macabre sculpteur.
Pendant ce temps, sa fille, Layla, qu’elle délaisse trop souvent, se met en tête de débusquer des pervers sur Internet avec sa meilleure amie. Sa mère ne se doute pas un instant que l’adolescente est à deux doigts de tomber entre les mains du psychopathe, un fou qui se rêve artiste…

 

Un art glauque
*Gabriella s’accroupit à côté du banc. -Bob ! À son ton
urgent, il fait volte-face. Là ! elle désigne une fine éclaboussure
brune sur le plexi. -Il l’a tuée ici…en pleine rue…*
(Extrait)

La version audio de ce récit m’a particulièrement impressionné. C’est un chef d’oeuvre de performance vocale de la narratrice Gaëlle Savary. Elle a su actualiser et envelopper une histoire qui en avait grandement besoin, créant un registre vocal précis pour chacun des principaux personnages. La prestation est excellente en particulier pour le principal monstre de l’histoire, Clayton, un tueur psychopathe sans conscience.

Le récit a quelques forces. L’auteur frappe fort dès le départ avec le meurtre d’un enfant que le tueur a coupé en deux pour le fusionner avec un cerf. En général, les personnages ont peu de profondeur sauf peut-être celui de l’inspectrice principale, Gabriella Versado qui doit composer avec ce que je pourrais appeler la folie intelligente d’un tueur insaisissable.

Si je déleste le récit de son enquête des nombreux et ennuyants passages inutiles qui diluent l’intrigue, j’ai trouvé l’enquête intéressante, dirigée par un personnage créé pour faire preuve de courage et se débattre avec l’énergie du désespoir. Puisque je suis dans les forces, je signale enfin que la présentation générale est bonne : des chapitres courts, un ensemble bien ventilé avec un bon sens de l’intrigue.

Malheureusement, l’intrigue est affaiblie par une grande quantité de palabres inutiles, de dialogues vides. L’histoire est longue. L’intrigue est assez bien construite mais l’action est lente. Le fil conducteur est fragile. Le modus operandi du tueur force l’attention et laisse libre cours à l’expression de l’auteure, à savoir que plusieurs passages sont à soulever le cœur et la corde est sensible car parmi les victimes, il y a des enfants.

Ma plus grande déception est la finale qui m’a donné l’impression d’un parfait remplissage laissant supposer que le mal à l’état pur a besoin d’une enveloppe pour se répandre. C’est ainsi que l’auteure a introduit le paranormal ou le fantastique si vous préférez. J’ai l’impression que l’auteure n’avait pas prévu sa finale et qu’elle a improvisé. Autre questionnement : après la conclusion, c’est-à-dire la lecture du rapport de police, l’auteure annexe des extraits d’un forum fictif lié à l’histoire, extraits précédés et suivis de chiffres et du nombre de commentaires.

Je n’ai pas compris l’utilité de cette annexe. Encore du remplissage. Donc en résumé, l’histoire connait un bon départ mais ça se dégrade jusqu’à la conclusion qui est elle-même tirée par les cheveux. Pardonnez-moi ce cliché, mais les meubles ont été sauvés par la narratrice qui a fait un excellent boulot. Ça donne un tout probablement très supérieur à la version papier.

Suggestion de lecture : NÉBULOSITÉ CROISSANTE EN FIN DE JOURNÉE, de Jacques Côté

Lauren Beukes est née en 1976 à Johannesburg, en Afrique du Sud. Journaliste, scénariste, auteur de documentaires et de bandes dessinées, elle s’est fait connaître grâce à ses romans : Zoo City, qui lui a valu le prix Arthur C. Clarke en 2011, et Les Lumineuses, qui a reçu le prix British Fantasy en 2014. Depuis, elle a écrit Moxyland (2014) et Les Monstres (2015). Tous les ouvrages de Lauren Beukes sont publiés aux Presses de la Cité.
Pour tout savoir sur Lauren Beukes, visitez son site. Cliquez ici.

Notez toutefois que le site en en anglais.

Bonne lecture
Bonne écoute

Claude Lambert
le dimanche 12 novembre 2023

LES INDES FOURBES, roman graphique

Commentaire sur la BD de
ALAIN AYROLES et JUANJO GUARDINO

(Dessin extrait de : LES INDES FOURBES, scénario d’Alain Ayroles, dessins de Juanjo Guardino, Éditions Delcourt 2019. Formats papiers et numérique. Numérique pour la présente, 160 pages.)

