SI JE SERAIS GRANDE, d’Angélina Delcroix

*Elle me caresse les cheveux et me dit qu’on va réussir.
Réussir quoi ? Je sais pas. Elle quitte ma chambre. Les
cris recommencent dans le jardin d’à côté et s’estompent. *
(Extrait : SI J’ÉTAIS GRANDE, Angélina Delcroix, or. Éditions
Nouvelles Plumes, 2019, version audio : Audible studio éditeur,
2019. Durée d’écoute : 11 heures 50 minutes. Narrateur :
Pascal Chemin)

  1. Deux petites filles disparaissent le même jour, sans laisser de traces. Elles sont voisines, mais n’étaient pas ensemble au moment de leur enlèvement. Eleanor, bientôt six ans, vit dans la crainte de déplaire à ses parents. Est-elle la menteuse que décrit sa mère ?
  2. Des cadavres d’enfants viennent d’être découverts. Mais il y a une survivante. l’adjudante Joy Morel se retrouve à la tête d’une enquête éprouvante qui va l’entraîner aux frontières de l’inimaginable…

LES ÉLITES DE LA HONTE
âmes sensibles s’abstenir
*…Et les pensées qu’elle avait eu en entendant la voix sur le
répondeur… Quelle horreur ! À quel moment s’était-elle
transformée en un monstre d’égoïsme ? Quel malheur nous
autorise à enfermer à double tour empathie, bienveillance et
générosité ? La conséquence en était aujourd’hui mortelle. *

Le récit est ébranlant. J’avais parfois besoin d’arrêter…de respirer et de réfléchir même sur la réalité que met en lumière ce roman noir. Jetons d’abord un bref coup d’œil sur le synopsis : en 2006, deux petites filles disparaissent séparément, même si elles sont voisines. Dix ans plus tard, un charnier est découvert…un charnier d’enfant…au milieu des cadavres, une survivante dont l’esprit est totalement chaviré :

*C’est plus fort que moi. Une force me pousse. Je ne me contrôle plus. Je laboure les bandages comme un chien creuserait pour trouver un os. Au passage, je me griffe la peau autour. Maman crie. Je l’entends, mais de loin. Je suis partie dans mon monde…celui de la souffrance. * (Extrait)

 À la tête de l’enquête, Joy Morel, enceinte de quatre mois et plutôt mal remise de son enquête précédente entraînera son équipe et en général les personnages sains de l’histoire et par la bande les lecteurs-lectrices, auditeurs-auditrices au-delà des frontières de l’imaginable. Mais voilà…qui est sain dans cette histoire et qui ne l’est pas? C’est loin d’être évident.

Même si vous n’êtes que légèrement sensible, attendez-vous à grincer des dents car dans ce roman noir, tout n’est que meurtres rituels et torture d’enfants, haine, cruauté, violence, satanisme, pédophilie, folie. Le récit dévoile une des pires distorsions de l’âme humaine et touche la corde sans doute la plus sensible en littérature et dans la Société en général : les enfants. C’est à la limite du supportable.

Même le titre qui évoque un certain caractère d’innocence camouffle une incroyable terreur. Je n’ai pas eu vraiment de plaisir à écouter cette histoire. L’efficacité de la plume de Delcroix a exacerbé ma curiosité jusqu’à la finale…une finale d’ailleurs qui m’a glacé le sang. C’est bien écrit…trop bien peut-être et c’est d’une crudité parfois refoulée heureusement mais en générale glaciale et dérangeante.

Le tout se rapproche considérablement de l’actualité, la maltraitance des enfants étant une malheureuse réalité. L’auteure vient aussi nous rappeler que souvent, les personnes que l’on croit bien connaître ou qui sont haut placées dans la Société ne sont pas celles qu’on pense. Il y a des penchants qui sont hautement inavouables.

C’est un roman *Coup de poing*, très fort, très noir, immersif et même gore. Son sujet dérange mais pousse à la réflexion et c’est ce que souhaite l’auteure dans une note publiée à la fin de l’ouvrage. Il faut toutefois faire attention…il y a beaucoup de personnages, on s’y perd un peu…

Encore plus dur de savoir qui est bon, qui est mauvais : *Soit, je suis vraiment un être à part, soit ils sont tous tordus. Vu qu’apparemment je suis toute seule à être différente, la réponse est toute trouvée. * (Extrait) Malgré tout, j’ai été éprouvé par le récit, ébranlé à l’idée qu’on applique à des enfants un étau psychologique qui leur donne un horrible choix : Mourir ou devenir eux-mêmes des monstres. Préparez-vous à du *pas facile*.

Suggestion de lecture : GORE STORY, de Gilles Bergal

Angélina Delcroix, psycho praticienne et auteure

À écouter aussi, de la même auteure
le premier volet de la série JOY MOREL

Bonne lecture
Bonne écoute

Claude Lambert

le samedi 16 mars 2024

INFECTÉS, le livre de Marc-André Pilon

*C’est à ce moment qu’elle hurle.
Qu’elle hurle aussi fort qu’elle le peut.
Qu’elle hurle.
Jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus
hurler du tout. *
(Extrait : INFECTÉS, livre 1, Marc-André Pilon,
Hurtubise éditeur, 2019, papier, 270 pages)

Tout commence par un meurtre bestial à La Ronde et sa vidéo virale.
S’impose rapidement une terrible évidence: l’agresseur a succombé à une maladie infectieuse jamais vue, marquant le début d’une épidémie qui transforme les humains en monstres sanguinaires.

