SIX MINUTES, le livre de Chrystine Brouillet

*À côté d’un des pieds de la table, Graham repéra le
goulot de la bouteille. – J’ai l’impression que la
victime a été agressée tout de suite après avoir
ouvert à son visiteur. Qu’il l’a assommée avec la
bouteille. Puis égorgée. *
(Extrait : SIX MINUTES, Chrystine Brouillet, Éditions
Druide, 2017, édition de papier, 380 pages)

Quand Maud Graham est appelée à éclaircir le meurtre d’un homme trouvé gisant dans son sang, elle ne peut se douter des motifs de ce crime. Qui pouvait bien en vouloir à ce point à cet homme sans histoire ? La détective avance en plein brouillard jusqu’à ce que commence à se dessiner une toile complexe. Si l’enquête porte d’abord sur l’assassinat d’un homme, c’est sur la maltraitance subie par des femmes qu’on lèvera le voile en cours d’investigation. Alarmée par le danger qui menace ces femmes devenues des proies malgré elles, Graham se lance sur la trace de l’agresseur. Une poignante course contre la montre démarre…

Ces femmes devenues des proies
*…Maud Graham découvrait avec consternation
pourquoi Nicole n’avait pu identifier instantanément
la blessée. Sa paupière gauche avait triplé de volume,
ses lèvres étaient déchirées, ses joues avaient
tourné au bleu. Un bandage blanc couvrant son nez
indiquait qu’il avait été fracturé et des hématomes
au cou trahissaient la tentative d’étranglement. *
(Extrait)

J’étais très heureux de renouer avec la détective Maud Graham à laquelle je m’étais beaucoup attaché dans LE COLLECTIONNEUR, ouvrage angoissant qui m’a fait aussi connaître des personnages énigmatiques ados attachés aux thèmes préférés de Chrystine Brouillet : Grégoire et Maxime. Ils n’ont pas de rôles signifiants dans SIX MINUTES mais j’ai senti qu’ils avaient maturé…j’étais aussi heureux de sentir une Maude Graham aussi mordante et efficace.

Elle est très justement décrite d’ailleurs dans SIX MINUTES : *…Un genre de vedette ici. Bonne. Trop bonne. Obstinée. Elle ne lâche jamais sa proie. Le pit-bull roux !* (Extrait) Dans SIX MINUTES, Graham est confrontée à un meurtre sauvage et deux femmes en cavale. L’enquête s’annonce coriace. Son instinct affûté et sa curiosité l’amèneront à déduire que tout est lié. Mais l’enquête est extrêmement complexe.

Le lecteur découvre graduellement pourquoi les femmes sont en cavale. En fait, elles fuient, tétanisées par la peur. Ce sont des femmes battues. Eh oui ! SIX MINUTES aborde avec intelligence et force la troublante thématique des *badboys*, la violence conjugale. Une fois établi que Christian Desgagné est un homme violent et dangereux et pourrait être lié au meurtre de Dominique Poitras, tout s’enchaîne rapidement et le récit devient une course contre la montre.

Desgagné était certain que Dominique recevait les confidences de sa femme sur les traitements dont elle était victime. Desgagné a le portrait social assez commun des hommes violents : beaux, intelligents, apparemment sans reproches, calmes, sociables. Il n’y a pas de profil vraiment significatif.

Le narcissisme pervers est caché en toutes circonstances sauf quand il est seul avec sa femme.. Il ne se doute de rien. Ce n’est pas sa faute si sa femme le pousse à bout…il faut apporter des *correctifs*, il se sait sans reproche. Ce n’est pas sa faute. Ce n’est jamais sa faute.

L’intrigue s’appuie beaucoup sur la psychologie des personnages et met en exergue la relation agresseur-agressé. Évidemment, cette nécessité pourrait pousser le lecteur à détester cordialement l’agresseur jusqu’à ce qu’on se rappelle que la violence est une pathologie qu’on peut traiter. Ce type de violence est de moins en moins toléré dans notre société moderne, heureusement. Donc dans son enquête, Graham doit composer avec la peur chronique qui habite les femmes violentées.

J’ai pu encore une fois apprécier le doigté et l’opiniâtreté de la détective : *Tout m’intéresse. Tout ce qui touche à une victime m’intéresse. Tout ce qu’elle était, tout ce qu’elle montrait, tout ce qu’elle dissimulait. Tous ses secrets. Toute sa famille, tous ses proches. Tout ce que vivent ses proches, tout ce que me taisent ses proches. C’est une seconde nature chez moi. Je cherche ce qu’on me cache.* (Extrait)

Fortement inspirée et documentée, Chrystine Brouillet fait remonter à la surface avec un réalisme désarmant la terreur et la solitude des femmes agressées amenant le lecteur à se demander comment les femmes pouvaient vivre avec une telle peur au ventre et trouver le moyen de rejeter la faute sur elles-mêmes.

Le récit est bien structuré. Il a toutefois un petit côté prévisible qui sera surtout évident pour les lecteurs assidus de Chrystine Brouillet. Pour certaines éditions, le quatrième de couverture précise : *Entre le moment où une femme racontait que son mari menaçait de la tuer et celui où elle était entendue par un juge, six mois pouvaient s’écouler alors que six minutes suffisaient amplement pour qu’un homme étrangle sa femme.* (Extrait)  SIX MINUTES est plus qu’un polar. C’est un témoignage crédible.

Suggestion de lecture, de la même autrice : INDÉSIRABLES

Talentueuse et prolifique, Chrystine Brouillet a écrit une cinquantaine de romans, surtout policiers. Sa série mettant en scène la détective Maud Graham connait un énorme succès, avec plus de 700 000 exemplaires vendus. Cette héroïne, que la romancière décrit comme « une femme ordinaire exerçant un métier hors de l’ordinaire », est une enquêtrice de grande expérience au flair et à la ténacité redoutables. Aussi impatiente que généreuse, elle cultive, à l’image de son auteure, un doux penchant pour la gourmandise…


Bonne lecture
Claude Lambert,

Le samedi 2 mars 2024

CHRONIQUES D’UNE TERREUR PROGRAMMÉE

Commentaire sur le livre de
DAMIEN GUIRAND

*Un bruit d’éclaboussures. Pui un silence. Puis des cris de peur.
Suivis de hurlements de douleur. Diane entendait les terribles
souffrances de son fils mais n’avait aucun moyen d’intervenir.
Pétrifiée…elle se contenta d’adopter une position stationnaire.*
(Extrait : CHRONIQUES D’UNE TERREUR PROGRAMMÉE, Damien
Guirand, L’Alchimiste éditeur, 2019, format numérique, 1482 kb, papier :
106 pages)

La planète se trouve peu à peu paralysée par de mystérieuses catastrophes, des accidents autant absurdes qu’atroces surgissant n’importe où n’importe quand. Tout converge vers une nouvelle forme d’attentat. Les questions s’accumulent tandis que la peur grandit partout sur le globe. Qui se cache derrière toutes ces horreurs ? Pourquoi personne ne les revendique ? Mais, surtout, jusqu’où sont prêts à aller ces inconnus qui sèment une terreur de plus en plus grande ? Le temps passe alors qu’une évidence se dessine : et si les fondements mêmes du monde moderne en venaient à vaciller ?

