La fin et autres commencements

Commentaire sur le livre de
VERONICA ROTH

*Cette fois-là, je ne me suis pas contentée de regarder.
J’ai reculé de quelques pas, secoué mes mains
tremblantes, et me suis élancée en courant. Un moment
terrifiant de liberté et d’apesanteur. *
(Extrait : LA FIN ET AUTRES COMMENCEMENTS, Veronica
Roth, illustrations : Ashley McKenzie, Nathan éditeur, 2020,
édition de papier, 305 pages)


Six univers. Dans chacun de ces mondes futuristes parfois proches du nôtre et parfois si différents, la technologie transforme les êtres et façonne de nouvelles possibilités. Pourtant, chacun reste confronté à des problématiques profondément humaines. Plongez dans ces futurs, et explorez des histoires de mort et de renouveau, de haine et d’amour, de vengeance et de pardon… dont la fin n’est qu’un nouveau commencement.

 

Les univers de l’être et du mal-être
*Je connaissais le conteur car il aidait les gens à fuir la tyrannie
de la lignée des dictateurs Shotets. Et parmi ces gens, ma mère…
Elle avait dû quitter la planète pour échapper à son exécution, une
peine prononcée par le souverain en personne, parce qu’elle avait
commis le crime d’enseigner aux enfants une autre langue que le
Shotet * 
(Extrait)

C’est un recueil de six nouvelles.  Des récits étranges, teintés de psychologie et de science-fiction, des histoires qui se déroulent dans le futur caractérisé par une technologie suffisamment forte pour transformer l’être humain. Mais vous vous en doutez, l’être humain restera toujours humain. L’auteure est restée fidèle à ce concept.

J’ai eu de la difficulté à embarquer, à m’accrocher à ces brèves histoires. Peut-être à cause de leur petit côté initiatique et de beaucoup de passages que j’ai trouvés trop moralisateurs, l’amour étant par exemple une valeur qui supplante les autres. Il en est question partout et je trouve ça un peu minimaliste, voire irritant.

Le concept est intéressant car il oppose les contraires qui jalonnent et façonnent la vie : Désorienter pour réorienter, désapprendre pour réapprendre, défaire pour refaire, déconstruire pour reconstruire…finir pour recommencer quoi, le tout véhiculant des valeurs enveloppantes et positives : l’amour, l’empathie, le pardon et j’en passe. Je me demande même si ce concept n’est pas apparenté à celui des cours sur le développement de la personnalité.

J’ai trouvé aussi très intéressante la dernière nouvelle : LE TRANSFORMATISTE qui pourrait d’après moi, traduire le mieux la pensée de l’auteure : *Tout est réglé à l’avance dans ce monde ; tout est voué à devenir adulte. Et le chemin qui y conduit n’est pas toujours agréable vois-tu ? Les calamitas le savent. Ils vont jusqu’à se dévorer eux-mêmes pour accomplir leur transformation. * (Extrait ) Donc la transformation détruit, reconstruit, appelle au renouveau. Voilà qui met bien en lumière le titre de l’œuvre.

J’adhère très peu à ce genre de littérature mais je lui reconnais ses forces, à cause, en particulier, des valeurs qu’elles véhiculent. Dans LA FIN ET AUTRES COMMENCEMENTS, l’auteure déploie avec habilité sa principale force : la création d’univers originaux. Je ne peux pas en dire autant de ses personnages auxquels je me suis senti détaché tout au long de la lecture. Les thèmes ne manquent pas de profondeur et je dois le dire, la présentation de l’œuvre est magnifique.

L’édition est bien ventilée et magnifiquement illustrée par Ashley MacKenzie, une spécialiste des illustrations conceptuelles complexes qui soutiennent visuellement les auteurs. Je dois dire qu’elle traduit même à merveille l’esprit de l’auteure Veronica Roth qui en a séduit plusieurs avec son livre MARQUER LES OMBRES. Je ne suis pas trop preneur mais ce genre de littérature est proche des gens et pointe gentiment du doigt la Société. C’est la raison pour laquelle je vous recommande LA FIN ET AUTRES COMMENCEMENTS.

