AURORA, Kim Stanley Robinson

J’ai l’impression que le paradoxe de Fermi a trouvé sa réponse : quand la vie devient assez intelligente pour quitter sa planète, elle est aussi devenue trop intelligente pour s’en aller. Parce qu’elle sait que cela ne marchera pas. Donc, elle reste chez elle. Elle profite de son monde. <Extrait : AURORA de Kim Stanley Robinson, à l’origine, publié chez Orbit éditeur en 2015. Papier, 480 pages. Version numérique, Bragelone édditeur, 2019>

Un vaisseau générationnel emmène 2 000 passagers, à une vitesse de 30 000 km/s, vers Tau Ceti, une étoile située à 11,9 années-lumière de la Terre. Le voyage prend presque deux cents ans au cours desquels six générations de passagers se succèdent à bord.

Les passagers originaires de différents pays de la Terre s’installent dans les écosystèmes correspondants, mais peuvent voyager d’un biome à l’autre ; la plupart d’entre eux mènent des activités techniques ou agricoles visant à assurer les besoins alimentaires et en oxygène des passagers. L’équilibre biologique est fragile et nécessite un suivi permanent.

Un vieux rêve

AURORA est une variation d’un thème largement répandu en littérature : la recherche d’une exoplanète viable sur laquelle des humains, fuyant une terre souffrante veulent repartir à zéro. Notez qu’AURORA est le nom de la planète visée. Le vaisseau comme tel n’a pas de nom. On l’appelle vaisseau tout simplement, personnifié par une intelligence artificielle de très haut niveau.

L’histoire commence 160 années après le départ de l’énorme vaisseau : *-Une centaine de kilomètres carrés…C’est une île de bonne taille. Avec vingt-quatre biomes semi-autonomes. Une arche, un véritable vaisseau-monde* (Extrait) Au cœur du récit se trouvent toutes les problématiques qui n’on pas été envisagées par les concepteurs du vaisseau, mettant tout le monde en péril.

Ces problématiques étaient nombreuses et complexes : accumulation d’éléments indésirables, déficit alimentaire, déséquilibre biologique, défaillances mécaniques, vieillissement des matériaux, prolifération de micro-organismes, et j’en passe. Tous ces problèmes entraînent des décisions menant à l’agitation sociale. *Le nombre de ces gens qui protestaient augmenta tant que les groupes rebelles ou retournés à l’état sauvage devinrent un phénomène fréquent. * (Extrait)

*Au début de l’an 68, les troubles se convertirent en ce qui ressemblait beaucoup à une guerre civile qui atteignit un point culminant durant une semaine, pendant laquelle cent cinquante personnes trouvèrent la mort. * (Extrait) Je vous laisse découvrir ce qui attend les voyageurs sur Aurora. Sachez toutefois qu’il n’y aura rien de simple.


Dessin du vaisseau Aurora tel qu’imaginé par Kim Stanley Robinson

C’est une grande saga qui n’est pas sans rappeler LE PAPILLON DES ÉTOILES de Bernard Werber. Je la trouve toutefois supérieure car elle est loin de se limiter à la sauvagerie humaine et sur la question de savoir si les hommes peuvent être autre chose que des hommes.

C’est un roman très indigeste sur le plan scientifique. Les explications sont longues, complexes et pas très vulgarisées. Je pense entre autres à ce jeu du chat et de la souris que le vaisseau entreprend entre les planètes de notre système solaire et le soleil afin d’opérer sur le vaisseau une décélération. Ce seul sujet occupe plus d’une centaine de pages dont je me questionne encore sur l’utilité.

En revanche, le récit est fort bien conçu sur les plans humain, social et philosophique. Entre autres, l’auteur émet un postulat selon lequel *La vie est une manifestation planétaire qui ne peut survivre que sur son monde d’origine. *   (Extrait) Intéressant…très intéressant même si ça remet en question le vieux rêve très humain de recommencer à zéro sur une exoplanète.

Il y a beaucoup de trouvailles et d’idées originales dans ce récit. Je pense entre autres à l’intelligence artificielle du vaisseau, appelée à protéger les voyageurs contre eux-mêmes. Ou encore à la sécession du vaisseau, plausible puisqu’il est modulaire. Brillant. L’aspect *suspense* est bien développé. L’histoire est empreinte de gigantisme et aussi de beauté qui porte à faire rêver. Le récit est aussi dynamique.

Il y a bien sûr des irritants. Les longueurs et la lourdeur dont j’ai parlé plus haut, une finale bizarre, un peu frustrante, les voyageurs qui ont préféré rester sur Aurora sont occultés, et les personnages qui sont superficiels…disons pas très bien travaillés. Je recommande ce livre pour son originalité, ses bonnes idées et la réflexion qu’il induit sur la nature humaine.

L’auteur Kim Stanley Robinson

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 29 juin 2025

Le monde selon Garp

Commentaire sur le livre de
JOHN IRVING

*Les yeux de Garp avaient quelque chose d’anormal, chacun roulait dans son orbite indépendamment de l’autre; l’infirmier estima que, pour Garp, le monde extérieur devait sans doute surgir vaguement, puis disparaître, pour ensuite ressurgir de nouveau, à supposer que Garp vit quelque chose. *

Extrait : LE MONDE SELON GARP, John Irving. Pour la présente, édition de papier, Éditions du Seuil, 1980, 596 pages (poche). Format numérique, même éditeur, 2013, 772 pages. Thélème éditeur 2016, durée:  24 heures 53 minutes, narrateur, Bertrand Suarez-Pazos.


Romancier, Garp insère dans le récit tragico-burlesque de sa vie des extraits de son oeuvre, mêlant ainsi la réalité à la fiction au sein même de la fiction. Ce procédé, sans être vraiment original, révèle néanmoins que le monde est pour Garp un univers où c’est l’imagination qui règne. Roman qui mêle allègrement la farce et la tragédie, Le Monde selon Garp montre un univers où les références sont inversées sans tabous : la mère a une virilité d’homme, Robert devient Roberta, les hommes mordent les chiens…

Cependant, il reste quelque chose de sacré, un havre de paix rythmé par le ressac et vers lequel la métaphore liquide ramène toujours : la famille. Garp porte le nom de son père inconnu, sa fille comme sa mère se prénomme Jenny et la silhouette de la demeure familiale du New Hampshire ponctue tout le roman

La pureté et le chaos

Alors qu’en 1943, face à une contraception défaillante, le souci de bien des femmes reste d’avoir un homme sans avoir d’enfant, celui de l’excentrique Jenny est d’avoir un enfant… Et surtout pas d’homme. Elle jette alors son dévolu sur l’obscur et dépressif sergent technicien Garp, « opérationnellement » intact en dépit de son cerveau endommagé. De cette éphémère union naîtra S. T. Garp.