Des horreurs qui questionnent
*-Tu es humaine, ajouta Paralysie. Il est normal que toutes ces
atrocités te bouleversent…Mais repense à l’aboutissement
terminal. Repense à la société idéale que nous sommes en
train de bâtir. Notre cause est la plus noble des causes. Mais
elle doit passer par une période d’affrontement, une guerre. Et
toute guerre nécessite des sacrifices, malheureusement. *
(Extrait)

CHRONIQUES D’UNE TERREUR PROGRAMMÉE est une novella, c’est-à-dire un texte qui se situe entre la nouvelle et le roman court. C’est un roman <coup de poing >, une de mes lectures les plus addictives à ce jour. Ici, on pourrait remplacer le terme <tremblement de terre> par <tremblement de livre>. Ça vous donnerait une idée assez juste de l’effet que ce livre a eu sur moi. Voyons le topo : des catastrophes dont l’horreur va crescendo ébranlent la planète :

<…à l’instant même où le meilleur agent de la CIA entreprit d’exprimer son illumination de génie, un étrange faisceau rouge traversa l’avion qui le transportait. Et dans la microseconde qui suivit, Markus de Andrea et les mille trois cents autres personnes qui l’accompagnaient rejoignirent plusieurs milliards de leurs ancêtres dans le sombre monde des non-vivants. Pulvérisés en plein ciel.> Extrait

La peur s’installe dans le monde car ces catastrophes sont totalement imprévisibles quant aux endroits et aux moments où elles frapperont et au nombre de morts qu’elles feront. Catastrophes naturelles ? Terrorisme ?

Terrorisme sûrement. Mais pourquoi n’est-il pas revendiqué ? Et qui se cacherait derrière ce rideau de terreur ?  Avec une redoutable minutie, l’auteur met volontairement le lecteur mal à l’aise en décrivant, dans un enchaînement de chapitres courts sans liens, des évènements meurtriers. Le lecteur jongle alors avec l’idée que des terroristes dont la brillante intelligence atteint la psychopathie orchestrent tous ces meurtres de masse.

Quant à comprendre la logique de tout ça, le lecteur devra être patient, car après la description, l’auteur donne des indices qui permettent au lecteur de mettre les choses en place puis, de la lettre d’une mère à sa fille, la lumière jaillit. Être ligoté par une lecture ne m’arrive pas souvent mais ce petit livre m’a simplement ébranlé. Il est direct, incisif, angoissant et pousse à la réflexion sur la viabilité des grands systèmes économiques qui régissent le monde devant garantir l’équité et la justice alors qu’ils font tout le contraire. Le capitalisme est particulièrement visé.

Le récit vient nous rappeler aussi un fait qu’on est malheureusement porté à oublier : pour déstabiliser des personnes, une région, un pays voire la terre entière, il suffit d’installer et d’entretenir la peur. Et puis peut-on vraiment empêcher quelqu’un mû par une volonté implacable de faire le mal surtout s’il est motivé par une doctrine, une idéologie ou une religion? Si un lecteur ou une lectrice a envie de tourner la page d’un livre mais craint de le faire, c’est à coup sûr parce que l’auteur l’a atteint dans son âme.

Il est presqu’heureux que le roman soit court car avec un pareil sujet, l’auteur aurait pu se lancer dans un grand roman, une série, un film si ça se trouve. Mais Damien Guirand a choisi une voie beaucoup plus difficile, celle de la novella qui charge l’auteur de brasser un maximum d’émotions dans un minimum de pages. Ce n’est pas le genre de livre qui entretient la confiance en l’avenir car il pousse le lecteur à se poser la terrible question : Est-ce-possible ? Ça pourrait arriver ? On ne sort pas indemne d’une lecture aussi géniale.

Suggestion de lecture : LES ORCHIDÉES DE STALINE, de Corinne De Vailly et Normand Lester.

Damien Guirand est né en 1987, en Savoie. Passionné de cinéma et de science-fiction, il dévore tout ce qu’il trouve à lire. Son appétit se mue rapidement en désir d’user de ses propres mots, dans ses propres histoires. Un jour, il met un terme à ses tergiversations, allume son ordinateur et plonge naturellement dans l’écriture. Il dessine alors des intrigues palpitantes et inquiétantes où se mêlent des thèmes propices à questionner le lecteur. Bienvenue dans son monde sans concession.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 18 novembre 2023

CEUX DE LÀ-BAS, de Patrick Sénécal

*-Il y a une présence…un esprit est parmi nous…
(Pause) Manifeste-toi esprit. Si tu es là, tourne
une page de ce livre ouvert au milieu de la table.
Quelques secondes passent. On entend le bruit
doux d’une feuille de papier qui tourne. Hoquet
féminin de stupeur.*
(Extrait : CEUX DE LÀ-BAS,
Patrick Sénécal, Alire éditeur, 2019, édition de papier
560 pages.)

À l’aube de la cinquantaine, Victor Bettany est psychologue auprès des étudiants du cégep de Drummondville. En excellente forme physique, c’est toujours à pied qu’il se rend au boulot… ou au CHSLD afin de rendre visite à son père, Philippe, aux prises avec l’alzheimer.

Or, de voir dépérir son père perturbe Victor, lui qui a vécu il y a deux ans le décès accidentel de Roxanne, son amoureuse, et dont la peur de la mort s’amplifie en vieillissant. Mais, il se sait capable de surmonter ses angoisses, et tout cela ne l’empêche pas de vivre sa vie, ni même de chercher une nouvelle âme sœur.

Mais ce soir, sa rencontre avec une flamme potentielle ne s’est pas très bien déroulée et, plutôt que de revenir chez lui, Victor décide sur un coup de tête – qu’il va amèrement regretter quelques heures plus tard – d’assister à la première du nouveau spectacle de Crypto, un jeune hypnotiseur qui aime fouiller, paraît-il, dans les zones sombres de l’humain…

Le cœur de la peur
*Une fois dans sa voiture, il veut démarrer, mais
il tremble tellement que ses clés tombent au sol.
Au moment où il se penche pour les ramasser, il
s’immobilise comme si son dos coinçait alors qu’il
ne ressent aucune douleur. Il demeure ainsi,
paralysé par la terreur, le souffle court.* (Extrait)

Encore une fois, Patrick Sénécal nous a pondu un roman fort et encore une fois, Sénécal pèse fort où ça fait mal…étire une corde sensible qui sous-tend l’ensemble des êtres humains :  La mort sous tous ses angles, toutes ses coutures, la mort au-delà de la philosophie, de l’éthique, de la religion, la mort et ses effets sur la vie : peurs, craintes, obsessions, questionnement…tout ça dans une soupe concoctée par un spécialiste québécois de l’horreur.

CEUX DE LÀ-BAS est une longue et profonde réflexion sur la mort…la mort selon Sénécal…noire, tourmentée, intrigante, étouffante. Cette vision n’engage que l’auteur bien sûr mais il a vite fait de prendre le lecteur au piège. C’est ce qui m’arrive tout le temps avec Sénécal. Son récit est attractif. Il m’enveloppe d’abord puis me kidnappe.

La mort s’insinue au fur et à mesure de la déchéance de notre personnage principal : Victor Bettany, jeune psychologue au CÉGEP de Drummondville qui suit plusieurs jeunes en consultation dont Guillaume, un ado à surveiller.

Bettany a perdu sa conjointe, tombé d’une falaise il y a deux ans, son père est atteint d’alzeimer et s’en va doucement. Ça va pas fort en amour. Avant d’aller plus loin, voyons ce qui s’est passé.

Victor se rend à Trois-Rivières pour rencontrer une fille intéressée à une relation stable. C’est un échec. Un échec de plus. Plutôt que de rentrer à Drummondville, Victor décide, sur un coup de tête de se rendre à la salle Champ Gauche pour assister au spectacle de Crypto, un redoutable hypnotiseur qui n’est intéressé que par le côté obscur de l’être humain et qui a un faible pour le pouvoir.

