LA PART DE L’AUTRE, Éric-Emmanuel Schmidt

*Personne n’avait remarqué l’énormité qu’on venait d’annoncer, la
 catastrophe qui venait de déchirer le hall de l’Académie des beaux-arts,
 la déflagration qui trouait l’univers : Adolf Hitler recalé. *
(Extrait : LA PART
DE L’AUTRE, Éric-Emmanuel Schmidt, Albin Michel éditeur 2014, 500 pages.
Version audio : Audio lib éditeur, 2019, durée d’écoute : 16 heures 22 minutes.
Narrateurs : Daniel Nicodème, Éric-Emmanuel Schmidt)

8 octobre 1908 :

«Adolf Hitler recalé». Que ce serait-il passé si l’École des Beaux-Arts de Vienne en avait décidé autrement ? Que serait-il arrivé si, cette minute-là, le jury avait accepté et non refusé Adolf Hitler, avait flatté puis épanoui ses ambitions d’artiste ? Cette minute-là aurait changé le cours d’une vie, celle du jeune, timide et passionné Adolf Hitler, mais elle aurait aussi changé le cours du monde…

 

L’uchronie la plus célèbre du XXIe siècle
*Rideau de fer. Terminé. On ne passe plus.
Allez voir ailleurs. Dehors… Personne n’avait
remarqué l’énormité qu’on venait d’annoncer. *
(Extrait)

 

Original et captivant sont les deux premiers mots qui me viennent à l’esprit pour qualifier l’œuvre d’Éric-Emmanuel Schmidt qui développe dans LA PART DE L’AUTRE, deux facettes complètement opposées de la même personne : une qui est avérée, l’autre imaginaire. En fait, l’auteur développe parallèlement deux biographies romancées d’Adolf Hitler : d’abord, la vraie, puis la biographie uchronique.

Tout repose sur la seconde ultime où Hitler reçoit le résultat de son examen d’admission aux Beaux-arts. On sait que dans la réalité, Hitler a été recalé à cet examen et là, commence l’histoire d’un homme refoulé, égocentrique, aux tendances narcissiques qui changera à jamais la face du monde. C’est la biographie documentée et crédible d’un homme dont tout le monde avait peur. C’est un aspect de l’histoire que l’auteur m’a aidé à comprendre dans le développement de son récit et dans l’argumentaire qu’il propose et explique lui-même à la fin de l’ouvrage.

J’ai compris comment la première guerre a changé l’homme, comment son patriotisme est devenu obsessionnel et tordu, comment s’est développé son antisémitisme et comment est disparu chez cet être atypique toute trace d’empathie. Bref, avec des raffinements de précision, Schmidt nous présente d’une part le tristement célèbre Adolf Hitler : <artiste raté, ancien clochard, soldat incapable de prendre du galon, agitateur de brasserie, putschiste d’opérette> coincé sexuel et incapable de communiquer autre chose que de la haine.

Maintenant, supposons un instant qu’à ce fameux examen des Beaux-Arts, Adolf Hitler ait été accepté et devienne un peintre célèbre. Voici la partie uchronique du récit. Que ce serait-il passé si Hitler avait été reconnu par ses pairs aux Beaux-Arts. Je vous laisse le découvrir bien sûr…ma propre vie ne serait peut-être même pas ce qu’elle est… mais j’ai trouvé le développement passionnant…rien de moins.

Bien imaginé, bien écrit, avec des éléments recherchés qui sont de nature à créer ou préciser mes schémas de pensée sur, entre autres, le sens de la vie et le revers susceptibles de se cacher dans notre personnalité et qui sont aussi susceptibles de resurgir, ce que l’auteur appelle sans doute LA PART DE L’AUTRE. Dans la biographie réelle, l’homme s’appelle Hitler ou le Führer mais dans l’uchronie, j’ai été heureux de connaître celui qu’on appelle Adolf H. :  créatif, généreux, humain et sensible.

La faiblesse de l’ouvrage réside dans le développement du contexte historique dans la partie uchronique du récit. Difficile de voir où s’en va l’Allemagne sans le Führer. J’avais aussi l’impression que l’auteur adoptait parfois un ton éditorial comme s’il vidait un trop plein en fustigeant l’un pour magnifier l’autre. Prenez connaissance de l’exposé de l’auteur à la fin. Je crois avoir saisi le sens ou l’esprit de sa pensée mais j’ai trouvé que ça sentait la justification.