Garp deviendra écrivain au succès mitigé, philosophe de supermarché, conseiller matrimonial, entraîneur de lutte et papa au destin dramatique.

C’est un roman noir et violent sur fond de féminisme extrémiste et de machisme. Son personnage principal est à la fois héros et antihéros dangereux sous le prétexte qu’il est un homme. Sa crainte d’une humanité carnassière et sans âme est telle qu’il se livrera au seul exercice pour lequel il semble destiné : exprimer sa vision du monde, comme homme et comme auteur.

Garp s’exprime d’abord comme homme, dans un monde de femmes frustrées, engagées, de transsexuels et d’esprits tordus, dans l’ombre de sa mère, devenue l’infirmière la plus célèbre du monde, autrice à succès et engagée dans la protection des droits des femmes.

Garp s’exprime aussi comme auteur et il le fait par le biais d’une série de nouvelles mises en abyme dans l’histoire. Je suis peu attiré par cette technique littéraire qui consiste à insérer une histoire dans une histoire. Cela alourdit l’œuvre et n’ajoute pas grand-chose de plus ou de mieux même si la dernière nouvelle, LE MONDE SELON BENSENHAVER semble en dire très long sur la nature de Garp.

on se retrouve avec un récit comportant beaucoup de longueurs, de la redondance qui rendent le tout sensiblement indigeste. Il demeure clair toutefois que Garp voit le monde comme un univers d’horreur qu’il faut fuir ce qui met au jour le caractère cynique de T.S. Garp.

Un dernier point. Ce livre de John Irving a été publié en 1980. La condition des femmes a considérablement changé depuis ce temps même si elle demeure perfectible. Je pense que ce livre a un peu vieilli.

Le livre a tout de même marqué la littérature parce qu’il fait évoluer un auteur avec le cheminement de ses idées, son ressenti, ses relations avec le monde de l’édition et les mécanismes de la création. Cet aspect du livre d’Irving m’a vivement accroché.

Autre point fort, je me suis attaché à la plupart des personnages, en particulier Duncan, fils de Garp et Roberta Muldon, ancien joueur de football des Eagles de la Californie, devenue transsexuelle. Un colosse au cœur sensible.

Malgré son caractère noir et son humour caustique et cru, LE MONDE SELON GARP reste une œuvre phare de la littérature, une tragédie d’une grande intensité avec des trouvailles originales que je vous laisse découvrir comme les *ellen-jamesiennes*, exécrées par Garp.

J’ai trouvé bien meilleur L’ŒUVRE DE DIEU, LA PART DU DIABLE, mais je crois que LE MONDE SELON GARP mérite d’être lu.

Suggestion de lecture : L’ÉCUME DES JOURS, de Boris Vian



L’auteur John Irving

 

LE MONDE SELON GARP de John Irving a été adapté au cinéma en 1983 par George Roy Hill d’après le scénario de Steve Tesich et John Irving. Dans la distribution, on retrouve Robin Williams, Mary Beth Hurt, Glenn Close, John Lightgow, Hume Cronyn et Jessica Tandy. Pour la fiche technique et une bande annonce, cliquez ici.

 

 

Bonne lecture
Bonne écoute

Claude Lambert
le dimanche 15 juin 2025

LA VIEILLESSE, Simone de Beauvoir

*Le mor <rebut> dit bien ce qu’il veut dire. On nous raconte que la retraite est le temps de la liberté et des loisirs; … Ce sont des mensonges éhontés. La société impose à l’immense majorité des vieillards un niveau de vie si misérable que l’expression <vieux et pauvre> constitue presque un pléonasme ; inversement : la plupart des indigents sont des vieillards.

Les loisirs n’ouvrent pas aux retraités des possibilités neuves ; au moment où il est enfin affranchi des contraintes, on ôte à l’individu les moyens d’utiliser sa liberté. *
Extrait : LA VIEILLESSE de Simone d Beauvoir, Gallimard éditeur 1970. Édition de papier, 800 pages.

Simone de Beauvoir aborde ici les problèmes, politiques, sociaux, existentiels, philosophiques, psychologiques du vieillissement et de la mort. L’essai est composé de deux parties.

Elle explique d’abord sa vision engagée de la vieillesse en démontrant que les sociétés modernes se comportent de façon aussi « dégradante » que certaines des sociétés primitives. Les vieillards sont des bouches inutiles à nourrir. De Beauvoir est en cela un précurseur du combat politique de personnes âgées pour faire reconnaître leurs droits dans un monde qui exclut les anciens.

Dans une seconde partie, l’auteure définit ce qui pour elle peut donner du sens dans l’absurdité d’un monde impitoyable pour les anciens. L’engagement au service des autres dans des projets et des combats politiques donnent même au grand âge des objectifs qui font sens pour la personne elle-même, pour son environnement, pour la société.

 

Un portrait tranchant

Dans son livre en deux tomes, Simone de Beauvoir dresse un bilan très sombre de la vieillesse. Dans le premier tome, elle décrit la vieillesse sur les plans biologique, ethnologique, historique et termine par le positionnement de la vieillesse dans la Société moderne.

Le deuxième tome est beaucoup plus philosophique, fortement empreint de la pensée existentialiste de Jean-Paul Sartre. Elle décrit la vieillesse sur les plans historiques et évolutifs, ce qui comprend la vie personnelle, professionnelle et sexuelle. Elle donne de nombreux exemples fort détaillés de la vieillesse de grands personnages historiques qui ont marqué leur temps en politique, littérature, arts, musique et philosophie.