Pour Victor, ce sera la pire décision de sa vie car ce fameux soir au CHAMP GAUCHE, tout va basculer y compris la vie, y compris la mort…ici Sénécal me tend un piège dont je ne sortirai pas car je n’ai jamais aimé les hypnotiseurs à spectacle, des manipulateurs de subconscient. Cette façon d’amuser la galerie nuit aux hypnotiseurs thérapeutes qui peuvent rendre de grands services…

Toujours est-il qu’au nom du pouvoir qu’un ambitieux illuminé s’est conféré…la mort s’étend comme un raz-de-marée après avoir été chassée d’un corps dans un premier temps…les proches meurent en premier puis la faucheuse met un temps pour se rendre à la cour arrière. Je ne peux ni m’expliquer ni en dire davantage. Il faut lire pour voir et patienter pour savoir.

J’ai dévoré ce livre…disons avec moins d’appétit. Il y a de nombreuses longueurs, en particulier sur les états d’âme de Victor. Je peux comprendre mais je compose assez mal avec la redondance…ça m’ennuie mais ça ne me sort pas du piège Cependant. Arnaud, l’ami de cœur de Crypto est un caractériel un peu bourru mais son lien avec Victor devenant très dense, j’aurais souhaité que le personnage soit davantage développé et plus actif.

La finale est assez bien concoctée, elles intéressante mais elle n’est pas très claire et ouvre la porte aux interprétations. Elle ne donne pas beaucoup de réponses. Pour moi si la vie a un sens, c’est que la mort en a un aussi et la vision que l’auteur a de la mort dans son récit est peu engageante. Toutefois, il nous laisse un peu d’espoir en tentant d’établir une nuance entre la mort qui arrache et la mort qui accueille. Une réflexion intéressante sur la peur, la peur de la peur et l’approche de la mort.

Ce n’est pas le meilleur livre de Patrick Sénécal mais ça reste un roman puissant malgré certains irritants et je n’ai pas parlé des fantômes qui pullulent sous le regard de Bettany…images classiques de zombies, d’humains morts qui se décomposent en dégoulinant autour des vivants comme dans POLTERGEIST.

Ça fait cliché, trash, un mélange d’horreur et de surnaturel. Sénécal a déjà fait mieux mais cependant il n’a pas fini de nous surprendre. En ce qui me concerne, le livre m’a happé malgré tout. Il a rempli son office.

Pour en savoir plus sur Patrick Sénécal, cliquez ici.
Pour lire l’article de Sarah-Émilie Nault  (lié à la photo ci-haut) sur Patrick Sénécal, rendez-vous sur Huffingtonpost.

 

Pour lire mon commentaire sur FAIMS
de Patrick Sénécal, cliquez ici.)

 

 

 

 

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 5 novembre 2023

LES JUMEAUX DE PIOLENC, de Sandrine Destombes

*Faits divers : toujours aucune trace des jumeaux de Piolenc, ces deux enfants âgés de onze ans et disparus depuis samedi dernier lors de la fête de l’ail…Notre envoyé spécial Mathieu Boteau, a pu recueillir le témoignage de Plusieurs voisins qui comptent participer aux recherches. *
(Extrait :  LES JUMEAUX DE PIOLENC, Sandrine Destombes, Hugo thriller éditeur, 2018. Format numérique, 320 pages, 2 350 kb)

Août 1989. Solène et Raphaël, des jumeaux de onze ans originaires du village de Piolenc, dans le Vaucluse, disparaissent lors de la fête de l’ail. Trois mois plus tard, seul l’un d’eux est retrouvé. Mort.
Juin 2018. De nouveaux enfants sont portés disparus à Piolenc. L’histoire recommence, comme en macabre écho aux événements survenus presque trente ans plus tôt, et la psychose s’installe.
Le seul espoir de les retrouver vivants, c’est de comprendre enfin  ce qui est arrivé à Solène et Raphaël. Au risque de réveiller de terribles souvenirs.

 

Cette noirceur qui nous fige
*Monsieur Mougin, la vie de deux enfants
est en jeu ! Tout ce que je vous demande,
c’est de me parler des jumeaux.  – Je n’aime
pas dire du mal des morts. *
(Extrait)

Il se pourrait bien que ce soit le thriller le plus tordu que j’ai lu jusqu’à maintenant. J’ai trouvé ce roman très noir. Les victimes et les accusés se confondent et nonobstant les policiers, aucun personnage n’est ce qu’il parait être. Résultat : un énorme défi pour l’intelligence des lecteurs-lectrices. Ce récit est un sac de nœuds :

*Tout nouvel élément dans une enquête était toujours le bienvenu. Sauf que dans ce cas précis, il ne faisait qu’épaissir le mystère. Le capitaine ne cessait de récolter des informations sans réussir à leur donner un sens. * Cet extrait résume bien l’état d’esprit dans lequel je me suis retrouvé comme lecteur. Il ne s’agit pas ici de la complexité de l’enquête, de revirements ou de fausses pistes. Tout ça est courant dans la littérature policière.

Le problème est que le fil conducteur est presqu’inexistant… trop de personnages, des situations invraisemblables. De plus, l’auteur ne joue pas forcément avec les mots mais il joue avec les prénoms qu’il lie entre eux en leur donnant certains sens.  Qui est qui ? J’ai trouvé très difficile de me positionner dans ce récit un peu erratique malgré l’excellence de son idée de base.

Cette idée, il faut la capter et la comprendre dès le début : août 1989, les villageois de Piolenc sont secoués par la disparition de deux jumeaux de 11 ans : Solène et Raphaël. Un des deux est retrouvé mort, on n’a jamais retrouvé l’autre. Près de trente ans plus tard, deux autres enfants disparaissent. Le lien semble évident et il pourrait bien faire sauter au visage du lecteur et de la lectrice toute la noirceur de l’être humain. Ici, la surprise fait place au pur délire.

Je ne peux rien dévoiler mais peut-être cet extrait vous mettra sur la piste … *Des enfants de onze ans, aux visages d’ange. Cette dualité dépassait l’entendement de l’homme de raison qu’il était…* (Extrait) Attendez-vous à des passages choquants, ce récit touchant une corde très sensible : les enfants.

Le livre n’est pas sans forces. En effet, malgré la fragilité du fil conducteur, le lecteur peut s’accrocher au capitaine Fabregas obsédé par cette enquête, noyé dans des découvertes improbables, impuissant devant une masse aussi complexe d’indices dont plusieurs ne mènent nulle part, et en bout de ligne, écœuré par les innommables bassesses dans lesquelles des êtres humains peuvent sombrer.

Ce portrait rend l’homme très proche du lecteur et de la lectrice qui peut donc compter sur la seule véritable référence de ce récit. Pour résumer : J’ai trouvé le récit intrigant, haletant jusqu’à un certain point, énigmatique à outrance. L’idée du récit est excellente mais surdéveloppée. Vous pourriez vous sentir obligé de relire certains passages, revenir en arrière, démêler les personnages et vous assurer de *qui est qui*.

Donc le défi est de démêler l’écheveau de l’intrigue. Une fois que j’ai accompli cette mission complexe, je me suis rendu compte que le roman est aussi noir que fort. Pour faire simple, il s’agit de se rendre au bout.