Un prof cannibale, des parents qui deviennent fous, un train qui explose, l’armée qui débarque… À l’école de la Cité-des-Jeunes, la fin du secondaire risque d’être très différente de ce que Zachary, Camille et Dilkaram avaient imaginé.

Une horreur contagieuse
*Le premier ministre s’apprêtait à prendre la parole.
-Québécois, québécoises…-Chaque génération se
trouve confrontée à une conjoncture historique. Un
tournant décisif. Nous vivons maintenant le nôtre. *
(Extrait)

C’est un roman d’horreur dont l’écriture rappelle beaucoup les scénarios de films de série *B* avec comme principal sujet les zombies. Je devrais dire même UNIQUE sujet car dans ce roman, il n’y a que ça des zombies et au milieu de ces monstres qui semblent se multiplier à l’infini se trouvent quelques ados héroïques qui massacrent tout ce qui bouge. Imaginez une soupe réchauffée des dizaines de fois. C’est la comparaison qui me vient à l’esprit quand je parle de ce roman.

Un virus foudroyant se répand à une vitesse folle transformant les infectés en zombie affamés de chair fraîche. Dans cette mare de démons, trois ados : Dilkaram, Zachary et Camille tentent de survivre.  Et pour survivre, il faut massacrer du zombie et des morts vivants, c’est pas facile à tuer. Ce thème ne m’a jamais attiré, ni en littérature ni au cinéma. Je comprends qu’ici je parle de littérature jeunesse et que les jeunes aiment l’horreur.

Ce livre plaira à ceux et celles qui aiment les histoires de sang qui gicle, d’organes gluants qui traînent à terre et de cervelles éclatées. Il n’y a que ça dans ce roman. Il n’y a pas d’histoire, pas de direction. Rien de neuf, encore moins d’original. Mais je le répète, pour les ados qui ont le cœur solide et qui aiment le mettre à l’épreuve, la formule est gagnante, pour les garçons en particulier :

*Une main venait d’agripper la cheville de Zac. Un corps à moitié déchiqueté, privé de jambes, les intestins traînant derrière lui sur plusieurs mètres…Les infectés furent canardés. Certains furent coupés en deux sous l’impact des balles. Les morceaux continuaient de bouger, pas complètement neutralisés. * (Extrait)

Les ados étant entourés de ces horreurs et tentant le tout pour le tout afin de survivre, on peut comprendre que c’est dans le suspense que réside la principale force du roman qui offre aussi une certaine qualité d’intrigue.

Personnellement, j’ai trouvé ce livre insipide, sans recherche, sans profondeur et d’une redondance qui mène à l’overdose. Certaines tournures de phrases sont intéressantes : *Pendant un instant, tout s’estompa. Les vivants qui meurent, les morts qui vivent. * (extrait) d’autres confinent à l’humour, noir bien sûr, voire à la fantaisie…*Le directeur aurait arraché la tête d’un élève et s’en servirait pour jouer au billard dans la salle G. * (Extrait)

Le niveau de langage n’est pas constant. Beaucoup d’ados aiment le genre, sans début, sans fin, sautant tout de suite dans le feu de l’action. Je préfère un récit fini avec des personnages à la psychologie définie. Enfin je respecte les goûts en souhaitant qu’ils évoluent. Parlant d’évolution, à la fin du récit, les jeunes sont dans une situation assez délicate. Tout est en place pour la suite dans laquelle parait-il, des jeunes qui se font appelés *les surhommes* auraient survécu aux morsures de zombies…

Suggestion d’écoute : DERNIÈRE TERRE, la série audio de Clément Rivière

Enseignant de français à Vaudreuil-Dorion, Marc-André Pilon est l’auteur de la populaire trilogie du MYOPE, dont le premier tome a été récompensé par le prix Cécile-Gagnon. Avec sa nouvelle série, il nous propose une histoire délicieusement horrifiante, menée de main de maître. Vous pouvez consulter la page Facebook de l’auteur en cliquant ici.

 

La suite

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 9 mars 2024

 

LES 3 P’TITS COCHONS, LES CONTES INTERDITS

Commentaire sur le livre de
CHRISTIAN BOIVIN

-Pauvre Alicia, avait alors pensé Peter. Si tu savais
toutes les horreurs dont je suis l’auteur, ce n’est pas
dans un asile que tu m’enverrais, mais
directement sur la chaise électrique. –
(Extrait : LES 3
P’TITS COCHONS, Christian Boivin, LES CONTES
INTERDITS, AdA éditeur, 2017, papier, 235 pages.)

Trois individus qui trempent dans le voyeurisme, la pornographie, le cannibalisme et la nécrophilie.

Une étudiante universitaire menant une vie bien rangée qui se retrouve à la morgue après avoir consommé du Flakka.

Un tueur à gages qui revient dans sa ville mettre sa sœur en terre et qui découvre de troublantes vérités à son sujet.

Une rousse excentrique à la libido débridée et dénuée de tout sens moral, capable de pervertir les âmes les plus pures.

Détournement de conte
*Il arrive difficilement à concevoir de quelle manière
une usine employant autant de gens et appliquant
autant de mesures de contrôle pourrait traiter de la
viande humaine à travers ses chaînes de production
sans que ça se sache. Et puis où trouveraient-ils la
matière première ? Ce n’est pas comme s’il y avait
des abattoirs d’humains, à l’image des abattoirs de
porcs.*
(Extrait)

Ce livre nous entraîne dans les basses fosses des penchants humains : violence extrême, nécrophilie, cannibalisme, torture, meurtre, voyeurisme, sadomasochisme. Rien à voir avec le conte traditionnel pour enfant publié au XVIIIe siècle, sinon une hallucination d’Alicia qui voit ses trois bourreaux avec une tête de porc, ce qui va comme un gant à ce trio de racaille.