Il faut comprendre ici que ce livre a été publié en 1970, soit 52 ans avant la publication de cet article. La question pour moi était de savoir si le livre a mal vieilli. Je dirais oui jusqu’à un certain point. Certaines choses n’ont pas changé.

À une très lointaine époque où régnait la loi tribale, on tuait les vieux dès qu’ils devenaient encombrants. Puis on a arrêté cette pratique et on a confiné les vieux dans leur famille où ils sont devenus rapidement gênants, souvent dans l’attente de l’héritage. Puis la famille a éclaté et on s’est mis à parquer les vieux. Aujourd’hui, on parque toujours les vieux ou ils se parquent eux-mêmes ce qui est tout à fait dans le ton de la modernité.

De Beauvoir a raison a bien des égards malgré l’évolution explosive de la Société : La politique de la vieillesse est un échec monumental de la civilisation, un gâchis à l’échelle mondiale.

Le livre est donc empreint d’un certain réalisme mais comporte des irritants comme celui d’être à la remorque de la mentalité des années 1960-70, l’auteure utilisant par exemple un vocabulaire vu aujourd’hui comme celui d’un autre temps.

Elle utilise des mots jugés aujourd’hui dépassés et même à la rigueur, choquants : Décrépitude, gâtisme, dégénérescence, finitude, déchéance, vieillards, etc. Certains modèles d’expression laissent à penser que Simone de Beauvoir est carrément tranchante :

<Le mot -rebut- dit bien ce qu’il veut dire. On nous raconte que la retraite est le temps de la liberté et des loisirs… Ce sont des mensonges éhontés. La Société impose à l’immense majorité des vieillards un niveau de vie si misérable que l’expression -vieux est pauvre- constitue presque un pléonasme.> Extrait. L’auteure va jusqu’à dire que la politique de la vieillesse confine à la barbarie.

Tout ça est trop fort. Je comprends pourquoi cet essai de Simone de Beauvoir a été aussi critiqué par ses contemporains. Il est tranchant et très agressif. Je rejoins l’auteure toutefois quand elle dit qu’il faut complètement revoir la gestion actuelle des aînés, repartir sur des bases réalistes et cesser de considérer les aînés comme des morts en sursis.

En résumé, l’ouvrage est intéressant, quoique pas toujours facile à suivre. C’est vrai, il est d’un autre temps mais il vient réactualiser la situation et le sort de nos aînés qui, nous l’avons vu pendant la pandémie du COVID 19, souffrent d’une tendance de la Société à les mettre sur une voie de garage.

Suggestion de lecture : L’ÉTRANGER, d’Albert Camus


L’auteure Simone de Beauvoir

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 1er juin 2025

 

Éissem passait par là

Commentaire sur le livre de 
PIERRE JUTEAU

*Le même jour, au même instant, Mathieu, Mireille, Geneviève, Antoine et Catherine, tous nés au même moment, entraînèrent, par un acte involontaire la mort de Louis, Amilie, Suzanne, Éric et Dorothée…
Les cinq jeunes quintuplés provenaient de l’esprit et des âmes de ceux qui avaient été tués par ces mêmes quintuplés.
La naissance avait donné la mort. *

Extrait : ÉISSEM PASSAIT PAR LÀ, de Pierre Juteau, Éditions de la Francophonie, 2006, version papier, 100 pages.

La réincarnation serait-elle possible ? Qui d’entre nous ne s’est jamais posé la question ? Êtes-vous dans un autre corps ? Et votre esprit, appartient-il à votre propre corps ou provient-il d’un autre individu. Tellement de questions qui restent sans réponse. ÉISSEM PASSAIT PAR LÀ est un court roman qui suggère des avenues possibles.

 

Une approche de la réincarnation

Éissem passait par là de Pierre Juteau est un roman futuriste captivant qui explore le thème de la réincarnation. Publié par les Éditions de la Francophonie, ce livre compte 104 pages et propose une réflexion originale sur la vie, la mort et les liens entre les âmes.

L’histoire se déroule dans un univers où les personnages sont confrontés à des questions existentielles profondes, tout en naviguant dans un monde empreint de mystère et de spiritualité. Le style d’écriture de Juteau est souvent salué pour sa capacité à mêler des concepts philosophiques à une narration engageante.

Si vous êtes intéressé par les récits qui allient science-fiction et introspection, ce livre pourrait vous intriguer.

J’ai trouvé ce petit livre intéressant mais il ne m’a pas emballé surtout parce que je ne suis pas porté vers les récits à caractère initiatique. Le livre propose une réflexion philosophique sur des thèmes existentiels, limitée par sa brièveté.

L’auteur n’est peut-être pas allé au bout de sa pensée mais il y a tout de même beaucoup d’intéressantes matières à réflexion. C’est un peu spécialisé sur les plans philosophiques et spirituels. Ça pourrait ne pas plaire à tout le monde.

Si vous aimez la philosophie, se petit livre pourrait vous plaire. Il se lit vite et ne manque pas de profondeur.

Suggestion de lecture : JONATAN LIVINGSTON LE GOÉLAND, de Richard Bach


Oeuvre de l’artiste-peintre et auteur Pierre Juteau


L’auteur et artiste-peintre Pierre Juteau

Pierre Juteau est un artiste-peintre québécois présent dans plusieurs galeries d’art. Il colore l’imaginaire. En 2005, Pierre Juteau a été sélectionné pour représenter le Canada à la biennale internationale d’art contemporain de Florence en Italie.

Sa formation en science ainsi que sa passion pour apprendre l’ont guidé vers d’autres lieux. Il se questionne constamment sur ce qu’est l’esprit humain ainsi que sur la relation entre la vie et la mort.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 18 mai 2025

L’Arbre Monde, Richard Powers

*Elle prend sa main tremblante dans le noir. C’est si bon au toucher, c’est ce que doit ressentir une racine qui découvre, après des siècles, une autre racine avec qui s’enlacer sous terre. Il y a cent mille espèces d’amour, inventées séparément, toujours plus ingénieuses, et chacune d’entre elles engendre des choses nouvelles. *

(Extrait : L’ARBRE MONDE, Richard Powers, version audio : Lizzie Éditeur, 2018, durée d’écoute : 21 heures 42 minutes, narratrice : Leah Valdis-Bogart. Version papier : Cherchemidi éditeur, 2018, 550 pages.)

