Le parfum d’Adam

Commentaire sur le livre de
JEAN-CHRISTOPHE RUFIN

*Chaque jour, les humains se rendent coupables à l’égard des animaux d’actes qui, appliqués aux hommes, s’appelleraient meurtre, torture, esclavage. On tue des bêtes pour les manger, on sacrifie des animaux de laboratoire pour la recherche, on enferme des singes dans des cages leur vie durant pour les montrer aux enfants. Ce sont des crimes spécistes particulièrement odieux. Tuer ceux qui s’en rendent coupables n’est donc pas un crime : c’est un acte légitime. *

Extrait : LE PARFUM D’ADAM, de Jean-Christophe Rufin. Édition de papier et numérique : Flammarion éditeur 2011, 544 pages. Version audio : Gallimard éditeur, durée d’écoute : 18 heures 20 minutes. Narratrice : Constance Dollé.

La réalité du radicalisme écologique

LE PARFUM D’ADAM est un roman d’enquête et d’espionnage basé sur une réalité contemporaine qui va en s’intensifiant avec le temps. Il s’agit du radicalisme écologique et des actions terroristes qui s’ensuivent. Bien qu’il s’agisse d’une fiction, la terrible philosophie qui imprègne l’œuvre est une réalité bien présente qui inquiète les gouvernements et le monde et s’ajoute aux catastrophes climatiques qui grugent la planète.

L’intrigue de départ prépare le lecteur au pire : un petit commando écologiste force les portes d’un laboratoire et libère tous les animaux servant aux expériences. On a cru que c’était un simple sauvetage d’animaux jusqu’à ce qu’on se rende compte que quelque chose a été volé. Quelque chose à ne pas mettre entre n’importe quelles mains.

Le gouvernement américain prend l’affaire très au sérieux et charge l’agence de renseignements privée PROVIDENCE d’enquêter. Deux agents, Paul, médecin et une psychologue, Kerry vont ainsi mettre les pieds dans un engrainage terrifiant, celui du fanatisme écologique d’une organisation redoutable qui considère l’homme comme n’importe quel animal sur la terre et qui plus est, un  prédateur dangereux dont il faut contrôler la population.

Vous voyez où je veux en venir. L’idée qu’il y a trop de monde sur la Terre n’est pas nouvelle en soi. Selon l’idéologie radicale, Il faut en éliminer et ici, c’est le tiers-monde qui est visé, résultat d’une réflexion tout à fait antihumaniste qui pose cette question : qu’est ce qui se passerait si du jour au lendemain, les pauvres amélioraient leur sort et gagneraient la classe moyenne en consommant plus et donc en produisant plus ?

Cette question est au cœur de la matière à réflexion que propose le livre. Les scénarios élaborés sont à faire frémir et la question divise le monde.

Quant à l’histoire comme telle, je dirai que le livre m’a gardé en haleine davantage pour le thème qu’il développe que pour son intrigue. Je trouve que l’histoire manque d’intensité. Je n’ai pas senti d’urgence, d’émotion. Un texte un peu plus nerveux n’aurait certainement pas nuit à la structure de l’intrigue. Certain sous-thèmes sont sous-développés comme par exemple celui de la surpopulation mondiale.

L’ouvrage reste bien documenté mais on dirait qu’il manque quelque chose comme la viande autour de l’os. Toutefois, on ne peut pas lire un tel livre sans réfléchir aux questions qu’il pose. C’est l’activisme écologique et l’antihumanisme poussé à leurs extrémités les plus meurtrières.

Enfin, je le rappelle, les idées développées par ce roman sont plus anxiogènes que l’intrigue elle-même mais il reste que ce livre fait réfléchir et ne met pas tout à fait l’espoir de côté. Je n’ai aucun regret.

Suggestion de lecture, du même auteur : IMMORTELLE RANDONNÉE Compostelle et moi

Du même auteur


L’auteur Jean-Christophe Rufin

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 9 novembre 2025

ENFERS, Ismaël Lemonnier

*Une tête de taureau apparut dans leur champ de vision, vissée sur le haut du corps, se substituant à ce qui aurait dû être une tête humaine. De longues cornes pointues aux extrémités, le poil rêche et frisé de couleur sable, les naseaux grands ouverts et encore humides, de grandes oreilles tombantes et poilues…Ils hurlèrent comme jamais ils n’avaient hurlé… *

Extrait : ENFERS, d’Ismaël Lemonnier, versions brochée et numérique : Hugo roman, 2022, respectivement 375 et 288 pages.

C’est le premier jour de Clément dans la brigade criminelle de Paris. Et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne sera pas de tout repos. Le jeune bleu au QI hors normes se retrouve associé au capitaine Lothar Kessel, son opposé en tout point. Et, pour couronner le tout, les cadavres semblent se multiplier dans la capitale !

