DÉLIVREZ-NOUS DU MAL, de Romain Sardou

 

*Tu vas bientôt assister à la plus étonnante surprise
de l’ère chrétienne depuis… depuis que des soldats
romains sont revenus un matin pour trouver vide le
tombeau du Christ ! *
 
(Extrait, DÉLIVREZ-NOUS DU MAL, prologue, Romain
Sardou, XO éditions, 2008, format numérique, 335
pages)

Quercy, XIIIe siècle.

Dans un village perdu, une troupe d’hommes en noir enlève un enfant. Le prêtre du village décide de se lancer à la poursuite de ses ravisseurs. Les indices qu’il glane à mesure de sa quête lui font craindre d’être mêlé à une terrible affaire de sorcellerie… Mais il n’est pas le seul à s’intéresser à l’enfant. Pendant ce temps, à Rome, Bénédict Gui se voit confier une mission spéciale : retrouver le frère de la belle Zapetta, qui travaille pour la mystérieuse Sacrée Congrégation.
Dans un Moyen Age hanté par les querelles religieuses, où le pouvoir de l’Église est plus fort que jamais, se noue une intrigue dont les fils remontent jusqu’au Vatican

Les petites victimes
des jeux de pouvoir
*Cette vision d’horreur pétrifia Aba et les enfants.
– Si tu fais encore un geste, le curé, j’en épingle
d’autres comme cela sur tous tes murs, mugit
l’assassin en direction du prêtre.
(Extrait)

Au cœur du Moyen-âge en Europe, des enfants disparaissent, enlevés par de mystérieux hommes en noir, des cardinaux sont assassinés ou portés disparus. Le Père Aba recherche activement le jeune Perot et parallèlement, un enquêteur de Rome recherche un jeune homme disparu, Rainerio qui était au service d’un puissant Cardinal de la Sacré Congrégation appelée dérisoirement la machine à faire des Saints. C’est elle qui décide qui sera canonisé en analysant les miracles faits par les candidats.

Il appert d’une part, que les miracles, les saints et les candidatures à la canonisation font l’objet d’un trafic très lucratif et pour protéger l’organisation, on n’hésite pas à tuer, à éliminer les gêneurs ou ceux qui en savent trop. Et d’autre part, les enfants disparus ont un point en commun. Ils ont chacun un don surnaturel. Toutes ces capacités miraculeuses réunies pourraient décupler la puissance des cardinaux. Pas étonnant que le meurtre et la cruauté soient florissants.

Voici un thriller médiéval très addictif ayant comme toile de fond la crasse qui a incrusté l’Église pendant des siècles, sa puissance et sa cruauté. C’est un récit violent. Évidemment, l’auteur ne réinvente pas la roue avec un récit ayant comme thème l’Église sauf qu’ici, il est question d’un trafic très particulier : le trafic des saints et des miracles dans le but de renforcer la dévotion et augmenter considérablement les dons des fidèles.

La motivation de cardinaux corrompus jusqu’à la moelle est renforcée par l’exploitation de quelques enfants ayant des pouvoirs extraordinaires. L’auteur maîtrise fort bien son sujet et propose au passage une analyse de certains miracles et précise même qu’une agence catholique s’est donné comme but d’expliquer chaque miracle des saintes écritures pendant que d’autres organisent des simulacres de miracles.

Cette histoire m’a tenu en haleine. Le rythme est rapide et les personnages sont travaillés. Le jeune Perot, l’enfant sûrement le plus prodigieux du groupe a été pour moi un important générateur d’émotions. L’auteur met aussi talentueusement en perspective une époque très vaste où il n’y a rien de plus fort que l’Église, un big brother aussi puissant que corrompu.

La plume de Sardou est forte mais pas toujours facile à suivre. Il faut porter attention mais ça vaut la peine ne serait-ce que pour savoir où il veut en venir avec la petite touche de fantastique qu’il a imprégné à son roman. Malgré une très sensible impression de déjà vu, équilibrée finalement par la qualité de l’intrigue et la sensibilité du sujet, la manipulation des enfants étant une corde sensible et très délicate, j’ai passé un beau moment de lecture.

Suggestion de lecture : LE NOM DE LA ROSE, d’Umberto Eco

Issu d’une longue lignée d’artistes, Romain Sardou, né en 1974, se passionne très jeune pour l’opéra, le théâtre et la littérature. Après quelques années à Los Angeles, où il écrit des scénarios pour enfants, c’est en France qu’il publie chez XO son premier roman, un thriller médiéval, Pardonnez nos offenses (2002), qui connaît aussitôt un immense succès, ainsi que les suivants L’Éclat de Dieu (2004) et Délivrez-nous du mal (2008).

Exploitant d’autres rivages romanesques, Romain Sardou a également publié trois contes d’inspiration dickensienne, ainsi qu’un thriller contemporain, et un roman philosophique, Quitte Rome ou meurs (2009). Il explore maintenant l’histoire de la naissance de l’Amérique dans le premier volume de sa nouvelle trilogie, America, La treizième colonie (2010).

 

Du même auteur…
le livre précédant DÉLIVREZ-NOUS DU MAL

Romain Sardou est le fils du célèbre chanteur Michel Sardou

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 10 décembre 2023

SAUVAGE, le livre de Jamey Bradbury

*…c’était la chose la plus jolie que j’ai jamais vue et je
brûlais d’envie de le fourrer dans ma poche, mais
j’avais peur de le prendre, peur de passer la porte
avec le sac et le couteau…peur de ne pas pouvoir
revenir si je le faisais. *
(Extrait : SAUVAGE de Jamey Bradbury, à l’origine,
Galmeister éditeur, 2019, 313 pages. Version audio :
Lizzie éditeur, 2019, durée d’écoute : 11 heures 17
minutes. Narratrice : Karl-Line Heller)

À dix-sept ans, Tracy Petrikoff possède un don inné pour la chasse et les pièges. Elle vit à l’écart du reste du monde et sillonne avec ses chiens de traîneau les immensités sauvages de l’Alaska. Elle respecte les trois règles que sa mère lui a dictées : «ne jamais perdre la maison de vue », «ne jamais rentrer avec les mains sales » et surtout «ne jamais faire saigner un humain ». Jusqu’au jour où, attaquée en pleine forêt, Tracy reprend connaissance, couverte de sang, persuadée d’avoir tué son agresseur. Ce lourd secret la hante jour et nuit. Une ambiance de doute et d’angoisse s’installe dans la famille, tandis que Tracy prend peu à peu conscience de ses propres facultés hors du commun.