Aux frontières de la poésie

C’est un livre magnifique qui m’a touché profondément car il développe avec sensibilité et intelligence, un sujet qui me tient à cœur. Mais résumons d’abord l’histoire.

Après des années passées seule en forêt, une botaniste fait une découverte extraordinaire qui confirme finalement ce que les légendes proclament depuis l’aube des temps : les arbres communiquent entre eux et pas seulement, ils tentent de communiquer avec l’homme depuis les temps anciens. Malheureusement, leur fréquence est incompatible avec la compréhension de l’homme.

L’histoire évoque également le fourmillement d’une vie souterraine qui va jusqu’à supposer que les arbres du monde auraient bien pu prendre racine à partir d’un arbre-mère : l’arbre-monde.

Au fil de cette profonde intimité, nous suivons le destin entrelacé de neuf personnes, représentées par des noms d’arbres, qui convergent vers la Californie pour défendre un séquoia menacé de destruction. Les lecteurs peuvent suivre les défenseurs, un peu comme on lit les nouvelles convergentes d’un recueil.

Ça peut paraître saugrenu, mais je pourrais très bien qualifier cette œuvre de drame d’amour écologique, essai de philosophie environnementale, un roman manifeste. Moi j’appelle ça une alerte écologique, émise sans haine, sans jugement avec une plume poétique à la limite du langage musical. J’ai été ému par la beauté et la profondeur de l’écriture. J’ai été saisi par une émotion d’une rare intensité.

Ce livre met en perspective une véritable tragédie : la déforestation, la coupe à blanc, des pans entiers de forêt qui disparaissent au nom du développement et qui abîment dangereusement la planète.

Il y a plusieurs années de cela, j’enseignais à mes jeunes scouts que lorsqu’on est perdu en forêt et au bord de la panique, faire un câlin à un arbre nous procurait calme et énergie nouvelle. C’est en partie un pouvoir de communication de l’arbre.

 Voilà ce qu’est pour moi ce livre de Richard Powers : un câlin, doublé d’un sérieux avertissement, un plaidoyer d’une profonde sincérité doublé d’un appel au respect et à la reconnaissance. C’est un livre énorme et puissant mais aussi doux et enveloppant.

Le récit comporte quelques faiblesses toutefois. Il y a beaucoup de longueurs qui nuisent au fil conducteur, aussi, des explications scientifiques un peu lourdes. Certains passages frôlent l’extrémisme, sans y plonger vraiment toutefois. Le tout demande une certaine concentration car l’écriture bifurque souvent. La version audio offre une narration monotone qui frôle l’ennui.

Richard Powers consacre ici un genre littéraire appelé à proliférer : le roman écologique. Une chose est sûre, je ne verrai plus jamais les arbres comme avant. Extraordinaire moment de lecture.

Suggestion d’écoute : PAYSAGE SONORE DE LA NATURE CANADIENNE, collectif audio


L’AUTEUR RICHARD POWERS

 Du même auteur

Depuis la mort de sa femme, Theo Byrne, un astrobiologiste, élève seul Robin, leur enfant de neuf ans. Attachant et sensible, le jeune garçon se passionne pour les animaux qu’il peut dessiner des heures durant. Mais il est aussi sujet à des crises de rage qui laissent son père Depuis la mort de sa femme, Theo Byrne, un astrobiologiste, élève seul Robin, leur enfant de neuf ans.

Attachant et sensible, le jeune garçon se passionne pour les animaux qu’il peut dessiner des heures durant. Mais il est aussi sujet à des crises de rage qui laissent son père démuni. Pour l’apaiser, ce dernier l’emmène camper dans la nature ou visiter le cosmos.

Chaque soir, père et fils explorent ensemble une exoplanète et tentent de percer le mystère de la vie. Le retour à la réalité est souvent brutal. Quand Robin est exclu de l’école suite une nouvelle crise, son père est mis en demeure de le faire soigner. Refusant l’option de la médication, Théo se tourne vers un neurologue expérimentant une nouvelle thérapie. Par le biais de l’intelligence artificielle, Robin va s’entraîner à développer son empathie et contrôler ses émotions. 

BONNE LECTURE

BONNE ÉCOUTE
Claude Lambert
le dimanche 6 avril 2025

 

LE PETIT PRINCE

Commentaire sur la version audio du livre
D’ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY

*-Aaahh…Petit Prince, j’ai compris peu à peu ainsi, ta petite vie mélancolique. Tu n’avais eu longtemps pour distraction que la douceur des couchers de soleil. J’ai appris ce détail nouveau le quatrième jour au matin quand tu m’as dit : -J’aime bien les couchers de soleil ! Allons voir un coucher de soleil ! *

Extrait : LE PETIT PRINCE, édition anniversaire, livre audio par ADA, Vues et Voix éditeur, 2019. Durée d’écoute : 1 heure 58 minutes, narrateur principal : René Gagnon. Comédiens : Élizabeth Gautier-Pelletier, Catherine Renaud et Tristan Harey.

Suite à une panne de moteur, un aviateur doit poser son appareil en catastrophe dans le désert du Sahara. Cet aviateur, qui tente de réparer son avion est nul autre que Antoine de Saint-Exupéry qui se met lui-même en scène dans cette histoire. Tôt le matin, il est réveillé par une petite voix qui lui demande : « S’il vous plaît… dessine-moi un mouton ! »

 Indémodable

Magnifique adaptation sonore du conte universellement connu : LE PETIT PRINCE. Il a été publié en plus de 500 langues et dialectes à travers le monde. Je ne connais pas d’ouvrages autant traduits à part peut-être la bible. Il y a de bonnes raisons à cela. C’est un conte d’une douceur et d’une fraîcheur infinies.

L’histoire est très simple. Celui qui se raconte est nul autre que l’auteur lui-même, Antoine de Saint-Exupéry, un aviateur qui a dû poser son appareil en catastrophe dans le désert du Sahara.