Il faut dire aussi que le départ de l’histoire est tout doux, tout gentil jusqu’à ce que les mots me manquent pour décrire la cruauté de Peter, un tueur à gage, qui rentre de Vancouver dans sa ville natale, Québec, pour enterrer sa sœur morte dans des circonstances sombres et douteuses.

Peter apprend des choses bien troublantes au sujet de sa sœur. Une rousse excentrique, nymphomane et sans conscience, qui n’est mignonne qu’en apparence, poussera Peter jusqu’à la vérité et la vengeance…une vengeance qui coûtera très cher. Entre temps, les cadavres s’accumulent.

C’est une version détournée et extrêmement vulgaire du conte classique. Elle est truffée de sexe et de violence. Il y a dans ce récit, des passages à soulever le cœur. Ce livre n’est pas pour les âmes sensibles.

L’histoire comporte deux volets qui évoluent en parallèles : Peter qui fait son enquête, assortie de passages sexuels très chauds, et, en deuxième volet, on revient sur le passé d’Alicia pour comprendre les évènements qui ont conduit à son décès.

Ce genre de récit à deux voix est courant en littérature sauf qu’ici, les deux paliers ont un point en commun : ils sont sursaturés de pornographie et pour Peter, tuer est un métier aussi banal que travailler dans un dépanneur. Vous voyez je pense où je veux en venir…l’intrigue est dissoute dans tout un fatras de sexe et de sang.

Les personnages sont superficiels. Puisqu’ils sont sans conscience, l’auteur n’a pas cru bon les travailler davantage. Le personnage le mieux défini est encore Peter Wolfe, le tueur, mais il est tellement froid et amoral que je n’ai pas cherché à en savoir plus. Quant à sa sœur, Alicia, que Peter cherche tant à venger, disons que ce n’est pas une lumière.

C’est un livre pour public averti, un cauchemar de 230 pages qui fait froid dans le dos. Personnellement, je trouve la trame peu signifiante. L’intrigue et le suspense ont été sacrifiés au délire. C’est cru et morbide.

C’est un livre à éviter pour les mineurs, les lecteurs et lectrices sensibles. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est un livre à éviter tout court. Il fait partie d’une série québécoise appelée CONTES INTERDITS.

Chaque livre, écrit par un auteur différent revisite un conte classique et le transforme en récit gore et horrifique. Je sais qu’il y a une catégorie de lecteurs et lectrices qui aiment le gore et je respecte ça. En ce qui me concerne, avec LES 3 P’TITS COCHONS de Christian Boivin et BLANCHE NEIGE DE L.P. Sicard, que j’ai lu il y a quelques temps, je suis saturé de ce genre de lecture.

Je ne suis pas amateur de gore mais je veux toutefois nuancer. Si je peux trouver un livre de cette tendance, signé par un auteur capable de mettre à l’avant-plan l’intrigue, la recherche et des personnages bien campés, je suis preneur. Je serai toujours preneur.

Suggestion de lecture : LA SÉRIE NOIRE DE GALLIMARD, collection

Christian Boivin est né au Lac-St-Jean et vit maintenant à Québec. Il est diplômé en informatique.
Amateur de Fantasy, c’est le genre qu’il choisit pour ses premiers romans, les 4 tomes de sa série L’Ordre des moines-guerriers Ahkena. En 2017, il publie pour la série à succès Les Contes Interdits une adaptation moderne, violente et vulgaire du conte folklorique Les 3 petits cochons, devenu best-seller depuis, marquant ainsi un changement de style.
Il récidive en 2018 avec une version sanglante du classique d’Andersen, Le Vilain Petit Canard.

Autres contes interdits

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 11 juin 2022

BLANCHE NEIGE, les contes interdits, partie 2

De L.P. SICARD

*Que dois-je faire pour obtenir la vérité ? Dis-le-moi tout de suite ; si tu comptes la garder pour toi-même, je vais t’assassiner, en finir de ce pas. Mes frères ont besoin de moi, je n’ai pas de temps à perdre à torturer une sorcière de ton espèce…

Quand je pense que nous hésitions entre toi et une autre, bien plus belle encore que toi et ta grande gueule ! Nous l’aurions tous eue, notre pipe, et rien de tout ça ne serait arrivé. Bordel…(Extrait : BLANCHE NEIGE, série LES CONTES INTERDITS, L.P. Sicard, Éditions AdA, édition de papier, 2017, 200 pages).

Pour consulter la première partie de ce commentaire, cliquez ici.

UN CONTE DÉPRAVÉ
*Ce geste en soi était des plus horrifiques,
mais pire encore que ce sanglant et
désinvolte assaut fut l’absence de
réaction de la part des autres ; pas un ne
vint à son secours, pas un n’émit un
commentaire quant à ce geste d’une
innommable inhumanité ; leur comparse
venait d’être tué, et ça ne les indisposait
nullement.*
(Extrait: BLANCHE NEIGE…Les Contes Interdits)

La série m’intriguait. Les titres m’intriguaient. Je trouvais les 4e de couverture impressionnants. J’ai fini par me décider à entreprendre une exploration de la série suite à ma visite au Salon International du Livre de Québec en 2018. C’est là que j’ai rencontré les auteurs Simon Rousseau et L.P. Sicard. J’ai pu discuter avec eux de leur motivation.

