DE LA TERRE À LA LUNE, de Jules Verne

*Les membres du gun club doivent donc …être prêts à opérer
au moment déterminé. Car s’ils laissaient passée cette date du
4 décembre, ils ne retrouveraient la lune dans les mêmes
conditions de périgée et de zénith que 18 ans et onze jours
après. *
(Extrait : DE LA TERRE À LA LUNE, Jules Verne, paru à
l’origine en 1865 chez Pierre-Jules Hetzel éditeur, 250 pages Apx.
Version audio : Audible studios éditeur, 2014, durée d’écoute : six
heures 20 minutes. Narrateur : Pierre Junières. Aussi en BD )

À la fin de la guerre fédérale des États-Unis, les fanatiques artilleurs du Gun-Club de Baltimore reçoivent du président, une proposition accueillie avec un enthousiasme délirant. Il s’agit de se mettre en communication avec la Lune en lui envoyant un énorme projectile, lancé par un gigantesque canon ! Tandis que ce projet inouï est en voie d’exécution, un Parisien excentrique Michel Ardan, un original, télégraphie au président  : « Remplacez obus sphérique par projectile cylindroconique. Partirai dedans. »

Grand précurseur de la SF
*S’ils avaient eu le point d’appui réclamé par Archimède,
les américains auraient construit un levier capable de
soulever le monde et de redresser son axe. Mais le point
d’appui, voilà ce qui manquait à ces téméraires mécaniciens.*
(Extrait)

Nous sommes aux États-Unis à la fin des années 1860.  Le président du Gun-club, une organisation orpheline de la guerre de sécession, décrète vouloir mettre la terre en communication avec la lune en lui envoyant un énorme projectile, lancé par un canon de 280 pieds.

Poussé par le désœuvrement d’après-guerre, les artilleurs acceptent de relever ce défi colossal et fou. En cours de projet, un français original et à la limite, fantaisiste, Michel Arden demande au Gun-club de modifier les plans du projectile de façon à prendre place à bord pour être propulsé vers la lune. Les trois premiers quarts du récits sont consacrés à la préparation et la mise au point du projet et le dernier quart laisse place au jour J.

Cet ouvrage est typique de l’oeuvre du grand Jules Verne. Plusieurs pensent que c’est son meilleur. Je ne partage pas cet avis mais j’admets toutefois que Verne n’aura jamais su finalement à quel point il était proche de la vérité. DE LA TERRE À LA LUNE est effectivement un chef d’œuvre d’anticipation qui repose sur des théories scientifiques et des faits scientifiques avérés, ce qui rend l’oeuvre extrêmement crédible.

Ici, les amateurs de Verne ne seront pas surpris, DE LA TERRE À LA LUNE est un long cours de science dont j’ai trouvé la vulgarisation discutable. Pas d’intrigue comme on en trouve un peu dans VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE ou 20 000 LIEUX SOUS LES MERS par exemple. L’ouvrage est monotone jusqu’à l’arrivée de Michel Ardan qui vient donner au récit un caractère pétillant, original et humoristique.

Les dialogues, bien que dans un français haut-perché, deviennent savoureux et énergiques. Ardan est ce précieux lien qui consacre au grand écrivain son titre de visionnaire. D’ailleurs, cette aventure rappelle un peu les évènements qui ont amené la création de la NASA. L’action commence donc avec l’arrivée d’Ardan, personnage attachant, éternel optimiste qui a une foi inébranlable quant aux capacités humaines.

Bien qu’il y ait quelques aberrations scientifiques, après tout, l’histoire remonte à 155 ans, les analogies avec la modernité sont criantes. Rappelons-nous que 104 ans après le lancement du projectile abritant trois hommes, soit le 21 juillet 1969, un vol Appolo, abritant aussi trois hommes, permet à Neil Armstrong de marcher sur la lune. Quelques fois, j’ai l’impression que Verne a voyagé dans le temps et qu’il est revenu avec un peu de matière à réflexion :

*Oui ! mon brave ami ! Songe au cas où nous rencontrions des habitants là-haut. Voudrais tu leur donner une aussi triste idée de ce qui se passe ici-bas , leur apprendre ce que c’est que la guerre , leur montrer qu’on emploie le meilleur de son temps à se dévorer , à se manger , à se casser bras et jambes , et cela sur un globe qui pourrait nourrir cent milliards d’habitants , et où , il y en a douze cents millions à peine ?*  (Extrait)

Malgré une dilution parfois irritante du roman dans l’univers scientifique. J’ai beaucoup aimé la version audio de ce récit. La narration est une réussite. Pierre Junières ajuste parfaitement sa voix à la conviction issue de la foi des personnages. Son registre vocal agréable a contribué à me faire tolérer les longueurs, spécialement dans la première moitié du récit.

La grande force du récit l’emporte sur tout le reste, un exceptionnel pouvoir descriptif et cette extraordinaire faculté qu’a toujours eu Jules Verne de créer dans l’esprit des lecteurs/lectrices, auditeurs/auditrices une image cinématographique des évènements rapportés dans ses œuvre. J’ajoute à cela la qualité des personnages qui m’ont fait vibrer. La finale pourrait vous laisser sur votre faim mais tout est en place pour la suite qui est devenue aussi célèbre : AUTOUR DE LA LUNE.

Je crois que vous apprécierez l’ensemble de l’œuvre. Elle est brillamment prémonitoire.


Image : cdha.fr

Jules-Gabriel Verne (1828-1905) est un écrivain français dont l’œuvre est surtout constitué de romans d’aventures basés sur les progrès scientifiques de son temps. Les plus célèbres (Le tour du monde en quatre-vingts jours, Vingt mille lieues sous les mers, l’Île mystérieuse, Michel Strogoff, Les enfants du Capitaine Grant, Voyage au centre de la Terre, De la Terre à la Lune) sont gravés dans les mémoires et font partie du patrimoine culturel mondial.

L’intérêt particulier de son œuvre, est d’y retrouver un amour profond de la science, mêlé avec autant d’art que de sérieux à des idées novatrices et proches de la science-fiction. Beaucoup de ses livres ont été adaptés au cinéma, 20000 lieues sous les mers, produit par Disney, réalisé par Richard Fleischer, et bien sûr, VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE. (À consulter)

Pour la version audio : narrateur : Pierre Junières. Comédien Théâtre,  Metteur-en-scène Théâtre : Animateur radio France Inter, RFI) et télé (France2, France3 
Comédien voix-off : narration et voice-over documentaires, livre audio, doublage synchro, publicité, film institutionnel, bande-annonce, Dvd, audiodescription

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

LE RESSAC DE L’ESPACE, de Philippe Curval

*Quel prix l’homme doit-il payer pour garder sa liberté?
Un monde de plénitude vaut-il la peine d’être vécu si on
ne peut y exercer son libre arbitre et son esprit critique?
Une apparence de bonheur et une vie de plaisir valent-
elles la peine de renoncer à son individualité ? Jusqu’à
collaborer avec l’envahisseur ? *
(Extrait : LE RESSAC DE L’ESPACE, Philippe Curval, à
l’origine, Hachette éditeur 1962, 244 pages. Pour la présente,
P. Curval, format numérique, 235 pages

Après une longue errance, le Txalq arrive finalement sur Terre. Sa quête est terminée ; il va pouvoir à nouveau se diviser par scissiparité et se multiplier. Les Txalqs sont un peuple parasite pour qui l’homme est un hôte parfait car ils peuvent les dominer sans peine. Naturellement les humains vont organiser la résistance, mais quelques hommes libérés de l’emprise mentale des extra-terrestres révèlent bientôt que la symbiose avec un Txalq apporte paix, harmonie et bonheur. C’est par milliers désormais qu’hommes et femmes se livrent joyeusement à la domination des parasites. Seule une poignée d’irréductibles tentent de préserver leur condition humaine. Une poignée contre toute une planète…

Les accords du cauchemar
(titre d’un chapitre de la troisième partie)
*Nous n’échangeâmes aucune parole, traumatisés que nous étions
par cette invraisemblable vision d’un monde nouveau auquel nous
voulions échapper de toutes nos forces. Aucun d’entre nous n’aurait
pu désavouer la pensée que je formulai à cette minute : nous devons
analyser ce qui nous incite à ne pas abdiquer notre dignité d’humain
pour nous intégrer à la civilisation harmonieuse que les Txalqs
établissent sur terre. C’est en en découvrant les raisons que nous
pourrons envisager la reconquête. *
(Extrait)

Forcés de quitter leur planète, des Txalqs errent dans l’espace jusqu’à ce qu’ils soient interceptés par des humains en mission spatiale. Les humains décident de ramener ces créatures sur la terre sans savoir que les Txalqs sont des parasites. Pour survivre, ils doivent s’emparer d’une race inférieure pour des raisons accessoires d’une part, car les Txalqs sont des êtres à peu près incapables sur le plan physique et d’autre part et surtout, pour atteindre un mode de vie idéal fait de beauté et d’harmonie.