Il y a aussi beaucoup de longueurs ventilées toutefois par quelques passages savoureux par exemple, les séances thérapeutiques d’Adolf H. avec le célèbre psychanalyste Sigmund Freud…magnifique. L’oeuvre me laisse sur un questionnement hautement philosophique : Quelle part de moi pourrait changer le monde ? C’est une gamme d’émotions qui vous attend. Lancez-vous…je crois que vous ne serez pas déçu.

Suggestion de lecture : IL N’EST SI LONGUE NUIT, de Béatrice Nicodème

Ses livres, traduits en quarante-six langues, atteignent des tirages vertigineux et ses pièces sont jouées régulièrement dans plus de cinquante pays : Éric-Emmanuel Schmitt est l’un des auteurs francophones les plus lus et les plus représentés dans le monde. Né en 1960 à Lyon, cet agrégé de philosophie, docteur en philosophie, s’est d’abord fait connaître au théâtre en 1991 avec La Nuit de Valognes, son premier grand succès. Il n’arrêtera plus.

Non seulement les plus grands acteurs ont interprété ou interprètent ses pièces – Belmondo, Delon, Francis Huster, Jacques Weber, Charlotte Rampling et tant d’autres –, mais le Grand Prix de l’Académie française couronne l’ensemble de son œuvre théâtrale dès 2001.

Romancier lumineux, conteur hors pair, amoureux de musique, Éric-Emmanuel Schmitt fait passer une émotion teintée de douceur et de poésie dans tous les arts. Il est à la fois scénariste, réalisateur, signe la traduction française d’opéras, sourit à la BD et monte lui-même sur scène pour interpréter ses textes ou accompagner un pianiste ou une soprano. (livre de poche)

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le vendredi 12 janvier 2024

 

LE GRAND SECRET, le livre de René Barjavel

version audio

*Pour un indien, la mort n’est pas un évènement
important ni déplorable. Ni celle des autres, ni la
sienne. La mort est seulement la fin d’une des
étapes successives du long voyage des
réincarnations. * 
(Extrait : LE GRAND SECRET, René
Barjavel, Pocket éditeur, 1974, version audio : éditions
Thélème, 2017. Durée d’écoute : 9 heures 42 minutes,
narrateur : Sylvère Santin)

Un couple séparé par un extraordinaire événement, est réuni dans des circonstances extraordinaires. C’est aussi l’histoire d’un mystère qui, depuis 1955, a réuni, par-dessus les oppositions des idéologies et des impérialismes, les chefs des plus grandes nations. C’est ce «grand secret» qui a mis fin à la guerre froide, qui a causé l’assassinat de Kennedy, qui a rendu indispensables les voyages de Nixon à Moscou et à Pékin. C’est le secret de la plus grande peur et du plus grand espoir du monde.

Le virus de Pandore
*Bahamba avait tué et incinéré les souris immunisées et
détruit à l’acide toutes les souches du JL3. Il avait écrit
à ses correspondants leur demandant de détruire par le
feu ou par l’acide le contenu de l’ampoule qu’il leur avait
envoyée ainsi que les animaux sur lesquels son contenu
avait déjà été expérimenté, cette souche virale s’étant
révélée excessivement dangereuse.*
(Extrait)

LE GRAND SECRET est un petit chef d’œuvre d’anticipation, un roman uchronique issu de l’imaginaire de Barjavel. Je ne dévoilerai rien du GRAND SECRET évidemment, mais au risque de surmonter un ou deux irritants, je crois que vous ne serez pas déçu. Le récit commence très simplement.

Jeanne aime Roland d’un amour fou. Un jour Roland disparaît sans laisser de trace. Armée de son courage, Jeanne enquête…une longue investigation qui durera 17 ans et qui l’exposera à des risques énormes et des dangers de mort. Elle finira par apprendre que Roland fait partie d’un grand secret, isolé sur un îlot américain dont rien ne peut s’échapper, au risque d’étouffer la planète…

Ce grand secret pourrait expliquer le sort de John F Kennedy, l’urgence de la conquête spatiale, le rapprochement des États-Unis avec la Chine sous Nixon et j’en passe. Après avoir dépenser l’énergie du désespoir, Jeanne se voit accorder l’accès à l’île, un lieu paradisiaque dont elle ne pourra sortir.