Le lendemain de ce drame, Antoine est réveillé par une petite voix qui lui demande candidement *S’il-vous-plait…Dessine-moi un mouton*  (Extrait) Jour après jour, alors que l’aviateur tente de réparer son appareil, le Petit Prince lui raconte son histoire à partir du moment où il a décidé de quitter sa minuscule planète mère, l’astéroïde B612 pour explorer les étoiles et se faire des amis.

Je ne peux pas critiquer un chef d’œuvre pareil. On ne peut que se laisser pénétrer par sa chaleur et sa force d’attraction. Le petit Prince nous pousse en effet à retrouver l’enfant en nous, dont la pureté et l’innocence sont demeurés intactes.

Avec une simplicité et une tendresse désarmantes, LE PETIT PRINCE nous amène à redécouvrir le bambin toujours en couvaison dans notre cœur et qui détient une vérité à redécouvrir car elle est le sens de la vie.

Mon passage préféré est le dialogue avec le renard qui tient tant à être apprivoisé. Il met en lumière l’amitié, l’attachement, l’amour, la valeur de la vie.

LE PETIT PRINCE est avant tout une œuvre poétique et philosophique. Très accessible à tous, elle m’a atteint quand j’étais petit, elle m’atteint encore en tant qu’adulte.

Ce n’est pas une œuvre moralisatrice. Elle rassemble, avec l’extraordinaire sincérité du Petit Prince, tout un lot de valeur positives comme l’amitié, l’empathie et particulièrement l’ouverture d’esprit sans oublier le sens de l’émerveillement. LE PETIT PRINCE est aussi porteur d’une réflexion sur la solitude.

La version audio de cette œuvre est un véritable enchantement. La narration est superbe, les comédiens merveilleux. C’est une autre belle occasion d’introduire les enfants à la littérature, tout en douceur. Les parents passeront aussi un bon moment à faire la lecture du conte aux enfants, redécouvrant ainsi une des œuvres les plus marquantes de l’histoire littéraire.

Suggestion de lecture : LE PETIT PRINCE, LE ROMAN DU  FILM, novellisation, adaptation de Vanessa Rubbio-Barreau

Suggestion de lecture : LES CONTES DE NOËL, de Charles Dickens


L’auteur Antoine de Saint-Exupéry

Bonne écoute
Claude Lambert

Le samedi 1er février 2025

L’ÉTRANGER, Albert Camus

*Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile :  » Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués.  » Cela ne vaut rien dire. C’était peut-être hier. * Extrait : L’ÉTRANGER, d’Albert Camus, version audio, Frémeaux et associé éditeur, 2020, lu par l’auteur, durée d’écoute : 2 heures 51 minutes. Note : L’ÉTRANGER a été publié pour la première fois en 1942 chez Gallimard.

Le sens de la vie selon Camus

C’est le personnage principal qui raconte lui-même son histoire dans ce roman un peu bizarre mais qui suit une philosophie et un schéma de pensée bien précis, à la Camus quoi ! Meursault est un homme introverti, taciturne, passif et pusillanime. La vie lui coule sur le dos comme flot d’indifférence, les sentiments, l’empathie et l’altruisme lui faisant cruellement défaut.

Sa singulière histoire se déroule en deux parties. Au début, la mère de Meursault meurt dans son asile. Le fils vivra brièvement son deuil avec plus d’indifférence que de tristesse et cela est à retenir car cette indifférence, doublée d’une apparence d’ennui va se retourner contre lui dans la deuxième partie.

Nonobstant quelque idylle de nature plus sexuelle que sentimentale, une chaîne d’évènements amènera Meursault à commettre un meurtre lui aussi marqué par l’absurde et l’indifférence. Un procès s’ensuit, à mon avis, LE véritable plat de résistance du roman.

Même si Meursault vit son procès avec détachement et ennui, il était prévisible que l’indifférence affichée lors de la mort de sa mère soit au cœur de l’argumentaire du procureur. Reconnu coupable et condamné, Meursault se lance dans une introspection laissant à penser qu’il mourra comme il a vécu.

C’est un roman étrange, singulier et original qui n’est pas sans nous questionner sur le sens de la vie et surtout sur la nature humaine. Est-il possible qu’un être humain soit doté d’une nature que rien ne gêne, n’ébranle ou ne touche ? Et si c’est le cas, cet être humain a-t-il une âme ? Question mise en évidence dans le plaidoyer du procureur. Je vais plus loin en suggérant que par le biais de tous ses questionnements, Albert Camus jette sur la Société un regard sévère, critique. Ce roman m’a ébranlé car il met en perspective une carence sociale : l’indifférence.

J’ai écouté la version audio de L’ÉTRANGER, lue par l’auteur en personne Albert Camus. Je l’ai trouvée aussi étrange que l’histoire. Autant dire que cette lecture d’un autre temps est caractérisée par la nonchalance et le détachement, est parfaitement ajustée au sujet.

Ajoutons à cela un peu d’atonie et de légèreté qui m’ont donné un peu l’impression, par moment, de donner au récit une empreinte caricaturale. Je n’ai pas vraiment été emballé par la narration, mais le roman est tellement fort, pointant du doigt l’irrationnalité et la bêtise, que j’ai été subjugué…tout simplement.

L’ÉTRANGER comporte de la sérieuse matière à réflexion. Le roman est court, frappe et va droit au but. Ça me rappelle une chanson célèbre dont les paroles sont de Maurice Vidalin, interprétée par Gilbert Bécaud, écrite en 1977 : L’INDIFFÉRENCE.