 *Seigneur, je suis de Ségovie. Je vous épargnerais le récit de mes premières années et de la vie que je menai en Castille. Sachez simplement qu’elles furent placées sous le sceau de l’indigence, de la fourbe et de la friponnerie. En dépit de mes constants efforts, malgré des trésors d’astuce et des joyaux d’imagination, je ne parvins jamais à m’élever au-dessus de ma misérable condition. * (Extrait)

Fripouille sympathique, don Pablos de Ségovie fait le récit de ses aventures picaresques dans cette Amérique qu’on appelait encore les Indes au siècle d’or. Tour à tour misérable et richissime, adoré et conspué, ses tribulations le mèneront des bas-fonds aux palais, des pics de la Cordillère aux méandres de l’Amazone, jusqu’à ce lieu mythique du Nouveau Monde : l’Eldorado !

 

2020 – Prix des libraires de bande dessinée,
2020 – Prix BD Gest’ du meilleur récit court Europe, 2019 – Prix Landerneau, 2020 – Prix Le Parisien de la Bande dessinée

Flamboyant mariage
de la plume et du pinceau

Parmi les nombreuses légendes qui ont enrichi la littérature au fil des siècles, celle de l’Eldorado figure en bonne place. Je parle bien sûr de cette contrée mythique d’Amérique du sud qui supposément, regorge d’or et qui a conduit beaucoup d’hommes à la mort ou à la folie. Ce mythe remonte au XVIe siècle. L’Eldorado constitue la toile de fond d’une œuvre géniale d’Alain Ayroles et Juanjo Guarnido qui fait une entrée triomphale dans l’univers du 9e art, l’enrichissant avec un talent qui force l’admiration.

L’histoire se déroule pendant le siècle d’or espagnol, c’est-à-dire la période où le rayonnement culturel de la monarchie catholique espagnole atteint son apogée. L’histoire est celle d’un sympathique bon à rien, Don Pablos de Ségovie, paresseux, ratoureux, profiteur et qui, au fil du récit alterne entre l’extrême pauvreté et l’extrême richesse. Ce coquin de Pablo naviguera avec une simple carte à destination des Indes. C’est ainsi qu’on appelait l’Amérique du sud au XVIe siècle.

Le but est simple quoique pas facile à atteindre : Devenir riche en appliquant les lois paternelles, la deuxième loi en particulier : *Tu ne travailleras point*. C’est ainsi que Pablo vivra toute une série d’aventures rocambolesque. Au départ, jeté à la mer pour avoir triché aux cartes, réchappé sur une petite île et recueilli par des hommes noirs, il vivra toute une série de quiproquos qui l’amènera jusqu’à la cour d’Espagne.

La première chose qui m’a sauté aux yeux dans cette bande dessinée est l’extraordinaire richesse du graphisme. J’y ai décelé un grand souci du détail dans les traits et les jeux de couleurs. De plus, qu’une bande dessinée puisse m’émerveiller autant sur le plan graphique que sur le plan littéraire est un phénomène relativement rare. Même si LES INDES FOURBES est un récit à flash-backs, le fil conducteur de l’histoire est solide.

L’histoire comporte en effet toute une série de retours dans le temps ou si vous voulez, des allers-retours temporels. Ce type de développement donne parfois des récits compliqués et mêlants qui peuvent pousser au décrochage. Ici, l’auteur, Alain Ayroles maîtrise le développement de son histoire avec une remarquable habileté et la fait fondre en douceur dans les superbes aquarelles de Juanjo Guarnido.

Donc, nous avons ici une belle et grande aventure, pour ne pas dire une véritable fresque historique, d’un filou sympathique et attachant qui fait avaler des couleuvres aux esprits faibles en faisant le moins d’efforts possibles dans le but de devenir riche…sans rien faire, un rêve encore très actuel. Donc, pour se résumer : la BD comprend de l’humour, des revirements, des rebondissements, un peu de violence aussi mais tout à fait inévitable si on saisit bien la folie de l’Eldorado.