Suggestion de lecture : LE MYSTÈRE MENGELE, de Jorge Camasara

Née en 1971, Sandrine Destombes a toujours vécu à Paris. Elle travaille dans la production d’événements depuis plus de vingt ans et profite de son temps libre pour écrire des polars, son domaine de prédilection. Bien que française, Sandrine Destombes est attachée à ses origines italiennes, elle instille dans ses écrits son amour des Abruzzes, une belle région située à l’est de Rome.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 26 août 2023

 

LA ROUTE, le livre de Cormac McCarthy

*Il était couché et écoutait le bruit des gouttes dans les bois. De la roche nue par ici, le froid et le silence… Les cendres du monde défunt emportées çà et là dans le vide sur les vents froids et profanes…*
(Extrait : LA ROUTE, Cormac McCarthy, à l’origine, Point éditeur 2009, 251 pages. Version audio : Sixtrid éditeur, 2015. Durée d’écoute, 7 heures 2 minutes. Narrateur : Éric Herson-Macarel)

L’apocalypse a eu lieu. Le monde est dévasté, couvert de cendres et de cadavres. Parmi les survivants, un père et son fils errent sur une route, poussant un Caddie rempli d’objets hétéroclites. Dans la pluie, la neige et le froid, ils avancent vers les côtes du Sud, la peur au ventre : des hordes de sauvages cannibales terrorisent ce qui reste de l’humanité. Survivront-ils à leur voyage ?

 

Du matériel à peur
*Les cris qu’elle poussait ne signifiaient rien
pour lui. Derrière la fenêtre, rien que le froid
de plus en plus vif, des incendies à l’horizon.
Il tenait bien haut le petit corps rouge, décharné
tellement à vif et nu…et il coupa le cordon avec
un couteau de cuisine et enveloppa son fils
dans une serviette.
(Extrait)

C’est un roman étrange, noir, un drame post-apocalyptique très visuel et heureusement car les dialogues sont plutôt linéaires, coupés au couteau. C’est le caractère descriptif de la plume qui m’a gardé dans le coup. Notez que tout ce qui est décrit dans ce livre a été vu, revu et rerevu au cinéma. C’est du réchauffé et ce sentiment de déjà vu ne m’a pas quitté pendant toute la lecture.

L’histoire se déroule dans un monde dévasté, on ne sait pas par quoi ni dans quelles circonstances. Ce que je sais, c’est-à-dire peu de choses, c’est que dans un décor de fin du monde, deux êtres marchent vers leur destin sur une route qui leur est impartie. On sait qu’elle mène vers le sud mais ça ne nous avance pas tellement. L’histoire est donc celle de ces deux êtres dépersonnalisés : pas de nom, pas d’histoire, pas de passé, un présent infernal et un avenir incertain qui repose sur une route.

Lui, c’est le père, que le narrateur appelle l’homme et l’autre le fils, que le narrateur appelle le petit. Le tout est rendu sans émotions, sans chaleur et pourtant, tout le récit repose sur une relation père-fils. Je n’ai noté aucune profondeur dans les dialogues. J’ai entendu les mêmes termes peut-être une centaine de fois : *J’sais pas* *J’en sais rien* *d’accord…d’accord* *J’ai très froid* *J’ai très faim*, *J’te demande pardon* et j’en passe…

Je crois que toute la valeur du récit repose sur la psychologie des personnages et sur l’intuition des lecteurs/lectrices. Mais la relation entre le père qui cherche à protéger son fils et le fils qui ne veut pas décevoir son père a malheureusement été sous-développée. L’auteur a passé à côté d’une opportunité d’enrichir son récit en accentuant la relation Père-Fils avec plus d’émotion, plus de chaleur, de meilleures interactions et des dialogues mettant en perspective l’espoir nourri par ces personnages.

Voilà je crois qui aurait donné une force, du caractère et de l’originalité à une histoire dans laquelle il n’y a rien de positif, de prometteur et moins encore, de joyeux. Ça reste noir et dramatique jusqu’à la fin qui est d’une infinie tristesse. 

Donc c’est un livre à lire je pense avec *les yeux du cœur* pour saisir au mieux ce que le père et son fils vivent sur leur route.

Suggestion de lecture : WARDAY, de W. Strieber et J. Kunetka

Cormac McCarthy, Charles McCarthy de son vrai nom, est un écrivain et scénariste américain né le 20 juillet 1933 à Providence. Dans la jeune trentaine, il se fait connaître avec son premier roman (LE GARDIEN DU VERGER)1965. Puis, avec le temps et le talent, il consolide sa réputation avec, entre autres, avec LA TRILOGIE DES CONFINS et LA ROUTE.

LA ROUTE au cinéma


Le roman de McCarthy a été adapté au cinéma. Le film, réalisé par John Hillcoat et scénarisé par Joe Penhall sur la musique de Nick Cave est sorti en 2009 au Canada. Les acteurs principaux : photo ci-contre, à gauche Vigo Mortenson, à droite, Kodi Smit-McPhee.

 

BONNE LECTURE
BONNE ÉCOUTE
Claude Lambert
le samedi 29 juillet 2023

 

LE GRAND SECRET, le livre de René Barjavel

version audio

*Pour un indien, la mort n’est pas un évènement
important ni déplorable. Ni celle des autres, ni la
sienne. La mort est seulement la fin d’une des
étapes successives du long voyage des
réincarnations. * 
(Extrait : LE GRAND SECRET, René
Barjavel, Pocket éditeur, 1974, version audio : éditions
Thélème, 2017. Durée d’écoute : 9 heures 42 minutes,
narrateur : Sylvère Santin)

Un couple séparé par un extraordinaire événement, est réuni dans des circonstances extraordinaires. C’est aussi l’histoire d’un mystère qui, depuis 1955, a réuni, par-dessus les oppositions des idéologies et des impérialismes, les chefs des plus grandes nations. C’est ce «grand secret» qui a mis fin à la guerre froide, qui a causé l’assassinat de Kennedy, qui a rendu indispensables les voyages de Nixon à Moscou et à Pékin. C’est le secret de la plus grande peur et du plus grand espoir du monde.

Le virus de Pandore
*Bahamba avait tué et incinéré les souris immunisées et
détruit à l’acide toutes les souches du JL3. Il avait écrit
à ses correspondants leur demandant de détruire par le
feu ou par l’acide le contenu de l’ampoule qu’il leur avait
envoyée ainsi que les animaux sur lesquels son contenu
avait déjà été expérimenté, cette souche virale s’étant
révélée excessivement dangereuse.*
(Extrait)

LE GRAND SECRET est un petit chef d’œuvre d’anticipation, un roman uchronique issu de l’imaginaire de Barjavel. Je ne dévoilerai rien du GRAND SECRET évidemment, mais au risque de surmonter un ou deux irritants, je crois que vous ne serez pas déçu. Le récit commence très simplement.

Jeanne aime Roland d’un amour fou. Un jour Roland disparaît sans laisser de trace. Armée de son courage, Jeanne enquête…une longue investigation qui durera 17 ans et qui l’exposera à des risques énormes et des dangers de mort. Elle finira par apprendre que Roland fait partie d’un grand secret, isolé sur un îlot américain dont rien ne peut s’échapper, au risque d’étouffer la planète…

Ce grand secret pourrait expliquer le sort de John F Kennedy, l’urgence de la conquête spatiale, le rapprochement des États-Unis avec la Chine sous Nixon et j’en passe. Après avoir dépenser l’énergie du désespoir, Jeanne se voit accorder l’accès à l’île, un lieu paradisiaque dont elle ne pourra sortir.