Suggestion de lecture : LE GARÇON ET L’UNIVERS, de Trent Dalton

Veronica Roth est née le 19 août 1988 à Chicago. C’est une romancière américaine de littérature pour jeunes adultes. Elle est diplômée de l’Université Northwestern, en écriture créative. Elle termine la trilogie qui l’a rendue célèbre deux mois avant la fin des cours : Divergent le premier tome de sa saga paraît en mai 2011, Insurgent en mai 2012 et Allegiant en octobre 2013. La jeune romancière explore un modèle de contre-utopie post apocalyptique qui se déroule à Chicago. La ville est divisée en six factions, Altruiste, Audacieux, Érudit, Sincère, Fraternel et les « sans faction ». 

La trilogie DIVERGENCE, de la même auteure

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 22 septembre 2024

LÉO MAJOR, un héros résilient

Biographie écrite par LUC LÉPINE

*L’ouvrage que vous tenez entre les mains saura vous donner le goût d’en savoir davantage sur l’héroïsme guerrier et sa perception sociale. Cela dit, si la résilience pouvait avoir un visage, Luc Lépine… a certainement su en peindre les traits sous ceux du sergent Léo Major. * (propos de Richard V. Blanchette, major général retraité, extrait de la deuxième préface, LÉO MAJOR, UN HÉROS RÉSILIENT, Luc Lépine, audio, Audible éditeur, durée d’écoute : 3 heures 14 minutes, narrateur : Alexis Martin)

La réalité de la guerre

C’est un récit biographique qui raconte l’histoire d’un homme qui était pour moi, jusqu’à aujourd’hui, une parcelle du soldat inconnu. Je ne connaissais pas les faits d’arme de Léo Major, et pourtant, il a participé à faire pencher la guerre du côté des alliés. Il est évident pour moi que Léo Major a été boudé et oublié par la toponymie et l’histoire malgré son incroyable bravoure et ses actions d’éclat comme le fait d’avoir libéré à lui seul la ville de ZWOLLE en Hollande, 50,000 habitants, fortement occupée par les allemands.

Il a sauvé la ville en appliquant une ruse géniale que je vous laisse découvrir. Léo Major a servi dans le régiment de la CHAUDIÈRE et le Royal 22e régiment des Forces Canadiennes. C’était un téméraire et son surnom de *rambo québécois* laisse à penser que c’était aussi une machine de guerre.

J’ai appris des choses étonnantes dans ce récit. Surprenant par exemple qu’un corps aussi brisé par la guerre ait pu survivre. Étonnant de constater qu’un homme qui possède une telle étoffe du héros ait eu si peu de reconnaissance. Mais en fait de démobilisation, je dirais qu’on lui a plutôt montré la porte. Il y a toutefois des raisons à cela.

Léo Major était un caractériel, peu respectueux des règles et parfois des ordres. Il critiquait aussi allègrement les officiers, ce qui parait très mal dans un dossier militaire. Impulsif, ombrageux, brouillon sur le plan personnel, Major a bâti sa valeur sur le front et il est pourtant resté incroyablement discret sur ses prouesses guerrières.

Le livre audio LÉO MAJOR UN HÉROS RÉSILIENT est une œuvre en parfait équilibre développée et présentée simplement, l’auteur, Luc Lépine a évité le piège du sensationnalisme, ce qui n’empêche pas le narrateur, Alexis Martin, de se sentir au cœur des évènements et d’utiliser parfois un ton d’urgence. Il m’a entraîné doucement mais fermement.

Il a capté mon attention, et il l’a gardée jusqu’à la fin. Avec sa plume captivante, Lépine a tout prévu : il a passé en revue le contexte social, le contexte familial, le contexte militaire, les exploit et l’après-guerre qui ne fut pas sans épreuve. C’est un travail bien documenté.