Du rouge et du blanc
* On ne peut pas fuir la sauvagerie qu’on a en soi. *
(Extrait)

C’est un roman étrange mais très fort, développé dans un cadre glacial et pourtant, l’histoire est chaude et imprégnante. Le personnage principal me rappelle Turtle Alveston, l’héroïne de MY ABSOLUTE DARLING. Ceux et celles qui ont pu lire ce chef d’oeuvre de Gabriel Tallent se rappelleront cette jeune fille que son père abuseur appelait Croquette. Une jeune caractérielle de 14 ans, attachante, une battante.

Dans SAUVAGE, nous entrons dans l’intimité d’une jeune fille de 17 ans, Tracy, rebelle, agressive, volontaire et c’est aussi une battante. Les ressemblances s’arrêtent là mais le lien demeure enveloppant et intéressant. Dans SAUVAGE, après avoir été attaquée dans une intense forêt de l’Alaska, Tracy se réveille couverte de sang, certaine d’avoir tué son agresseur. Elle décide de garder le secret, mais il pèsera lourd.

Alors qu’entreront dans sa vie des personnages mystérieux et inquiétants : Tom, agresseur en liberté, Jesse, arrivé de nulle part pour s’installer dans la famille Perikov, le tout assorti d’une passion pour les chiens et les courses, Tracy prend graduellement conscience d’une faculté exceptionnelle qu’elle développe tout au long du récit. Vous dire de quoi il s’agit équivaudrait à tout révéler mais ce don vient donner au récit un caractère fantastique qui cadre bien avec les forêts de l’Alaska, enveloppées de neige et de mystère.

J’ai été captif de cette histoire qui n’est pas sans rappeler certains romans de Stephen King qui prête à des jeunes personnages des pouvoirs surnaturels, CARRIE ou LES ENFANTS DU MAÏS par exemple. SAUVAGE est un thriller psychologique à tension élevé qui regroupe plusieurs éléments du conte initiatique. La pièce maîtresse de l’oeuvre est encore l’imagination de l’auditeur et de l’auditrice, l’auteure y a vu, à cause du non-dit, de l’atmosphère, d’une espèce de vide autour de Tracy qu’il appartient à l’auditeur de combler.

J’ai trouvé le suspense totalement immersif. Le dernier quart du récit m’a particulièrement impressionné jusqu’à une finale que je n’aurais jamais pu prévoir, dure, déroutante mais parfaitement cohérente. Autre élément important, la nature alaskaine tient une place importante et ajoute au caractère attractif de l’histoire et puis, il y a les chiens, l’affection de Tracy pour cet animal qui tient une place si importante dans la vie de l’Alaska à cause des courses mais aussi à cause du fait que dans cette histoire, les chiens symbolisent une irrésistible recherche de liberté et de compréhension dans tout ce qui dépasse Tracy.

C’est un roman fort, troublant et profond qui ne vous laissera pas indifférent. Je le recommande sans hésiter.

Jamey Bradbury est née en 1979 dans le Midwest. Après avoir obtenu une maîtrise en beaux-arts de l’Université de Caroline du Nord, elle est tombée amoureuse de l’Alaska et s’y est installée. Elle partage son temps entre l’écriture et l’engagement auprès des services sociaux qui soutiennent les peuples natifs de l’Alaska. Chaque année, elle fait partie de l’équipe des bénévoles encadrant l’Iditarod, la célèbre course de chiens de traîneau dont elle s’est inspirée pour écrire son œuvre. Sauvage est son premier roman et a reçu le Prix Littérature Monde Étonnants Voyageurs de Télérama.

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

LE NOUVEAU MAÎTRE DU THRILLER, de Paul Colize

LIVRE AUDIO

*À mon tour je me suis levé, il m’a tendu la main,
au moment où il l’a refermée sur la mienne, un
imperceptible mouvement de recul m’a parcouru.
Mon instinct de survie m’envoyait un message de
détresse. Je n’en ai pas tenu compte.*
(Extrait : le nouveau maître du thriller, Paul Colize, 2019
Audible éditeur. Durée d’écoute : 6 heures 21 minutes,
narrateur : Pierre Rochefort.)

Laurent Volter, célibataire, 31 ans, mène une vie bien tranquille en travaillant comme chef de ventes de canapés chez Séduction de cuir. Ardu à la tâche, il ne ménage ni sa salive ni sa sueur pour satisfaire Tony, son supérieur hiérarchique, dont la vie en entreprise est régie par une seule loi, celle des trois F :

Find the customer
Fuck the customer
Forget the customer

Lorsqu’il ne se démène pas pour appliquer ce bon principe, Laurent pratique le jogging, collectionne les conquêtes sans lendemain et écrit des thrillers haletants. Malgré le succès confidentiel et les ventes rachitiques de ses opus, il est persuadé de posséder un immense talent et s’attend à être reconnu comme le nouveau maître du thriller.
Sa vie va prendre un tour nouveau lorsqu’un célèbre avocat lui propose une affaire délicate : rédiger la biographie d’un de ses clients, mais pas n’importe lequel – Max Tonnet, l’homme d’affaire le plus puissant de Belgique… jusqu’au jour où le Tribunal criminel de Monaco l’a condamné à vingt ans de réclusion pour homicide volontaire.

Volter trouve l’offre trop alléchante pour être refusée bien qu’il sente qu’il y a anguille sous roche. Le voici alors parti sur les traces d’un meurtre bien inhabituel entre Monaco et Bruxelles, bien plus enfoncé dans cette affaire qu’il ne l’a jamais été dans ses canapés de cuir…

Une affaire inconfortable
*-À quoi ressemblait le jeune homme qui vous a importuné
ce matin? Je lui ai décrit Ratish dans les grandes lignes.
– C’est noté. Ce garçon ne devrait plus vous tourmenter !…*
(Extrait)

L’histoire est intéressante. Elle est un peu abracadabrante, quelque peu prévisible mais elle est brillamment racontée. Voici donc l’histoire de Laurent Volter, humble vendeur de canapés dans un magasin de meubles dirigé par un mufle. C’est un homme simple, pas très adroit en amour, aime et pratique le jogging et il a une passion: il écrit des thrillers. Lui considère que ses histoires sont géniales et haletantes mais disons que le succès est plutôt discret.  Un jour, un avocat très huppé offre à Volter d’écrire la biographie d’un de ses plus prestigieux clients: Max Tonnet, condamné à 20 ans de prison pour meurtre. L’écrivain vendeur de canapés accepte l’offre.

En débutant ses démarches, Laurent s’aperçoit que quelque chose cloche. Ce qui, au départ, devait se limiter à des recherches pour la rédaction d’une biographie devient une véritable enquête qui fera vivre à Laurent Volter les huit semaines les plus folles et les plus improbables de sa vie, suffisamment en tout cas pour donner une toute nouvelle impulsion à ses thrillers. Ici, Laurent joue sa vie pour faire triompher sa conviction. Il vit un thriller…rien de moins.