C’est le genre de paradis artificiel que procurent aux humains certaines drogues sauf qu’ici, les Txalqs tendent à créer ce monde paradisiaque par l’hypno-contrôle. Les Txalqs, qui se reproduisent par scissiparité ne tardent pas à prendre le contrôle de la terre et étrangement, la plupart des humains sont trop heureux de vivre dans cette espèce de paradis artificiel, acceptant ainsi une symbiose qui leur est imposée…*S’il établissait sa domination sur ces êtres, c’était dans l’unique dessein de créer avec eux un monde harmonieux. En échanges de membres pour agir, il leur offrirait une sorte de renaissance, il deviendrait le corps pensant de leur espèce. * (Extrait) .

Refusant ce bonheur plastique qui n’est rien d’autre qu’une forme d’esclavage, une poignée d’humains décident de résister, fuient sur la planète Vénus afin d’organiser la libération de la terre.

C’est un des très bons romans d’anticipation que j’ai eu le plaisir de lire. Il développe en profondeur la philosophie TXALQ et amène le lecteur et la lectrice à des questionnements très intéressants : entre autres : qu’est-ce que l’homme est prêt à faire ou à donner pour être libre et LA question sur laquelle on pourrait s’étendre longtemps : Est-ce qu’une vie complètement dépourvue de libre arbitre et de sens critique vaut la peine d’être vécue.

Le livre de Curval alimente aussi un intéressant débat sur l’addiction. Si vous croyez que les Txalqs font ce qu’ils veulent avec facilité, détrompez-vous et c’est là que l’auteur nous amène à réfléchir sur la nature humaine. Les hommes sont rebelles, ataviquement violents et addicts. Ils aiment le sexe, ils aiment le jeu, le risque et ils sont épris de liberté. Ils sont humains quoi et de cette humanité, les Txalqs devront en payer le prix.

Est-ce que les hommes pourraient *déteindre* sur les Txalqs ?

Pas étonnant que ce livre soit devenu un classique de la science-fiction francophone. C’est un hymne à la liberté…cette précieuse liberté dont les hommes se privent entre eux depuis la nuit des temps. J’ai trouvé la plume de Curval envoûtante, un peu à l’image de cette créature qu’il a créée. Elle est dosée pour offrir tout ce que souhaitent les amateurs d’anticipation : des revirements, de la technologie, de la confrontation, le choc des idées et le fameux retour introspectif sur soi-même qui se traduit par une question bien simple : Qu’est-ce que je ferais à la place des humains dans cette histoire ? Je mets ma lucidité et mon libre arbitre au placard ou je me bats ?

Par les questions qu’il pose, par l’équilibre dont il a toujours gardé le souci et par sa profonde connaissance de la nature humaine, Philippe Curval a doté son récit d’une belle crédibilité.

Je sais que l’idée de l’atteinte du Nirvana ou la vie dans un monde ou guerre, haine et violence n’ont pas de sens sont des thèmes récurrents en littérature (par exemple, les inconditionnels de Star Trek se rappelleront sûrement du monde de Landru) mais peu de romans ont atteint la profondeur et l’intensité que Curval a insufflé dans son récit.

Une très belle pièce littéraire… à lire absolument.

Écrivain, journaliste, photographe, Philippe Curval est l’un des principaux fondateurs de la science-fiction française, au milieu du siècle précédent. Il obtient le prix Jules Verne pour Le Ressac de l’espace (Hachette/Gallimard, « Le Rayon Fantastique », 1962), le Grand Prix de la science-fiction française pour l’Homme à rebours (R. Laffont « Ailleurs & Demain », 1974) et de nombreux autres prix et distinctions.

Son amour pour la nouvelle l’a conduit à en écrire plus de cent. Ses derniers recueils, Rasta Solitude (Flammarion « Imagine ») en 2003, et L’homme qui s’arrêta (La Volte) en 2009. Son travail critique sur la SF, commencé dans Galaxie, se poursuivra au Monde, et au Magazine littéraire. Traduit dans quatorze pays, à cette date, il a publié plus de quarante volumes. (La Volte éditeur)

Bonne lecture
Claude Lambert/ biblioclo.com
Le samedi 4 février 2023

LE DÉCHRONOLOGUE, Stéphane Beauverger

*Je sais moi, que les voiles du temps se sont
déchirées, pour porter jusqu’à mon siècle des
choses qui n’auraient pas dû  s’y échouer. À
mes yeux, les calendriers n’ont plus aucun
sens et les dates comme les anniversaires ont
pris des airs de garces mal maquillées. *
(Extrait : LE DÉCHRONOLOGUE, Stéphane
Beauverger, La Volte éditeur, Folio SF, format
numérique, 2009, 400 pages.)

Au XVIIe siècle, sur la mer des Caraïbes, le capitaine Henri Villon et son équipage de pirates luttent pour préserver leur liberté dans un monde déchiré par d’impitoyables perturbations temporelles. Leur arme : le Déchronologue, un navire dont les canons tirent du temps. Qu’espérait Villon en quittant Port-Margot pour donner la chasse à un galion espagnol ? Mettre la main, peut-être, sur une maravilla, une des merveilles secrètes, si rares, qui apparaissent quelquefois aux abords du Nouveau Monde. Assurément pas croiser l’impensable : un Léviathan de fer glissant dans l’orage, capable de cracher la foudre et d’abattre la mort ! Un souffle picaresque et original confronte le récit d’aventures maritimes à la science-fiction. 

Le tireur de temps
*Agonisant, meurtri au-delà de l’imaginable,
le Chronos craquait et s’ébrouait, tout
entier secoué par un long et grand frisson,
semblant chercher encore comment ne pas
sombrer
(Extrait)

Voici l’histoire d’Henri Villon, alcoolique mélancolique irrécupérable, capitaine du DÉCHRONOLOGUE et de son équipage de flibustiers. En plus de la météo capricieuse des Caraïbes, ces pirates luttent contre des éléments très particuliers : de redoutables perturbations temporelles qui minent, tuent et détruisent les terres. Tout aussi particuliers sont les canons du navire de Villon.

En effet, ils tirent du temps…des secondes…des minutes, ce qui a pour effet de provoquer des distorsions spatio-temporelles destructrices et mortelles. Villon poursuit deux objectifs : d’abord faire le commerce de maravillas, ces merveilles secrètes éjectées des temps futurs par les ouragans temporels. Imaginez par exemple qu’un téléphone intelligent apparaisse sur une rive des Caraïbes en 1650…

*Une machine à savoir en permanence où se trouve un homme et ce qu’il fait ou dit. Diablerie ! Non, pire que cela : invention corrompue, vicieuse et impure. Liberticide. Je forçai aussi Pakal à me montrer ou était ce micro caché sur moi et lançai le petit dispositif également dans la mer. C’était écœurant. Je me sentis humilié et, pour tout dire, profané.*  (Extrait)

Le deuxième objectif de Villon, après avoir accepté l’offre d’un Targui appelé Arcadio est de sécurisé la zone Caraïbe devenue hors de contrôle à cause des redoutables dérèglements temporels qui font apparaître, en plus des maravillas, des navires belliqueux venus d’autres âges passés et futurs. C’est ici que Villon se voit remettre LE DÉCHRONOLOGUE.