Luc Lépine m’a fait connaître un homme épique et j’espère sincèrement qu’avec la diffusion de son œuvre, Léo Major deviendra une véritable inspiration pour les générations futures et que le héros sera célébré chez nous comme les hollandais de ZWOLLE le célèbrent ponctuellement depuis que Léo est entré dans leurs vies en les libérant du joug allemand. Cet œuvre m’a surpris. Je suis heureux de la classer parmi mes meilleures auditions jusqu’à maintenant.

Suggestion de lecture : DEREK AUCOIN LA TÊTE HAUTE, de Benoît Rioux. Résit biographique.

Luc Lépine est un historien militaire québécois. Il a étudié au Royal Military College à Kingston. En 2005, il a obtenu un doctorat de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) portant sur l’histoire du district de milice de Montréal de 1787 à 1829. Il a travaillé au ministère de l’Éducation. Comme chargé de cours, il enseigne pour les Forces armées canadiennes. En plus de sa biographie de Léo Major, Luc Lépine a écrit LE QUÉBEC ET LA GUERRE DE 1812.

BONNE ÉCOUTE
Claude Lambert
le samedi 14 septembre 2024

LE SINGE D’HARLOW

Commentaire sur le livre de
LUDOVIC LANCIEN

*Le Centre d’Injection Supervisé. Trois mots résumant à eux seuls
l’ampleur du désastre. Un projet controversé, conspué. Une tumeur
plantée dans le cœur fatigué d’une ville…dans le but officiel de
réduire les risques sanitaires liés aux maladies infectieuses et
autres overdoses. Une manière de mettre sous cloche une gangrène
de la société… *

(Extrait : LE SINGE D’HARLOW, Ludovic Lancien,
Hugo poche éditeur, 2019, édition de papier, poche, 430 pages)

Démis de ses fonctions de commandant à la PJ parisienne, le lieutenant Lucas Dorinel vit son exil brestois comme une petite mort. Jusqu’à ce qu’un message obscur — Les Bêtes seront sacrifiées — lui rappelle ce que la mort, la vraie, a de plus terrifiant.
Car le message le conduit à un cadavre. Sauvagement mutilé. Celui d’un homme incarcéré huit ans plus tôt pour le meurtre d’un enfant. En s’adressant directement à lui, l’assassin réveille en Lucas à la fois son instinct de flic et sa violence. Le meurtrier et lui sont faits de la même étoffe. Prêts à combattre le mal par le mal et à traquer les Bêtes là où elles se terrent.

Combattre le mal par le mal
*Lucas repensa au discours du docteur Dubois. A l’expérience d’Harlow,
ce psychologue américain, qui démontrait que l’homme, au même titre
que tous les animaux, avait besoin de sécurité affective, à travers une
figure d’attachement, pour s’épanouir. Certains grandissaient sans cette
 figure et s’en sortaient très bien une fois arrivés à l’âge adulte. Mais tout
le monde n’était pas immunisé face à ce désastre psychique*
(Extrait)

C’est une histoire complexe. Un policier en disgrâce et en exil reçoit un obscur message qui le conduit au cadavre mutilé d’un homme incarcéré huit ans plus tôt pour le meurtre d’un enfant. Un message qui remet le lieutenant Lucas Dorinel en selle.

Je suis sorti de cette lecture mitigé car si le synopsis semble simple, le récit est dur à suivre. Commençons par les forces. Dans ce roman, il n’y a pas de suspense comme tel mais l’intrigue est forte. L’idée de base est intéressante même si le rituel meurtrier est issu d’un tordu décérébré et il n’est pas le seul dans cette histoire. Il y a plusieurs trouvailles dans ce récit. Il y a par exemple un geste posé par le meurtrier qu’on retrouve souvent dans la mythologie grecque, je vous le laisse découvrir évidemment.