Leur livre fut le résultat d’une exploration des secrets cachés ou imaginés, enfouis dans les contes des Frères Grimm qui n’étaient pas destinés aux enfants, au commencement du moins. C’est ainsi que BLANCHE NEIGE est devenu un conte interdit parce que perverti et dépravé qui explore les cauchemars qui se confondent dangereusement avec la réalité.

C’est un côté B, la face noire, le côté obscur, appelons ça comme on voudra, ça fait frémir : *Nul mot n’aurait pu décrire avec quelle terreur je levai mes yeux, ni quel effroi me parcourut l’échine lorsque je vis enfin l’auteur de ces gémissements : Un homme, suspendu au plafond, par d’énormes clous qui lui transperçaient et les coudes et les genoux, souriait du plus grotesque sourire. * (Extrait)

C’est un livre très noir qui devrait plaire aux amateurs de gore. Car pour être violents et sanglants, on peut dire que l’auteur a atteint les objectifs des contes interdits et plus :

*Il empoigna une lame de rasoir…et la porta à sa gorge… il porta son arme blanche à sa poitrine qu’il se mit à découper, lentement, indolemment, avec cette même grâce qu’ont les hommes offrant quelque bijou à leur amante* (extrait)

Il y a tellement de ces passages créant à l’esprit des images atroces voire trash que l’éditeur prend soin d’avertir le lecteur que le récit pourrait ébranler les âmes sensibles.

L’auteur s’est aussi arrangé pour nous faire sentir l’influence des Frères Grimm. Elle n’est pas toujours évidente, mais il y a quand même une sorcière qui n’a pas besoin d’interroger un miroir tellement elle est hideuse, il y a sept hommes, ce ne sont pas des nains et ils brillent par leur dérèglement sexuel.

Émilie, notre Blanche Neige par défaut ne l’aura pas facile. D’autres petits indices rappellent le conte : Émilie qui dialogue avec une colombe par exemple sans oublier une surexploitation du passé simple comme on l’a vu dans l’œuvre de Perreault, Anderson, De La Fontaine et j’en passe. L.P. Sicard s’est aussi employé à nous faire chevaucher entre la réalité et la fabulation.

Pour lire BLANCHE-NEIGE, il faut désapprendre ce que l’on sait sur les contes et accepter de se laisser aller dans une angoissante exploration de la démence, du complot, de la mort et de l’inimaginable horreur qui vient des pires cauchemars. La plume de l’auteur est d’une redoutable efficacité. Dès le départ, l’auteur nous agrippe. On ressent d’abord de l’empathie pour Émilie et on se demande qui est fou dans cette histoire, Émilie ou son psychiatre ?

Je ne suis pas un grand amateur de Gore, mais à l’analyse, L.P. Sicard remplit la plupart de mes critères de satisfaction. Le récit est noir, dur mais fort. L’Histoire est atypique et sa finale est fort bien imaginée et bien travaillée. Il y a des passages à soulever le cœur, mais les lecteurs sont avertis. Bien écrit ! Bien ficelé ! Lire ce livre, c’est tenter une expérience…

Suggestion de lectures : 12 CONTES VAGABONDS, de Gabriel Garcia Marquez

L.P. Sicard a 25 ans alors qu’il achève la sombre réécriture de BLANCHE NEIGE. S’inspirant de la théorie freudienne de l’inquiétante étrangeté, dite unheimlich, il a tenté de conduire subtilement son lectorat dans une indétermination angoissante, où la folie se joint à la fois au réalisme et au surnaturel.

D’abord poète, il a publié un recueil de poésie en 2012, en plus de remporter le second prix de l’association littéraire et artistique de France, le grand prix du concours international de poésie de Paris,  celui Salon du livre international de Québec, avec le premier tome de sa série Felix Vortan, traduit en braille.

On peut suivre L.P. Sicard sur Facebook. Vous pouvez aussi visiter son site WEB. Cliquez ici

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 5 mars 2021

L’OEIL DE CAINE, le livre de PATRICK BAUWEN

*Seth va mourir, il le sait. Le fait qu’il n’ait que douze
ans n’y changera rien. Quelqu’un va venir le chercher
pour le conduire sur la chaise électrique. On lui mettra
une cagoule sur la tête, on lui attachera les poignets
et les chevilles. Puis on le fera griller. C’est aussi simple
que ça. *
(Extrait : L’ŒIL DE CAINE, Patrick Bauwen, Éditions Albin
Michel, 2007, édition numérique, 350 pages)

LE SHOW DE LA FIN=LE DÉBUT DU SHOW
*La scène du hangar disparut. L’image du bas, représentant
la carcasse d’un animal dévoré par les mouches, grossit
jusqu’à envahir l’écran. Sauf que ce n’était pas le corps
d’une bête. C’était celui de Pearl. Thomas demeura pétrifié
d’horreur.  L’image se brouilla…
(Extrait : L’œil de Caine)

L’ŒIL DE CAINE est un roman de type thriller angoissant et très noir. C’est le tout premier roman de Patrick Bauwen publié en 2008 et il frappe fort pour démarrer sa carrière avec un récit ayant pour toile de fond la téléréalité telle que la conçoit Hazel Caine : Dans les émissions ordinaires, le spectateur est roi. Dans la nôtre, il est Dieu. Les gens ont un pouvoir de vie et de mort sur les candidats…virtuellement bien entendu. Ce sont eux qui vous ont élu, vous êtes leur héros.* (Extrait)