Les deux flics vont devoir mettre de côté leurs différends pour comprendre qui se cache derrière le tueur infernal et, surtout, pour l’empêcher de récidiver… Enfers, troisième série originale proposée par NEXTORY, vous plongera dans les sous-sols parisiens à la recherche d’un tueur à l’imagination débridée et aux méthodes particulièrement violentes.

 

Un récit asphyxiant

Le moins que je puisse dire, c’est que ce livre m’a rivé à mon siège. Son idée de base est une série de meurtres basée sur LA DIVINE COMÉDIE, le célèbre poème de Dante Alighieri qui décrit les neuf cercles de l’enfer. Le but du tueur, aussi fou que génial, est de compléter les neuf cercles. Et les meurtres, d’une horreur inimaginable, s’accumulent.

L’idée de s’inspirer de la DIVINE COMÉDIE pour faire évoluer un monstre est loin d’être neuve. Elle a fait par exemple l’objet du livre de Matthew Pearl LE CERCLE DE DANTE en 2004.

Et puis le modus operandi du tueur me rappelle beaucoup le célèbre Jigsaw dans la série de film DÉCADENCE produite entre 2004 et 2025. DÉCADENCE est un mélange de policier, thriller et de torture porn gore. Jigsaw, incarné par Tobin Bell était un tueur *justicier* qui utilisait son génie hors du commun pour torturer et tuer ses victimes en leur laissant une ridicule possibilité de rédemption.

ENFERS m’a rappelé aussi le livre culte de Dan Brown DA VINCI CODE qui est un véritable jeu de piste aux énigmes pénibles à résoudre. De plus, que ce soit ENFERS, DÉCADENCES ou DA VINCI CODE, c’est toujours une course contre la montre.

Pour moi, le lien était facile à faire avec ENFERS, le livre d’Ismaël Lemonnier qui est un véritable recueil d’abominations. Le tueur s’aligne parfaitement avec la philosophie de LA DIVINE COMÉDIE, sa cruauté est au-delà de toute description, tout comme l’imagination qu’il déploie pour les exécutions.

Bien que l’histoire puisse sembler réchauffée, une foule de détails et un soupçon d’originalité font d’ENFERS un ouvrage intéressant. Par exemple, l’auteur dirige l’enquête vers deux lieux célèbres de la France : LES CATACOMBES, véritable labyrinthe dans le sous-sol parisien de 1,5 kilomètres à 20 mètres de profondeur. Le plus grand ossuaire du monde et le CIMETIÈRE DU PÈRE LACHAISE, autre lieu non moins mythique, un des plus grands cimetières du monde (45 hectares de superficie) où reposent de nombreuses célébrités.

J’avais l’impression d’être dans une visite guidée…pas du tout désagréable.

Autre détail, les deux principaux enquêteurs. Deux êtres totalement disparates : un vieux de la vieille, grincheux et mal embouché et un jeunot débutant, ce que les français appellent un *bleu* … donc sans expérience mais extrêmement brillant. Ça fait des étincelles et ça amène une agréable diversion dans une histoire froide et violente.

Pour conclure, ENFERS est un roman fort, noir et violent. La cruauté qui l’imprègne induit des passages à soulever le cœur. La plume est solide, fluide et très directe. Un petit cauchemar de 300 pages développé avec intelligence.

Suggestion de lecture : CHARADE, de Laurent Loison


L’auteur Ismaël Lemonnier

Bonne lecture

Claude Lambert

le samedi 8 novembre 2025

Défense d’entrer ! 13

Commentaire sur le livre de
 Caroline Héroux, avec la participation de Charles-Olivier Laroche

*Tout ce que je veux. Maman était contente de m’annoncer que j’y allais (au camp d’été) mais elle a fait exprès pour envoyer les jumeaux en même temps, juste pour me faite ch**r. <Je dois faire attention à mon langage, car je me suis échappé devant Mamie l’autre jour et elle m’a ramassé SOLIDE.>

Extrait : DÉFENSE D’ENTRER ! 13 VENDREDI…13 !!! De Caroline Héroux, avec la participation de Charles-Olivier Laroche. Support numérique et édition de papier : : Éditions Défendu 2020, 249 pages.

Charlot, l’authentique ado

Tout récemment, mon petit-fils, Raphaël, me proposait de lire et de commenter un livre extrait d’une série dont il raffole : DÉFENSE D’ENTRER, de Caroline Héroux, écrite avec la collaboration de son fils et d’inclure son opinion dans mon article.