Elle fera partie d’un petit peuple de près de 2000 personnes, victimes ou bénéficiaires du GRAND SECRET selon le point de vue de l’auditeur et de l’auditrice, car ce grand secret est à la fois l’expression du cauchemar et de l’une des plus grandes espérances de l’être humain. Intrigant n’est-ce pas? Moi je penche pour le cauchemar, heureux que le récit ne soit finalement qu’une fiction.

Il fallait Barjavel pour imaginer que les chefs d’état mettent de côté leur idéologie politique afin de s’entendre sur la protection obsessionnelle du grand secret. Donc nous avons ici une histoire en trois volets : premièrement, l’introduction de Jeanne et Roland unis par une passion amoureuse. Deuxièmement, la disparition de Roland et l’enquête de Jeanne, le dévoilement graduel du contenu du grand secret.

Troisièmement, la vie sur la fameuse île et l’incroyable technologie mise au point pour empêcher toutes fuites, humaine, animale ou végétale. Dans cet endroit isolé, il n’y avait pas de règles, pas de lois. On faisait ce qu’on voulait quand on le voulait. La vie coulait…longue…très longue :

Dans la lumière bleue de la nuit, Annoa couchée pieds nus sur l’herbe, gémissait et criait. Et Han, debout près d’elle, appelait au secours, appelait tout le monde. De tous les points de l’ile, les garçons et les filles, nus, accouraient vers le cri. Il s’agenouilla au côté d’Annoa, et lui prit son pied..-C’est notre enfant qui vient ! dit Han. Elle, maintenant, elle savait et elle était prête.  (Extrait)  

L’île deviendra l’objet d’une très forte inquiétude mondiale et d’une réflexion sur la possibilité d’une annihilation totale du grand secret. J’ai trouvé cette histoire brillante, bien imaginée et bien développée. J’ai toutefois été gêné par certains irritants. Par exemple, les personnages ne sont pas vraiment bien travaillés.

La principale héroïne, Jeanne est certes courageuse, mais je n’ai jamais vraiment réussi à m’y attacher. En général, les personnages sont fades. J’ai été déçu aussi par la finale. Sans dire qu’elle est bâclée, disons qu’elle m’a laissé sur mon appétit.

Enfin, il y a la narration de cette histoire que j’ai trouvé un peu froide et dépourvue d’émotion. Mais qu’à cela ne tienne, je terminerai avec ce qui m’a semblé la plus grande réussite de l’auteur, celle d’avoir remanié des faits historiques avérés pour les lier au GRAND SECRET, faisant du roman une uchronie géniale. Malgré la faiblesse narrative, j’ai passé un beau moment d’écoute. Alors faites comme moi…osez..

Suggestion de lecture : LA CHANCE DU DIABLE, d’Ian Kershaw

René Barjavel (1911-1985) était  un écrivain et journaliste français principalement connu pour ses romans d’anticipation où science-fiction et fantastique expriment l’angoisse ressentie devant une technologie que l’homme ne maîtrise plus. Il sait aussi bien raconter les histoires d’amour que la fin du monde, et fait prendre conscience au lecteur de l’univers qui l’entoure au travers d’histoires passionnantes. (Source : Evene) Barjavel a publié plus de soixante livres.


Le narrateur Sylvère Santin

 

Le Grand Secret a été adapté en une mini-série, coproduction française-allemande-espagnole-canadienne réalisée par Jacques Trébouta sur un scénario d’André Cayatte, d’après le roman éponyme de René Barjavel, et diffusée en 1989 sur Antenne 2. Reproduit par la suite en cassette VHS.

Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 11 décembre 2022

HISTOIRES EFFRAYANTES à raconter dans le noir

Commentaire sur le livre d’
ALVIN SCHWARTZ

*L’humanité se raconte des histoires effrayantes
depuis des millénaires, car la plupart d’entre nous
adorons les frissons qu’elles procurent. Dans la
mesure où nous ne sommes pas en danger, nous
trouvons ça amusant.*

(Extrait : HISTOIRES EFFRANTES à raconter dans le
noir, Alvin Schwartz, Castelmore éditeur, 2019, ill. :
Stephen Gammel. Édition de papier, 380 pages.)

Les fantômes, ça n’existe pas !
Les araignées, c’est tout petit.
Les psychopathes, même pas peur…
Les sorcières, aucun pouvoir !
Ces histoires-là, vous n’y croyez pas ?
Attendez donc qu’on vous les raconte, à la nuit tombée, ou de les lire seul, en tremblant sous la couette… SI VOUS L’OSEZ ! Alvin Schwartz vous dira tout : esprits, revenants, épouvantails hantés et psychopathes en tout genre… Vos pires cauchemars vous attendent.

Le classique jeunesse de la peur
*-Puis-je porter votre panier ? Elle le lui tendit.
De sous le tissu monta une petite voix, qui
déclara : «C’est très aimable à toi», avant de
partir d’un long rire féroce. Sam fût si surpris
qu’il en laissa tomber le panier…d’où roula
une tête de femme.*
(Extrait)

HISTOIRES EFFRAYANTES À RACONTER DANS LE NOIR est un recueil de nouvelles noires et effrayantes qui revisite le folklore américain avec, en particulier, ses légendes urbaines. L’auteur s’est placé en mode *cauchemar* pour verser dans la légende, le paranormal, les histoires de fantômes de revenants.

C’est un concentré de récits d’épouvante, généralement très brefs recueillis par l’auteur dans ses nombreux voyages et ses recherches. Dans un style très concis, l’auteur nous plonge dans l’étrange et l’horreur avec ce recueil récemment adapté à l’écran. Schwartz met particulièrement en évidence les légendes urbaines qui rappellent entre autres les films de Jason, Freddy, films de peur, un genre que les ados adorent en général, des récits qui…

*…regorgent de jeunes gens poignardés ou massacrés à la hache, leurs appels à l’aide ignorés par leurs colocataires trop effrayés pour ouvrir la porte de leur chambre. La folkloriste Linda Dégh suggère que ces légendes s’apparentent à des contes moraux contemporains ayant pour but d’avertir les jeunes étudiants des dangers qui les guettent dans ce vaste monde…* (Extrait)

Évidemment, il n’y a pas que les lames pour effrayer. On trouve dans le recueil des histoires de sorcières, poltergeist, ectoplasmes, spectres, endroits hantés. Fait intéressant, l’auteur a adapté plusieurs de ses thèmes de façon à mettre en perspective le conflit qui oppose l’éducation à la superstition, conflit particulièrement évident quand la situation nous échappe.

Autre fait intéressant, beaucoup d’histoires invraisemblables ont à la base, des faits véridiques. Ça crée un petit *malaise* enrichissant, tout au moins sur le plan littéraire. À la fin du volume, en plus d’une bibliographie plus que respectable, l’auteur explique ses sources et émet des avis, des raisonnements.

Honnêtement, je n’ai pas tremblé en lisant ce recueil mais j’avoue que plusieurs nouvelles m’ont fasciné. En fait ce que propose le livre est davantage qu’une simple lecture. Le livre pousse à la transmission orale. Il invite lecteur à raconter ces histoires en y mettant la conviction, l’émotion et le ton requis.

L’auteur nous donne même des indications, des trucs pour faire peur quand vous raconterez ces histoires. Imaginez-vous figer l’attention de vos amis réunis autour d’un feu de camp au bord du légendaire Crytal lake où a sévi le monstrueux Jason, une espèce de mort vivant meurtrier qui a évolué dans pas moins d’une douzaine de films d’horreur.

Un autre aspect de ce livre m’a fasciné : ce sont les illustrations de Stephen Gammel. Ces illustrations volontairement floues, brumeuses, voilées induisent souvent davantage la peur que le texte lui-même.