Showcaine sélectionne 10 candidats ayant chacun un secret enfoui profond. L’auditoire aura à trouver ce que c’est et voter. Mais voilà…ça ne se passe pas tout à fait comme les candidats l’avaient prévu…*un vieux psychiatre est engagé par Showcaine. Comme il éprouve pour vous de l’affection paternaliste, il vous fait entrer dans l’émission à votre insu, espérant vous refiler goût à la vie. Il donne également le feu vert pour que sa fille y participe. Mais l’un de ses anciens patients guette dans l’ombre.* (extrait)

Dès le départ tout dérape, d’autant plus que le patient en question est un psychopathe tordu, schizophrène, matricide et perturbé par la religion. Mais attention…Showcaine encourage son auditoire à se fier aux apparences. Le petit voyage de départ en autobus devient rapidement une aventure gore avec sexe, torture, mutilation et morts au programme. Un lent carnage, une boucherie.

Et pendant que les candidats meurent un par un, les secrets sont dévoilés à la petite cuillère donnant à l’atmosphère du récit quelque chose de noir, de malsain. Mais qui survivra? Ça prend un gagnant…ça viendra avec de la manipulation, du mensonge et de l’hypocrisie.

Le récit rappelle à plus d’un égard LES DIX PETITS NÈGRES d’Agatha Christie. L’ŒIL DE CAINE est bien sûr plus explicite et plus sanglant. Mais les deux ont un point en commun : ils en disent très long sur la nature humaine lorsque celle-ci est confrontée à la peur et au seuil de la mort.

Ce livre est venu me chercher rapidement et j’y suis resté accroché jusqu’à la finale qui m’a laissé pantois. C’est un huis-clos infernal qui montre jusqu’où pourrait aller la télé-réalité si on la laissait faire. Comme je l’ai déjà expliqué à quelques reprises sur ce site, je considère la téléréalité comme une plaie, une errance dont le contrôle est douteux.

L’imagination déployée par l’auteur dans le développement de son récit est d’une redoutable efficacité. Bauwen fait monter la tension sans jamais fléchir jusqu’à la grande finale qui, même si elle est un peu tirée par les cheveux, m’a permis d’apprécier une intrigue très bien ficelée. J’ai eu un peu de difficulté à développer de l’empathie pour les personnages que j’ai trouvés froids et distants.

Sans jamais m’attacher aux personnages, j’ai pu apprécier la profondeur de chacun d’eux, graduellement au fil du récit. Certains sont un peu surfaits, je pense entre autres à Peter, un enfant autiste qui a autour de 10 ans. Qu’est-ce qu’un enfant faisait dans le lot? Vous connaîtrez la réponse et vous risquez d’être surpris. L’ŒIL DE CAINE est un des meilleurs thrillers que j’ai lus. La lecture est fluide.

Vous devez toutefois vous attendre à des passages extrêmement explicites de nature à soulever le cœur. Comme moi peut-être apprécierez-vous la subtilité de l’auteur déployée entre autres dans le jeu des alliances entre les personnages. Le récit a une dimension sociale et psychologique très intéressante.

Un vrai livre à faire peur…j’ai adoré.

Suggestion de lecture : LA CAGOULE, de François Gravel

De son vrai nom Patrick Bousket, Patrick Bauwen est auteur français né en 1968. Il dirige un service d’urgences en région parisienne et il vit une partie de l’année aux États-Unis. Après L’Œil de Caine, son premier roman dans l’univers de la télé-réalité, il a offert aux lecteurs un nouveau thriller très troublant : Monster dans l’univers de la médecine et des disparitions d’enfants.

Puis en 2010, il est de retour avec son thriller Seul à savoir. Auteur très talentueux, il est également très accessible et échange volontiers avec ses lecteurs sur sa page Facebook. C’est en 2014 que sort son quatrième roman « Les fantômes d’Eden », Il est également membre de la Ligue de l’Imaginaire. Site officiel de l’auteur : http://www.patrickbauwen.com/

Bonne lecture
Claude Lambert
vendredi 4 décembre 2020

GORE STORY, le livre de GILLES BERGAL

*Le commandant était dans un piteux état…
-Commandant ! Je vous croyais à l’agonie.
-Eh bien, tu t’es trompée, et c’est à ton tour
de crever, comme tous ceux que tu as
rassemblés ici… elle chercha une issue, mais
il n’y en avait pas…*
(Extrait : GORE STORY, Gilbert Gallerne, Édition
Objectif Noir, 2015. Édition numérique 115 pages
numériques)

C’est dur de tuer un personnage de roman. Surtout quand le personnage en question est une…tueuse. Fabien Chevriez, auteur de la série BLOODY MARY en fait l’expérience quand, après 37 épisodes sanglants, il décide de se débarrasser de ce personnage et de passer à autre chose. C’est alors qu’un mystérieux fanatique commence à tuer des personnes proches de Chevriez en copiant les manières de BLOODY MARY. Chevriez l’a compris mais il a la tête dure. L’étau se resserre. Avec de l’aide, Fabien tente de résoudre l’énigme pendant que les assassinats s’enchaînent.

Avant-propos

Avant de commenter GORE STORY je veux juste préciser la différence entre deux genres littéraires cousins. D’abord le GORE : d’après l’internaute, le gore est un genre qui privilégie les scènes dans lesquelles le sang coule. Le gore est issu de l’horreur.