Il y a beaucoup de garniture dans cette histoire et un peu de confusion. Le début est sensiblement chaotique. C’est un peu long pour embarquer dans l’histoire mais une fois accroché au fil conducteur qui est assez solide, les auditeurs et auditrices peuvent suivre une histoire peut-être un peu tirée par les cheveux mais avec un rythme relativement élevé et un développement constant.

L’histoire est simple. Il est facile de la suivre. J’ai trouvé aussi l’idée d’imbriquer la notion de thriller dans l’histoire originale car elle laisse à penser que le vécu d’un auteur vient compléter l’imagination et à la rigueur, l’intuition. Les personnages dans l’ensemble sont assez superficiels. Celui de l’avocat frôle un peu la caricature. Par contre, Laurent Volter est un personnage bien travaillé et je me suis surpris, comme auditeur, à le trouver attachant et amical.

Comme cela se produit occasionnellement dans l’univers du livre audio, la narration est la principale force de cette œuvre de Colize. Pierre Rochefort a réussi à mettre en valeur ce livre en mettant de côté ses petits travers. Un bon narrateur est le plus précieux allié qu’un auteur puisse trouver. Dans ce cas-ci. Pierre Rochefort déploie une véritable <voix-orchestre>.

Si certains personnages sont plus grands que nature comme Max Tonnet par exemple, ou mieux encore, l’avocat qui est particulièrement haut-perché, Rochefort a un registre vocal précis et spécifique pour chacun des principaux personnages. Sa prestation est parfaite. Ce livre n’est pas une trouvaille littéraire que je qualifierais de géniale mais mes sentiments penchent en sa faveur.

Suggestion de lecture : MORT À CRÉDIT, de Louis-Ferdinand Céline

Paul Colize est un romancier belge né à Bruxelle en 1953.
Grand passionné de romans policiers depuis son plus jeune âge, ses romans se caractérisent par une documentation fouillée, une intrigue sophistiquée et un grand sens de l’humour. Sa carrière comprend une succession de prix prestigieux. Entre autres,  Le prix polars Pourpres pour *un long moment de silence*, le prix Saint-Maur pour Back up et le Prix des lecteurs Sang d’Encre pour « Concerto pour 4 mains ». Pour consulter la liste complète, visitez Wikipédia.

Le narrateur, Pierre Rochefort est acteur, tout comme son célèbre père : Jean Rochefort. Il a participé à une dizaine de film et jouer au théâtre. La voxographie est une nouvelle corde à son arc.

Bonne écoute
Claude Lambert
Le samedi 30 septembre 2023

 

L’IMMORTEL, de FRANZ-OLIVIER GIESBERT

*Écoute-moi bien, petit. Si tu ne règles pas ce
problème d’ici la fin de semaine, c’est toi qui
va devenir un problème et tu sais ce que je
fais avec les problèmes, moi, hé, tu le sais ? *
(Extrait : L’IMMORTEL, Franz-Olivier Giesbert,
J’ai lu éditeur, 2008. Pour la présente, Flammarion
2007 au format numérique. 255 pages. Coll. Policier)

Un homme est laissé pour mort dans un parking avec 22 balles dans le corps. Contre toute attente, il ressuscitera avant de se venger de ses ennemis. C’est l’histoire d’un Monte-Cristo des temps modernes, un suspense inspiré de faits réels mais où tout est inventé, au cœur du milieu marseillais. Dans ce roman dont Marseille est le héros, toute ressemblance avec des personnages ayant existé n’est pas toujours fortuite. L’auteur a fait du vrai avec du faux et du faux avec du vrai. C’est pourquoi, ici, tout est vrai et tout est faux, comme dans les livres, comme dans la vie, comme en Provence.

 

Un Monte-Cristo des temps modernes
*Recouverte d’un mélange de sang et de cervelle,
Lorraine resta un long moment interdite, avec un
rictus de stupéfaction, la bouche ouverte. On aurait
dit une petite fille qui vient de renverser sur elle un
pot de confiture de groseilles. *
(Extrait)

L’IMMORTEL est un drame policier très violent ayant comme thème central la mafia marseillaise et développe comme ça se produit souvent dans les histoires de mafia un règlement de compte entre le parrain des parrains, Gaby Caraccella, appelé le Rascous et un parrain nommé Charly Garlaban. Ce dernier, disgracié est devenue victime de la loi de la pègre et fut transformé en gruyère par 22 balles :

*En quelques secondes, Charly Garlaban était devenu un grand lambeau de chairs pantelantes, de gruyère de viande, une estrasse sanglante. Il avait reçu vingt-deux balles dans le corps quand un homme encagoulé s’approcha et, après avoir constaté l’étendue des dégâts, laissa tomber : <Il est cuit>* (Extrait)

Garlaban était effectivement mal en point mais pas cuit. En effet, il a miraculeusement survécu et s’en est même remis exception faite de quelques petites faiblesses. C’est ainsi que Charly est devenu L’IMMORTEL dont le premier souci fut d’éliminer chaque membre de l’escouade de bandits qui lui a tiré dessus. Mais un mystérieux personnage que le lecteur aura à découvrir devance l’IMMORTEL dans ses intentions.

D’abord pour suivre ce roman, à toutes fins pratiques il faut avoir en main un dictionnaire de l’argot marseillais :*Il faut en finir avec tous ces minus à la gâchette facile, les exterminer, les escagasser, les espoutir. Ces roudoudous tuent le métier…on va lui montrer qu’on est pas tchoutchous…il exécrait les bougnettes sur les chemises ou les racadures qui jonchent les rues et les rompe-culs de Marseille. * (Extrait) Difficile à comprendre.

J’ai l’impression que c’est une tendance chez les auteurs, éditeurs et traducteurs de croire que les livres français sont boudés par la francophonie internationale. Cette tendance se transforme en faiblesse. Une petite liste de définitions aurait été la bienvenue à la fin du volume ou quelques renvois en bas de page. Autre fait à noter, cette histoire ne réinvente pas la roue et tranche par son extrême violence. Il y est aussi banal de tuer que de boire un verre d’eau. Rien de neuf ni d’original. L’auteur a misé sur ses personnages auxquels il est malheureusement difficile de s’attacher.

En bref, on a ici quelques centaines de pages de tueries. C’est très gros jusqu’à en être un peu caricatural. Parmi les forces, je dirais que c’est bien écrit et que c’est fluide pour ce qui est du développement plus que du langage. On y trouve un peu d’humour, noir surtout. Les lecteurs et lectrices découvriront Marseille, la plus ancienne ville de France, aujourd’hui avec 1,000,000 d’habitants, devenue un centre portuaire de premier plan.

On sent bien que l’auteur est tombé follement amoureux de cette ville. Ça transpire dans chaque page de L’IMMORTEL. Malheureusement, ça rend le tout un peu lourd. Côté action, c’est efficace. Le récit est écrit à la façon d’un scénario.