Elle fera partie d’un petit peuple de près de 2000 personnes, victimes ou bénéficiaires du GRAND SECRET selon le point de vue de l’auditeur et de l’auditrice, car ce grand secret est à la fois l’expression du cauchemar et de l’une des plus grandes espérances de l’être humain. Intrigant n’est-ce pas? Moi je penche pour le cauchemar, heureux que le récit ne soit finalement qu’une fiction.

Il fallait Barjavel pour imaginer que les chefs d’état mettent de côté leur idéologie politique afin de s’entendre sur la protection obsessionnelle du grand secret. Donc nous avons ici une histoire en trois volets : premièrement, l’introduction de Jeanne et Roland unis par une passion amoureuse. Deuxièmement, la disparition de Roland et l’enquête de Jeanne, le dévoilement graduel du contenu du grand secret.

Troisièmement, la vie sur la fameuse île et l’incroyable technologie mise au point pour empêcher toutes fuites, humaine, animale ou végétale. Dans cet endroit isolé, il n’y avait pas de règles, pas de lois. On faisait ce qu’on voulait quand on le voulait. La vie coulait…longue…très longue :

Dans la lumière bleue de la nuit, Annoa couchée pieds nus sur l’herbe, gémissait et criait. Et Han, debout près d’elle, appelait au secours, appelait tout le monde. De tous les points de l’ile, les garçons et les filles, nus, accouraient vers le cri. Il s’agenouilla au côté d’Annoa, et lui prit son pied..-C’est notre enfant qui vient ! dit Han. Elle, maintenant, elle savait et elle était prête.  (Extrait)  

L’île deviendra l’objet d’une très forte inquiétude mondiale et d’une réflexion sur la possibilité d’une annihilation totale du grand secret. J’ai trouvé cette histoire brillante, bien imaginée et bien développée. J’ai toutefois été gêné par certains irritants. Par exemple, les personnages ne sont pas vraiment bien travaillés.

La principale héroïne, Jeanne est certes courageuse, mais je n’ai jamais vraiment réussi à m’y attacher. En général, les personnages sont fades. J’ai été déçu aussi par la finale. Sans dire qu’elle est bâclée, disons qu’elle m’a laissé sur mon appétit.

Enfin, il y a la narration de cette histoire que j’ai trouvé un peu froide et dépourvue d’émotion. Mais qu’à cela ne tienne, je terminerai avec ce qui m’a semblé la plus grande réussite de l’auteur, celle d’avoir remanié des faits historiques avérés pour les lier au GRAND SECRET, faisant du roman une uchronie géniale. Malgré la faiblesse narrative, j’ai passé un beau moment d’écoute. Alors faites comme moi…osez..

Suggestion de lecture : LA CHANCE DU DIABLE, d’Ian Kershaw

René Barjavel (1911-1985) était  un écrivain et journaliste français principalement connu pour ses romans d’anticipation où science-fiction et fantastique expriment l’angoisse ressentie devant une technologie que l’homme ne maîtrise plus. Il sait aussi bien raconter les histoires d’amour que la fin du monde, et fait prendre conscience au lecteur de l’univers qui l’entoure au travers d’histoires passionnantes. (Source : Evene) Barjavel a publié plus de soixante livres.


Le narrateur Sylvère Santin

 

Le Grand Secret a été adapté en une mini-série, coproduction française-allemande-espagnole-canadienne réalisée par Jacques Trébouta sur un scénario d’André Cayatte, d’après le roman éponyme de René Barjavel, et diffusée en 1989 sur Antenne 2. Reproduit par la suite en cassette VHS.

Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 11 décembre 2022

LA SÉRIE DE CONTES DE VALÉRIE BONENFANT

*D’accord, d’accord, je vais raconter
l’histoire de loin…De toute façon,
cela ne sert à rien que je m’approche,
l’action va venir du ciel…*
(Extrait : LE CHIEN ET L’EXTRA-TERRESTRE
19e conte de Valérie Bonenfant, éditrice : Valérie
Bonenfant/BoD-Books, 2016, Illustrateur :
François Nasica, couleur, 32 pages)

Un chien est en train de garder son jardin quand soudain débarque du ciel un drôle d’engin, plat avec plein de lumières clignotantes… À l’intérieur un drôle d’occupant. Drôle? C’est un des mots clés de ce conte où avoir peur n’a jamais créé autant de secousses… de rires! Un conte mis en images par l’artiste François Nasica, qui puise son inspiration dans l’art urbain et la figuration narrative. Des images colorées, pétillantes et joyeuses, qui vont régaler les yeux des jeunes lecteurs de six ans et plus curieux de voir ce que donnerait une rencontre  improbable entre un chien et un extraterrestre