À ce sujet, Wikipédia est beaucoup plus direct et inspiré en disant que le gore est un sous-genre caractérisé par des scènes extrêmement sanglantes et très explicites dont l’objectif est d’inspirer au spectateur le dégoût, la peur, le divertissement ou le rire.

Le genre TRASH est différent. TRASH est un terme familier emprunté à l’anglais qui désigne quelque chose de sale, similaire à un déchet ou une ordure. Par extension, une histoire trash est plus que médiocre, de très mauvaise qualité ou vulgaire. D’après Wikipédia, une action, une œuvre, voire une personne, sale, répugnante ou moralement malsaine. Je vous ai déjà parlé de la littérature neurasthénique du Marquis de Sade.

Son livre LES 120 JOURNÉES DE SODOME est un excellent exemple d’œuvre TRASH, tout comme 18 MEURTRES PORNO DANS UN SUPERMARCHÉ de Philippe Bertrand, ou encore comme le nullissime BAISE MOI au cinéma, le désormais célèbre navet de Virginie Despentes et Coralie Thrin Thi.

GORE STORY est un livre du genre GORE comme LE RÉVEIL DES MORTS VIVANTS de John Russo, ou HERBERT WEST RÉANIMATEUR du grand HP Lovecraft… encore étonnant qu’à l’origine, GORE STORY ait été édité aux éditions TRASH.

UN AUTEUR TUE SA TUEUSE
*-Hier un type est venu me reprocher davoir
fait mourir mon personnage. Il m
a menacé,
Noémie est intervenue, ils se sont disputés,
et il a fini par se mutiler avant de disparaître.*
(Extrait : GORE STORY)

Je n’ai jamais été un amateur de gore et ce n’est pas le livre de Bergal qui m’a réconcilié avec le genre. Je trouve toutefois intéressant de voir évoluer une histoire dans laquelle un romancier tue son personnage principal, Bloody Mary, après lui avoir fait couler le sang aux gallons sur 37 livres. Je m’attendais à une touche d’originalité, je n’en ai pas trouvé. J’y ai noté toutefois certaines qualités qui plaisent dans les circonstances.

Par exemple l’humour…il sera soit noir soit coquin, mais on en trouve beaucoup dans GORE STORY : *…Marguerite voyait tout et son cerveau fonctionnait à merveille. Il y avait longtemps qu’elle avait repéré la complicité entre l’auteur et l’attachée de presse et elle avait eu vite fait d’additionner deux et deux pour trouver soixante-neuf.* (Extrait)

Dans ce livre l’humour noir arrache des sourires et peut aussi générer des frissons : *En deux ou trois coups, la tête partit vivre sa vie de son côté tandis que le reste du corps demeurait allongé façon Louis XVI sur la table LOUIS XV.* (Extrait)

Intéressante aussi est la façon dont Bergal insère l’humour en tournant les phrases de façon rythmique à grand renfort de jeux de mots : *La nuit noyait les lieux comme une nappe de néant où n’entrait nul néon mais quelques noctambules noctambulaient néanmoins nonobstant la noirceur nocturne…* (Extrait) Autant de tournures de phrases qui sont rythmiques en effet mais qui ne veulent pas dire grand-chose.

En général, les livres du genre GORE ne sont pas très longs et sont extrêmement violents, le sang coulant à flot. Dans Gore story, ne manquerait qu’un vampire pour tout nettoyer (si je veux prendre mon tour de faire une blague douteuse).

L’auteur aurait pu innover tout en restant dans le genre. Malheureusement, ce n’est pas le cas, sur le plan littéraire Gore story présente beaucoup de lacunes comme d’ailleurs les autres histoires gore que j’ai lues dans les dernières années. L’aspect policier/enquête est sous-développé. D’ailleurs la trame en général est sous-développée.

Une fois qu’un meurtre est commis, on dirait que l’auteur expédie sa petite cuisine pour passer plus vite au meurtre suivant. À partir des trois quarts du livre, on sent l’essoufflement de l’auteur jusqu’à la finale qui est carrément catapultée sans oublier l’écrivain Fabien Chevriez qui fait copain-copain avec la commandant de police. C’est d’un kitch absolu.

Enfin, il n’y a pas d’émotion dans cette histoire comme dans Jason ou Freddy au cinéma. Dans GORE STORY, Fabien Chevriez perd ses amis un par un avec un détachement choquant. Je ne crois pas vraiment que le gore soit hermétique au changement. C’est l’auteur qui en décide. GORE STORY est saturé de rouge et ça s’arrête là. Heureux de passer à autre chose.

Suggestion de lecture : DREAMWALKERS, d’Alain Lafond

Gilles Bergal est un Pseudonyme de Gilbert Gallerne. Il est né en 1954, est un écrivain français de roman policier, lauréat du Prix du Quai des Orfèvres 2010. Banquier de profession, il a été critique littéraire et a traduit plusieurs best-sellers américains. Le fantastique est son genre littéraire préféré. Sous son pseudonyme, il a publié plusieurs nouvelles, des romans d’horreur et sous le nom de Milan, il a publié le cycle ANTICIPATION. Il publie maintenant sous son vrai nom chez Fleuve Noir. Il collabore régulièrement à une revue consacrée à l’écriture. Dans sa chronique intitulée ÉCRIRE, il donne de judicieux conseils aux jeunes auteurs émergents.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 14 décembre 2019

 

LÉDO, un roman sombre de PIERRE CUSSON

<Tu vas voir, salaud, lequel des deux est le plus fou…Le triangle enflammé n’est plus qu’à vingt mètres. Le moment est arrivé…> (Extrait : LÉDO, Pierre Cusson, Éditions Pratiko/ Polar presse, édition numérique, 375 pages)

La petite ville de Ste-Jasmine et l’inspecteur Réginald Simard sont aux prises avec une série de meurtres tous aussi horribles que mystérieux. Un dangereux criminel court les rues et semble insaisissable. Il s’acharne à narguer Simard en le ridiculisant par des notes laissées sur les lieux de ses méfaits. La clé de l’énigme est confinée dans les dossiers de l’éminent policier.