Le lien avec le titre est aussi fort. Il fait référence à l’expérience de Harry Harlow <1905-1981>, un psychologue américain qui visait à vérifier la théorie de l’attachement de Bowlby. Pour plus de détails, allez au lien mais sachez toutefois que cette expérience sur des singes étaient d’une cruauté sans nom et serait de nos jours condamnée par l’éthique et la morale ainsi que par la loi. Vous aurez sans doute plaisir à découvrir ce que Harlow vient faire dans cette histoire et à vous de décider si vous êtes d’accord avec le principe ou pas.

Je l’ai dit plus haut, c’est pas facile à suivre. D’abord, la quantité de personnages, beaucoup trop forte inutilement donne au récit un caractère labyrinthique qui porte le lecteur au découragement. Je l’ai dit souvent. Pour un tel défi littéraire, l’éditeur devrait inclure au début, une liste des principaux personnages. Une fois bien mêlé, on pourrait au moins y référer. C’est la principale faiblesse du livre.

Autre irritant : Dorinel est un autre de ces policiers au passé compliqué et aux états d’âme lancinants. C’est trop courant en littérature policière. C’est polluant au point de se demander si ça se trouve quelque part un policier normal. Enfin, l’histoire est ponctuée de fausses pistes, de non-dit, de détournements d’attention et parfois de dialogues erratiques. Le fil conducteur est instable. Tout est gardé pour la finale qui ne m’a pas emballé d’ailleurs.

J’aimerais terminer avec quelques points positifs. Il y a de très bonnes idées dans ce roman. C’est un récit noir, dur et violent qui ne laisse pas indifférent et même qui ébranle un peu. Au moins, le livre provoque des réactions. Son écriture est assez fluide, les chapitres sont courts et l’édition est très bien ventilée. Enfin plusieurs éléments dans l’imagination déployée et dans la plume laissent à penser que l’auteur, Ludovic Lancien est prometteur. Après tout LE SINGE D’HARLOW est son premier roman. Si sa carrière commence comme son récit, il sera très intéressant à suivre.

Suggestion de lecture : CHRONIQUE D’UN MEURTRE ANNONCÉ, de David Grann

Comme les protagonistes de son thriller, Ludovic Lancien a sillonné l’ouest de la France, de
Quimperlé à Nantes en passant par La-Roche-sur-Yon et Concarneau pour travailler en pépinière et en maraîchage. Lecteur assidu, il a créé son propre blog littéraire avant de se lancer dans l’écriture et de remporter, à l’unanimité du jury, le prix FYCTIA 2019 du meilleur suspense.

 

Dans la même collection

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 24 août 2024

LA CHASSE, Bernard Minier

<La forêt recouvrait les collines, la nuit recouvrait la forêt, la peur recouvrait ses pensées. Sa peur avait un son – celui de sa propre respiration terrorisée et de son cœur qui battait -, elle avait une odeur – celle de sa transpiration et de cette chose puante sur sa tête -, elle avait une couleur : noir, noir de la foret, noir de l’âme de ces hommes, noir de sa propre peau…>

Extrait : LA CHASSE, Bernard Minier, XO éditeur 2021, papier, 424 pages. Version audio : Lizzie éditeur, 2021, 1.01 go, durée d’écoute : 12 heures 11 minutes, narrateur : Hugues Martel.

Il y a des ténèbres qu’aucun soleil ne peut dissiper. Sous le halo de la pleine lune, un cerf surgit de la forêt. L’animal a des yeux humains. Ce n’est pas une bête sauvage qui a été chassée dans les forêts de l’Ariège… Dans ce thriller implacable au final renversant, Bernard Minier s’empare des dérives de notre époque. Manipulations, violences, règlements de comptes, un roman d’une actualité brûlante sur les sentiers de la peur. Une enquête où Martin Servaz joue son honneur autant que sa peau.

 

DÉRIVE EN CRESCENDO


Aucun criminel ne fait montre de plus de cruauté que celui qui se croit d’avance absous de ces crimes par une cause qu’il pense juste.

