INFECTÉS, le livre de Marc-André Pilon

*C’est à ce moment qu’elle hurle.
Qu’elle hurle aussi fort qu’elle le peut.
Qu’elle hurle.
Jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus
hurler du tout. *
(Extrait : INFECTÉS, livre 1, Marc-André Pilon,
Hurtubise éditeur, 2019, papier, 270 pages)

Tout commence par un meurtre bestial à La Ronde et sa vidéo virale.
S’impose rapidement une terrible évidence: l’agresseur a succombé à une maladie infectieuse jamais vue, marquant le début d’une épidémie qui transforme les humains en monstres sanguinaires.

Un prof cannibale, des parents qui deviennent fous, un train qui explose, l’armée qui débarque… À l’école de la Cité-des-Jeunes, la fin du secondaire risque d’être très différente de ce que Zachary, Camille et Dilkaram avaient imaginé.

Une horreur contagieuse
*Le premier ministre s’apprêtait à prendre la parole.
-Québécois, québécoises…-Chaque génération se
trouve confrontée à une conjoncture historique. Un
tournant décisif. Nous vivons maintenant le nôtre. *
(Extrait)

C’est un roman d’horreur dont l’écriture rappelle beaucoup les scénarios de films de série *B* avec comme principal sujet les zombies. Je devrais dire même UNIQUE sujet car dans ce roman, il n’y a que ça des zombies et au milieu de ces monstres qui semblent se multiplier à l’infini se trouvent quelques ados héroïques qui massacrent tout ce qui bouge. Imaginez une soupe réchauffée des dizaines de fois. C’est la comparaison qui me vient à l’esprit quand je parle de ce roman.

Un virus foudroyant se répand à une vitesse folle transformant les infectés en zombie affamés de chair fraîche. Dans cette mare de démons, trois ados : Dilkaram, Zachary et Camille tentent de survivre.  Et pour survivre, il faut massacrer du zombie et des morts vivants, c’est pas facile à tuer. Ce thème ne m’a jamais attiré, ni en littérature ni au cinéma. Je comprends qu’ici je parle de littérature jeunesse et que les jeunes aiment l’horreur.

Ce livre plaira à ceux et celles qui aiment les histoires de sang qui gicle, d’organes gluants qui traînent à terre et de cervelles éclatées. Il n’y a que ça dans ce roman. Il n’y a pas d’histoire, pas de direction. Rien de neuf, encore moins d’original. Mais je le répète, pour les ados qui ont le cœur solide et qui aiment le mettre à l’épreuve, la formule est gagnante, pour les garçons en particulier :

*Une main venait d’agripper la cheville de Zac. Un corps à moitié déchiqueté, privé de jambes, les intestins traînant derrière lui sur plusieurs mètres…Les infectés furent canardés. Certains furent coupés en deux sous l’impact des balles. Les morceaux continuaient de bouger, pas complètement neutralisés. * (Extrait)

Les ados étant entourés de ces horreurs et tentant le tout pour le tout afin de survivre, on peut comprendre que c’est dans le suspense que réside la principale force du roman qui offre aussi une certaine qualité d’intrigue.

Personnellement, j’ai trouvé ce livre insipide, sans recherche, sans profondeur et d’une redondance qui mène à l’overdose. Certaines tournures de phrases sont intéressantes : *Pendant un instant, tout s’estompa. Les vivants qui meurent, les morts qui vivent. * (extrait) d’autres confinent à l’humour, noir bien sûr, voire à la fantaisie…*Le directeur aurait arraché la tête d’un élève et s’en servirait pour jouer au billard dans la salle G. * (Extrait)

Le niveau de langage n’est pas constant. Beaucoup d’ados aiment le genre, sans début, sans fin, sautant tout de suite dans le feu de l’action. Je préfère un récit fini avec des personnages à la psychologie définie. Enfin je respecte les goûts en souhaitant qu’ils évoluent. Parlant d’évolution, à la fin du récit, les jeunes sont dans une situation assez délicate. Tout est en place pour la suite dans laquelle parait-il, des jeunes qui se font appelés *les surhommes* auraient survécu aux morsures de zombies…

Suggestion d’écoute : DERNIÈRE TERRE, la série audio de Clément Rivière

Enseignant de français à Vaudreuil-Dorion, Marc-André Pilon est l’auteur de la populaire trilogie du MYOPE, dont le premier tome a été récompensé par le prix Cécile-Gagnon. Avec sa nouvelle série, il nous propose une histoire délicieusement horrifiante, menée de main de maître. Vous pouvez consulter la page Facebook de l’auteur en cliquant ici.

 

La suite

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 9 mars 2024

 

L’EAU NOIRE, livre de Chloé Bourdon

*Assez. Le psy m’a conseillé d’écrire cette
histoire qu’il interprète comme un symptôme
de ma paranoïa grandissante. *
(Extrait : L’EAU NOIRE, Chloé Bourdon, Éditions
du Petit Caveau, 2015, format numérique.)