De nombreux rebondissements viennent compliquer l’enquête et au moment où le mystère Lédo semble résolu, surgit alors l’impensable…*Un être aussi abject, d’une perversité aussi extrême, ne peut continuer à faire partie intégrante d’une société* Extrait

PSYCHOPATHE ET PIRE…
*Recouvert d’une mince couche de frimas, le corps
de Rita Donovan gît tout au fond, sur un lit de
petits paquets de viande et de boîtes de produits
de toutes sortes.. À ses pieds l’accompagne son
caniche…*
(Extrait : LÉDO)

Comme la plupart des livres de Pierre Cusson, Lédo est un roman policier très sombre. Pour vous placer le mieux possible dans le contexte, je pourrais comparer le style de Cusson à celui de Martin Michaud (voir la chorale du diable) ou encore à celui de Chrystine Brouillet. Ces auteurs ont une capacité de montrer jusqu’où peut descendre la bêtise humaine.

Dans LÉDO, la petite ville de Sainte-Jasmine est le théâtre de meurtres aussi horribles que mystérieux. Des meurtres qui laissent supposer que les victimes ont subi une innommable torture. Un criminel dégénéré court les rues, insaisissable et pousse la provocation jusqu’à laisser des messages à l’inspecteur Réginald Simard qui enquête sur ces meurtres :

*«Que fais-tu Simard? Tu arrives trop tard. Il ne te reste plus qu’à ramasser les ordures. Comme d’habitude. Tu es un incompétent et jamais tu ne pourras m’attraper. Mais comme je suis généreux, tu auras encore ta chance. Ce petit salaud n’est pas le dernier. Alors à bientôt, Réginald. xxx.»* (Extrait)

J’ai plongé dans cette lecture et je n’ai jamais vu le temps passer. Intrigue, mystère, énigmes et beaucoup de questionnements. Il semble que plusieurs victimes étaient loin d’être des enfants de chœur. Mon attention était déjà soutenue jusqu’au milieu du récit où j’ai eu droit à un véritable coup de théâtre, l’histoire a fait un extraordinaire virage sans nuire en quoi que ce soit au fil conducteur.

N’ayant aucune idée du nombre de pages restantes, je croyais que l’histoire était terminée. Mais non. J’étais au milieu. La deuxième partie m’a catapulté dans une forte addiction qui m’amenait de surprise en surprise.

Pierre Cusson a fort bien soigné la psychologie de ses personnages et a orchestré une histoire noire dont certains passages sont à soulever le cœur et poussent le lecteur et la lectrice à se demander s’il est possible que l’homme puisse descendre aussi bas. Je vous fais grâce des détails mais en dehors des exactions humaines heureusement décrites avec une certaine retenue, nous avons ici un excellent roman policier, très bien écrit.

Le style de Cusson est très direct et le caractère haletant de l’histoire ne ménage pas le lecteur. Bavures, errance policière, traîtrise… La plume est forte. Il n’y a pas de longueurs, pas de temps morts. Le coup de théâtre au milieu du récit m’a pris par surprise et j’ai trouvé la finale fort imaginative et qui n’est pas sans laisser le lecteur avec de la matière à réflexion.

En fait, le principal questionnement ici est le fait de se faire justice soi-même. *«Se faire justice soi-même est un grave délit. Laisser errer un meurtrier parmi les innocents, c’est de la folie pure et simple», Ce sont ces phrases que Réginald Simard avait criées à Marcel Vincelette alors que ce dernier quittait sa chambre à l’hôpital de Sainte-Jasmine.* (Extrait)

Est-ce qu’on est en droit de dire que quelqu’un ne mérite pas de vivre? Que la seule façon d’empêcher une récidive de la part d’un meurtrier est de l’abattre ? Est-ce qu’on peut se substituer à la justice ?

Qui n’a pas été tenté de le faire ? La loi est claire. Il y a la justice qui est là pour ça. Elle est lente. À beaucoup, elle donne l’impression d’être détraquée. La justice est aveugle comme le dit l’expression consacrée, mais c’est la justice. Le livre pose ou peut-être devrais-je dire *expose* une question : Est-il possible qu’il se présente des circonstances qui ne donnent pas le choix ?

Plusieurs personnages ne sont pas tous ce qu’ils prétendent être. C’est un beau défi de lecture car on va de rebondissement en rebondissement et l’énigme s’épaissit au fur et à mesure de la progression de l’histoire et la première conclusion tirée au milieu de l’ouvrage est surprenante. Pour ceux et celles qui aiment les lectures *hard* et *gore* pour utiliser un langage exceptionnellement familier, LÉDO est pour vous.