Ça se lit quand même assez bien et assez vite…un dernier mot…pas fort fort la tentative de l’auteur d’humaniser les truands. Ça décrédibilise l’ensemble. Malgré tout, c’est un bon livre…bon. Pas plus !

Suggestion de lecture : MALAVITA, de Tony Benacquista

Franz-Olivier Giesbert est né en 1949 dans le Delaware aux États-Unis. C’est un auteur, biographe, journaliste et présentateur de télévision exerçant en France. Sa carrière est impressionnante et parfois controversée. Pour en savoir plus sur Franz-Olivier Giesbert, consultez le dossier complet publié sur Wikipédia.

 

L’IMMORTEL AU CINÉMA

L’adaptation cinématographique porte aussi le titre de L’IMMORTEL, réalisée et coscénarisée par Richard Berry d’après le roman de Franz-Olivier Giesbert, sortie en France en 2010. Richard Berry est également dans la distribution aux côtés de Jean Reno (sur la photo) et Kad Merad.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 24 septembre 2023

BIENVENUE EN UTOPIE, de Jean-Jacques Hubinois

*Ces meurtres qui flétrissaient l’image de la ville
et par ricochet Utopie tout entière, révélaient,
si besoin, la vraie nature des hommes. Les canards
locaux s’étaient saisis de l’affaire, titrant à la une
<Un nouveau Jack l’Éventreur en Utopie>. *
(Extrait : BIENVENUE EN UTOPIE, Jean-Jacques
Hubinois, Morrigane éditeur, 2019, numérique, 300p.)

2024 : Sur la plaque de déchets du Pacifique Nord, au large d’Hawaï, un mécène visionnaire a érigé Utopie, territoire futuriste et écologique, grand comme six fois la France, où violence et crime n’ont pas droit de cité. Une nouvelle chance pour l’homme ! Pourtant, une série de meurtres abominables vient troubler cette harmonie. De découverte surprenante en identification effroyable, un ancien commissaire mettra à jour une impensable vérité

La perfection qui dérape
*Il enserrait l’organe de plus en plus fort de ses doigts menus
jusqu’à le sentir palpiter dans le creux de sa main. Puis, tout
explosait pendant qu’un liquide chaud, épais, s’échappait par
saccades entre ses doigts refermés sur l’objet convoité…Quand
la bête de Satan s’était tue et que le petit cœur dans sa main
recroquevillée n’était plus qu’un objet sans vie, il portait ce
fruit vermeil à sa bouche. *
(Extrait)

J’ai été conquis par ce roman original, même si l’auteur a opéré un virage en règle dans le développement de son sujet en cours de récit. Je m’attendais en effet à un récit à saveur environnementale mais j’ai finalement été aiguillé sur les technologies symbiotiques et les manipulations biosynthétiques. Mais peu importe car l’œuvre soulève de nombreuses questions sur l’éthique par exemple, les dérives scientifiques et la compréhension de la nature humaine, ce dernier point faisant trop souvent cruellement défaut.

Tout le récit repose sur le rêve excentrique d’un mécène multimilliardaire, Harry Murloch…rêve qui consiste à créer un monde parfait, sans criminalité aucune, paisible et progressiste, le tout installé sur des dizaines de mètres d’épaisseur de déchets de plastique surtout.

Imaginez : une surface continentale ayant six fois celle de la France et reposant sur trente mètres d’épaisseur de déchets, rendant la surface stable et habitable. Mais le rêve de Murloch allait plus loin : créer un monde stérilisé, sans crime ni exploitation, l’immigration étant fortement filtrée, passée au peigne fin. Un monde parfait. Pas étonnant qu’il ait pour nom UTOPIE.

Mais notre bon Murloch, qui en passant a beaucoup de choses à cacher a fortement surestimé la nature humaine. Il a oublié que le non-respect des règles est atavique chez l’homme. Et comme je m’en doutais, un loup est entré dans la bergerie : un psychiatre avec des jeunes patients autistes. C’est ici que le récit prend des allures de thriller noir car des meurtres d’une cruauté qui va au-delà de l’imagination seront commis. Ça met le service de police dans tous ses états car Utopie n’est pas sensé connaître la violence.

C’est ainsi que le lecteur et la lectrice sont entraînés dans ce qui a toutes les apparences d’un complot ou on trouve de tout sauf des scrupules. C’est là aussi que j’ai été sensibilisé au mariage douteux entre la biologie et la manipulation biotechnologique. Je vous laisse découvrir le lien entre le continent de rêve et le cauchemar qui va s’ensuivre mais c’est fort bien développé et bourré de trouvailles fort bien imaginées.

Il y a des longueurs bien sûr avec de fastidieuses explications sur la viabilité d’Utopie, beaucoup de détails techniques. Mais dans l’ensemble, c’est crédible. Il me reste à vous avertir que l’auteur ne fait pas dans la dentelle. C’est violent et il vous faudra avoir par moment le cœur solide : <Tout était prêt pour un très proche usage. Il pensa avec délectation aux supplices réservés à sa prochaine victime. Il allait se surpasser !> (Extrait) Le meilleur est à venir…ou le pire…c’est selon.  Excellent divertissement.

Suggestion de lecture : LE PAPILLON DES ÉTOILES, de Bernard Werber


l’auteur Jean-Jacques Hubinois

Naissance à Reims le 24 mars 1953.
Très tôt, Jean-Jacques Hubinois a voyagé dans les livres. Et grandi parmi eux, conseillé par un père attentif à son éducation littéraire. Il mène des études de médecine au terme desquelles il s’installe comme ORL à Saint-Denis en 1983. Passionné d’histoire, il veut créer un Arsène Lupin commissaire, démêlant avec éclat et panache les plus effrayantes énigmes policières.

Après un premier ouvrage publié sous le pseudonyme de Jacques Dianajan, Le Crime du Pont-Neuf (Édilivre), l’auteur reprend son personnage principal, le commissaire Bertillon et l’implique dans une nouvelle affaire dans un deuxième roman, Les Cagnards de l’enfer (Les 2 encres). (K-libre)

DU MÊME AUTEUR

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 24 juin 2023

PROJET ANASTASIS, le livre de Jacques Vandroux

*Alpha tira trois objets métalliques de son sac. Sans hésiter,
il les lança dans la foule compacte. Il se mit rapidement à
l’abri derrière la colonne. Quand la première grenade explosa,
la stupéfaction gagna la foule. Les deux explosions suivantes
espacées de quelques secondes, transformèrent l’église en un
temple de souffrance.
(Extrait : PROJET ANASTASIS, Jacques
Vandroux, Robert Laffont éditeur, 2017, format numérique, 530
pages en version brochée)

Jean Legarec, responsable d’une agence privée de renseignements, est un expert en affaires sensibles. Mais il est loin d’imaginer ce qui l’attend lorsqu’il accepte d’enquêter sur la disparition d’un enfant, enlevé lors du chaos qui a suivi un attentat perpétré à Notre-Dame de Paris. Très vite, Legarec découvre qu’il ne s’agit pas d’un « simple » kidnapping, mais d’un large complot dont les racines remontent au Troisième Reich. Aidé de Béatrice, la tante du garçon, il va devoir plonger au cœur des heures les plus sombres de l’histoire européenne. Et ce, alors même que son attirance grandissante pour Béatrice menace d’obscurcir son jugement… Parviendra-t-il à  sauver un enfant innocent de cette toile infernale ?