Dans ce chef d’œuvre *le chanteur français met en exergue…l’émotion qui consiste à ne pas ressentir, il s’agit de l’indifférence. Le chanteur diabolise, maudit et blâme ce trait de caractère. Il l’aperçoit comme l’une des pires caractéristiques que l’humain peut acquérir, au fil des paroles, on comprend pourquoi ! * (greatsong.net)

L’indifférence, elle fait ses petits dans la boue
L’indifférence, y a plus de haine y a plus d’amour
Y a plus grand chose
L’indifférence, avant qu’on en soit tous crevés
D’indifférence, je voudrais la voir crucifiée
L’indifférence, qu’elle serait belle écartelée


ALBERT CAMUS  (1913-1960)

Suggestion de lecture : Déjà paru sur ce site : mon commentaire sur un autre grand classique d’Albert Camus : LA PESTE

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

COMMENT JE VOIS LE MONDE, Albert Einstein

Extrait : COMMENT JE VOIS LE MONDE, Albert
EINSTEIN, Flammarion 1979, réédité en 2009
par Flammarion dans CHAMPS SCIENCE. Édition
de papier, 245 pages

Il aura fallu la tragique apparition du nazisme et de la Seconde Guerre mondiale pour laisser entrevoir, d’Albert Einstein un homme d’une humanité exemplaire, partisan de l’entente entre les peuples, observateur attentif du monde.
Cet ouvrage rend compte, à partir de textes écrits entre 1930 et 1935, des grandes questions sur lesquelles ce génie solitaire souhaitait s’expliquer publiquement : le pacifisme, la lutte contre le national-socialisme, la défense du judaïsme, la religion et la science, la culture morale, l’éducation. Il traite également de la relativité restreinte et généralisée, la mécanique de Newton. Autant de sujets qui conduisent Einstein à s’interroger sur les responsabilités de l’homme de science face à l’histoire. (Flammarion)

La passion du savoir
Qu’est-ce qu’un auteur scientifique ?
Réponse : Le croisement entre un mimosa et un porc-épic.

COMMENT JE VOIS LE MONDE est un essai philosophique. Malgré le côté un peu ardu de cet opuscule, j’ai découvert l’homme derrière le physicien : Albert Einstein, un homme résolument pacifiste, qui crache sur la guerre et le service militaire obligatoire, un humaniste demeuré profondément sioniste sauf qu’il a toujours milité pour un juste règlement de la cohabitation avec les arabes. Dans cet opuscule, Einstein analyse le monde dans la vie religieuse, politique, sociale et économique.

L’ouvrage se divise en cinq grands volets : 1) une vision globale du monde avec une réflexion sur la nécessité d’une vie morale, d’une saine justice et de l’engagement social. 2) Einstein livre sa réflexion sur la politique et le pacifisme, donne sa version du sens de la paix et critique sévèrement le service militaire obligatoire. On y trouve entre autres l’extrait d’une lettre à Sigmund Freud.

3) Bref commentaire sur le national-socialisme : *Je refuse de séjourner dans un pays où la liberté politique, la tolérance et l’égalité ne sont pas garantis par la loi. * (Extrait) 4) Une analyse rigoureuse sur le sionisme et les problèmes juifs. 5) et bien sûr, un large volet sur la science : l’approche, les protocoles d’expérimentation et de recherche et plus important encore, la pensée scientifique, celle qui a amené par exemple la création des deux théories de la relativité.

Pour ce qui est du volet scientifique, oubliez ça si vous n’êtes pas initié à la physique et à la physique quantique. Vous risquez de trouver cette partie parfaitement indigeste. C’est ce qui m’est arrivé. Autrement, il faut se concentrer pour suivre la pensée d’Einstein qui est profonde, complexe et pas toujours facile à suivre. Mais au final, sa position sur les grands thèmes qui lui tiennent à cœur est claire, très directe et encore aujourd’hui, incroyablement ajustée à l’actualité :

* Dans les rouages universels, le rouage État ne s’impose pas comme le plus indispensable. Mais c’est la personne humaine, libre, créatrice et sensible qui façonne le beau et qui exalte le sublime, alors que les masses restent entraînées dans une ronde infernale d’imbécilité et d’abrutissement. * (Extrait : C’est une pensée d’einstein que j’ai toujours partagée.)

Toutefois, notez bien que l’éditeur a choisi les textes qu’il voulait. Ça fait arbitraire parce que tous ces textes et extraits ont été sortis de leur contexte général. C’est la principale faiblesse de cet opuscule, abstraction faite de la complexité de certains propos. Pas de notes, pas de dates, aucune explication sur le contexte des lettres et citations, pas de renvois J’ai trouvé ça un peu frustrant et irritant.

Par contre, j’ai apprécié les références à d’autres scientifiques et un hommage rendu à plusieurs d’entre eux, Isaac Newton par exemple, Johannes Kepler, Michael Faraday pour, entre autres, ses travaux sur l’électro-magnétisme. C’est évident, Einstein admet avoir subi l’influence positive de ses prédécesseurs et de ses contemporains.

Sur les thèmes cités plus haut, il tente de préciser sa pensée (C’est parfois laborieux, peut-être à cause de la traduction). Il encense ici, il condamne là. COMMENT JE VOIS LE MONDE fut pour moi la lecture édifiante d’un livre qui n’a pas vieilli et qui livre les propos d’un homme qui fut toujours à la recherche de la vérité.

Suggestion de lecture : NAISSANCE ET DESTIN DE L’UNIVERS, de Paul Parsons

Pour lire le commentaire de Phenixgoglu, publié en 2013 sur ce site sur COMMENT JE VOIS LE MONDE, cliquez ici.

Albert Einstein, né le 14 mars 1879 à Ulm (Wurtemberg), en Allemagne et mort le 18 avril 1955 à Princeton, aux États-Unis d’Amérique, est un physicien. Il est probablement le scientifique le plus célèbre du XXe siècle. Il a publié beaucoup de travaux de toute première importance, dont la fameuse théorie de la relativité qui rend plus précise la théorie de la gravité d’Isaac Newton.

Mais Einstein a contribué à beaucoup d’autres domaines de la physique et a presque toujours apporté une contribution très importante aux domaines sur lesquels il a travaillé. Il est mort en 1955 d’une rupture d’anévrisme. Il a reçu le prix Nobel de physique pour sa découverte de l’effet photoélectrique, un principe physique qui permet de produire de l’électricité à partir de la lumière du soleil utilisée dans les panneaux solaires.

(Cette biographie brève est extraite d’un dossier fort intéressant monté en particulier pour les jeunes. Source : Vikidia )

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 13 janvier 2024

CEUX DE LÀ-BAS, de Patrick Sénécal

*-Il y a une présence…un esprit est parmi nous…
(Pause) Manifeste-toi esprit. Si tu es là, tourne
une page de ce livre ouvert au milieu de la table.
Quelques secondes passent. On entend le bruit
doux d’une feuille de papier qui tourne. Hoquet
féminin de stupeur.*
(Extrait : CEUX DE LÀ-BAS,
Patrick Sénécal, Alire éditeur, 2019, édition de papier
560 pages.)