Je connais bien sûr la série, ayant déjà commenter le tome 8 : VOTEZ LOLO. J’étais tombé sous le charme du livre et de la série. Sur la suggestion de Raphaël, j’ai donc sauté sur l’occasion de voir comment la série a évolué.

On continue donc de suivre Charles, appelé gentiment LOLO qui va atteindre ses 14 ans en plein camp d’été alors qu’il développe un *petit sentiment énorme* pour la belle Sarah. Malgré tout son courage, le pauvre Lolo n’est pas au bout de ses peines.

Entre temps, avec ses amis, il aura à résoudre la redoutable légende du camp : LA LÉGENDE DU VENDREDI 13 et il y a des frissons au programme et peut-être la naissance d’une phobie : *Je vais approfondir mes connaissances sur la PARASKEVIDÉKATRIAPHOBIE * (Extrait) le mot existe vraiment. C’est ainsi qu’on appelle la peur irraisonnée du vendredi 13. (Ça se glisse bien dans une conversation avec un peu de pratique.)

L’histoire est très bien bâtie, fidèle à l’image de la série, riche en aventures et en rebondissements et très proche des ados, en particulier les garçons qui, culturellement, ont plus de difficulté à apprécier la lecture. On dirait aussi que le récit semble confirmer sa nature autobiographique avec la participation active de Charles-Olivier Larouche qui connait ça l’adolescence. Au moment d’écrire ces lignes, il a seize ans.

Ici, je me permets de reconduire l’opinion que j’ai émis sur ce site en juillet 2021 concernant le tome 8 de la série DÉFENSE D’ENTRER : VOTEZ LOLO : Ce qui est frappant, à la lecture de ce livre, c’est le ton juste, précis : manière ado, parler ado, attitude ado…ado gossant, flippant, difficile à lever, difficile à coucher, possédant l’art de la réplique et…des gros mots.

Beaucoup de choses m’ont plu dans VENDREDI 13 !!! le récit rend très bien l’atmosphère d’un camp d’été pour jeunes même si les moniteurs sont quelque peu occultés. De plus, la légende du camp touchant le vendredi 13 est particulièrement bien imaginée et pourrait fort bien pousser le jeune lecteur et la jeune lectrice à se poser la fameuse question, celle qui vient consacrer la justesse de la plume: …ET SI C’ÉTAIT VRAI… Je vous laisse découvrir l’intrigue en vous disant qu’elle a été particulièrement bien soignée.

Un point très important est la présentation du livre : la variété dans la grosseur des lettres, l’utilisation des couleurs, du soulignement, des dessins et une forte ventilation du texte contribuent à traduire les émotions, les sentiments et le ressenti des personnages et rend l’ensemble extrêmement attrayant pour le jeune lectorat.

Enfin, la naissance des sentiments chez les ados et le réveil hormonal sont traités avec une infinie sensibilité. Charles est très attiré par Sarah mais il faut voir comment ça va se terminer. Caroline Héroux n’aborde pas seulement le réveil des hormones mais aussi celui de la maturité. C’est bien pensé.

Bien d’autres découvertes drôles vous attendent dans ce treizième tome de la série DÉFENSE D’ENTRER qui prend bien son temps pour vieillir. Une très belle lecture.

Suggestion de lecture : LA RÉBELLION DES CORNICHONS, de Mika


Extrait de DÉFENSE D’ENTRER 13 ! VENDREDI…13 !!!
surtout pour donner un aperçu de l’aménagement des pages.


L’autrice Caroline Héroux et son fils, Charles-Olivier Larouche
qui a collaboré activement à la série DÉFENSE D’ENTRÉE.

La collection

À LA TÉLÉ

La série a été adaptée sur ICITOUT.TV EXTRA par le réalisateur Jason Roy-Léveillée

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 2 novembre 2025

La nuit des enfants rois

Commentaire sur le livre de
BERNARD LANTERIC

*Le garçon que j’ai découvert, avant que je n’épouse sa mère, n’avait pas encore réussi à maîtriser- ou à effacer, j’ignore quelle explication est la bonne- l’invraisemblable violence qu’il porte en lui. *
(Extrait : LA NUIT DES ENFANTS ROIS, Bernard Lenteric, Olivier Orban éditeur, 1992,
Format numérique pour la présente, 294 pages.)

Une nuit, dans Central Park, à New York : sept adolescents sont sauvagement agressés, battus, certains violés. Mais ces sept-là ne sont pas comme les autres : ce sont des enfants-génies. De l’horreur, ils vont tirer contre le monde une haine froide, mathématique, éternelle. Avec leur intelligence, ils volent, ils accumulent les crimes parfaits. Car ces sept-là ne sont pas sept : ils sont un. Ils sont un seul esprit, une seule volonté. Celui qui l’a compris, Jimbo Farrar, lutte contre eux de toutes ses forces. A moins qu’il ne soit de leur côté… Alors, s’ils étaient huit, le monde serait à eux et ce serait la nuit, la longue nuit, La Nuit des enfants rois.