L’effet visuel est d’une beauté presqu’hypnotique et la synergie entre le récit et les dessins est parfaite. J’ai vu cette BD sur support numérique dans une excellente édition. C’est mieux sur papier toutefois car l’éditeur a publié le livre en grand format. On peut sans doute mieux apprécier toutes les subtilités graphiques. Je vous recommande chaleureusement LES INDES FOURBES. Ce fut pour moi un enchantement.



(Extrait : LES INDES FOURBES, dessin de Juanjo Guardino)

Suggestion de lecture : ABSCONCITÉS, par le dessinateur Klub

Alain Ayroles (à gauche sur la photo) est un scénariste français de bandes dessinées né en 1968. Il est auteur de deux séries publiées en parallèle chez Delcourt : GARULFO et DE CAPE ET DE CROCS. Juanjo Guardino est dessinateur de bandes dessinées et dessinateur chez Disney à Montreuil. Il a participé entre autres à la conception de plusieurs FANZINE et publié des illustrations pour les versions espagnoles des *comic books Marvel*

(photo : Éditions Delcourt 2020)

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 11 novembre 2023

 

CEUX DE LÀ-BAS, de Patrick Sénécal

*-Il y a une présence…un esprit est parmi nous…
(Pause) Manifeste-toi esprit. Si tu es là, tourne
une page de ce livre ouvert au milieu de la table.
Quelques secondes passent. On entend le bruit
doux d’une feuille de papier qui tourne. Hoquet
féminin de stupeur.*
(Extrait : CEUX DE LÀ-BAS,
Patrick Sénécal, Alire éditeur, 2019, édition de papier
560 pages.)

À l’aube de la cinquantaine, Victor Bettany est psychologue auprès des étudiants du cégep de Drummondville. En excellente forme physique, c’est toujours à pied qu’il se rend au boulot… ou au CHSLD afin de rendre visite à son père, Philippe, aux prises avec l’alzheimer.

Or, de voir dépérir son père perturbe Victor, lui qui a vécu il y a deux ans le décès accidentel de Roxanne, son amoureuse, et dont la peur de la mort s’amplifie en vieillissant. Mais, il se sait capable de surmonter ses angoisses, et tout cela ne l’empêche pas de vivre sa vie, ni même de chercher une nouvelle âme sœur.

Mais ce soir, sa rencontre avec une flamme potentielle ne s’est pas très bien déroulée et, plutôt que de revenir chez lui, Victor décide sur un coup de tête – qu’il va amèrement regretter quelques heures plus tard – d’assister à la première du nouveau spectacle de Crypto, un jeune hypnotiseur qui aime fouiller, paraît-il, dans les zones sombres de l’humain…

Le cœur de la peur
*Une fois dans sa voiture, il veut démarrer, mais
il tremble tellement que ses clés tombent au sol.
Au moment où il se penche pour les ramasser, il
s’immobilise comme si son dos coinçait alors qu’il
ne ressent aucune douleur. Il demeure ainsi,
paralysé par la terreur, le souffle court.* (Extrait)

Encore une fois, Patrick Sénécal nous a pondu un roman fort et encore une fois, Sénécal pèse fort où ça fait mal…étire une corde sensible qui sous-tend l’ensemble des êtres humains :  La mort sous tous ses angles, toutes ses coutures, la mort au-delà de la philosophie, de l’éthique, de la religion, la mort et ses effets sur la vie : peurs, craintes, obsessions, questionnement…tout ça dans une soupe concoctée par un spécialiste québécois de l’horreur.

CEUX DE LÀ-BAS est une longue et profonde réflexion sur la mort…la mort selon Sénécal…noire, tourmentée, intrigante, étouffante. Cette vision n’engage que l’auteur bien sûr mais il a vite fait de prendre le lecteur au piège. C’est ce qui m’arrive tout le temps avec Sénécal. Son récit est attractif. Il m’enveloppe d’abord puis me kidnappe.

La mort s’insinue au fur et à mesure de la déchéance de notre personnage principal : Victor Bettany, jeune psychologue au CÉGEP de Drummondville qui suit plusieurs jeunes en consultation dont Guillaume, un ado à surveiller.

Bettany a perdu sa conjointe, tombé d’une falaise il y a deux ans, son père est atteint d’alzeimer et s’en va doucement. Ça va pas fort en amour. Avant d’aller plus loin, voyons ce qui s’est passé.