Une brique de chaos
*…Pourtant qui sait ce que ces médecins ont découvert ?
Qui sait à quelles atrocités ils se sont livrés pour
satisfaire leurs fantasmes de toute-puissance ?
Comment pouvons-nous enquêter dans cette
direction?
(Extrait)

Peu de choses à dire sur cette histoire un peu réchauffée et sans grande originalité. Le roman est classé thriller historique parce que l’auteur le fait évoluer dans les heures sombres de l’humanité. Jusque là ça va mais le développement est plutôt abracadabrant et n’offre pas grand-chose de neuf : d’un côté, un ennemi sans états d’âme, le nazisme ressuscité grâce à la génétique et de l’autre, un héros sans peur et sans reproche style James Bond.

Là où ça devient un peu plus intéressant, c’est que, à enquêter sur la disparition d’un enfant, l’auteur va nous faire plonger dans une des périodes les plus dramatiques de l’histoire européenne donnant au récit une dimension historique captivante.

Les personnages sont aussi intéressants car l’enquêteur Jean Legarec va s’entourer d’une équipe de collaborateurs qui donneront de la couleur au récit : un survivant des camps de la mort, encore vigoureux (comme trop beau pour être vrai), un militaire, quelques diplomates, une historienne allemande…disons très ouverte, et une énigmatique alsacienne.

Donc, dans ce thriller, il y a des valeurs sûres malgré une forte impression de déjà vu qui ne ma jamais vraiment laissé en cours de lecture. Le thème central de l’œuvre garde toutefois toute son actualité : Le terrorisme et une batterie de sous-thèmes dont la domination, le pouvoir, l’argent…

Le style de l’auteur favorise une lecture rapide et agréable. Le rythme est rapide et même haletant par moment. On est cependant très loin du chef d’œuvre littéraire. C’est bourré de clichés, naïf et de nombreux passages sont tirés par les cheveux.

Je dois dire cependant que la plume de l’auteur favorise une bonne mise en image dans l’esprit du lecteur. L’écriture me rappelle un peu un scénario de film. Ce roman a donc des forces intéressantes mais il ne bousculera pas la littérature. C’est pour moi le genre de livre qu’on oublie plutôt facilement en attendant un livre qui renouvellera vraiment le genre.

Suggestion de lecture : L’ÉTRANGE DISPARITION D’AMY GREEN, de S.E. Harmon

Ingénieur de formation, Jacques Vandroux a commencé à écrire dans le train et dans l’avion, au cours de ses nombreux déplacements professionnels. Il y a vite pris goût et a décidé de s’autopublier afin de partager ses histoires au grand public. Et le succès a été au rendez-vous puisqu’il est devenu, en moins de cinq ans, un véritable phénomène de l’autoédition, avec plus de 370 000 exemplaires vendus dans le monde.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 28 mai 2023

L’ÉGARÉE, le livre de Donato Carrisi

*Au moment où son visage enfantin s’évanouissait devant elle,
Samantha ne décela aucune peur dans ses yeux. Juste un éclair
de surprise. Tandis que le lapin l’entraînait dans son terrier,
Sam n’imagina pas que ce serait la dernière fois qu’elle verrait
son image…avant très longtemps…*
(Extrait : L’ÉGARÉE, Donato
Carrisi, livre 3 de la série LE CHUCHOTEUR, version audio, Audiolib
éditeur, 2019.Durée d’écoute : 8 heures 49 minutes, narrateur :
Antoine Tomé. À l’origine, Calmann-Lévy éditeur, 2018, papier, 28 p.)


Un labyrinthe secret plongé dans l’obscurité. Un bourreau qui y enferme ses proies. Une victime qui parvient à s’en échapper, mais sans le moindre souvenir. Un effroyable combat pour retrouver la mémoire, et une enquête à hauts risques pour traquer celui qui continue à agir dans l’ombre… Le dernier  volet tant attendu du Chuchoteur.

 

Le tueur à tête de lapin
*De l’autre côté de la vitre, dans l’ombre, se tenait un
lapin géant. Qui l’observait, immobile. Samantha   
aurait pu prendre la fuite – une partie d’elle-même
le lui ordonnait, et au pas de course –, mais elle n’en
fit rien. Elle était fascinée, hypnotisée par ce regard qui
émergeait de l’abîme.*
(Extrait)

L’ÉGARÉE est un thriller psychologique de forte intensité, noir et complexe. Quoiqu’audible indépendamment, je considère préférable d’avoir lu ou écouté les deux premiers tomes pour saisir toute la portée de l’histoire et sa mécanique littéraire…une façon de dire que je me suis senti manipulé par l’auteur pour ne pas dire en bon québécois qu’il a joué sur mes nerfs. Dès le départ, il ne faudra pas mettre en doute l’habileté de l’auteur à nous faire frissonner et nous faire égarer dans nos sentiments. Il faut donc rester attentif.

Quinze ans après sa disparition alors qu’elle n’avait que treize ans, une jeune fille, Samantha Andretti est retrouvée sur le bord d’une route, une jambe brisée. Elle venait apparemment de s’échapper du labyrinthe, un endroit sinistre où elle était séquestrée par un psychopathe. La police enquête mais parallèlement, les parents de Samantha engagent un détective privé, Bruno Genko, chargé d’aller au bout de ses affaires, un homme opiniâtre que la médecine a déjà condamné à mort par arrêt spontané du cœur pouvant se produire à tout moment. Genko est un personnage fascinant qui marche vers la mort d’une façon ou d’une autre.

C’est un roman très fort qui garde sous tension pendant toute la durée de la narration. En fait, c’est une des intrigues les plus tordues qu’il m’a été donné de lire ou d’entendre. Suivez spécialement les dialogues entre Samantha et le psychiatre qui la suit, le docteur Green. Vous pourriez réaliser comme moi que tout peut n’être qu’apparence dans ce thriller dont le poids psychologique nous saisit comme un long choc électrique.

*Quand je parle de danger, je veux dire qu’il est capable d’une méchanceté que ni toi ni moi ne pouvons imaginer… Green l’a qualifié de « sadique virtuose ». * (extrait) Les personnages sont particulièrement bien travaillés et le profil psychologique du psychopathe secoue l’auditeur/lecteur tellement il est dérangeant. La corde est sensible en effet parce que les victimes visées sont des enfants et pour ce psychopathe sans âme il est moins important de tuer que de transformer.