LA  DOUCEUR DU RÊVE ET DE L’ÉMOTION
*Baroud n’était pas un accordéon comme les autres. Quand il jouait, il ne produisait pas des notes de musique, mais des fleurs… Celles-ci sortaient de son soufflet, dès qu’il s’ouvrait …Il jouait un morceau, et aussitôt, le parterre se couvrait de fleurs. *
(Extrait : BAROUD L’ACCORDÉON, numéro 20 de la collection de Valérie Bonenfant,
illustrations : Fanny Roques, éd. Valérie Bonenfant, 2017)

Depuis 2015, Valérie Bonenfant réalise un vieux rêve : créer des contes ajustés à des circonstances précises de la vie de l’enfant ou à ses traits de caractère ou tout simplement à son imaginaire. Le petit ouvrage que j’ai lu est un conte inachevé. Mais j’ai réalisé qu’il pouvait appartenir à l’enfant de trouver lui-même une finale qui l’amuse ou qui lui convient évidemment.

Ce conte inachevé m’a amené inévitablement sur le site internet de Valérie Bonenfant et honnêtement, j’ai pu mesurer toute l’étendue de son talent, réalisant que s’adresser à un enfant, aiguiser sa curiosité, stimuler sa capacité d’émerveillement et faciliter son apprentissage est un art qui n’est pas donné à tout le monde. Allez voir son parcours en bas. Il y a de l’amour là-dedans.

Le souhait de Valérie Bonenfant est *de proposer de beaux ouvrages, réalisés à la manière de livres d’artistes, mais aussi de petits formats à emmener partout pour rêver, imaginer, sourire, s’étonner, s’amuser, avoir envie de créer…* (Valérie Bonenfant)

Chaque livre de la collection «Les contes de Valérie Bonenfant» est particulier, porteur d’une esthétique qui lui est propre, empreint des idées et de la personnalité de l’illustrateur.

Les enfants, en symbiose avec le rêve et la réalité ont la possibilité de fusionner leur imaginaire avec celui de l’auteur grâce à des ouvrages brefs, bien ventilés, vraiment bien écrits. Enfin les textes sont magnifiquement mis en valeur par des illustrateurs de talents. Je crois que les petits apprécieront ces petits contes couvrant tous les aspects de la vie.

Suggestion de lecture : LES CONTES DES 1001 NUITS

Je suis née le jour de Noël 1965 et j’habite dans le sud de la France. Mariée et mère de trois enfants, j’écris des histoires depuis l’âge de 6 ans. Enfant, je rêvais de devenir écrivain, mais mes études m’ont finalement poussée vers les sciences. En 1988, j’ai obtenu un diplôme d’ingénieur spécialisé dans l’énergie et l’environnement. Dans la vie professionnelle, je suis responsable de projets liés à l’innovation urbaine.

Passionnée d’art, je fréquente les galeries d’expositions et je peins la vie à travers la réalisation de portraits de personnes. Je suis aussi très proche de la nature auprès de laquelle je vais me ressourcer très souvent. En 2003, j’ai décidé de renouer avec mon enfance, et de retrouver mon univers de rêves, de poésie et de tendresse. Écrire des contes, c’est pour moi quelque chose de spontané.

Des feuilles blanches, un stylo et j’écris ce qui se présente, librement, sans jugement ni contrainte. Le résultat est souvent étonnant pour moi, mais c’est une expérience toujours très agréable, une vraie impression de liberté, une parenthèse volée dans un quotidien par ailleurs bien rempli. (Site internet de l’auteure) à visiter absolument)

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 7 novembre 2021

ARMADA, le deuxième livre d’ERNEST CLINE

*…-Et le cinquième ange sonna de la trompette…et je vis une étoile qui était tombée du ciel sur la terre, et on lui donna la clé du puits de l’abîme, et il s’éleva du puits une fumée comme celle d’une grande fournaise, et le soleil et l’air furent obscurcis par la fumée du puits…* 

(Extrait : ARMADA, Ernest Cline, Hugo éditions, collection Nouveaux Mondes, 2018 pour la version française. Édition de papier, 425 pages)