C’est un roman fort, solide qui fait intervenir la science-fiction dans le quotidien de la piraterie du XVIIe siècle et développe un de mes thèmes préférés en littérature. C’est ainsi que Stéphane Beauverger a rejoint dans ma bibliothèque des auteurs comme René Barjavel, Edgar Allan Poe, Stephen King, Herbert George Wells, Michael Crichton et plusieurs autres qui m’ont fait vibrer par leur façon d’aborder le temps. L’intrigue du déchronologue m’a fasciné mais pas autant que plusieurs passages sur les méfaits du temps.

Un passage entre autres m’a rappelé une scène qui m’avait fortement impressionné dans le film de science-fiction réalisé par Stewart Raffill en 1984 : L’EXPÉRIENCE DE PHILADELPHIE : *Des esclaves enchaînés à leur banc de nage fusionnèrent avec le métal de leurs entraves et les fibres aiguës de leurs rames. Des guerriers intrépides, qui avaient pris Halicarnasse et la Phénicie, sentirent leur chair se mêler à celle de leurs compagnons d’arme tout aussi pétrifiés.*

Fusion de la chair et du métal suite à une distorsion spatio-temporelle
<L’expérience de Philadelphie>

Il y a dans cette histoire, des trouvailles extrêmement intéressantes. Elles ne sont pas toutes en accord avec les principes scientifiques, comme les paradoxes temporels par exemple, mais ce n’est pas l’imagination qui manque.

J’aurais pu considérer ce livre comme un chef d’œuvre n’eut été de son développement compliqué. L’histoire est en effet difficile à suivre parce que les chapitres ne se suivent pas. Le tout est une exploration aléatoire de flash-backs des aventures de Villon et je n’ai pas toujours compris la logique des enchaînements.

Heureusement, on ne s’ennuie pas avec Henri Villon, un personnage caractériel particulièrement bien travaillé. Autre irritant : au début de chaque chapitre, il y a une citation. Il n’y en a pas une en français. C’est à la limite, insultant.

Enfin, sans être un chef d’œuvre, LE DÉCHRONOLOGUE est un roman fort qui conjugue la science-fiction aux batailles navales, aux magouilles politiques et à la chasse aux trésors. On y trouve de tout, même une petite aventure sentimentale d’Henri Villon avec une femme *haut-perchée* qui porte le joli nom de Sévère. Un avertissement en terminant, plusieurs passages de cette histoire pourraient vous lever le cœur…bon à savoir.

Suggestion de lecture : L’ODYSSÉE DU TEMPS, de Arthur C Clarke

Stéphane Beauverger est né le 29 juin 1969 en Bretagne. Après avoir travaillé comme scénariste professionnel pour l’industrie du jeu vidéo, il se consacre désormais à l’écriture de ses romans. Stéphane Beauverger est aujourd’hui une figure reconnue de l’imaginaire français. Son art chirurgical de la construction fait surgir des histoires violentes et singulières. Son roman de piraterie uchronique, Le Déchronologue, a reçu quatre prix parmi les plus prestigieux de la science-fiction française : Grand Prix de l’Imaginaire 2010, Prix européen Utopiales 2009, Nouveau Grand Prix de la Science-Fiction française (Prix du lundi) 2010, prix Bob Morane 2010.

Bonne lecture
Claude Lambert

L’AIGLE DE SANG, de Jean-Christophe Chaumette

*…Grandit une famille de fauves monstrueux Dévoreurs
de lumière. Ils se gorgeront de la chair des hommes
promis à la mort et disperseront leur sang dans tout
l’univers ; Alors dans les étés qui suivront, le soleil
sera voilé de noir et les vents se déchaîneront en
affreuses tempêtes…*
(Extrait : L’AIGLE DE SANG, Jean-Christophe Chaumette,
Pocket éditeur, 2001, édition numérique, 312 pages)

Alors qu’un hiver permanent s’est abattu sur le monde, une poignée d’inspecteurs du Tribunal Pénal International mène l’enquête sur une série de meurtres aussi mystérieux que terrifiants : de grands criminels de guerre sont retrouvés morts, crucifiés selon un ancien rituel viking appelé « l’aigle de sang ». Ces faits sont d’autant plus troublants que de nombreux autres indices renvoient à la mythologie scandinave, et notamment au Ragnarok. L’ancienne prophétie nordique serait-elle en train de s’accomplir ? La fin de notre monde serait-elle proche ? Navigation entre la mythologie scandinave et l’ufologie

TENDANCES CONVERGEANTES
*Une chose est sûre :
ton client est un fana de
la mythologie nordique !
Un cinglé qui se prend
pour Odin !
(Extrait)

L’Aigle de sang est un thriller sans classification précise. C’est un savant mélange de fantastique, surnaturel, légende, mythologie, politique, militaire, science-fiction ufologie et suspense. Le titre de l’ouvrage et la première moitié du récit reposent sur une légende officielle de la mythologie scandinave appelée l’Aigle de sang…légende qui n’est pas particulièrement tendre.

Ça prépare efficacement le terrain pour entrer dans l’esprit de l’auteur et comprendre où il veut en venir : *Si vous clouez un homme sur un mur, que vous lui fendez le thorax, et que vous lui écartez les côtes pour le transformer en aigle de sang, alors…Alors vous pouvez attirer une force gigantesque ! …vous établissez un lien avec un seigneur du monde-autre ! * (extrait)

Cette légende ouvre la voie à la découverte d’une porte donnant accès à un autre monde, un univers parallèle, une autre dimension. Cette porte amène aussi la création de l’obscur projet Oméga : Ôméga…l’ultime savoir…notre projet…nous avons ouvert une porte vers une autre dimension…où se trouvent les réponses à toutes les questions que se pose l’humanité ! Quelques vies ne sont rien en regard de ça. * (extrait)

Le lien à faire avec l’incontrôlable soif de puissance des militaires est prévisible mais il faut aussi y ajouter un joueur particulier : *…un réseau international de monstres richissimes utilisant leur fortune pour assouvir d’ignobles pulsions de mort en jouant les bourreaux pendant des conflits particulièrement sanglants. * (Extrait)

Tout ça fait une soupe particulièrement explosive et donne un thriller à glacer le sang. Ce roman ne trempe pas dans l’eau de rose et le lecteur doit s’attendre à des passages d’une inimaginable cruauté.  C’est un des romans les plus noirs, les plus violents et les plus gores que j’ai lu. Mais il est bien écrit. Il rentre dans les détails, c’est le moins qu’on puisse dire.

Si les passages dans des mondes parallèles constituent un thème en peu réchauffé, Chaumette a trouvé des idées quand même pas mal intéressantes. Par exemple, il range sans le vouloir au musée les grands vaisseaux extra-terrestres. Ce sont les extra-terrestres qu’on retrouve dans une autre dimension et il y en a deux sortes : les bons qui peuvent aider et guider les humains, et les mauvais qui envahissent par abduction l’esprit humain pour le contrôler. On appelle ces derniers les lucifériens.

Je sais que l’abduction n’est pas un phénomène nouveau en littérature de science-fiction mais l’auteur a développé ce sujet avec beaucoup d’imagination et a su y ajouter de l’originalité. Ici, tous les ingrédients du complot extra-terrestre sont réunis, y compris les militaires qui veulent utiliser leur savoir. C’est un mélange sagace de modernité et de mythologie et qui revisite plusieurs théories.

Enfin, un mot sur la finale que j’ai trouvé particulièrement réussie. Je ne la dévoilerai pas bien sûr, mais elle véhicule une idée particulièrement intéressante qui vient s’ajouter à l’incroyable folklore entourant la mystérieuse zone 51 (Groom lake, É.U.)

Cette zone abrite entre autres le fameux hangar 18 dans lequel on devrait retrouver, selon une croyance bien imprégnée, le vaisseau extra-terrestre qui a fait un crash à Roswell au Nouveau-Mexique en 1947 ainsi que quelques corps d’extra-terrestres. Cette finale, ficelée presqu’à la perfection n’es pas sans faire réfléchir sur la soif illimitée de pouvoir qui agite l’esprit humain.