À l’aube de la cinquantaine, Victor Bettany est psychologue auprès des étudiants du cégep de Drummondville. En excellente forme physique, c’est toujours à pied qu’il se rend au boulot… ou au CHSLD afin de rendre visite à son père, Philippe, aux prises avec l’alzheimer.

Or, de voir dépérir son père perturbe Victor, lui qui a vécu il y a deux ans le décès accidentel de Roxanne, son amoureuse, et dont la peur de la mort s’amplifie en vieillissant. Mais, il se sait capable de surmonter ses angoisses, et tout cela ne l’empêche pas de vivre sa vie, ni même de chercher une nouvelle âme sœur.

Mais ce soir, sa rencontre avec une flamme potentielle ne s’est pas très bien déroulée et, plutôt que de revenir chez lui, Victor décide sur un coup de tête – qu’il va amèrement regretter quelques heures plus tard – d’assister à la première du nouveau spectacle de Crypto, un jeune hypnotiseur qui aime fouiller, paraît-il, dans les zones sombres de l’humain…

Le cœur de la peur
*Une fois dans sa voiture, il veut démarrer, mais
il tremble tellement que ses clés tombent au sol.
Au moment où il se penche pour les ramasser, il
s’immobilise comme si son dos coinçait alors qu’il
ne ressent aucune douleur. Il demeure ainsi,
paralysé par la terreur, le souffle court.* (Extrait)

Encore une fois, Patrick Sénécal nous a pondu un roman fort et encore une fois, Sénécal pèse fort où ça fait mal…étire une corde sensible qui sous-tend l’ensemble des êtres humains :  La mort sous tous ses angles, toutes ses coutures, la mort au-delà de la philosophie, de l’éthique, de la religion, la mort et ses effets sur la vie : peurs, craintes, obsessions, questionnement…tout ça dans une soupe concoctée par un spécialiste québécois de l’horreur.

CEUX DE LÀ-BAS est une longue et profonde réflexion sur la mort…la mort selon Sénécal…noire, tourmentée, intrigante, étouffante. Cette vision n’engage que l’auteur bien sûr mais il a vite fait de prendre le lecteur au piège. C’est ce qui m’arrive tout le temps avec Sénécal. Son récit est attractif. Il m’enveloppe d’abord puis me kidnappe.

La mort s’insinue au fur et à mesure de la déchéance de notre personnage principal : Victor Bettany, jeune psychologue au CÉGEP de Drummondville qui suit plusieurs jeunes en consultation dont Guillaume, un ado à surveiller.

Bettany a perdu sa conjointe, tombé d’une falaise il y a deux ans, son père est atteint d’alzeimer et s’en va doucement. Ça va pas fort en amour. Avant d’aller plus loin, voyons ce qui s’est passé.

Victor se rend à Trois-Rivières pour rencontrer une fille intéressée à une relation stable. C’est un échec. Un échec de plus. Plutôt que de rentrer à Drummondville, Victor décide, sur un coup de tête de se rendre à la salle Champ Gauche pour assister au spectacle de Crypto, un redoutable hypnotiseur qui n’est intéressé que par le côté obscur de l’être humain et qui a un faible pour le pouvoir.

Pour Victor, ce sera la pire décision de sa vie car ce fameux soir au CHAMP GAUCHE, tout va basculer y compris la vie, y compris la mort…ici Sénécal me tend un piège dont je ne sortirai pas car je n’ai jamais aimé les hypnotiseurs à spectacle, des manipulateurs de subconscient. Cette façon d’amuser la galerie nuit aux hypnotiseurs thérapeutes qui peuvent rendre de grands services…

Toujours est-il qu’au nom du pouvoir qu’un ambitieux illuminé s’est conféré…la mort s’étend comme un raz-de-marée après avoir été chassée d’un corps dans un premier temps…les proches meurent en premier puis la faucheuse met un temps pour se rendre à la cour arrière. Je ne peux ni m’expliquer ni en dire davantage. Il faut lire pour voir et patienter pour savoir.

J’ai dévoré ce livre…disons avec moins d’appétit. Il y a de nombreuses longueurs, en particulier sur les états d’âme de Victor. Je peux comprendre mais je compose assez mal avec la redondance…ça m’ennuie mais ça ne me sort pas du piège Cependant. Arnaud, l’ami de cœur de Crypto est un caractériel un peu bourru mais son lien avec Victor devenant très dense, j’aurais souhaité que le personnage soit davantage développé et plus actif.

La finale est assez bien concoctée, elles intéressante mais elle n’est pas très claire et ouvre la porte aux interprétations. Elle ne donne pas beaucoup de réponses. Pour moi si la vie a un sens, c’est que la mort en a un aussi et la vision que l’auteur a de la mort dans son récit est peu engageante. Toutefois, il nous laisse un peu d’espoir en tentant d’établir une nuance entre la mort qui arrache et la mort qui accueille. Une réflexion intéressante sur la peur, la peur de la peur et l’approche de la mort.

Ce n’est pas le meilleur livre de Patrick Sénécal mais ça reste un roman puissant malgré certains irritants et je n’ai pas parlé des fantômes qui pullulent sous le regard de Bettany…images classiques de zombies, d’humains morts qui se décomposent en dégoulinant autour des vivants comme dans POLTERGEIST.

Ça fait cliché, trash, un mélange d’horreur et de surnaturel. Sénécal a déjà fait mieux mais cependant il n’a pas fini de nous surprendre. En ce qui me concerne, le livre m’a happé malgré tout. Il a rempli son office.

Pour en savoir plus sur Patrick Sénécal, cliquez ici.
Pour lire l’article de Sarah-Émilie Nault  (lié à la photo ci-haut) sur Patrick Sénécal, rendez-vous sur Huffingtonpost.

 

Pour lire mon commentaire sur FAIMS
de Patrick Sénécal, cliquez ici.)