Beaverton, Oregon, États-Unis. Zack Lightman rêve d’un autre monde. Son père a disparu tragiquement, sa mère rentre tard chaque soir, et au collège, il défend le souffre-douleur de sa classe. Il ne se sent chez lui qu’au Starbase Ace, la salle de jeux vidéo où ses réflexes, son intuition, son sens de la stratégie lui valent déjà une belle réputation. De là à ce qu’un ATS-31 sorti tout droit de l’univers virtuel d’Armada se pose sous ses yeux dans un rugissement de tuyères…Il semble que Zack et tous les joueurs invétérés du monde ont une chance unique de sauver la planète d’une menace extra-terrestre…

AVANT-PROPOS : GEEK

Après recherche, je me suis aperçu qu’il n’y a pas de définition arrêtée du terme GEEK. Toutefois, il y a une définition qui revient très souvent: il s’agit d’une personne passionnée par un ou plusieurs domaines précis plus souvent liés aux cultures de l’imaginaire. Je pourrais dire en fait que c’est une catégorie générique qui inclut les jeux vidéo, les jeux de rôle et bien sûr la technologie informatique.

Le geek est généralement perçu comme cérébral, technophile féru de high-tech. Il y a souvent confusion entre les geeks et les *nolife*, c’est-à-dire les personne qui passent presque la totalité de leur vie à la pratique d’une passion, catégorie dans laquelle se trouve les cyberdépendants. Issu de cette vaste définition, il y a un mot pour qualifier Ernest Cline: PASSIONNÉ et encore très érudit dans un domaine particulier: les technologies du jeu…

GEEK À TEMPS PLEIN

-Si ce soir ce n’est pas la fin du monde, et
si demain nous sommes encore en vie tous
les deux, je suggère une sortie en amoureux
a-t-elle conclu. Tu es d’accord ? -Marché
conclu.-
COMPTE À REBOURS:
QUATORZE MINUTES QUARANTE-NEUF SECONDES
(Extrait: ARMADA)

C’est le plus extraordinaire mélange de styles, de genres et de tendances que j’ai lu à ce jour car le livre fait mention ou évoque les plus grands titres de la science-fiction en littérature et au cinéma, Star-Wars, Galactica, E.T., Alliens, predators, independance day, la guerre des mondes, Armageddon et le plus important sans doute : CONTACT.

Ceux et celles qui ont vu ce film se rappelleront de cette fameuse image retournée à la terre après avoir été captée il y a des dizaines d’année, le Svastika, la croix gammée, triste symbole adopté par les Nazis pendant la deuxième guerre mondiale. Autre film évoqué peut-être encore plus important : 2010, la suite de 2001 Odyssée de l’espace, film qui évoque une présence extra-terrestre sur EUROPE, un des satellites naturels de Jupiter.

Un moment fort du livre ARMADA est cette réunion pendant laquelle des jeunes recrues de l’ADT, l’Association de Défense terrestre, comptant parmi les meilleurs *gamers* du monde, assistent à une présentation multimédia qui confirme l’imminence d’un assaut extra-terrestre massif sur la terre. L’intensité monte en flèche au moment de la découverte d’un énorme Svastika à la surface d’Europe.

L’objectif de l’ADT est d’utiliser les talents de tous les jeunes spécialistes des jeux vidéo en les mettant aux commandes d’engins réels dont plusieurs sont issus d’une technologie extra-terrestre et dont la construction a épuisé les finances mondiales. Ce n’est plus un jeu, mais la crise sera gérée comme si c’était le cas. Le héros de ce thriller haletant est Zack Lightman dont le père mort n’est peut-être pas si mort que ça.

Ne soyez pas surpris de développer une forte impression de déjà vu à la lecture de ce livre. C’est parfaitement voulu par l’auteur qui a fait une espèce de soupe avec des éléments d’œuvres de science-fiction majeures et qui a bousculé gentiment les conventions d’une des plus importantes tendances en littérature et en cinéma.

Il faut connaître l’auteur pour mieux comprendre, Ernest Cline, joueur invétéré, geek à plein temps. Si vous avez lu READY PLAYER ONE de Cline, vous saisirez vite sa démarche, basée sur l’idée que tous les films d’extra-terrestre et les téléséries comme STAR TREK sont réalisées dans le but de préparer l’humanité à être envahie par des aliens.

Malgré quelques irritants, j’ai trouvé ce roman fort, brillamment écrit, un peu emprunté évidemment, mais j’y ai trouvé de brillantes idées, celle par exemple de prêter un petit rôle à des scientifiques brillants qui ont réellement contribué à l’avancement de la science comme par exemple Stephen Hawking, célèbre physicien cosmologiste britannique.