Et de ces dessins, on en trouve presque à toutes les pages, de quoi entretenir peur et mystère. Le livre véhicule aussi un certain humour, noir en général mais c’est un plus. Pour le reste, il est difficile de critiquer un recueil, certains textes pouvant être considérés comme des chefs d’œuvre, d’autres comme des navets. 

Les textes sont très courts, trop pour induire la peur chez beaucoup de lecteurs. Moi j’ai apprécié. Après tout, la spontanéité et la brièveté peuvent aussi induire l’épouvante. Ceux et celles qui ont lu ou vu CHAIR DE POULE de R.L. Stine savent de quoi je parle. Un livre intéressant à lire à la lueur d’une chandelle…un bon divertissement.

Suggestion de lecture : ROMAN D’HORREUR, d’Arthur Tenor

Alvin Schwartz (À gauche) est né le 25 avril 1927 à Brooklyn, New York, États-Unis. Il était un écrivain connu pour ses histoires effrayantes à raconter dans l’obscurité (2019), sa forêt des ténèbres (2013) et sa haine (2015). Il est décédé le 14 mars 1992 à Princeton, New Jersey, États-Unis.

Né à Des Moines Iowa en 1943, Stephen Gammell est un illustrateur américain de livres pour enfants. Il a remporté la médaille Caldecott de 1989 pour l’illustration d’un livre d’image américain, reconnaissant Song and Dance Man de Karen Ackermann et nominé au National book award.

HISTOIRES EFFRAYANTES
à raconter dans le noir…au cinéma

1968. Une petite ville des États-Unis se prépare à célébrer l’Halloween. C’est ce moment que choisissent de mauvais garnements pour s’en prendre à Stella, Chuck et Auggie. Les trois adolescents trouvent refuge dans l’automobile de Ramon, un étranger de leur âge.

Ensemble, ils décident de passer la soirée entre les murs d’un manoir lugubre où des gens ont disparu par le passé. Stella y trouve un livre étrange, qu’elle ramène à sa maison. Il contient des histoires macabres, dont certaines s’écrivent devant elle, devenant réelles et mettant en péril la vie de ses amis.

Le film, réalisé par André Ovredal, est sorti en août 2019 et réunit à l’écran entre autres, Zoe Margaret Colletti, Austin Abrahan, Nathalie Ganzhorn, Gabriel Rush et Aston Zajur qu’on voit sur la photo ci-haut.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 16 octobre 2022

MENVATTS, IMMORTEL, de Dominic Bellavance

*…elle avait appris à se défendre, et bien sûr, à tuer de manière rapide et efficace, selon les méthodes des Clowns Vengeurs. Inspirée par les textes sacrés, elle avait appris à agir par empathie, pour servir les gens qui voulaient obtenir une vengeance salutaire, contrairement à Tristo qui, lui, tuait pour les plaisirs de la domination… *

(Extrait du Collectif MENVATTS, IMMORTEL par Dominic Bellavance,
AdA éditeur, collection Corbeau, 2019. Édition de papier, 310 pages)

Olivia Jills au laboratoire Anima  mène un projet de recherche illégal. Le produit qu’elle développe : l’Afamort, une pastille qui permettrait aux personnes fraîchement décédées de revenir à la vie. Les arcurides mettront tout en oeuvre pour s’approprier cette promesse d’immortalité. Mais encore doivent-ils s’assurer que l’Afamort fonctionne vraiment. Pour en avoir le coeur net, ils mèneront leur propre expérience.

Le retour des Clowns Vengeurs
*La mâchoire s’ouvrit. Un nouveau hurlement en jaillit dans un
tourbillon de flammes. C’était une fournaise, un portail vers
l’enfer. Sardomax, au bord du gouffre, en proie à la plus abjecte
terreur et mû par l’énergie du désespoir, se débattait comme un
forcené devant lui s’incarnait la mort dans toute son horreur. *
(Extrait)

Voici un petit livre fascinant issu du cœur d’une série de dix tomes écrits par huit auteurs différents. Dans MENVATTS IMMORTELS, Dominic Bellavance décrit un monde qui pourrait bien être le nôtre, dans un avenir indéterminable. Nous plongeons dans une société complexe, glauque, froide et violente. Malheureusement, le gouvernement légitime se soucie très peu du bien-être de sa population.

En matière d’évolution, la société fait du sur-place. Toutefois la drogue de manque pas ainsi que les armes. Pour l’un et pour l’autre, l’auteure  donne au lecteur et à la lectrice une idée plutôt terrifiante de l’avenir. Dans cette société hégémonique, un ordre d’assassins, les Odi-Menvatts aussi appelés les Clowns-vengeurs se dressent contre le gouvernement légitime : attentats, meurtre, intimidation…

Le gouvernement oppose aux Clowns-vengeurs ses arcurides, des agents policiers-militaires surentraînés, suréquipés et surarmés. Au cœur de cet affrontement une scientifique développe l’AFAMORT, une pastille de cauchemar qui permet à une personne fraîchement décédée de revenir à la vie avec une remontée dans le temps de trois minutes.  Les Arcurides veulent l’Afamort à tout prix.

La grande force de cette histoire, c’est les trouvailles qu’on y fait. À cet effet, J’ai compris que l’auteur, a carburé au super : des armes qui imposent la peur comme des démembreurs, qui portent très bien leur nom, des ligoteurs magnétiques, des vaisseaux qui rappellent les heures de gloire d’AVATAR, des armements de masse dévastateurs.

Mais le plus grand défi de ce récit est de comprendre la nature et les effets de l’Afamort, un composé chimique étrange qui chevauche la science et la théologie. Ses effets sont très particuliers : si on expose la substance à des flammes nues, elle explose et gèle tout dans un rayon d’un kilomètre avec la force d’une bombe à hydrogène. Dans l’environnement buccal par contre, elle se désintégrait sans dommage en quelques secondes.

Cet effet est impossible à reproduire sur un animal, ce qui laisse supposer que l’âme a un rôle à jouer dans la réaction. Aussi incroyable, quiconque mourrait dans l’heure suivant la consommation de l’Afamort, remontait le temps de quelques minutes, en emportant avec lui tous ses souvenirs…un phénomène qui ouvrait la porte aux paradoxes spatio-temporels . L’Afamort est au cœur de l’histoire et lui en attribue une certaine originalité.

Dans Menvatts, il y a une séquence intrigante qui me rappelle le film du réalisateur Harold Ramis : UN JOUR SANS FIN (1993) Essayez de vous imaginer le cercle infernal du héros condamné à revivre sans cesse des journées identiques mais différentes et dont il se souvient. Cette première journée est exploitée jusqu’à ce que l’univers adéquat soit atteint et permette au héros de poursuivre.

Nous avons quelque chose de très semblable dans le livre qui nous intéresse aujourd’hui sauf que les scénarios liés à l’Afamord sont d’une innommable violence. D’ailleurs, tout dans le livre est violence, traîtrise, vengeance avec toujours cette insatiable recherche de pouvoir.

Malgré un fil conducteur instable, ce livre se lit vite et bien. Les chapitres sont courts, l’ouvrage est bien ventilé, La principale faiblesse réside dans les personnages peu travaillés En fait, ils sont plutôt froids, quoique compatibles avec cette histoire où la vie a peu de valeur. Je ne crois pas que ce soit une histoire dont je vais me rappeler mais son côté accessoire m’a impressionné. 