C’est un roman-choc que j’ai beaucoup aimé. L’intrigue est riche, les rebondissements nombreux, Écriture efficace. Se lit vite et bien. C’est un troisième bouquin pour Jean-Christophe Chaumette, trois fois récipiendaire du prix Masterton. Chaudement recommandé…

Suggestion de lecture n: LA CONSPIRATION DE ROSWELL, de Boyd Morrison

Jean-Christophe Chaumette est un écrivain français né en 1961 Ses romans et nouvelles appartiennent à la littérature de l’imaginaire, à l’exception d’un roman historique publié sous le pseudonyme de Chris Jensen. Il a exploré les domaines de la Fantasy, de la SF, et surtout du Fantastique. C’est dans ce dernier genre qu’il a particulièrement réussi, en recevant trois fois le prix Masterton du meilleur roman fantastique francophone, en 2001, 2002 et 2011.  Il a commencé à écrire en 1983 Son premier roman publié fut « Le Jeu » en 1989, réédité en décembre 2011 sous forme numérique chez Kindle.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 18 décembre 2022

biblioclo.com 

DUNE, livre premier et second, de Frank Herbert

*Dans les ténèbres, Paul gardait les yeux mi-clos… Il
voyait les yeux de la vieille femme, larges et brillants
comme ceux d’un oiseau de nuit. De plus en plus larges…
de plus en plus brillants, semblait-il…-Dors bien rusé
petit démon ! Demain, tu auras besoin de tous tes moyens
pour affronter mon ghôm jabba ! *

Extrait : DUNE, livre 1,
Pocket éditeur, 1998, à l’origine, v.f. : Robert Lafont 1970. Version
audio : Lizzie éditeur, duré d’écoute : 18  heures. Narrateur :
Benjamin Jungers

Il n’y a pas, dans tout l’Empire, de planètes plus inhospitalières que Dune. Partout des sables à perte de vue. Une seule richesse : l’épice de longue vie, née du désert, et que tout l’univers convoite. Quand Leto Atréides reçoit Dune en fief, il flaire le piège. Il aura besoin des guerriers Fremen qui se sont adaptés à une vie très dure en préservant leur liberté, leurs coutumes et leur foi. Ils rêvent du prophète qui proclamera la guerre sainte et changera le cours de l’Histoire.

Cependant les Révérendes Mères du Bene Gesserit poursuivent leur programme millénaire de sélection génétique : elles veulent créer un homme qui réunira tous les dons latents de l’espèce. Le Messie  Fremen est-il déjà né dans l’Empire ?

L’émergence de Paul Atréïde
*Je ne connais pas la peur, car la peur tue l’esprit. La peur est la petite mort
qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur. Je lui permettrai
de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai
mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus
rien. Rien que moi. * 
(Extrait DUNE, livre 1 litanie contre la peur du rituel Benegesserit)

C’est un chef d’œuvre mais il est amputé. C’est peut-être un peu gros comme entrée en matière, mais ça évoque ma seule déception relativement à cette œuvre. Elle est incomplète. Il manque le livre troisième qui fait l’objet d’une narration à part chez Audible. Je n’ai pas compris ce choix de l’éditeur et je ne vous le cache pas, ça m’a irrité.

Sinon, nous avons affaire ici à une œuvre culte de la science-fiction, un des romans les plus vendus dans le monde. Voyons d’abord les principaux éléments que les premiers livres mettent en place en vue de la longue saga DUNE .

L’empereur Padisha Shadam IV confie au duc Leto la gestion de la planète Dune, une planète de sable occupée par les framens et qui produit l’épice, un mélange addictif convoité dans tout l’univers et pour lequel on tue, on guerroie, on complote sans compter l’obligation d’affronter des vers énormes qui peuvent atteindre 400 à 600 mètres de longueur et qui dévastent tout sur leur passage y compris les usines d’extraction d’épice.

Pour la protection du système, Leto a besoin des Framens qui ne rêvent que de l’arrivée du prophète…l’élu qui changera le cours de l’histoire. Or, les Révérendes Mères du Bene Gesserit poursuivent un programme millénaire de sélection génétique qui concrétisera tous les dons latents de l’espèce. Toutefois, les risques de dérapages sont sérieux.

C’est ici qu’entre en scène Paul Atréïde, le fils de Leto, qui, par des dons très spéciaux qui commencent à se manifester, donne à penser qu’il pourrait être l’élu. Suite à une trahison, Leto meurt. Paul Atrïde, baptisé Muad’Dib par les Framens, hérite d’un univers dont il prendra le contrôle avec un redoutable savoir-faire ouvrant ainsi la voie au trône impérial.

Évidemment, c’est résumé succinctement, mais au final, DUNE raconte un colossal Jihad qui bouleversera une galaxie entière. En écoutant l’excellente narration de Benjamin Jungers, je n’ai pu faire autrement que de revivre presque scène par scène la surprenante adaptation cinématographique signée David Lynch en 1984. Le travail du narrateur a mis en valeur le caractère immersif du roman.

Ce livre est un chef d’œuvre, un immortel. Son pouvoir descriptif atteint par moment la poésie. Il a aussi un petit côté environnemental qui n’est pas sans rejoindre les préoccupations humaines actuelles. L’oeuvre nous amène aussi à découvrir le mysticisme qui confirme la nature initiatique du récit.

*Je ne connais pas la peur, car la peur tue l’esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon oeil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que moi* (Extrait : DUNE,  Litanie contre la Peur du rituel Bene Gesserit)

L’écoute de ce classique m’a fait vibrer car non seulement le livre comporte-t-il une vision du futur où il faudra forcément croire à l’immatériel mais il comporte une vision de la vie. Dune pourrait être une quête du sens de la vie.

Ce n’est pas toujours simple car le fil conducteur de l’histoire est parfois instable et prend plusieurs directions. Mais quand on y regarde de près, l’histoire évolue dans un monde grisant, fascinant avec quelque chose qui nous ressemble…parfois un peu…parfois beaucoup. Cette version audio de DUNE fut pour moi un enchantement.

Suggestion de lecture : STAR WARS, LES DERNIERS JEDI, de Brian Johnson

Frank Patrick Herbert (1920-1986) est un écrivain de science-fiction américain. Ses œuvres connurent un succès commercial et furent acclamées par la critique. Il doit principalement sa célébrité à sa série de romans Dune qui aborde des thèmes tels que la survie de la race humaine et son évolution, l’écologie, ou encore les interactions entre la religion, la politique et le pouvoir. (Wikiquote)

DUNE AU CINÉMA

Il y a plusieurs adaptations de Dune à la télévision et au cinéma. Le meilleur film qu’il m’a été donné de voir est celui qui introduit la série, le premier film sorti en 1984 et réalisé par David Lynch : DUNE

À gauche sur l’affiche, on reconnait (personnage du bas) le célèbre auteur-compositeur-interprète Britannique STING de son vrai nom Gordon Mathew Thomas Somner. À droite, Kyle Mclachlan incarne Paul Atréïde et Siân Phillips incarne la révérende mère Gaius Helen Mohiam.

À propos de la série audio

La série audio DUNE de Frank Herbert comprend sept opus, tous édités par Lizzie et narrés par Benjamin Jungers : DUNE 1.1 livre premier et livre second, DUNE 1.2 livre troisième, DUNE 2 LE MESSIE DE DUNE, DUNE 3  LES ENFANTS DE DUNE, DUNE 4 L’EMPEREUR-DIEU DE DUNE, DUNE 5 LES HÉRÉTIQUES DE DUNE et DUNE 6 LA MAISON DES MÈRES.

Je ne reproduis pas ici les premières de couverture car elles sont passablement identiques. Pour plus de détails, rendez-vous sur le site d’audiolib.