Fin des années 60, pendant la guerre du Vietnam, Dawn Otterio rencontre la mort dans l’eau noire d’un marécage.
Abreuvé du sacrifice de ses frères d’armes, un étrange esprit lui rend la vie, en échange d’un pacte cruel. Dorénavant, son existence ne sera plus que celle d’un possédé, en quête de sang, semant la mort derrière lui. Jusqu’au jour où son chemin croise celui de Raphaël, un rockeur fascinant…

Entre Dawn, Raphaël et l’esprit vampire, les destins vont se croiser, tout autant que leurs désirs…

 

Vampire nouvelle vague
*Nous fûmes tous trois en parfaite harmonie l’espace d’un
instant. L’eau noire emplit ma bouche et mes yeux, colmata
les pores de ma peau, me rendit aveugle et sourd, insensible
à la douleur., j’aurais voulu que notre état de fusion ne cesse
jamais. *
(Extrait)

C’est un roman assez court mais noir et qui développe d’une façon originale le thème du vampirisme. C’est l’histoire d’un jeune soldat, Dawn Otterio. Pendant le conflit du Vietnam, Dawn est touché et tombe dans une mare d’eau noire dans laquelle il meure…disons pas tout à fait. Cette eau glauque scelle une malédiction… l’esprit d’un vampire qui attend son heure.

Il semble qu’elle soit arrivée car il se loge immédiatement dans la tête de Dawn qui redevient vivant, mais cette fois pour l’éternité, condamné à se nourrir de sang pour maintenir en vie son hôte symbiotique appelé Dam Lay. La relation entre Dawn et Dam est conflictuelle vous vous en doutez mais, étrangement, personne n’essaie de changer la vie de l’autre.

La relation restera platonique jusqu’à l’arrivée de Raphaël, jeune homme charismatique, chanteur dans un groupe rock, affublé d’une mystérieuse infirmité qui lui donne des pouvoirs. Raphaël tombe dans l’œil de Dawn. Il se développera une relation homosexuelle encouragée par Dam qui caresse secrètement le projet de quitter Dawn pour s’installer dans l’esprit de Raphaël.

C’est un roman très glauque à plusieurs égards. J’ai eu d’abord beaucoup de difficulté à entrer dans le roman qui est en partie affaibli par l’errance de la plume. Je n’ai pas vraiment compris où l’auteur voulait en venir d’autant que je n’ai jamais pu m’attacher à cet anti-héros qu’est Dawn, un personnage confus et sans colonne. J’aurais pu avoir une sympathie pour le cancer qui lui rongeait le foie et les poumons…même pas. Dirigé par Dam Lay, il a joué son rôle de vampire…peinard mais tueur.

Les choses changent un peu avec l’arrivée de Raphaël qui vient donner au texte tout son sens. Le récit devient alors un peu plus intéressant. Pas de scènes sordides et sanguinaires, pas non plus d’épisodes sexuels torrides. Il est juste évident que le désir de Dam Lay pourrait éventuellement jeter Dawn sur les roses. Pas d’action, pas de consistance, pas d’intrigue. Juste un tantinet plus de rythme avec Raphaël. Je n’ai rien pu savoir de plus sur Raphaël dont le passé est occulté.

L’idée du vampirisme revisité est bonne, originale même mais il n’y avait pas vraiment d’éléments sur lesquels je pouvais m’accrocher. Pas d’éléments accrocheurs…moins d’intérêt. Toutefois, le récit comporte certaines forces intéressantes. Je pense à la fluidité de l’écriture. Le roman est facile à lire et le fil conducteur est efficace. L’aspect peut-être le plus intéressant est sans doute l’atmosphère qui se dégage du récit et qui pourrait à elle seule garder au jeu beaucoup de lecteurs et lectrices.

En effet, l’ambiance est lourde, glauque, opaque et elle s’installe d’ailleurs dès le début du roman par une définition fort sombre de ce qu’il y a dans l’eau noire de cette mare infernale. On sait que l’atmosphère d’un récit même à caractère fantastique est important et plus encore, le non-dit, l’impression, le savoir par instinct.

Personnellement, je n’ai pas ressenti grand-chose. Le récit manque de développement et les personnages sont sans attrait…plus ou moins travaillés et peu développés sur le plan psychologique. Une histoire de vampire servie à la moderne avec quand même un peu d’émotion, mais dans l’ensemble, une histoire difficile.

Suggestion de lecture : DRACULA, de Bram Stocker

Chloé Bourdon a 34 ans. Depuis toujours elle s’adonne à l’écriture, parfois dans l’espoir d’être lue, souvent par plaisir personnel. Ses textes sont un peu à l’image de sa personnalité : la résultante paradoxale d’une grande sensibilité, frisant parfois la fragilité, conjuguée à une détermination et une force de caractère insoupçonnées ; s’y ajoutent une imagination foisonnante et un regard acéré sur le monde qui l’entoure.

Son   écriture est fluide, directe, presque tranchante, mais comme pourrait l’être une précieuse lame de Tolède, finement damasquinée…

 

DE LA MÊME AUTRICE

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 14 octobre 2023