Je pense aussi à l’astronome américain Carl Sagan (1934-1996), un des fondateurs de l’exobiologie. Une autre idée intéressante est la théorie Lightman qui veut que la terre soit simplement mise à l’épreuve.

Un des principaux irritants de ce livre, c’est la redondance. Il y en a beaucoup. Des répétitions, des longueurs. J’ai noté aussi que dans plusieurs passages et épisodes, la simplicité confine à la facilité.

Ce n’est pas un roman qui tranche par son originalité mais il m’a quand même réservé une finale surprenante. J’en étais heureux car je trouvais l’ensemble un peu prévisible. En général, c’est un excellent roman, très techno, rythme élevé. Développement intéressant quoique parfois tiré par les cheveux.

Une petite remarque en terminant. Le livre soulève une question intéressante : puisque la plupart des jeux sont en ligne, les *gamers*de toute la planète seraient-ils surveillés et notés en vue de défendre éventuellement la terre contre une invasion extra-terrestre ?

Suggestion de lecture : LE FACTEUR 119, de Lydie Baizot

Ernest Cline est né aux États-Unis en 1972. Geek jusqu’au bout des ongles, il a commencé par travailler dans un fast-food et dans un vidéoclub, avant de retourner à ses premières amours et d’écrire le scénario du film Fan boys.

Player One, son premier roman, est devenu une œuvre culte dès sa parution et a été adapté au cinéma sous le titre Ready Player One, par Steven Spielberg (mars 2018). Son deuxième roman, Armada, a paru chez le même éditeur en 2018.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le samedi 14 août 2021

AU-DELÀ DE L’IMAGINAIRE, recueil SF de Numeriklivres

(tome 1)

*J’opte délibérément pour la vie ! déclara Antoine. Les habitants de Mars, avec lesquels nous espérions échanger des vérités premières, font partie des plans
qui, vraisemblablement, ne permettent aucune communication intellectuelle.*
(Extrait du recueil AU-DELÀ DE L’IMAGINAIRE, 1ère nouvelle : LES NAVIGATEURS DE L’INFINI, J.H. Rosny aîné, 1925. Numeriklivres, 2012, éd. Numérique)

La collection « Au-delà de l’imaginaire » est une initiative de Numeriklivres consacrée à des classiques de la science-fiction ou du fantastique qui ont sans conteste inspiré les créateurs de séries télé des années 60 telles qu’« Au-delà du réel » ou « La quatrième dimension », devant lesquelles des millions de téléspectateurs ont vécu par procuration des aventures étonnantes chargées d’angoisse et de suspense, le tome 1 propose trois textes de maîtres incontestés du genre.

LES NAVIGATEURS DE L’INFINI de J.H. Rosny Aîné : un voyage d’exploration sur la planète Mars, qui reprend les thèmes chers à cette époque où l’espace intersidéral est plein des promesses de mondes meilleurs, de races supérieures et d’espoirs de migrations futures pour les terriens.  Un voyage riche en aventures et en danger.

LE SIGNALEUR de Charles Dickens : le narrateur rencontre un soir un signaleur de chemin de fer qui lui dit recevoir la visite d’un spectre qui le met en garde contre un accident ferroviaire. Dans ce texte se mêlent rationalité et forces occultes, naturel et surnaturel, et les situations ambiguës ne manquent pas.

PETITE DISCUSSION AVEC UNE MOMIE d’Edgar Allan Poe : Les directeurs du City Museum ayant donné leur accord pour l’examen d’une momie égyptienne, l’assemblée des « spécialistes » réunis pour ouvrir le sarcophage a la surprise de découvrir un être on ne peut plus vivant. S’en suit une conversation des plus loufoques, avec le génie de Poe et son humour cynique.

 À gauche: J.H. Rosny ainé (1856-1940), au centre :  Edgar Allan Poe (1809-1849) à droite: Charles Dickens (1812-1870)

Ce n’est pas une défaillance de votre liseuse
*Le mécanicien coupa la vapeur et freina, mais le
train roula encore jusqu’à quelque cent cinquante
mètres d’ici. Je courus derrière et, tout en courant,
j’entendis des cris et des appels terrifiants.
(extrait : LE SIGNALEUR, Charles Dickens)

Une toute nouvelle collection, tout à fait dans mes cordes, une excellente initiative de Numeriklivre. J’attends beaucoup de cette collection car elle pourrait réunir la fine fleur des auteurs et des titres dans l’univers fort bien meublé de la science-fiction et du fantastique et qui faisait mon régal quand j’étais adolescent. Ce sont des livres indémodables et j’en lis encore d’ailleurs, mon appétit pour les classiques ne s’étant jamais tari.