Victor se rend à Trois-Rivières pour rencontrer une fille intéressée à une relation stable. C’est un échec. Un échec de plus. Plutôt que de rentrer à Drummondville, Victor décide, sur un coup de tête de se rendre à la salle Champ Gauche pour assister au spectacle de Crypto, un redoutable hypnotiseur qui n’est intéressé que par le côté obscur de l’être humain et qui a un faible pour le pouvoir.

Pour Victor, ce sera la pire décision de sa vie car ce fameux soir au CHAMP GAUCHE, tout va basculer y compris la vie, y compris la mort…ici Sénécal me tend un piège dont je ne sortirai pas car je n’ai jamais aimé les hypnotiseurs à spectacle, des manipulateurs de subconscient. Cette façon d’amuser la galerie nuit aux hypnotiseurs thérapeutes qui peuvent rendre de grands services…

Toujours est-il qu’au nom du pouvoir qu’un ambitieux illuminé s’est conféré…la mort s’étend comme un raz-de-marée après avoir été chassée d’un corps dans un premier temps…les proches meurent en premier puis la faucheuse met un temps pour se rendre à la cour arrière. Je ne peux ni m’expliquer ni en dire davantage. Il faut lire pour voir et patienter pour savoir.

J’ai dévoré ce livre…disons avec moins d’appétit. Il y a de nombreuses longueurs, en particulier sur les états d’âme de Victor. Je peux comprendre mais je compose assez mal avec la redondance…ça m’ennuie mais ça ne me sort pas du piège Cependant. Arnaud, l’ami de cœur de Crypto est un caractériel un peu bourru mais son lien avec Victor devenant très dense, j’aurais souhaité que le personnage soit davantage développé et plus actif.

La finale est assez bien concoctée, elles intéressante mais elle n’est pas très claire et ouvre la porte aux interprétations. Elle ne donne pas beaucoup de réponses. Pour moi si la vie a un sens, c’est que la mort en a un aussi et la vision que l’auteur a de la mort dans son récit est peu engageante. Toutefois, il nous laisse un peu d’espoir en tentant d’établir une nuance entre la mort qui arrache et la mort qui accueille. Une réflexion intéressante sur la peur, la peur de la peur et l’approche de la mort.

Ce n’est pas le meilleur livre de Patrick Sénécal mais ça reste un roman puissant malgré certains irritants et je n’ai pas parlé des fantômes qui pullulent sous le regard de Bettany…images classiques de zombies, d’humains morts qui se décomposent en dégoulinant autour des vivants comme dans POLTERGEIST.

Ça fait cliché, trash, un mélange d’horreur et de surnaturel. Sénécal a déjà fait mieux mais cependant il n’a pas fini de nous surprendre. En ce qui me concerne, le livre m’a happé malgré tout. Il a rempli son office.

Pour en savoir plus sur Patrick Sénécal, cliquez ici.
Pour lire l’article de Sarah-Émilie Nault  (lié à la photo ci-haut) sur Patrick Sénécal, rendez-vous sur Huffingtonpost.

 

Pour lire mon commentaire sur FAIMS
de Patrick Sénécal, cliquez ici.)

 

 

 

 

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 5 novembre 2023

LOUIS XIV le plus grand roi du monde

Commentaire sur le livre de
LUCIEN BÉLY

*<Ha !  Mon pauvre père, si tu vivais et que tu puisses voir un pauvre jardinier comme moi, ton fils, se promener en chaise à côté du plus grand roi du monde, rien ne manquerait à ma joie ! > … homme sincère n’a rien d’un vil flatteur…ce qu’il dit correspond sans doute à l’idée que les contemporains se font du roi de France en général et de LOUIS XIV en particulier. *

Extrait : LOUIS XIV. LE PLUS GRAND ROI DU MONDE, Lucien Bély, À l’origine, J.-P. Gisserot, éditeur, 2005, papier, 279 pages, version audio, Sixtrid éditeur, durée d’écoute, 19 heures 27 minutes, narrateur, Marc-Henri Boisse.