Vous pouvez faire tous les pronostics que vous voulez pour trouver qui est le tueur, l’auteur les détournera un par un jusqu’à la grande finale qui m’a laissé pantois et qui démontre que l’auteur du chuchoteur, qui a créé Mila Vasquez est un maître, rien de moins.

C’est une audition ou une lecture qui ébranle à plusieurs égards. Les détournements de situation et les nombreux rebondissements obligent l’auditeur à rester alerte. Il y a aussi de nombreux passages rien de moins qu’hallucinants. Je veux aussi noter au passage, que dans la version audio, Antoine Tomé s’est laissé aller à un chef d’œuvre de narration. Il a fortement contribué à mon addiction avec une maîtrise vocale traductrice de sentiments et d’émotions.

Une performance impeccable. Je crois que ce livre vous fera passer un bon moment. Le fil conducteur est un peu instable. On a l’impression que parfois l’intrigue prend plusieurs directions. Cela se produit souvent dans les thrillers de ce calibre. Mais au risque de vous laisser mener par le bout du nez par un auteur doué, laissez-vous aller…vous aimerez je crois.

Suggestion de lecture : LES LUCIOLES, de David Menon

Né en 1973, Donato Carrisi est l’auteur d’une thèse sur Luigi Chiatti, le « Monstre de Foligno », un tueur en série italien. Juriste de formation, spécialisé en criminologie et sciences du comportement, il délaisse la pratique du droit pour se tourner vers l’écriture de scénarios. Le Chuchoteur, son premier roman, est un best-seller international et a remporté de nombreux prix littéraires, dont le Prix SNCF du polar européen et le Prix des lecteurs du Livre de Poche en 2011. La Fille dans le Brouillard a fait l’objet d’une adaptation cinématographique réalisée par l’auteur lui-même avec, entre autres, Jean Reno. Donato Carrisi est l’auteur de thrillers italiens le plus lu au monde. 

Les premiers livres

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
Le samedi 6 mai 2023

COMME UNE TOMBE, de Peter James

*On lui colla un magasine entre les mains. Dans le faisceau de la torche, il entr’aperçut une rousse nue avec des seins énormes. Une bouteille de whisky, une petite lampe de poche allumée et un walkie-talkie atterrirent sur son ventre…un tube en caoutchouc au bout écœurant fut enfoncé dans sa bouche.* (Extrait : COMME UNE TOMBE, Peter James, version audio, Lizzie éditeur, durée d’écoute 11 heures 54, narrateur :Arnaud Romain, édition de papier aussi disponible )


Mauvaise blague : Michael se retrouve dans un cercueil six pieds sous terre avec du whisky et une revue érotique pour son enterrement de vie de garçon. Les heures passent, personne ne vient le chercher, la fiancée s’inquiète et fait appel à Roy Grace. Pour le localiser, l’inspecteur n’a qu’une seule piste : les témoins du mariage, tous morts dans un accident de voiture…

 

Au pied de la lettre
*Michael regarda en l’air. Son nez touchait presque
le couvercle. Dans le faisceau de la lampe, rien
d’autre qu’une tenture enveloppante de satin
ivoire. Il essaya de bouger les jambes, impossible.
D’écarter les bras, idem. Dégrisé, l’espace d’un
instant, il comprit soudain dans quoi il était
allongé. *
(Extrait)

Roman noir, très fort avec une intrigue tissée serrée. L’auteur semble avoir trouvé le ton juste au point que j’avais l’impression de manquer d’air spécialement dans les passages évoquant Michael Harrison couché dans un cercueil six pieds sous terre.

*les mauvais amis sont ceux qui vous enterrent vivant, ivre et endormi, pour vous faire une blague. Les mauvais amis sont ceux qui trouvent le moyen de mourir dans L’heure qui suit. L’inspecteur Roy Grace, luttant contre le temps et la raréfaction de l’oxygène est, dans la circonstance, votre seul ami. *  (Extrait)  En plus, on a pris soin de sceller le cercueil solidement avec un petit trou pour faire passer de l’air. Une blague d’enterrement de vie de garçon…douteuse, basse, macabre voire cruelle.

Évoquer ici cette cruauté me donne des frissons dans le dos. j’ai compris très vite qu’il y avait machination. Je crois que l’auteur l’a voulu ainsi. Mais croyez-moi quand je vous dis que le lecteur n’est pas au bout de ses surprises et ira de rebondissement en revirement. Comme machination imprégnée d’autant de méchanceté, Machiavel n’aurait pas fait mieux. Ce récit m’a gratifié de tout ce que j’attends d’un livre : une gamme d’émotions dont certaines violentes, dérangeantes et ce petit frisson qui secoue les muscles du dos. 

L’idée de départ donne le vertige et on entre vite dans l’histoire : Michaël Harrison doit se marier dans trois jours avec sa belle Ashley qu’il adore. Or, quatre de ses copains décident de lui offrir un enterrement de vie de garçon digne du titre. Il est soulé et installé dans un cercueil scellé et enterré six pieds sous terre. Pour tout équipement, Michaël dispose d’une bouteille de whisky, une revue érotique, une petite lampe de poche et un walkie-talkie.

Une heure après avoir complété cette sinistre mise en scène, les quatre copains, passablement éméchés, meurent dans un accident d’auto. Michael est piégé. Je vous laisse deviner l’état d’esprit de Michael alors que les heures passent, que personne ne vient le chercher et que de l’eau s’infiltre dans le cercueil. La disparition est signalée à la police par la fiancée de Michaël et intriguera au plus haut point le commissaire Roy Grace.

Lors de l’accident d’auto impliquant les quatre copains de Michael, le walkie-talkie est éjecté du véhicule et sera récupéré par un jeune garçon, Davey, lent d’esprit et qui ne comprend pas trop bien ce qui se passe.

Ce livre est un cauchemar d’un peu plus de 500 pages. Moi j’ai choisi la version audio qui dure une douzaine d’heure. Elle m’a pris à la gorge, m’a rendu addictif. Tout au long du récit, je ne pouvais m’empêcher de penser à Michael, stigmatisé par une empathie incontrôlable. C’est une histoire violente, imprégnée d’immoralité, de sournoiserie, de méchanceté et une absence presque complète de scrupule. C’est un thriller réussi, ne serait-ce que parce que l’auteur force le lecteur à se mettre à la place de Michael. malgré une certaine redondance et quelques longueurs, l’auteur m’a surpris avec des virages improbables et des rebondissements.