Extrait

 

L’auteur frappe fort dès le début alors qu’un jeune noir coiffé d’une tête de cerf fait l’objet d’une cruelle chasse à mort dans une forêt toulousaine. Sur son cadavre, on trouvera un simple mot gravé : Justice. L’éditeur présente ce livre comme un thriller. Ce genre littéraire procure généralement des émotions fortes, ce que je n’ai pas vraiment ressenti. J’ai vu plutôt ce livre comme un polar à cause, en particulier, de l’analyse extrêmement critique qu’il fait de la Société.

C’est un roman très noir. Il ne brille pas particulièrement par son originalité. J’ai trouvé l’intrigue, développée sur fond de COVID, intéressante mais plutôt limitée, entre autres par les observations acerbes faites sur une société malade à en crever. L’idée de base du récit est dévoilée assez vite.

Je crois plutôt que c’est la chasse qui tient le lecteur dans le coup…la chasse au gibier humain d’abord, puis la chasse aux chasseurs et c’est à ce niveau que l’auteur développe la théorie d’une justice occulte opérant dans la plus totale illégalité. Ce n’est pas une nouveauté en littérature mais j’ai trouvé intéressante la façon dont ce thème est développé dans la CHASSE.

Sa force étant occultée par un rythme très lent, l’intrigue ne m’a pas vraiment fasciné, encore moins l’analyse sociétale qui s’en dégage : Société à la dérive, justice traficotée, police infiltrée par l’incompétence et la trahison, entre autres. Rien de nouveau.

Je crois quand même pouvoir identifier ici deux éléments qui font principalement la force du récit : premièrement son atmosphère ou l’ambiance si vous préférez, sa noirceur, son non-dit qui force les méninges du lecteur pour tenter de comprendre les motivations des chasseurs de gibier humain et le parallèle avec la Société actuelle.

Deuxième force du roman : un personnage particulièrement bien travaillé et qui tient lieu de fil conducteur dans tout le récit : Le policier Martin Servaz, un brillant limier, opiniâtre, tenace, personnage récurrent dans l’œuvre de Bernard Minier. J’ai beaucoup aimé son caractère directif et sa façon de mener l’enquête.

Bref, LA CHASSE est un roman qui explore, avec une imagination parfois trop poussée, la noirceur de l’âme humaine et les tares de notre Société. L’intrigue est moyenne mais les motivations dévoilées graduellement dans l’histoire poussent à la réflexion entre autres sur le mal que la Société sa fait à elle-même. Ce n’est pas ce que j’appellerais un livre inoubliable mais il est intéressant à lire avec des personnages intéressants à suivre, dont un Martin Servaz égal à lui-même.

Suggestion de lecture : UNE CHASSE DANGEREUSE de Clifford D. Simak


L’auteur : Bernard Minier

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 11 août 2024

LES RAISINS DE LA COLÈRE

COMMENTAIRE SUR LE LIVRE DE
JONH STEINBECK

*Un homme peut garder sa terre tant qu’il a de quoi manger et payer ses impôts ; c’est une chose qui peut se faire. Oui, il peut le faire jusqu’au jour où sa récolte lui fait défaut, alors il lui faut emprunter de l’argent à la banque. Bien sûr… seulement, vous comprenez, une banque ou une compagnie ne peut pas faire ça, parce que ce ne sont pas des créatures qui respirent de l’air, qui mangent de la viande. Elles respirent des bénéfices ; elles mangent l’intérêt de l’argent. Si elles n’en ont pas, elles meurent, tout comme vous mourriez sans air, sans viande. C’est très triste, mais c’est comme ça. On n’y peut rien. *

Extrait : LES RAISINS DE LA COLÈRE, John Steinbeck, version numérique, Gallimard éditeur 2012. Publié pour la première fois en 1939, 64 pages -poche-

Oklahoma dans les années 1930 : tout juste sorti de prison, Tom Joad rejoint sa famille. Surprise, la famille se prépare à partir. En effet, suite à une série de tempêtes de sable qui ont détruit toutes les cultures, la famille est contrainte d’abandonner la ferme. Attirés par des prospectus qui promettent travail et prospérité en Californie, ils investissent toutes leurs économies dans ce long voyage, empruntant la légendaire route 66 vers l’ouest. Bien qu’enfreignant les conditions de sa mise en liberté, Tom décide de partir avec eux.