BONNE ÉCOUTE
CLAUDE LAMBERT
Le samedi 29 octobre 2022

 

LE CYCLE DE FONDATION, livre 1 Isaac Asimov

version audio

*Siège du gouvernement impérial depuis des centaines de générations sans interruption…parmi les mondes les plus peuplés et les plus développés industriellement de tout le système, Trentor pouvait difficilement ne pas devenir l’agglomération la plus dense…que l’espèce humaine n’eût jamais connue.*

(Extrait : LE CYCLE DE FONDATION, tome 1, Isaac Asimov,  rééd. Gallimard 2018, 416 pages. Version audio : Audiolib éditeur, durée d’écoute, 11 heures 7 minutes, narrateur : Stéphane Ronchewsky)


En ce début de treizième millénaire, l’Empire n’a jamais été aussi puissant, aussi étendu à travers toute la galaxie. C’est dans sa capitale, Trantor, que l’éminent savant Hari Seldon invente la psychohistoire, une science nouvelle permettant de prédire l’avenir. Grâce à elle, Seldon prévoit l’effondrement de l’Empire d’ici cinq siècles, suivi d’une ère de ténèbres de trente mille ans. Réduire cette période à mille ans est peut-être possible, à condition de mener à terme son projet : la Fondation, chargée de rassembler toutes les connaissances humaines. Une entreprise visionnaire qui rencontre de nombreux et puissants détracteurs… C’est avec ce livre que débute un cycle imposant et prestigieux basé sur la connaissance.

UN ROMAN HISTORIQUE DU FUTUR
*Conformément aux prévisions inéluctables de la psycho-histoire,
le contrôle économique exercé par la fondation ne fit que s’étendre.
Les marchands s’enrichirent et avec la richesse vint la puissance.*
(Extrait)

C’est avec ce livre que débute le Cycle de Fondation, une œuvre monumentale qui a occupé Isaac Asimov une bonne partie de sa vie d’auteur. Tout le récit de ce premier livre repose sur la psychohistoire, une science inventée à Trantor, au cœur de l’empire par un grand savant appelé Harry Seldon.

Le savant utilise sa science pour prévoir l’effondrement de l’empire dans moins de 500 ans suivi de trente mille ans d’anarchie. L’effondrement est inévitable mais on pourrait réduire la période de ténèbres à mille ans à certaines conditions. Les autorités autorisent Seldon à s’installer avec 100,000 collaborateurs sur une planète  aux confins de l’empire.

L’organisation portera le nom de FONDATION. Son but premier est de rassembler la totalité des connaissances de la civilisation dans une gigantesque encyclopédie. Mais au fil du temps, la Fondation, qui aura de nombreux détracteurs, deviendra une autorité morale, un symbole disciplinaire et même une référence religieuse.

Le problème est que l’action visionnaire de la Fondation met en perspective les tendances immuables de l’histoire, influençant ainsi l’action des hommes. Par son action, la Fondation pourrait-elle accélérer le processus d’implosion de la Société de tout un empire ?

Tous les livres d’Asimov portent au questionnement sur le futur de la Société en particulier. Le Cycle de Fondation est une longue réflexion à cet effet. Encore une fois, Asimov, cet icône de la science-fiction ne m’a pas déçu par l’originalité de son sujet enchâssé dans un *roman du futur*.

Sa façon de raconter est tout à fait unique et sa plume est porteuse de messages et d’observations critiques sur la nature humaine et le gâchis qui caractérise la préparation de son futur. J’ai été un peu surpris par le processus de développement adopté par l’auteur.

Ce premier cycle évoque un recueil de nouvelles basés sur l’action de personnages qui viennent et qui s’en vont mais qui laissent leur marque dans l’ensemble du cycle.

Il m’a semblé étonnant qu’Asimov accorde si peu de places aux variantes et aux fluctuations historiques. L’auteur semble vouloir nous dire que ce qui doit arriver arrivera. C’est tout. Voyons comment.

*On pourrait croire que l’Empire est éternel. Et pourtant, monsieur le Procureur, jusqu’au jour où la tempête le fend en deux, un tronc d’arbre pourri de l’intérieur semblera plus solide que jamais. L’ouragan souffle déjà sur l’Empire. Prêtez-lui l’oreille d’un psychohistorien… et vous entendrez craquer les branches de l’arbre. *

Le récit est très axé sur la politique au détriment de l’action. C’est, je dirais, le défaut de sa qualité. Je suis un peu mitigé sur ce choix mais je peux comprendre les raisons d’Asimov de mettre l’accent sur la politique, la diplomatie, la représentation et bien évidemment l’acquisition de connaissances.

C’est un excellent récit, fort bien mis en valeur par la narration de Stéphane Ronchewski, vivante, expressive, enveloppante. Sa conviction vocale m’a donné l’impression qu’il s’est mis lui-même dans la peau d’Asimov. Une parfaite réussite. Enfin, je veux signaler un irritant. Tout au long du récit, occasionnellement, le son baisse et laisse en plan plusieurs phrases de l’encyclopedia galactica.

Je peux comprendre que ce procédé, qui serait l’équivalent de points de suspension dans un texte écrit, empêche de longs palabres qui dilueraient l’intérêt des auditeurs\auditrices. J’ai tout de même trouvé ça énervant d’autant que plusieurs de ces phrases introduisaient des sujets intéressants.

Mais dans l’ensemble, ce livre m’a parlé. Il m’a rejoint ainsi que nos savants contemporains qui crient sur les toits l’urgence de la situation planétaire. Asimov est, sur le plan sociétal ce que Jules Verne fut sur le plan scientifique : précurseur, visionnaire. Ce livre audio m’a enchanté et comme tout est en place pour la suite, je ne manquerai pas d’y revenir.

Suggestion de lecture, du même auteur : LE CLUB DES VEUFS NOIRS

Écrivain américain d’origine russe, Isaac Asimov est né le 2 janvier 1920 à Petrovitchi. Il est mort le 6 avril 1992 à New York. Docteur en biochimie, il a écrit des livres de vulgarisation scientifique et enseigne à l’université, mais c’est surtout ses récits de science-fiction qui feront sa célébrité.

Il écrit ses premières nouvelles pendant ses études puis devint rapidement un grand auteur de science-fiction. En 1958, il décide de se consacrer entièrement à l’écriture et publiera des centaines d’ouvrages scientifiques et de fiction jusqu’à sa mort, en 1992. Parmi ses œuvres les plus célèbres, on peut citer le cycle Fondation (1951, 1953, 1982) et Les Robots (1950).

Le cycle fondation

À ÉCOUTER AUSSI

Bonne écoute
Claude Lambert
Le dimanche 7 août 2022

MÉTRO 2033, livre de DMITRY GLUKHOVSKY

*Et quand ils sont arrivés à Polejaïevskaya, il n’y avait plus âme qui vive. Et de corps, il n’y en avait aucun…juste du sang, partout. Voilà. Que je sois damné si je sais qui a pu faire ça. Mais, pour moi, aucun humain n’est capable de telles atrocités.
(Extrait : MÉTRO 2033, Dmitry Glukhovsky, 2016 Librairie l’Atalante pour la version française. Le livre de poche, édition de papier, 860 pages)

En 2014, une guerre nucléaire a ravagé la Terre. En 2033, quelques dizaines de Moscovites survivent dans le métro, se dotant de diverses formes de gouvernements et croyances. Mais une menace plane à présent de l’extérieur. L’un des survivants, Artème, est alors chargé d’en avertir Polis, une communauté de stations qui préservent les derniers vestiges de la civilisation humaine.

 

HORS DU MÉTRO POINT DE SALUT
*Sa phrase fut coupée par un cri perçant. On entendait des
hurlements, des pas de course, des pleurs d’enfants et
des sifflements menaçants…il y avait du grabuge dans
la station. L’hiérophante, inquiet, se concentra sur le
bruit et se figea dans l’obscurité. *
(Extrait)

*Oppressant* : C’est le premier mot qui me vient à l’esprit pour commenter ce livre. Paradoxalement, c’est une oppression savourée. Quand je manquais d’air, je refermais le livre et j’y revenais peu après avec un plaisir renouvelé.