C’est une histoire originale. La plume est impitoyable. Et si elle doit donner une petite leçon, c’est bien celle de ne pas se fier aux apparences car on ne sait pas qui se cache vraiment derrière les apparences d’enfants de chœur. Le récit est oppressant et je me suis même surpris à être inquiet, quand, dans la seconde moitié de l’histoire, j’ai été un long moment sans nouvelle de Michael.

J’ai trouvé ce livre d’autant plus intéressant qu’il introduit un personnage devenu récurent dans l’œuvre de Peter James : le commissaire Roy Grace, policier un peu rebelle aux méthodes pas très orthodoxes qui est allé jusqu’à introduire la radiesthésie dans son enquête, ce qui lui a attiré la désapprobation. Directif, infatigable, opiniâtre et surtout doté d’un instinct hors du commun, Grace est aussi humain et sensible.

Le personnage a été bien travaillé sur le plan personnel, psychologique. Je m’y suis attaché rapidement ainsi qu’à Michael Harrison, enterré vivant, torturé, victime d’une chaîne d’évènements macabres et prémédités et qui ne comprend absolument rien à ce qui lui arrive. Je suis sûr que beaucoup de lecteurs/lectrices souffriront pour lui. Claustrophobes s’abstenir. Excellente narration d’Arnaud Romain qui traduit parfaitement l’esprit de l’auteur. 

Une réussite qui se dévore.

Suggestion de lecture : TOMBENT LES ANGES, de Marlène Charine

Peter James est né en 1948, à Brighton. Il compte parmi les auteurs de romans policiers les plus lus du Royaume-Uni, notamment grâce à son personnage récurrent du commissaire Roy Grace. Comme une tombe (Éditions du Panama, 2006), son premier ouvrage le mettant en scène, a reçu le prix Polar international 2006 du Salon de Cognac et le prix Cœur noir 2007. Si son personnage fétiche se retrouve dans la grande majorité de ses ouvrages, il signe avec Des enfants trop parfaits (2014) un roman sur les dérives de la science et de la génétique. En 2016, il a reçu le prestigieux Diamond Dagger Award pour l’ensemble de son œuvre. 

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 22 avril 2023

LE GRAVEUR, livre de Pierre Bergeron

*L’intrus lève son arme et juste avant de presser
la détente, il voit Soucy lever les yeux vers
l’escalier derrière lui, il presse la détente deux
fois. Deux petits bruits secs résonnent avant que
Soucy tombe à la renverse sur la table à café
dans un grand fracas. *
(Extrait : LE GRAVEUR, Pierre Bergeron, ADA
éditions, collection Corbeau, 2019, 400 pages)

Un avocat opposé au crime organisé, un directeur de la protection de la jeunesse et un pédophile sont abattus dans diverses régions du Québec. Rien ne les relie, mis à part la signature sur leurs cadavres: les lettres T et C ont été gravées dans la chair de leurs fronts. Que signifient ces lettres? Qui peut bien se cacher derrière ces homicides?

La liste de suspects potentiels est tellement longue que les enquêteurs de la Sûreté du Québec et de la police de Longueuil doivent travailler ensemble pour résoudre ces  meurtres sordides.

Un graveur grave
*Méthodiquement et sans s’énerver, il observe les
signes vitaux de sa victime tout en surveillant
cette rue encore déserte. Le décès confirmé, il
sort un couteau tactique Walther P99 d’une poche
avant. Il déplie la lame et se penche sur le corps
avec un frisson de plaisir comme s’il goûtait à
l’avance ce qu’il est sur le point de faire. *
(Extrait)

C’est un roman intéressant, bien développé, avec en général tout ce qu’il faut pour capter l’attention. C’est un thriller fort, malgré certaines faiblesses. Mais voyons d’abord le contenu.

Les policiers de la Sûreté du Québec et du service de police de Longueuil doivent unir leurs forces pour résoudre des meurtres crapuleux qui n’ont en fait qu’un seul point en commun : Les lettres T et C gravées sur le front des victimes. C’est ainsi que le meurtrier devient LE GRAVEUR L’auteur frappe dès le départ avec un meurtre puis un autre, un double…

Entrée en scène des policiers qui seront présent tout le long du récit : de la sq, Marie Loup Berger à la beauté parfois dérangeante. Louis Biron, plus ou moins stable psychologiquement car il se croit l’auteur d’une gaffe policière qui a amené une mort d’homme. De la police de Longueuil, Benoit Lassonde qui a eu dans le passé une vie conjugale pénible.

Beaucoup d’autres personnages vont grossir la galerie en cours de récit. Une enquête aussi minutieuse qu’ardue se développe très lentement.

LE GRAVEUR est un polar minutieux et crédible sur le plan policier. C’est la minutie de l’enquête imaginée par Pierre Bergeron qui amène les policiers à croire qu’il y a peut-être plus qu’un point en commun entre les victimes. Le roman devrait plaire je crois aux amateurs de polars et aussi aux geeks car ce qui a permis au graveur de se rendre si loin est sa maîtrise dans nouvelles technologies et l’utilisation du DARK WEBB, le côté obscur du réseau internet, de plus en plus évoqué en littérature. 

*On y retrouve : des trafiquants d’armes, de drogues ou d’esclaves, ainsi que nombre de pédophiles. Dans cette partie de la toile, tout est accessible par le biais de forums de discussions où vendeurs et acheteurs se rencontrent anonymement à l’abri des organismes qui espionnent l’Internet. Le seul préalable, c’est d’être capable d’y surfer incognito pour assurer sa sécurité en regard des pirates qui y foisonnent. *  (Extrait)

Grâce à cette compétence particulière, LE GRAVEUR se joue des policiers et évolue dans ce qui rappelle le jeu du chat et de la souris. C’est habilement construit et bien imaginé.

La faiblesse du récit est dans sa finale. Pour ce qui est de connaître et comprendre les motivations du tueur, le lecteur et la lectrice sont laissés sur une voie de garage tout le long du récit. Bien sûr, le tueur parle et laisse des indices sur ce qui pourrait être par exemple une vengeance, mais pourquoi exactement ?

La réponse à cette question explose en quelques pages à la fin du récit. Personnellement j’aurais aimé que l’auteur me mette dans le coup plus tôt dans le récit, m’amène à tirer mes conclusions et les comparer à la fin comme si je voulais me donner une note. J’ai eu l’impression que la finale accordait plus d’importance aux États d’âme de Louis Biron qu’aux motivations du tueur.

Il y a dans la finale ce qui ressemble à un déséquilibre. Bien sûr, j’ai fini par savoir ce que signifient les lettres T et C et personnellement, j’ai trouvé ça plutôt simpliste. C’est évidemment une question de perception, sachant à la fin ce qui motive le GRAVEUR et l’entraîne dans un tel déploiement de haine et de violence.