Une œuvre Pulitzer

Une de mes meilleures lectures à vie

Nous sommes dans les années 1930, dans la grande dépression économique provoquée par le krach boursier de 1929 qui a semé misère, désolation, faillites et chaos. Nous suivons la famille Joad : Tom, le personnage central du roman, libéré sur parole, Pa le patriarche, Ma la matriarche, Al, le cadet de la famille et John, frère de Pa donc oncle de Tom et Al. Puis Noah, les enfants Rudy et Winfield, enfin Grandpa et Grandma, les aînés Joad qui meurent sur la route d’une espérance illusoire… Ajoutons à cela quelques personnages qui gravitent autour de la famille.

Les banques ayant repris toutes les terres déficitaires de l’Oklahoma, les Joad empruntent la légendaire route 66 pour gagner la Californie où, parait-il, il y a de l’embauche. Cruelle déception à leur arrivée : une énorme quantité de travailleurs pousse les salaires déjà scandaleux à la baisse, favorisant ainsi l’enrichissement éhonté des grands propriétaires terriens. Les grands rêves des Joad sont cruellement brisés et remplacés par une unique nécessité : survivre. La famille, en marge de l’éclatement sera rudement mise à l’épreuve.

LES RAISINS DE LA COLÈRE est un drame social d’une grande intensité, enveloppant et profondément humain. J’ai été ébranlé, touché, ému par la profondeur des personnages, comme je le fus pour la lecture d’un autre chef d’œuvre de Steinbeck : LES SOURIS ET LES HOMMES. Les Joad auraient pu être mes frères, sœurs, amis, collègues. J’ai souffert pour eux, tantôt triste, tantôt volontaire et insufflé de l’incroyable courage de Ma Joad.

Tels sont les effets qu’ont sur moi des personnages aussi attachants et authentiques. Pour utiliser un cliché aussi clair qu’explicite, j’ai été pris aux tripes par la sensibilité de la plume, la conscience sociale de l’auteur et le regard critique qu’il pose sur la société. Tout en douceur, Steinbeck insère dans son récit une philosophie qui colle à une réalité triste et encore très actuelle en commençant par sa définition de l’homme :

<…la faim dans une seule âme, faim de joie et d’une certaine sécurité, multipliée par un million ; muscles et cerveau souffrant du désir de grandir, de travailler, de créer, multipliés par un million. La dernière fonction de l’homme, claire et bien définie… muscles souffrant du désir de travailler, cerveau souffrant du désir de créer au-delà des nécessités individuelles… voilà ce qu’est l’homme. > Extrait

Le récit est porteur d’une profonde réflexion sur la faim qui fait encore souffrir de nos jours : <… et la colère commence à luire dans les yeux de ceux qui ont faim. Dans l’âme des gens, les raisins de la colère se gonflent et mûrissent annonçant les vendanges prochaines. > Extrait. Les raisins symbolisent la dignité par le travail, un cri du corps et du cœur. Ce livre de Steinbeck est un chef d’œuvre immense qui n’a jamais vieilli.

Très léger bémol : j’ai trouvé la finale un peu étrange. Comme si l’auteur mettait son récit en suspension, laissant à penser que l’histoire des Joad est une réalité qui perdure partout dans le monde. J’aurais aussi aimé être fixé sur le destin de Tom, personnage central de l’histoire qui disparait presque discrètement vers la fin.

C’est un livre magnifique, une véritable prose qui m’a fait ressentir de la tristesse, de la colère, bref toute une gamme d’émotions sans compter la nécessité d’une introspection et le goût d’un retour à la terre. C’est aussi un roman porteur de réflexion entre autres sur la famille. Le livre illustre dramatiquement sa fragilité.