C’est ainsi qu’on pourrait voir réunis dans la même collections les grands maîtres de la littérature de science-fiction et de fantastique tels René Barjavel, H.P. Lovecraft, H,G. Wells, Ray Bradbury, Isaac Asimov, Jules Verne, Bram Stoker, Théophile Gautier, Stephen King, Dean Koontz, Edgar Allan Poe, Robert-Louis Stevenson et j’en passe.

Le tome 1 réunit Rosny Aîné, Dickens et Poe. Au moment d’écrire ces lignes, le tome 2 vient de paraître, on y trouve les trois titres suivants : LA MORT DE LA TERRE de J.H. Rosny Aîné : Dans un très lointain futur, l’espèce humaine survit dans un état désabusé sur une terre devenue désertique et aride.

TOC…TOC…TOC… d’ Ivan Sergueïevitch Tourgueniev, une histoire à l’atmosphère étrange, sublimée par une nuit d’hiver engluée dans un épais brouillard qui fausse jusqu’à la capacité de raisonnement.

L’INDICIBLE de Howard Phillips Lovecraft, Une discussion entre un enseignant à l’esprit cartésien et un romancier à l’esprit plus fantasque, une nuit, sur une pierre tombale fissurée, près d’une vieille maison abandonnée qui a, dit la légende, un passé diabolique. Ici, le caractère prometteur de la série ne se dément pas.

Je ne me lancerai pas ici dans la critique des titres. Des millions de lecteurs ont déjà rendu des verdicts plus que favorables au fil des générations. Je dirai simplement au sujet de la série qu’elle est présentée très simplement, sans artifice.

Chaque volume comprendra trois livres, romans ou nouvelles qui s’enchaîneront tout naturellement. Le volume que j’ai lu, c’est-à-dire le tome un était très bien présenté. Les pages sont très bien ventilées. L’ensemble est agréable à lire.

Donc c’est une série qui promet. Il ne manque qu’un petit préambule du genre de celui d’AU-DELÀ-DU RÉEL, une série télé des années 60 dont je me régalais. Son préambule est passé à l’histoire d’ailleurs :

*Ce n’est pas une défaillance de votre téléviseur, n’essayez donc pas de régler l’image. Nous avons le contrôle total de l’émission : contrôle du balayage horizontal, contrôle du balayage vertical. Nous pouvons aussi bien vous donner une image floue qu’une image pure comme le cristal.

Pour l’heure qui vient, asseyez-vous tranquillement. Nous contrôlerons tout ce que vous allez voir et entendre. Vous allez participer à une grande aventure et faire l’expérience du mystère avec « Au-delà du réel».*

Voilà ce que j’attends de la collection AU-DELÀ DE L’IMAGINAIRE : participer à une grande aventure et faire l’expérience du mystère. Jusqu’à maintenant, la collection est jeune mais c’est prometteur.

Suggestion de lecture : LES COLLECTIONS DU CITOYEN

Fondée en 2010 par Jean-François Gayrard, Éditions Numériklivres est une maison d’édition francophone dont le catalogue généraliste se décline en différentes collections dont littérature générale, polar, science-fiction, fantastique, littérature sentimentale, et jeunes adultes. Les titres au format numérique sont disponibles également en format papier sur numeriklivre.info ou dans une librairie. À ce jour, la maison a publié à compte d’éditeur des œuvres près de 80 auteurs de toute la francophonie.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
le dimanche 1er octobre 2017

LIVRE DE SANG, l’oeuvre de CLIVE BARKER

*Pour quelle raison les puissances des ténèbres (qu’elles tiennent une cour éternelle! Qu’elles chient éternellement leur lumière sur la tête des damnés!) L’avaient dépêché de l’enfer pour tourmenter Jack Polo, voilà ce que le cacophone ne parvenait pas à découvrir.* (Extrait : LIVRE DE SANG, titre original : BOOK OF BLOOD volume 1, Clive Barker, t.f. Alabin Michel, 1987. Édition numérique 185 pages)