Nous découvrons la personnalité d’un homme secret, ainsi que les rouages de l’État royal qui l’accompagne dans ses vastes projets. Cet ouvrage dévoile une page importante de l’histoire de la France et des Français, à travers toutes les facettes de ce règne qui a connu des moments brillants et exaltants et des épisodes pittoresques, mais également des drames terribles. Lucien Bély choisit comme fil directeur d’expliquer pourquoi les contemporains de Louis XIV ont vu en lui un grand roi, et même «le plus grand roi du monde», regardant ce rêve de suprématie avec bonheur ou avec crainte. 

 

1638, de grand matin,
un soleil gracieux se lève sur le Royaume de France
*La reine de France, Anne d’Autriche, épouse de Louis XIII, accouche d’un fils
au château de Saint-Germain-en Laye le 5 septembre 1638 à 11 heures 15.
L’enfant reçoit, selon la tradition française le titre de DAUPHIN. Tout le
royaume se réjouit, avec le roi, de cette naissance attendue pendant 23 ans. *
(Extrait)

Voici un livre qui m’a fasciné à plusieurs égards. D’abord, la qualité de sa recherche. C’est un ouvrage minutieusement documenté. Il ne m’a pas réconcilié avec la monarchie que j’ai toujours trouvé lourde, incroyablement dépensière au nom de la vanité et de l’orgueil et tellement éloignée des besoins du peuple, mais il m’a appris beaucoup de choses et comme je suis un passionné de l’histoire de l’Europe en général et de la France en particulier, j’ai été captif de cette oeuvre de Lucien Bély.

J’ai été entre autres instruit du fonctionnement d’un gouvernement monarchique, des traditions et des protocoles de la cour, du rôle joué par les cardinaux Richelieu mais surtout Mazarin et de la logique de guerre de Louis XIV qui visait en grande partie à le glorifier.

Cet homme serait considéré aujourd’hui presque comme un terroriste car il imposait l’absolutisme, imposait sa volonté qui coûtait très cher aux français, gouvernait seul à la manière d’un *va-t-en-guerre* afin d’intensifier à n’importe quel prix la puissance de la France et la gloire du seul maître : Louis XIV.

Considérons maintenant le titre de l’oeuvre. Passablement détesté, Louis XIV est pourtant considéré comme le plus grand roi du monde par ses contemporains parce qu’il a travaillé dans ce but. Il a imposé l’image au moyen de sa forte personnalité. C’est un excellent calcul de l’auteur et j’ai compris pourquoi dans l’émouvante finale de son livre.

Je l’ai trouvé excellent ce livre. Il analyse de façon rigoureuse l’émergence de Louis XIV et surtout, les raisons qui ont conduit à une telle exaltation de l’homme et ses idées de grandeur qui ont saigné la France même s’il faut admettre que certaines de ces idées font encore la grandeur de la France, histoire oblige. Versailles par exemple. Malgré cela, j’ai mieux compris pourquoi historiquement, les français ont toujours eu la révolution facile.

Vus les abus du système, je me demande si les contemporains de Louis XIV commençaient à se douter que la monarchie tirait à sa fin. Bély ne fait aucune allusion là-dessus mais insère tout de même dans une finale qui m’a saisi, le sincère mea culpa de Louis XIV dans son message livré avant sa mort au futur Louis XV. L’auteur nous livre donc le portrait d’un homme étonnant. Je dis bien étonnant car à travers ses plaisirs couteux, ses goûts de somptuosité et de splendeur, sa vanité et son orgueil, Louis XIV a fait beaucoup pour les arts, la culture, l’architecture. Il a même contribué à moderniser la langue française. Je recommande chaleureusement ce livre.

Il ne vous reste qu’à fermer les yeux et à vous laisser transporter dans la cour du plus grand roi du monde…

Suggestion de lecture : LES ROIS MAUDITS, de Maurice Druon

Lucien Bély est né le 2 septembre 1955, à Lyon. Historien moderniste, il est spécialiste des relations internationales. En 1997, il est nommé professeur des Universités à Paris. En 1998, il devient secrétaire général de l’Association des historiens modernistes des Universités françaises. Lucien Bély a publié plusieurs ouvrages, dont : Espions et ambassadeurs au temps de Louis XIV (Fayard, 1990), La Société des princes (Fayard, 1999) et le Dictionnaire des ministres des Affaires étrangères (1589-2004) (Fayard, 2005).


Le Château de Versailles
Résidence des rois de France

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 4 novembre 2023