Mon avis est qu’il faut lire absolument LES RAISINS DE LA COLÈRE, une œuvre qui ne laisse pas indifférente et qui analyse froidement une situation sociale préoccupante. Même si le livre a été publié pour la première fois en 1939, vous pouvez me croire quand je vous dis qu’il a conservé toute son actualité. J’ai adoré cette lecture. Elle m’a beaucoup touché.

 

En haut à gauche, l’auteur John Steinbeck. En haut à droite, une scène du film adapté du livre LES RAISINS DE LA COLÈRE sorti en 1940 et réalisé par John Ford avec Henry Fonda, Jane Darwell, Doris Bowdon et Charley Grapewin. Ci-contre, l’affiche du film.
En bas, couverture du livre qui a précédé de deux ans LES RAISINS DE LA COLÈRE et qui fut aussi un best-seller : DES SOURIS ET DES HOMMES. Ce livre a fait l’objet d’un commentaire sur ce site. Pour le lire,
cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 16 juin 2016

 

LA ROME ANTIQUE, de Peter Ackroyd

De la série VOYAGES DANS LE TEMPS

*Rome s’effondra il y a plus de mille cinq cents ans, mais elle nous a laissé un héritage riche. Nombreux sont les monuments et les routes qui ont survécu. On enseigne encore le latin dans le monde entier. Les écrivains et les orateurs de la république inspirèrent les dirigeants des révolutions française et américaine. L’empire britannique prit pour modèle l’empire romain. *  (LA ROME ANTIQUE, Peter Ackroyd, La Mascara éditeur, 2006, collection Voyages dans le temps. Édition de papier, illustrée, 145 pages)

Rome a contribué à façonner le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui.

L’HÉRITAGE DE ROMULUS

C’est un livre intéressant dont la principale force est la présentation graphique en plus d’être richement illustré de photos et de dessins. Le livre nous fait voyager dans le temps jusqu’à la fondation de Rome et sa croissance avant de devenir le prestigieux empire qui a jeté les bases de notre civilisation.

Le livre couvre les grands thèmes de l’évolution romaine mais traite les sujets de façon plutôt superficielle. C’est un ouvrage généraliste qui ne fait qu’initier à l’histoire romaine mais qui couvre l’essentiel. Pour couvrir l’histoire de la Rome antique il faut lire au minimum HISTOIRE DE LA ROME ANTIQUE de Lucien Jerphagnon ou, écrit sous le même titre, le livre de Le Boec Yann. Mais pour s’initier à l’histoire et l’héritage de Rome, le livre de Peter Ackroyd est excellent et m’a donné le goût de pousser plus loin.

Le livre passe en revue, dans les grandes lignes, la naissance de Rome, les innombrables guerres, l’époque de la république, les empereurs, une petite chronique de la vie quotidienne à Rome, l’empire et sa chute.

Livre bien fait, bien documenté, très agréable à l’œil, parfait pour les jeunes qui ont le goût de s’initier à l’histoire. Le livre dans l’ensemble est plutôt limité dans les détails mais propose des annexes qui comble partiellement cette lacune. Le livre est très coloré et bien ventilé. Il se lit vite et bien. Bref, un petit documentaire de qualité.

Suggestion de lecture : EXODUS, de Leon Uris

Pour la biographie de Peter Ackroyd, cliquez ici. Il existe aussi une quantité impressionnante de films sous le thème de la Rome antique. Le site senscritique propose ici une filmographie de 54 titres. Je vous invite aussi à parcourir une bibliographie préparée par booknode sous le même thème. Plusieurs documentaires pourraient aussi vous intéresser dans cette liste.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 21 avril 2024

LE VILLAGE, livre de Virginie Delage

*Finalement, je ne sais pas ce qui a déclenché tout ça.
 Son regard à lui. Ses yeux, à elle. Ou le gosse ?
Le gosse me demandant : “Tu viens nous aider ?” 
J’ai la rage, soudain. Tout ça, c’est à cause de lui.
Uniquement à cause de lui. Voilà pourquoi je
m’apprête à faire un truc que je n’aurais jamais pensé
faire, moi qui ne suis pas un violent. Dans quelques
minutes, je vais tuer cet homme. * 
(Extrait : LE VILLAGE,
Virginie Delage, pour la présente, édition numérique, Michel
Lafon éditeur, 2020, 1,7 Mo, 237 pages. Collection Thriller)