Suggestion de lecture : LE GOÛT DE L’IMMORTALITÉ de Catherine Dufour

Après avoir écrit des romans contemporains à saveur humoristique chez Coups de tête, Dominic a contribué à la collection « Les clowns vengeurs » en publiant LES LIMBES DES IMMORTELS et LA PATIENCE DES IMMORTELS, deux romans de science-fiction dystopiques, aux éditions Porte-Bonheur. Il a fait paraître LES DERNIERS JOURS, la première de la série LE SILENCE DES SEPT NUITS, aux Éditions ADA en 2018.Dominic a obtenu un baccalauréat multidisciplinaire en création littéraire, en littérature québécoise et en rédaction professionnelle à l’Université Laval. 

Quelques livres de la collection LE CLOWN VENGEUR

Livres de la collection MENVATTS


(À gauche) Deux regards sur l’éternité (Au centre) Héritage maudit (À droite) Allégeances

 

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 23 juillet 2022

 

LES SORCIÈRES DE SALEM, Millie Sydenier

Tomes 1 à 6

*Au XVIIe siècle, il s’est produit à Salem des évènements
dramatiques dont je me suis inspirée pour créer cette
série. Mais qui sait ? Peut-être que l’histoire telle que
nous la connaissons cache en son sein des éléments
que nous ne sommes pas en droit de connaître*
(Extrait : avant-propos, LES SORCIÈRES DE SALEM t.1
LE SOUFFLE DES SORCIÈRES, Millie Sydenier, ABS multi-
média éditeur, durée d’écoute de la série : 30 heures,
narratrice : Marina Graf)

Livre 1 : Le souffle des Sorcières
Livre 2 : La confrérie de la clairière
Livre 3 : La Prophétie de Bajano

Résumé des livres

Livre 1 : Automne 1692. Dans un petit village près de Boston, Abigail et Betty mènent une vie tranquille. Tout bascule lorsque leur père, Samuel Parris, engage une nouvelle domestique nommée Tituba. D’étranges événements semblent se produire en la présence de cette femme mystérieuse . Un climat de peur s’installe.  La sorcellerie est dans tous les esprits. Une délégation d’inquisiteurs arrive à Salem et les arrestations commencent. Or, Abigail et Betty se découvrent elles-mêmes des pouvoirs magiques qu’elles peinent à contrôler. Tituba prendra les deux jeunes filles sous son aile et leur enseignera les rudiments de la magie. L’inquiétude est générale dans le village et les condamnations pour sorcellerie se multiplient.

Livre 2 : Avec l’appui de leur domestique Tituba, les jeunes filles parviennent à rassembler une vingtaine de femmes terrorisées. Elles sont toutes en danger : les inquisiteurs les traquent sans relâche. L’ensemble de la population vit dans une terrible ambiance de délation. Mais fortes de leur association, les sorcières de Salem pratiqueront leur art dans le plus grand secret, pour se préparer à se défendre et à survivre…

Livre 3 : Dans un excès de folie, Patton, le chef des inquisiteurs, se lance dans des arrestations massives, ne laissant aucune chance à ceux qu’il capture. Tous les habitants du village se terrent maintenant dans la clairière, d’où Abigail, Betty, Ezra et Tituba mènent la résistance. Mais un vent de révolte souffle sur la clairière et oppose du coup les filles Parris.

Livre 4 : Grâce à un ensorcellement complexe issu de la magie noire, Tituba s’en prend à trois sorcières et les transforme en esclaves. Les sorcières de Terwik, qui pensaient que cette magie avait disparu avec son créateur, Bajano, ne peuvent rien contre un tel pouvoir. Quel sort attend la communauté des sorcières de Salem ?

Livre 5 : La bataille finale se met en place et les deux camps se préparent avec acharnement. Plus décidées que jamais, la Confrérie de la Clairière et l’Alliance de Terwik s’organisent pour faire face au conflit. 

Livre 6 : Afin de partir à la recherche de la redoutable Tituba, les Sorcières de Salem et leurs alliés doivent rassembler Les pierres d’Éops, mais avant tout, retrouver Harvey, Jack et Joshua, les anciens compagnons d’Ezra. Cette quête les conduira jusqu’en Angleterre, là où tout a commencé. Pendant ce temps, un sorcier du nom de William, se montre sympathique à la cause des sorcières. L’ancien clan se réunit pour se rendre à la Barbade, où il se mesure à Tituba dans un affrontement ultime.

Un plongeon dans le paranormal
*…il avait entendu de nombreuses histoires sur ce
village qui vivait depuis des mois sous le joug
d’inquisiteurs brutaux et cruels. Mais il n’avait
jamais pensé que Samuel serait resté dans cet
endroit après la condamnation de femmes
accusées de sorcellerie. *
(
Extrait, tome 4, L’ALLIANCE DE TERWIK)

C’est une série très intéressante qui a pour cadre SALEM, petit village du Massachusetts, théâtre d’un épisode sombre et triste de l’histoire américaine. J’ai passé de très belles heures à écouter ce récit malgré certains irritants. J’en profite ici pour commenter en un tout, les six épisodes. Évidemment, six épisodes pour plus d’une trentaine d’heures d’écoute, c’est très long surtout quand une série cible particulièrement les adolescents.

Commençons par les points positifs. La grande force de cette série, la première je dirais, c’est Marina Graf qui m’a émerveillé par ses capacités vocales, adaptées pour chaque personnage principal, autant féminin que masculin.

Même si les acteurs sont ados, dont la voix est en plein développement, c’est un énorme défi relevé par madame Graf qui a cette capacité de promener l’auditeur et l’auditrice d’une émotion à l’autre transmettant selon les besoins du récit, la rage, la peur, la menace, la joie, la peine, le défi, la souffrance et j’en passe. Chapeau pour cette excellente narration.

Il y a des passages très violents dans cette histoire mais l’auteure n’a pas versé pour autant dans le gore ou le sensationnalisme. La langue est riche. Les personnages sont bien définis et plusieurs ont du mordant. Il y a des rebondissements, des revirements, beaucoup de passages très intenses.

L’auteure a bien travaillé la reconstitution de l’époque où Salem a été pointé du doigt par le monde entier, vers la fin du XVIIe siècle. C’est un portrait très intéressant de l’obscurantisme qui a marqué cette époque. Peut-être même cette tragédie a-t-elle contribué à sortir le monde de cet obscurantisme. Millie Sydenier s’est basée sur des évènements étranges survenus à Salem et qui, dans un contexte préalable d’agitation sociale ont poussé les autorités à accuser des femmes d’être des sorcières. Voilà pour la partie historique.

Le reste est de la fiction et l’auteure le précise au début de chaque épisode. Les inquisiteurs dont  il est question dans l série n’ont rien avoir avec l’Église. Ce sont des espèces de policiers appelés hommes en noir, dirigés par un psychopathe. Le personnage le plus travaillé et le plus abouti est sans doute Tituba, la barbadienne par qui tout a commencé.

Le récit est sensiblement affaibli par des longueurs, ce qui arrive souvent dans les séries. L’auteure aurait pu se limiter à 25 heures de narration au lieu de 30. L’histoire est longue à démarrer. Les fameux évènements étranges qui ont déclenché la chasse aux sorcières ne sont ni bien définis ni bien développés. 

Le récit souffre d’un léger manque de crédibilité. Même la musique est empruntée, ce que j’ai trouvé plutôt ordinaire. Si l’affrontement entre les sorcières et les inquisiteurs est fort bien développé, entre autres grâce à la danse du chapardeur, l’affrontement final avec Tituba m’a semblé un peu bâclé. Je crois que dans l’ensemble, le rapport de forces et de faiblesses est acceptable.