Pourquoi ce sentiment d’oppression ? L’explication est dans le contenu : Nous sommes en 2033, vingt années se sont écoulées depuis la catastrophe nucléaire qui a ravagé la planète, la rendant inhabitable en surface. En Russie, les rescapés se sont abrités sous terre dans le Métro de Moscou et ses différentes stations sous-terraines, socialement organisées et indépendantes.

Nous suivons Artyom, jeune homme dans la vingtaine, citoyen de la station VDNKh dont les habitants doivent faire face à une menace de créatures mystérieuses venant des profondeurs des tunnels. Des créatures appelées *LES NOIRES* à qui on prête entre autres le pouvoir de s’emparer des esprits humains et d’y semer la confusion.

*C’est la psyché qu’ils sapent, les salauds !… Le pire, c’est que t’as l’impression qu’ils s’ajustent à ta longueur d’onde. Et la fois suivante, tu les perçois encore mieux, et tu ressens une terreur décuplée. Ce n’est pas seulement de la terreur…* (Extrait)

Artyom se voit confier une mission capitale: aller chercher l’aide du dernier bastion de la civilisation, dans le réseau des stations POLIS à l’extrémité du Métropolitain. Un voyage qui entraînera Artyom d’une station à l’autre, dans les profondeurs lugubres des tunnels.

C’est le fil conducteur du roman : suivre Artyom dans son périple en se demandant s’il en sortira vivant. Le passage sur la mission d’Artyom dans la grande bibliothèque de Moscou est particulièrement brillant. Artyoum possède certains dons de perception extra-sensorielle.

Malgré la récurrence du thème, le récit m’a impressionné par son réalisme. L’histoire se déroule sous terre et si j’en suis venu à manquer d’air en cours de lecture, c’est que l’auteur a trouvé le ton juste. C’est un récit musclé dans lequel se chevauchent l’anticipation, la science-fiction, la psychologie et l’horreur, certains passages sont pour le moins saisissants.

De l’action en crescendo et des personnages fort bien travaillés et approfondis. Le bestiaire est aussi superbement imaginé et ne laisse pas indifférent. Je me suis attaché très tôt à Artyom, ce qui a grandement contribué à l’intérêt que j’ai manifesté pour l’histoire dans ses débuts. L’ensemble est original et intriguant avec entre autres l’influence du néonazisme et d’un mystérieux 4e reich.

Aussi impressionnante que puisse être cette histoire, elle comporte certaines faiblesses. D’abord c’est un pavé très long qui prend parfois l’allure d’une chronique du quotidien dans le métro. Il y a des longueurs, parfois indigestes et un peu de redondance. Le récit de 850 pages aurait pu en sacrifier 150 sans nuire à son objectif.

Deuxième point, l’histoire est dépourvue de présence féminine. Je ne comprends. pas ce choix de l’auteur. En ce qui me concerne, j’ai réalisé très vite que ça manquait. Troisièmement, un des éléments redondants de l’histoire tient au fait qu’Artyom est toujours sauvé à la dernière minute.

Ça donne à l’histoire un caractère probable et prévisible. Enfin, il aurait été intéressant de développer un peu plus sur l’organisation des stations et d’expliquer ce que le néonazisme vient faire là-dedans.

Malgré tout, l’histoire m’a emporté et c’est ce que je voulais. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est un chef d’œuvre mais l’ouvrage a quelque chose de sidérant. Je vous le recommande, mais prévoyez du temps…

Né en 1979 à Moscou, Dmitry Glukhovsky, après des études en relations internationales à Jérusalem, a travaillé pour les chaînes Russia Today, EuroNews et Deutsche Welle. Métro 2033 a d’abord paru sur Internet avant de devenir un best-seller. Dmitru Glukhovssky est également l’auteur de Métro 2034, Sumerki (Prix Utopiales 2014, futu.re (Prix Libr’ànous 2016 et métro 2035.

La série

Bonne  lecture
Claude Lambert
le dimanche 12 juin 2022

 

LES NETTOYEURS, le livre de JULIEN CENTAURE

*Il se demanda même si leur sort était plus enviable
que celui des humains domestiqués. Ces derniers
vivaient à la surface et même si à soixante ans, ils
étaient immanquablement décérébrés, il s’agissait
d’une mort sans souffrances. *
(Extrait : LES NETTOYEURS, Julien Centaure C.I.P.P.
éditeur, 2015, 408 pages, papier. Version audio : Audible
studios éditeur, 2018, durée d’écoute, 14 heures 40
minutes. Narrateur : Renaud Dehesdin.)

La civilisation humaine ne subsiste plus que dans quelques cités souterraines. Les gens vivent et meurent dans leur cité sans jamais voir la lumière du jour. Seuls les nettoyeurs montent encore à la surface pour entretenir les installations. Ils doivent y affronter une nature particulièrement hostile où la moindre erreur est fatale. Lum détient le record absolu du nombre de sorties à la surface. Mais cette 489ème sortie ne va pas du tout se dérouler comme d’habitude

La touche de Centaure
*Lisa se demanda ce qu’elle serait devenue sans ce
jardin. Peut-être aurait-elle craqué. Se forçant un
passage jusqu’à une des cheminées de sortie des
nettoyeurs pour gagner la surface et aller mourir
dans les bras d’un plouton…une mort sans douleur,
on perdait conscience pour toujours…*
(Extrait)

C’est une histoire intéressante et bien imaginée. Elle a beaucoup d’affinité avec le volume précédant de Centaure : Esperanza 64. Voyons d’abord le synopsis. Il y a des centaines d’années, des créatures appelées PLOUTONS sont venues sur terre pour tuer, décimer l’humanité.

Ces créatures étaient dirigées mentalement par des Nymphes, des créatures translucides qui rappellent les méduses, mais elles se déplacent dans l’air plutôt que dans l’eau. Leurs motivations sont plutôt obscures. Des milliards d’humains sont morts décérébrés par les ploutons. Les survivants se sont rapidement organisés et ont créé des cités sous-terraines à l’épreuve des ploutons.

Devant cette résistance, les ploutons ont permis à des humains *domestiqués* de vivre en surface à la condition d’être décérébrés à l’âge de soixante ans. Le but de ce sursis est de combattre et nettoyer les cités sous-terraines. Ces humains domestiqués sont les Amiens. Une de ces cités est particulièrement coriace à combattre : Antéa.

Les seuls citoyens habilités à monter à la surface sont les Nettoyeurs qui voient à la maintenance des équipements. Les nettoyeurs dont LUM, le plus anciens et le meilleur ont développé un procédé mental qui leur permet de tenir tête aux Ploutons.

Antéa multipliait les stratégies pour combattre les Amiens. Une stratégie ultime consistait à envoyer un groupe d’espion avec Lum en tête dans le lointain continent Amien afin de comprendre leur mode de vie et leurs motivations.

Le dévoilement de leur identité les amènera à fuir et finalement s’engager dans l’armée Centaurienne et combattre dans la guerre qui oppose les centauriens aux furies et aux fantômex de la Planète Porte. Lume en reviendra complètement transformé, tout comme le destin de l’humanité.

J’ai été davantage surpris que déçu par l’écoute de ce livre, à cause de la tournure des évènements. La première partie du livre développe la rébellion des antéens qui est devenue une guerre ouverte avec les amiens. Beaucoup de morts, beaucoup de blessés et surtout des stratégies développées par Anthéa pour survivre…des stratégies, des techniques, des idées toutes plus brillantes les unes que les autres.

Je me demandais si les amiens comprenaient ce qui leur arrivait. J’étais figé par la narration de Dehesdin jusqu’à ce qu’une délégation d’espions dirigés par Lume soit déportée sur le continent amien. Là, changement de rythme, de style, la plume s’alourdit et, avec la participation des espions à la guerre centaurienne, l’histoire fait un virage inattendu et prend une saveur philosophique alors qu’un fantôme s’adresse mentalement à Lum.