LIVRE DE SANG est le premier d’une série de 6 recueils de nouvelles et portant le titre de la série. Les récits plongent le lecteur dans un univers gore où se côtoient le normal et le paranormal. Dans la première, on suit l’expérience de Simon McNeal, un escroc de petite envergure qui se fait passer pour un médium. Mais son escroquerie se retourne contre lui et McNeal devient victime de toute cette horde de morts qu’il a invoqués. C’est ainsi que des livres de sang vont s’imprimer sur sa chair. Les nouvelles sont sans liens entre elles mais elles ont toutes un point en commun : des scènes et des situations d’une horreur sans nom…

Gore…riens de moins
*Il connaissait les victimes et il connaissait
les garçons. Il ne s’agissait pas de débiles
incompris mais de créatures aussi vives,
féroces et amorales que les lames de
rasoir dissimulées sous leurs langues. Ils
n’en avaient rien à faire des sentiments,
ils voulaient juste sortir…
(Extrait : LIVRE DE SANG)

LIVRE DE SANG est une trouvaille au sujet original. Pour bien saisir l’originalité de l’ensemble, il faut d’abord se concentrer sur la première nouvelle qui porte le titre de la série.

C’est l’entrée en matière qui m’a plongé dans des mondes glauques et gores. Cette première nouvelle suit l’expérience de Simon McNeal qui se dit médium mais qui n’est rien d’autre qu’un petit escroc. Les fantômes invoqués jugent que l’escroquerie de McNeal est punissable et décide d’imprimer leur histoire dans sa chair. C’est ainsi que McNeal devient LIVRE DE SANG.

Je ne peux pas détailler vraiment les nouvelles sans nuire à l’effet de surprise. Je peux dire toutefois que j’ai été happé par chaque nouvelle, heureuse victime d’une écriture puissante, bénéficiant en plus d’une excellente traduction.

J’avais entendu parler de Clive Barker. Pour ce que j’en savais, je le comparais un peu à Stephen King, Edgar Allan Poe ou Doug Bradley. Pendant la lecture, c’est avec bonheur que j’ai constaté que le style se rapprochait plus d’un géant que j’adore : H.P. LOVECRAFT (1890-1937) dont le livre LES MONTAGNES HALLUCINÉES m’avait fortement impressionné.

Chaque nouvelle est empreinte d’opacité et d’horreur, mais une horreur dosée et manipulée de façon à garder le lecteur dans le coup, lui retirant l’envie de fermer le livre. Il y a même une place pour l’humour. Il y a aussi des passages où le lecteur pourrait ressentir du dégoût. L’épouvante est présente partout, mais c’est bien écrit et surtout très bien dosé. Comme vous voyez, il y en a un peu pour tous les goûts.

Il y a pour chaque nouvelle un fil conducteur qui est aussi le reflet de l’ensemble de la saga et ce fil n’est pas sans ébranler ou tout au moins porter à la réflexion ceux et celles qui croient aux sciences paranormales, à savoir que les morts regrettent d’être morts et reviendraient volontiers dans une enveloppe de chair, pour repartir à zéro peut-être, éviter les erreurs déjà commises ou finir une mission…allez savoir.

Je recommande ce livre, spécialement aux consommateurs de littérature de l’imaginaire. La plume de Barker est superbe. Ça ne vous laissera pas indifférent. La série porte extrêmement bien son titre. Vous verrez très vite pourquoi…

Suggestion de lecture : MÉTRO 2033, livre de DMITRY GLUKHOVSKY

 LA SÉRIE *LIVRE DE SANG*

C L I V E   B A R K E R

Clive Barker est un romancier anglais né à Liverpool en 1952. Il est aussi dramaturge, scénariste de bandes dessinées, peintre et cinéaste. À ce dernier titre, il a réalisé et scénarisé en 1988, le film HELLRAISER LE PACTE, un film d’épouvante inspiré d’une de ses nouvelles. Suite à ses études en littérature anglaise et en philosophie, Barker écrit d’abord des pièces de théâtre, puis sort son premier roman LE JEU DE LA DAMNATION en 1985.

Plus de 25 livres suivront, sans compter les films réalisés ou scénarisés. Son parcours comprend quelques chefs-d’œuvre dont IMAJICA publié en 1991. Au moment d’écrire ces lignes, Clive Barker, qui ne cache pas son homosexualité, vit à Los-Angeles avec David E. Armstrong.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
le dimanche 4 juin 2017