Suggestion de lecture : DANS L’OMBRE DE CLARISSE, de Madeleine Robitaille

Au moment d’écrire ces lignes, les notes biographiques sur Pierre Cusson étaient à peu près inexistantes. Je sais que Pierre Cusson est né en 1951 en Montérégie au Québec et que toute son enfance a été imprégnée des histoires d’Hergé, de Jules Verne et d’Henri Verne et plusieurs autres auteurs et qui ont contribué au développement de l’imagination déjà fertile de Pierre Cusson. Pour suivre cet auteur, cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 9 novembre 2019

LIVRE DE SANG, l’oeuvre de CLIVE BARKER

*Pour quelle raison les puissances des ténèbres (qu’elles tiennent une cour éternelle! Qu’elles chient éternellement leur lumière sur la tête des damnés!) L’avaient dépêché de l’enfer pour tourmenter Jack Polo, voilà ce que le cacophone ne parvenait pas à découvrir.* (Extrait : LIVRE DE SANG, titre original : BOOK OF BLOOD volume 1, Clive Barker, t.f. Alabin Michel, 1987. Édition numérique 185 pages)

LIVRE DE SANG est le premier d’une série de 6 recueils de nouvelles et portant le titre de la série. Les récits plongent le lecteur dans un univers gore où se côtoient le normal et le paranormal. Dans la première, on suit l’expérience de Simon McNeal, un escroc de petite envergure qui se fait passer pour un médium. Mais son escroquerie se retourne contre lui et McNeal devient victime de toute cette horde de morts qu’il a invoqués. C’est ainsi que des livres de sang vont s’imprimer sur sa chair. Les nouvelles sont sans liens entre elles mais elles ont toutes un point en commun : des scènes et des situations d’une horreur sans nom…

Gore…riens de moins
*Il connaissait les victimes et il connaissait
les garçons. Il ne s’agissait pas de débiles
incompris mais de créatures aussi vives,
féroces et amorales que les lames de
rasoir dissimulées sous leurs langues. Ils
n’en avaient rien à faire des sentiments,
ils voulaient juste sortir…
(Extrait : LIVRE DE SANG)

LIVRE DE SANG est une trouvaille au sujet original. Pour bien saisir l’originalité de l’ensemble, il faut d’abord se concentrer sur la première nouvelle qui porte le titre de la série.

C’est l’entrée en matière qui m’a plongé dans des mondes glauques et gores. Cette première nouvelle suit l’expérience de Simon McNeal qui se dit médium mais qui n’est rien d’autre qu’un petit escroc. Les fantômes invoqués jugent que l’escroquerie de McNeal est punissable et décide d’imprimer leur histoire dans sa chair. C’est ainsi que McNeal devient LIVRE DE SANG.

Je ne peux pas détailler vraiment les nouvelles sans nuire à l’effet de surprise. Je peux dire toutefois que j’ai été happé par chaque nouvelle, heureuse victime d’une écriture puissante, bénéficiant en plus d’une excellente traduction.

J’avais entendu parler de Clive Barker. Pour ce que j’en savais, je le comparais un peu à Stephen King, Edgar Allan Poe ou Doug Bradley. Pendant la lecture, c’est avec bonheur que j’ai constaté que le style se rapprochait plus d’un géant que j’adore : H.P. LOVECRAFT (1890-1937) dont le livre LES MONTAGNES HALLUCINÉES m’avait fortement impressionné.

Chaque nouvelle est empreinte d’opacité et d’horreur, mais une horreur dosée et manipulée de façon à garder le lecteur dans le coup, lui retirant l’envie de fermer le livre. Il y a même une place pour l’humour. Il y a aussi des passages où le lecteur pourrait ressentir du dégoût. L’épouvante est présente partout, mais c’est bien écrit et surtout très bien dosé. Comme vous voyez, il y en a un peu pour tous les goûts.

Il y a pour chaque nouvelle un fil conducteur qui est aussi le reflet de l’ensemble de la saga et ce fil n’est pas sans ébranler ou tout au moins porter à la réflexion ceux et celles qui croient aux sciences paranormales, à savoir que les morts regrettent d’être morts et reviendraient volontiers dans une enveloppe de chair, pour repartir à zéro peut-être, éviter les erreurs déjà commises ou finir une mission…allez savoir.

Je recommande ce livre, spécialement aux consommateurs de littérature de l’imaginaire. La plume de Barker est superbe. Ça ne vous laissera pas indifférent. La série porte extrêmement bien son titre. Vous verrez très vite pourquoi…

Suggestion de lecture : MÉTRO 2033, livre de DMITRY GLUKHOVSKY

 LA SÉRIE *LIVRE DE SANG*

C L I V E   B A R K E R

Clive Barker est un romancier anglais né à Liverpool en 1952. Il est aussi dramaturge, scénariste de bandes dessinées, peintre et cinéaste. À ce dernier titre, il a réalisé et scénarisé en 1988, le film HELLRAISER LE PACTE, un film d’épouvante inspiré d’une de ses nouvelles. Suite à ses études en littérature anglaise et en philosophie, Barker écrit d’abord des pièces de théâtre, puis sort son premier roman LE JEU DE LA DAMNATION en 1985.

Plus de 25 livres suivront, sans compter les films réalisés ou scénarisés. Son parcours comprend quelques chefs-d’œuvre dont IMAJICA publié en 1991. Au moment d’écrire ces lignes, Clive Barker, qui ne cache pas son homosexualité, vit à Los-Angeles avec David E. Armstrong.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
le dimanche 4 juin 2017