Ici, je me suis demandé si l’auteur n’avait pas manqué d’inspiration, mettant de côté un long moment les événements qui secouent Antéa au profit d’un long palabre qui transforme Lum complètement et par la bande toute la chaîne d’évènements. J’ai trouvé ça un peu facile…à la limite de l’ennuyance.

Cette mission d’espionnage dont je n’ai pas vraiment saisi la nécessité a peut-être été vue par beaucoup de lecteur/lectrices comme un coup de génie par l’auteur, mais malheureusement, elle aboutit sur une finale bâclée, expédiée et peu crédible. C’était trop facile à mon avis parce que le thème est sous-développé.

Ce virage est surprenant je le rappelle, mais pas forcément décevant même si je ne suis pas sorti de cette écoute vraiment emballé. Il y a quand même des forces dignes de mentions : la notion même de nettoyeur est une trouvaille. Elle a été travaillée, structurée, approfondie et en ajoutant des qualités intrinsèques cela m’a permis de m’attacher au principal personnage du roman.

Il y a de l’émotion dans cette histoire et même de l’amour et il a sa place, aucun doute, même si aimer un nettoyeur n’est pas simple. Le récit prend l’allure d’un space opera, une aventure dramatique évoluant dans un environnement géo-politique complexe le tout avec un certain réalisme scientifique.

Si j’avais à noter, je donnerais un bon 70%. Largement suffisant pour recommander l’écoute du livre très bien narré par Renaud Dehesdin.

DES LIVRES DE JULIEN CENTAURE

L’auteur raconte

En ce qui me concerne, il n’y a pas grand-chose à dire, mais il faut savoir que lorsque j’écris, je suis presque tout le temps dans l’histoire. Le soir, dans mon lit, est un moment particulier, riche en idées, en rebondissements, mais je suis aussi dans l’histoire quand je fais mon jogging, quand je suis dans une salle d’attente, quand je conduis…

Écrire une histoire c’est la vivre à la puissance 10, c’est oublier presque totalement le monde réel. On est dans une petite pièce de 8 m² et on tient l’univers dans sa main.

Par contre, lorsque je n’écris pas, je fais vraiment n’importe quoi. Je ne me contrôle plus. Je suis une âme damnée. L’écriture est donc une thérapie pour moi. C’est par elle que je trouve un équilibre et que je deviens un humain normal.  J’ai écrit de nombreux ouvrages dont beaucoup ne seront jamais publiés, mais c’est toujours le dernier, celui que je vis, qui me semble le plus passionnant.
(Julien Centaure via Amazon.fr)

Bonne écoute
Claude Lambert
Le dimanche 13 mars 2022

CELUI QUI BAVE ET QUI GLOUGLOUTE, R.C. WAGNER

*Sa voix s’étrangla dans sa gorge à la vue du trait de
lumière écarlate qui venait de frapper le rocher non
loin de lui, creusant un petit cratère fumant dans la
pierre grise. Il leva les yeux, en quête de l’origine de
l’éclair mortel…*
(Extrait : CELUI QUI BAVE ET QUI GLOUGLOUTE, Roland
C. Wagner, Actusf, 2006, rééd. LES TROIS SOUHAITS,
nouvelle, format numérique, 90 pages)

1890, dans l’Ouest américain. Les derniers rapports des Tuniques bleues relatent d’étranges événements. Les Indiens, soutenus par des alliés invincibles, mènent des combats d’une force insoupçonnée et refoulent, pour la première fois, l’armée vers l’est. La rumeur tend à justifier ce revirement : leurs alliés seraient-ils des esprits démoniaques ? Des monstres venus d’une autre planète ? Kit Carson ― chasseur de prime ―, le professeur Lévêque et le séduisant détective Nat Pinkerton forment l’équipe intrépide qui dénouera la vérité dans une quête périlleuse à travers le mythique Far West et ses légendes : Calamity Jane, Jesse James, les Dalton.

La marque de Lovecraft
*Scott O’Bannon se demandait sérieusement s’il n’avait
Pas commis une erreur en laissant ce charmant vieux
savant consulter le Necronomicon. Pour tout dire, il
craignait d’avoir été victime de quelque mystérieuse
manipulation mentale.*
(Extrait)

CELUI QUI BAVE ET QUI GLOUGLOUTE est une nouvelle hors-norme. Un bijou d’originalité de style steampunk : un courant littéraire uchronique lié au XIXe siècle qui a été marqué par l’envahissement des voies maritimes de bateaux à vapeur.

C’est un texte au rythme élevé qui, première originalité, réunit les personnages les plus célèbres du far-west, dont des criminels, réactualisés par la littérature, incluant la BD comme l’incontournable série LUCKY LUKE crée par le dessinateur belge Morris : Kit Carson, Buffalo Bill, les Dalton, Jessy James, Billy the kid, Nat Pinkerton et j’en passe.

*C’est la nation indienne toute entière qui s’est soulevée, Sioux, Arapahos, Crows, Cheyennes, Pawnees, Pieds-bleus ou Apaches, toutes les tribus ont entrepris de refouler les pionniers vers l’est, infligeant défaite sur défaite à la cavalerie des États-Unis* (Extrait) 

Pourquoi une telle impuissance des soldats américains appelées *tuniques bleues* ? Eh bien il semble, et c’est là une deuxième originalité, que les Indiens se sont fait un précieux allié. Allié qui sera identifié plus tard comme étant des martiens : d’impossibles créatures vertes à quatre bras.

Très rapidement, on sent l’influence de Lovecraft dans le récit. Car plus tard, les vénusiens se mettront de la partie, non pas pour aider qui que ce soit, mais pour combattre…les martiens. Puis, un mystérieux personnage s’ajoutera au milieu du récit : un être surnaturel énorme qui mange des humains avec un appétit démesuré.

Cette entité, gardienne des portes dimensionnelles a été annoncée par le Nécronomicon, un ouvrage fictif du mythe de Cthulhu, inventé par l’écrivain-phare Howard Phillip Lovecraft et évoqué dans treize de ses œuvres.

Le Nécronomicon inspirera aussi des dizaines d’auteurs dont Rolland C Wagner pour la présente dans laquelle l’horrible livre est convoité quitte à rendre son lecteur fou ou abruti. Quant à cette créature de cauchemar sortie de nulle part et qui bouffe des humains à la douzaine seulement pour sa collation, on lui donnera le nom de CELUI QUI BAVE ET QUI GLOUGLOUTE…pour des raisons évidentes.

J’ai eu beaucoup de plaisir à lire cette nouvelle. Là je peux dire que l’auteur m’a surpris avec un mélange de genres qui a quelque chose d’hilarant. Comme je suis un inconditionnel de Lovecraft, la nouvelle m’a accroché et a eu sur moi l’effet d’une toile d’araignée.

Attiré au départ par ce titre étrange et un quatrième de couverture improbable qui m’apprend que le gouvernement américain engage le célèbre chasseur de primes Kit Carson pour régler le problème. Le résultat est un mélange détonnant : du Far West américain pure laine avec de la science-fiction introduisant des créatures pas spécialement appétissantes.

Une petite initiative qui pourrait vous faire goûter davantage CELUI QUI BAVE ET QUI GLOUGLOUTTE serait de faire connaissance avec LOVECRAFT. Wikipedia vous offre un dossier complet sur lui. Toute son œuvre repose sur l’horreur cosmique et la méconnaissance de l’homme sur tout ce qui concerne l’univers. Les détails de sa vie et de son œuvre, incluant le Necronomicon pourrait vous surprendre à bien des égards.

Le seul reproche que je pourrais faire à cette nouvelle, est la sous-exploitation du thème. J’ai souvent cette impression avec des nouvelles originales ou particulières. CELUI QUI BAVE ET QUI GLOUGLOUTE aurait eu suffisamment de matière pour en faire un roman complet.

Ça nous aurait sans doute donné des personnages mieux travaillés, plus aboutis, plus fouillés sur le plan psychologique. L’auteur aurait pu enrichir l’aspect anecdotique et décrire davantage la vie sociale, politique et économique du Far West du XIXe siècle. Enfin l’auteur aurait pu en profiter pour vulgariser le Necronomicon, le rendre un peu plus compréhensible.