Quelque chose a dérapé
*-Ils veulent nous tuer tous les deux Ann. Toi et moi…
-Ils allaient te tirer dessus. Ils l’auraient fait si je ne
t’avais pas appelée…-Ils arrivent, dit Jimbo, chucho-
tant à son oreille. Elle se retourna et vit les sept qui
sortaient de l’ombre. *
(Extrait)

Dès le début de ma lecture, un petit frisson d’angoisse s’est installé dans ma colonne vertébrale et y est resté jusqu’à la fin. Malgré sa structure bizarre et son développement quelque peu déficient, ce roman a de quoi faire frémir.

L’ordinateur le plus puissant du monde appelé Fozzy et créé par un informaticien de génie, Jimbo Fararr, repère dans le monde sept enfants dont l’intelligence est quasi surnaturelle. Ce repérage a été fait dans le cadre du programme CHASSEUR DE GÉNIE développé par la fondation Killian. Chaque année, Jimbo prend contact avec chaque enfant, chaque année jusqu’à leur adolescence.

Chaque enfant ne connait aucun des six autres…jusqu’à leur adolescence où la Fondation les réunit à New-York. Un soir, alors que les sept se trouvaient à Central Park pour apprendre à se connaître, ils sont brutalement agressés et violés pour certains. C’est alors que tout bascule. À la fin de ce drame, *Les sept n’échangèrent pas un mot. Ils n’auraient désormais plus besoin de se parler pour se comprendre. * (Extrait) Car les sept étaient mus par un seul et même esprit.

*Ce qui est arrivé à Central Park a scellé l’union des sept. La fraternité dans la haine. *  (Extrait) À l’arrière-plan de cette sinistre toile…des idées d’apocalypse. Une abomination était née. Avec leur intelligence hors-norme, ils arnaquent et tuent. Et les cadavres s’accumulent.

Fararr connaissait l’énorme pouvoir des sept car il est clair qu’il faut les mettre hors d’état de nuire. L’intrigue ici est de savoir dans quel camp se trouve Fararr. Si c’est dans celui des sept, ils seraient maintenant 8 et ce serait un inimaginable désastre.

Ce livre a été réédité de nombreuses fois depuis sa publication initiale en 1981. Avec le temps, j’ai l’impression que le contenu a été modifié voir tassé. L’édition que j’ai lue comporte des longueurs pénibles portant entre autres sur les arnaques bancaires. Il y a aussi des imprécisions et des éléments manquants. Rien sur la psychologie des jeunes génies, leur passé, leur histoire. Aussi, le rôle de Fararr n’est pas toujours clair. Enfin, j’ai trouvé la finale étrange, dégageant un parfum d’inabouti.

J’ai remarqué que la masse critique est divisée sur l’archaïsme de l’informatique dont il est question dans le récit. Moi je crois que les dangers de la surexploitation technologique et informatique n’ont pas d’âge. Le principe a toujours été le même et dans le récit de Lanteric, ça ne change rien. Sept petits génies ont un pouvoir conjugué tel que le monde entier est en danger.

Le génie de Lanteric a été d’installer dès le départ une atmosphère anxiogène et de la conserver tout au long du récit mettant en relief le pouvoir diabolique des sept éclos après l’évènement de Central Park qui est le point de bascule de l’histoire. La précision des meurtres et la cruauté froide et indifférente qui suivront sont à faire blanchir les lecteurs/lectrices.

Malheureusement, l’aspect dramatique de l’histoire est quelque peu noyé dans les interminables palabres sur les arnaques financières, les itinéraires compliqués des voyages de Fararr et la complexité des relations entre Jimbo et deux femmes.

Malgré tout, j’ai aimé. Ce livre m’a fait un effet…disons plutôt décoiffant…

Suggestion de lecture : LES ENFANTS DE MINUIT, de Salman Rushdie

Bernard Lenteric, nom de plume de Bernard Bester, né à Paris le 19 janvier 1934 et mort dans la même ville le 24 mars 2009, de la maladie de Charcot, est un écrivain et un producteur de cinéma français, auteur de nombreux best-sellers. Par exemple, Bernard Lenteric publie en 1993 Les Maîtres du pain, une saga familiale adaptée la même année à la télévision en deux parties. Il a également publié L’Empereur des rats, un roman fantastique qui met en scène des rats transgéniques. Pour ce roman, il s’est inspiré des Fourmis de Bernard Werber, après lui en avoir demandé l’autorisation.

DU MÊME AUTEUR

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 1er novembre 2025