Ces éléments de faiblesse ne seront peut-être pas un frein pour les jeunes avides de magie et d’aventure. En général, j’ai bien apprécié l’écoute des six épisodes.

Suggestion de lecture : LE SORCIER, de David Menon

Millie Sydenier écrit depuis toujours.

En 2009, après trois années d’études en Lettres Modernes, elle décide de vivre pleinement de son écriture et de réaliser un rêve d’enfant…vivre au Canada. Elle est originaire de Villars-les-Dombes, une commune française de la région de l’Auvergne.

Elle est retournée depuis dans son pays natal, mais garde un merveilleux souvenir de son passage à Montréal !

Marina Graf est chanteuse, pianiste, comédienne voix off, formatrice en piano et narratrice. Elle anime également une chaîne youtube qui donne des astuces pour mieux comprendre la musique. On peut suivre Marina Graf sur son site internet. Cliquez ici.

Bonne écoute
Claude Lambert
Le samedi  4 juin 2022

 

 

ÇA, le livre de STEPHEN KING, trilogie

*C’était là qu’Adrian Mellon avait gagné le chapeau qui allait signer son arrêt de mort.
Un haut-de-forme avec une fleur et un bandeau sur lequel on lisait :
J’❤️ Derry.>(Extrait : ÇA, Stephen King 1986, t.f. : 188 Éditions Albin Michel, édition de papier, deux livres de poche, 1 500 pages.)

Ben, Eddie, Richie et la petite bande du <club des ratés>, comme ils se désignaient, ont été confrontés à l’horreur Absolue : ÇA, cette chose épouvantable, tapie dans les égouts et capable de déchiqueter vif un garçonnet de six ans… Vingt-sept ans plus tard, l’appel de l’un d’entre eux les réunit sur les lieux de leur enfance. Car l’horreur, de nouveau, se déchaîne, comme si elle devait de façon cyclique frapper la petite cité. Entre l’oubli des terreurs et leur insoutenable retour, nos amis entreprennent un fascinant voyage vers le mal. L’histoire de sept enfants devenus adultes et toujours terrorisés de retour sur le territoire du mal absolu.

La peur pure
*< Ça a recommencé >
< Viendras-tu ? > *
(Extrait)

C’est ma deuxième lecture de l’œuvre probablement la plus vaste et la plus aboutie de Stephen King, exception faite de la Tour Sombre, ÇA. En fait, j’ai profité d’une réédition en deux tomes de Ça, coïncidant avec la sortie d’une nouvelle version au cinéma. J’ai lu le tome 1 sur papier et écouter la version audio du tome 2, lue par Arnaud Romain. Je ne me suis pas ennuyé bien au contraire.

Nous sommes à Derry en 1957, George Denbrough, un gamin de 6 ans est tué, mort au bout de son sang, un bras arraché par un clown maléfique caché dans les égouts. George s’amusait à faire flotter un petit bateau de papier dans le caniveau. Sept enfants terrorisés se faisant appelés le club des ratés, Stan, Mike, Bill, Ben, Ritchie, Eddie et Beverly comprennent très vite qu’une créature polymorphe très ancienne hante les sous-sols de Derry et tue des enfants selon un cycle de 27 ans.

Le livre raconte la confrontation des enfants avec ÇA une première fois en 1958 et en 1985 et alterne par la suite en deux temps…tout le récit est fait de bonds en arrière et de sauts en avant…27 ans.

On reconnait la façon de faire de Stephen King entre toutes : les personnages d’abord, tricotés serrés, travaillés. Il prend son temps pour raconter leur vie passée et présente, évoluant très lentement à travers les évènements surnaturels qui viennent mystifier la ville de Derry. La psychologie des personnages est très importante pour King. C’est une valeur intrinsèque du roman.

C’est de cette façon qu’il réussit à maîtriser les rouages de la peur : *Ce qu’il découvrit était si épouvantable qu’à côté, ses pires fantasmes sur la chose dans la cave, n’étaient que des fééries. D’un seul coup de pattes griffues, sa raison avait été détruite. (Extrait) Cette angoisse, cette peur omniprésente dans le récit est d’autant plus intense qu’elle implique des enfants. L’adulte a peur…les enfants ressentent de la terreur…la peur pure.

La recherche de King sur la peur ressentie par les enfants atteint son paroxysme. Même les héros de l’histoire ressentent la peur quoiqu’ils ne manquent pas de courage. Je ne me suis jamais autant attaché à des personnages de romans. Ils sont souvent gagnés par l’épouvante et ça se transmet au lecteur par l’esprit de King interposé. C’est un récit qui ébranle jusqu’à sa finale, dramatique et bouleversante.

Les habitués de King ne seront pas surpris d’observer des acrobaties temporelles dans le récit car dans un premier temps en 1957, les ratés combattent ÇA jusqu’à ce qu’il s’endorme pour un autre cycle, avec promesse de revenir à Derry quand il se réveillera…en 1985. King passe d’un à l’autre avec aisance.

Il faut juste porter un peu attention. Ce qui compte, c’est l’émotion que j’ai ressentie en lisant ÇA, un amalgame de peur, de terreur, de dégoût et aussi d’admiration pour des personnages magnifiquement campés. Ce livre m’a ébranlé, je ne vous le cache pas. King, comme toujours a trouvé le ton juste. 

Enfin un détail qui a son importance : dans ÇA, la peur est engendrée par la violence et King exploite toutes les formes de violences : conjugale, familiale, délinquante, suicide… :*Stanley gisait, adossé à la partie en plan incliné de la baignoire. Il avait la tête tellement rejetée en arrière que des mèches de cheveux noirs, pourtant courts, lui touchaient le dos entre les omoplates. Sa bouche était ouverte comme un ressort et son expression traduisait une horreur pétrifiée, abyssale…* (Extrait)

Je ne le dirai jamais assez, ce livre est un chef-d’œuvre, sans doute le plus angoissant de la bibliographie de King, enrichi de l’extraordinaire manifestation d’une amitié indéfectible qui lie sept enfants décidés à combattre une créature infernale mue par le mal intégral. Je sors de cette relecture aussi emballée que la première fois. En terminant, faut-il lire le livre avant d’aller voir le film? Moi je vous dis OUI ABSOLUMENT. D’ailleurs en ce qui me concerne, le livre est probablement suffisant, comblé que je suis en émotion.

Suggestion de lecture : UN VISAGE DANS LA FOULE, de Stephen King et Stewart O’Nan

Comme je l’ai expliqué dans l’article que j’ai publié en 2013 sur 22/11/63, il serait trop long de produire ici le bilan biographique de Stephen King. Comme vous vous en doutez, il est assez impressionnant. Je vous invite plutôt à visiter le site
www.stephenking999.com .
Ainsi vous saurez tout sur le grand maître de l’étrange. Je vous invite aussi à lire mon article intitulé LE MONDE À PART de Stephen King concernant la septologie LA TOUR SOMBRE, disponible ICI.

ÇA AU CINÉMA

Voici les gamins qui forment le club des losers. Ils ont fait la promesse de revenir à Derry si jamais Ça se manifestait, ce qui se produit après 25 ans. Les gamins devenus adultes ne l’auront pas facile pour ne pas dire qu’ils vont en baver.
(téléfilm, première sortie, novembre 1990, réalisateur : Tommy Lee Wallace)

Ça. Symbolisé ici par un clown sinistre appelé Gripsou. À gauche ÇA version 2017. À droite, ÇA version 1990.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 7 août 2021