Ceci dit, j’ai passé une petite heure tout à fait passionnante avec CELUI QUI BAVE ET QUI GLOUGLOUTE.

Suggestion de lecture : LE PROJET BRADBURY, de Neil Jomunsi

Né à Bab-el-oued en pleine Guerre d’Algérie, ayant grandi en banlieue parisienne entre rock et livres (du Fleuve Noir à Victor Hugo !), Roland Wagner a participé à sa première convention de SF à un peu moins de 14 ans, et fait paraître sa première nouvelle dans un fanzine l’année suivante.

Depuis 1987, Wagner a publié plusieurs dizaines de romans, au Fleuve Noir dans un premier temps, chez l’Atalante pour ce qui est du millénaire en cours. Ceci sans négliger d’autres éditeurs (Le Livre de Poche, J’ai Lu, Le Bélial, Le Rocher etc.).

Il est revenu sur le devant de la scène en 2011, avec RÊVES DE GLOIRE, une incroyable uchronie polyphonique sur la Guerre d’Algérie. Couverte de récompenses, dont le Prix Utopiales des Pays de Loire 2011 et le Grand prix de l’Imaginaire 2012, un monument littéraire, liant le souffle de l’imaginaire à la passion pour l’histoire contemporaine.

Né en 1890, Howard Phillips Lovecraft est un enfant chétif, qui sort peu et devra être scolarisé à la maison. En 1915, il fonde son propre journal. Deux ans plus tard, il compose ses premières fictions. En 1928, il publie « L’appel de Cthulhu », ouvrant la voie à un nouveau style dans le genre de l’horreur. La période qui suit est prolifique.

L’univers imaginaire qu’il met en scène a un énorme retentissement. Certaines de ses créatures surnaturelles sont reprises par d’autres écrivains de science-fiction. Nombre de ses personnages souffrent de désordres mentaux. L’ambiance de ses récits est pessimiste. Un cancer l’emporte en 1937, à 47 ans. Il est aujourd’hui cité comme source d’inspiration par des écrivains aussi célèbres que Stephen King, Peter Straub ou Neil Gaiman.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 13 novembre 2021

A COMME APOCALYPSE de PRESTON et CHILD

VERSION AUDIO

*L’explosion qui avait suivi avait coupé le tanker
en deux et provoqué son naufrage. Les raisons
même de l’explosion n’avaient jamais pu être
établies clairement. Les ingénieurs d’EES
pensaient toutefois que la déflagration était le
résultat d’une réaction entre la météorite et l’eau
de mer.*

(Extrait : A COMME APOCALYPSE, Preston & Child,
version audio : Audible studio éditeur, 2018, durée
d’écoute : 10 heures 37 minutes. Narrateur : Alexandre
Donders.)

Il y a cinq ans, Eli Glinn avait participé à une expédition pour convoyer une météorite géante tombée sur un îlot du Cap Horn. Mais le navire qui la transportait avait sombré en mer, et la météorite avec. Seulement, Glinn avait eu le temps de découvrir que la météorite d’origine extraterrestre était en fait une sorte de graine, qui depuis a germé pour donner naissance à un arbre gigantesque. Et sa croissance est loin d’être terminée : elle constitue une vraie menace pour la planète. Aussi Glinn confie à Gideon Crew la mission de détruire coute que coute ce baobab géant. 

Une mission de Gideon Crew
*Vous avez raison de parler de mutinerie. Nous n’avons
pas le choix. Il ne s’agit pas de nous mutiner pour sauver
nos peaux mais de sauver la peau de tous ceux qui
n’ont pas encore été infectés. *
(Extrait)

Cinq ans avant les évènements décrits dans A COMME APOCALYPSE, une expédition tente de convoyer une météorite géante de 25 000 tonnes, tombée dans la périphérie du Cap Horn. L’entreprise colossale est vouée à l’échec. Le navire sombre et la météorite avec. On devait en rester là mais Preston et Child ont reçu un fort volumineux courrier pour leur demander de conclure cette histoire qui manquait effectivement d’aboutissement.

C’est ainsi qu’est né A COMME APOCALYPSE et dans ce volet final, la tension sera forte par moment car on a découvert que la météorite couvait une graine qui a fini par produire dans les profondeurs de la mer un arbre qui rappelle le baobab à cause de l’épaisseur de son tronc et l’aspect tentaculaire de ses branches.

Les politiques et les scientifiques décident que cette créature qui est intelligente et vorace est un danger pour l’humanité et qu’il faut la détruire. Pour se faire, on fait appel à Gideon Crew, personnage récurrent dans l’œuvre de Preston et Child, toujours aussi attachant et brillant d’autant qu’on ne lui demandera rien de moins qu’un miracle.

C’est bien écrit et c’est plein de bonnes idées qui nous font un peu oublier que le sujet en général est réchauffé : des extraterrestres qui s’emparent de l’esprit des humains dans un but de domination ou d’anéantissement c’est monnaie courante en littérature, amplifié au cinéma par des films comme INDEPENDANCE DAY. La procédure est toutefois différente dans A COMME APOCALYPSE. Il y a des trouvailles intéressantes.

La pression fait plonger l’auditeur et l’auditrice avec les sauveteurs de l’humanit. Les auteurs frappent fort dès le départ et le suspense monte rapidement jusqu’à une descente aux enfers alors qu’on s’aperçoit qu’aucun contrôle n’est possible sur cette créature.

Des vers se sont échappés de quelques branches du baobab et ont été ramenés à bord pour analyse. Je ne parlerai pas des ravages engendrés par ces créatures diaboliques. Toutefois, on sent ici le *déjà vu*. Ceux qui ont vu le film PROJET CLOVERFIELD savent ce que je veux dire.

En résumé, le sujet est élimé mais bien travaillé. La trempe des personnages fait la différence. Le livre n’échappe pas à une tendance agaçante : des longueurs générées par de nombreuses explications scientifiques, heureusement pas trop longues dans ce cas-ci mais qui nuisent parfois à l’intrigue.

À partir de l’épisode de la mutinerie, le récit accuse de l’errance et quelques incohérences. Tout est expliqué dans l’épilogue mais c’est rapide et pas très fouillé. J’ai été un peu déçu par la finale. Mais en général, le suspense est bien entretenu, les personnages sont bien travaillés et remplissent bien leur espace. Les habitués de Preston et Child ne seront pas déçus de la performance de Gideon Crew.

L’écriture est habile quoiqu’elle rappelle davantage un scénario de film. Enfin, hommage au narrateur de la version audio qui, malgré les petites faiblesses de l’histoire m’a fait sentir acteur du drame. A COMME APOCALYPSE est finalement un très bon divertissement.

Comme vous l’avez vu, cette œuvre peut s’écouter indépendamment, mais pour le plaisir de participer à l’œuvre entière et de cheminer avec Gideon Crew et d’autres personnages comme Eli Glinn, toujours aussi suffisant, je vous recommande d’écouter ou de lire d’abord ICE LIMITE de Preston et Child <voir critique> et de voir comment tout a commencé.

Suggestion de lecture : L’APOCALYPSE N’EST PAS POUR DEMAIN, de Bruno Tertrais

Douglas Preston (À gauche) est né en 1957, Il est l’auteur de plusieurs romans dans les genres de l’horreur et du techno-thriller. Il a travaillé plusieurs années au « Museum d’Histoire Naturelle » américain avant de se consacrer à l’écriture en équipe avec son meilleur ami, Lincoln Child, déjà auteur de plusieurs anthologies d’horreur.

Lincoln Child est né le13 octobre 1957 à Westport, dans le Connecticut. En 1987, il devient analyste chez MetLife. C’est là qu’il fera une rencontre décisive avec Douglas Preston, commence peu après une fructueuse collaboration dans l’écriture de techno-thrillers. Ensemble, ils créeront les séries Pendergast et Gideon Crew.

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BONNE LECTURE
BONNE ÉCOUTE
Claude Lambert
Le samedi 16 octobre 2021