Donc j’ai déchanté un peu à la finale mais je n’irais pas jusqu’à dire qu’elle manque d’intérêt. La force du récit réside dans sa construction. Je pense aux étapes de l’enquête, aux subtilités conduisant aux déductions.

Je me suis senti dans les coulisses d’un vrai service de police, ce qui consacre la crédibilité de l’histoire si je tiens compte des 25 années d’expérience de l’auteur dans les enquêtes criminelles. Pour toutes ces raisons, je recommande sans hésiter LE GRAVEUR de Pierre Bergeron.

Suggestion de lecture : DARK WEBB, de Dean Koontz

Pierre Bergeron est né à Longueuil en 1951. C’est à la suite de l’enlèvement de monsieur Pierre Laporte, alors ministre du travail, qu’il a décidé de devenir enquêteur. Après 32 années d’expérience, dont 25 consacrées aux enquêtes criminelles. Il a écrit son premier livre NÉ POUR ENQUÊTER en 2016. LE GRAVEUR est son deuxième roman.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 5 novembre 2022

LE SANCTUAIRE DU MAL, Terry Goodkind

*Depuis trois semaines, John Allen Bishop gardait
le diable enchaîné dans la cave. Le diable de
passage à Chicago ? Pour y faire quoi, exactement ?
John n’en savait rien, et son prisonnier n’était pas
loquace. Mais la situation, ces derniers jours,
devenait de plus en plus inquiétante. *
(Extrait : LES SANCTUAIRES DU MAL, Terry Goodkind,
édition originale, Bragelonne 2017, édition de papier 409p.)

Kate Bishop vit et travaille à Chicago. Elle pensait être une femme ordinaire, jusqu’au jour où, impliquée malgré elle dans l’enquête sur le meurtre de son frère, elle découvre qu’elle dispose d’un don : la capacité d’identifier les criminels en les regardant dans les yeux.
Mais ce don est aussi une malédiction : il fait d’elle une cible. Terrifiée par cette révélation, Kate est contactée par Jack Raines, un mystérieux auteur qui prétend être le seul à pouvoir l’aider. Il possède d’obscures connexions dans le dark Web. Alors qu’une horde de tueurs, sortes de super-prédateurs, s’est lancée à ses trousses, Kate doit se battre pour sa vie. 

Les abysses de la toile

*Dans la vaste configuration du monde, dit-il en enfonçant un pouce dans l’orbite gauche de John, tout ça n’a aucune importance. Après tout, l’univers aussi est aveugle. Alors qu’il sombrait dans un océan de souffrance qu’il pressentait sans fond, John entendit à peine ces mots. La douleur dans ses yeux devint insupportable… * (Extrait)

LES SANCTUAIRES DU MAL est un récit sombre mais original imprégné d’un caractère fantastique. L’histoire comporte des passages haletants mais son rythme est inconstant. Voyons ça en détail.

Voici l’histoire de Kate Bishop de Chicago, impliquée malgré elle dans l’enquête sur le meurtre de son frère John. John avait un don qui lui a valu la mort : il pouvait déceler un criminel en regardant ses yeux. Kate découvre qu’elle a le même don mais il va encore plus loin : elle peut déterminer le nombre de victimes potentielles, la façon dont ils vont mourir et dans combien de temps.

Kate a peur de ce pouvoir et elle a raison, les meurtriers, appelés prédateurs sont à sa poursuite…Kate est par la suite prise en charge par un mystérieux personnage qui peut déceler les porteurs de pouvoir comme celui de Kate. Le super-prédateur Jack Raines tente de remonter une mystérieuse et implacable filière pour atteindre le SANCTUAIRE DU MAL.

Le récit développe deux éléments majeurs : d’abord, le partenariat entre Kate et Jack  qui explique très graduellement les raisons pour lesquelles les personnes ayant le don de Kate sont recherchées pour être mises à mort.

Deuxième élément, tributaire du premier, l’auteur nous entraîne dans une angoissante descente jusque dans les basses fosses d’internet, le dark web, accessible grâce à une simple passerelle facile à trouver, le logiciel T.O.R. Certains sites dont LE SANCTUAIRE DU MAL, d’une inimaginable monstruosité ne sont pas sans rappeler HELL.COM de Patrick Sénécal.

Si vous avez lu ce livre, Rappelez-vous Saul, le richissime homme d’affaire qui voulait profiter des services illicites du dark web et rappelez-vous ce qu’il s’est fait dire :

*…<Sachez que l’enfer est partout et qu’il accueille deux classes de résidents : les démons et les damnés. La grande majorité des humains font partie de la seconde classe ; seuls les privilégiés comme vous appartiennent à la première.. »  (Extrait : Hell.com) À ce titre le livre de Goodkind pourrait vous donner froid dans le dos.

C’est une histoire bien imaginée, très bien écrite et très descriptive. Trop par moment, c’est le principal irritant du livre : des dialogues et même des monologues qui ne finissent pas de finir. C’est Jack Raines qui entraîne le lecteur dans ce qu’on pourrait appeler un cours de prédation 101.

Ces bavardages ont l’effet de diluer l’intrigue, simplement pour décrire une façon de vaincre le mal, ce qui nous ramène à l’éternelle dualité entre le bien et le mal. J’aurais préféré un meilleur équilibre entre les dialogues et l’action qui est la principale force du récit. 

L’ouvrage est quand même bien documenté et m’a même poussé à une recherche supplémentaire…assez pour réaliser que la description que Goodkind fait des bas-fonds d’internet est assez juste. C’est crédible. Malgré quelques passages très tirés par les cheveux et quoiqu’on dise des longueurs générées par une théorie originale sur la lutte contre le mal, je crois que cet essai dans le thriller est réussi.

Somme toute, c’est un bon livre dont on peut pardonner les longueurs au profit des passages addictifs et de l’originalité du sujet. Sur la finale, je suis très mitigé, presque frustré. Au moment d’écrire ces lignes, il n’y a pas de suite annoncée mais on dirait bien que la finale obscure de LES SACTUAIRES DU MAL s’y prête. Nous verrons…

Suggestion de lecture : PANDEMIA de Frank Thilliez

Terry Goodkind est un nouveau prodige de la Fantasy américaine. En quelques mois, son cycle de L’Epée de Vérité est devenu un best-seller international. Il a réussi l’exploit de réunir tous les publics sous sa bannière. Traîtrise, aventure, intrigue, amour, tous les ingrédients sont réunis dans ce cycle pour en faire la plus grande fresque de Fantasy depuis Tolkien.

Né en 1948 à Omaha, Nebraska, Goodkind a d’abord intégré une école d’art de la ville pour se spécialiser dans la représentation de la faune et de la flore pour enfin s’intéresser à la restauration d’artéfacts rares du monde entier. Puis il écrira encore et encore en commençant par LA PREMIÈRE LEÇON DU SORCIER en onze tomes.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 31 juillet 2022