 

 

 

 

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 5 novembre 2023

HOMO DEUS, livre de YUVAL NOAH HARARI

VERSION AUDIO

*Dans la salle de bain, l’humanité se débarbouille, examine
ses rides dans la glace puis, elle se prépare une tasse de
café et ouvre son agenda…voyons l’ordre du jour : le
programme a été le même pendant des milliers d’années :
La famine, les épidémies et la guerre ont toujours été en tête
de liste…*

(Extrait : HOMO DEUS, Yuval Noah Harari, édition originale, Harvill
Secker éditeur, 2015, 448 pages. Version audio : Audiolib éditeur,
2018. Narrateur : Philippe Sollier, durée d’écoute : 14 heures 48)

Que deviendront nos démocraties quand Google et Facebook connaîtront nos goûts et nos préférences politiques mieux que nous-mêmes ? Qu’adviendra-t-il de l’État providence lorsque nous serons évincés du marché de l’emploi par des ordinateurs plus performants ? Quelle utilisation ferons-nous de la manipulation génétique ? Homo deus nous dévoile ce que sera le monde d’aujourd’hui, selon les mythes qui le hantent.

À ces légendes concernant  les dieux, l’argent, l’égalité et la liberté, s’allieront de nouvelles technologies démiurgiques. Et que les algorithmes pourront se passer de notre pouvoir de décision. Car, tandis que l’Homo sapiens devient un Homo deus, nous nous forgeons un nouveau destin. Le nouveau livre audio de Yuval Noah Harari offre un aperçu vertigineux des rêves et des cauchemars qui façonneront le XXIe siècle.

Une brève histoire du futur
*Hisser les humains au rang des Dieux peut se
faire selon trois directions : le génie biologique,
le génie cyborg et le génie des êtres non-
organiques. *
(Extrait)

Ce livre est en principe une suite logique de SAPIENS de Harari. Harari y livre sa version de l’histoire globale de l’humanité et développe une philosophie qui place l’homme et les valeurs humaines au-dessus de toutes les valeurs. Cette philosophie qui a valeur de religion s’appelle l’humanisme, un principe global de la vie humaine qui se précarise dans HOMO DEUS au profit des nouvelles technologies.

L’humanisme pourrait bien être parqué dans une voie de garage par un autre phénomène qui prendra valeur de religion dans HOMO DEUS, c’est-à-dire le traitement des données et  l’omniprésence des algorithmes qui caractérisent le troisième millénaire. Ces protocoles technos vont jusqu’à penser à notre place. Ainsi, des méga-MACHINES comme Google ou Facebook nous connaîtrons mieux qu’on ne se connaît nous-même.

Je dois noter ici une faiblesse et un irritant. Il y a beaucoup de redondance dans HOMO DEUS par rapport à SAPIENS. De la redite. Mais comme le propos est extrêmement intéressant et dans ce cas-ci, une narration dynamique et persuasive, il faut considérer HOMO DEUS comme un complément d’information, une mise à jour pour utiliser un langage techno, des précisions sur la pensée de l’auteur.

Sapiens s’en tient à l’histoire et aux dérives de la Société. Dans HOMO DEUS, il faut faire très attention au sous-titre UNE BRÈVE HISTOIRE DU FUTUR. Ça fait vendeur mais il n’est pas tout à fait approprié. L’auteur ne fait aucune prédiction sur le futur de l’humanité, pas d’énigme à la Nostradamus ni pronostic.

Harari développe outille le lecteur pour lui permettre de développer sa propre interprétation de l’avenir en s’appuyant sur la force d’attraction et de pénétration des nouvelles technologies…la fameuse techno-dépendance qu’Harari appelle le *dataïsme*. Le terme *histoire du futur* m’apparait donc un peu fort.

J’ai été séduit par la pensée de Yuval Noah Harari, basée sur l’histoire et la science, un soupçon d’empirisme et une analyse de l’esprit humain. Moins spontané que SAPIENS, HOMO DEUS m’a néanmoins gardé continuellement en alerte par la richesse du propos, la déconstruction de vieux concepts humains et la quantité d’informations livrées, parfois surprenantes.

Je n’ai jamais eu le temps de m’ennuyer : *Au début du XXIe siècle, l’être humain moyen risque davantage de mourir d’un excès de McDo que de la sécheresse, du virus Ébola ou d’un attentat d’Al quaida * (Extrait) Plusieurs passages ont de quoi surprendre et poussent à la réflexion.

Le livre nous laisse sur un tas d’interrogation. C’est souvent le cas dans les essais. Mais HOMO DEUS contient suffisamment de *données* pour brasser les consciences :

*Pour l’américain ou l’européen moyen, Coca Cola représente une menace plus mortelle qu’AL quaida. (Extrait) … *Plutôt que de craindre les astéroïdes, c’est de nous que nous devrions avoir peur. * (Extrait) … HOMO DEUS est une prise de conscience de l’histoire en devenir.

HOMO DEUS est un essai qui nourrit la réflexion par son propos ajusté aux réalités historiques de l’homme. À ce titre, c’est un ouvrage précieux que je n’hésite pas à recommander, en particulier la version audio avec l’exceptionnelle performance narrative de Philippe Sollier qui me donnait l’impression de s’adresser à moi.

Suggestion de lecture : 8 HISTOIRES DU FUTUR, collectif de nouvelles

Yuval Noah Harari est docteur en Histoire, diplômé de l’Université d’Oxford. Aujourd’hui, il a remporté le  » prix Polonsky pour la Créativité et l’Originalité  » en 2009 et en 2012. Acclamé par Barack Obama et Mark Zuckerberg, son ouvrage Sapiens est devenu un phénomène international : traduit dans près de 40 langues et présent dans toutes les listes de bestsellers à travers le monde.

 

Sur les scènes de théâtre Philippe Sollier a joué Goldoni, Marivaux, Labiche, Tchekhov, Strindberg, Wesker… des spectacles pour enfants et des spectacles de clown. À la télévision, il a participé à de nombreuses séries, notamment policières, des téléfilms et un documentaire-fiction Otages à Bagdad. Il prête sa voix à grand nombre de documentaires, téléfilms étrangers ou dessins animés.

Homo Deus est la suite logique de SAPIENS



Sapiens retraçait l’histoire de l’humanité. Homo deus interroge son avenir.

Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 9 octobre 2022