Les villages de l’adolescence sont parfois dangereux quand on les revisite vers la quarantaine et qu’on se confronte à ses rêves de jeunesse. Car l’adolescence est une période magique où l’on croit volontiers à l’amour éternel, aux amitiés d’airain, à son talent, au destin que l’on s’est choisi. Pour finir, quelquefois, par tout renier et se trahir soi-même. Ce livre nous permet d’emprunter le regard de plusieurs personnages ayant tous un lien avec un village qui génère des souvenirs bons ou douloureux. C’est un roman à deux voix : Oscar, qui raconte son ascension sociale, puis un anonyme qui plonge dans ses souvenirs en se promenant dans le village.

Un passé attractif
*Il y a des souvenirs si forts, si intenses,
qu’il vaut mieux les tenir à l’écart. *
 
(Extrait)

LE VILLAGE est un drame psychologique qui met en scène des personnages ayant un point en commun : ils sont issus d’un village où des évènements précis ont touché et modelé de toutes sortes de façon leur enfance et leur adolescence, façonnant ainsi un avenir qui ne s’annonce pas nécessairement rose. Les deux principaux personnages ont aussi un point en commun : leur ambition.

Dans ce livre, deux narrations alternent. D’abord, nous suivons l’évolution professionnelle d’Oscar Aury dont la vie jongle entre l’amour et l’ambition. Oscar parle de sa vie, de ses amis, de son amour et surtout des évènements qui vont le conduire vers son tragique destin sans oublier la façon dont il influencera le destin des autres, par exemple celui de François Bonnamy qui dirige, pour le compte d’une Société dont fait partie Oscar comme cadre, une prestigieuse entreprise de production de vêtements pour enfants : la marque Bonenfant.

Le deuxième narrateur n’a pas de nom. Il parle lui aussi de son quotidien au village pendant sa jeunesse et nous fait rencontrer les riches familles de la région.

Que deux destins en apparence banals convergent, sur le plan littéraire, c’est très courant et très acceptable, mais j’ai de la difficulté avec les récits à plusieurs voix quand l’auteur s’étend trop longtemps et farcie son récit d’une quantité de détails telle que l’intérêt du lecteur et de la lectrice est dilué. Sur le plan de l’écriture, le récit à deux voix est un beau défi. Ça peut même devenir emballant avec des personnages bien travaillés et une intrigue solide.

Je n’ai pas pu m’attacher aux personnages qui sont insuffisamment définis et j’ai trouvé l’intrigue en errance avec un peu de confusion jusqu’au dernier quart du livre où les états d’âmes d’Oscar nous font un peu appréhender la finale. J’ai trouvé que, pour un roman aussi court, il y avait beaucoup de longueurs. Malgré tout, j’ai trouvé l’écriture belle, la plume élégante. Malheureusement, les personnages manquent de chaleur et ont été, à mon avis, insuffisamment travaillés.

Je ne regrette absolument pas d’avoir lu LE VILLAGE car c’est le premier roman de Virginie Delage et j’ai ressenti dans la lecture de son livre les indices d’un futur prometteur. Et peut-être quelque chose m’a-t-il échappé ! Le livre n’a-t-il pas gagné un prix? Je le considère comme un encouragement pour l’auteure qui, pour jouer sur la convergence devra ajouter à son écriture de l’émotion et des éléments qui pousseront les lecteurs et lectrices à l’empathie vis-à-vis ses personnages.

Je considère ce dernier élément extrêmement important car à quoi s’accroche le lecteur dès le départ sinon à un personnage. J’admets que le début du récit est accrocheur et en parfaite cohérence avec la finale et que le roman a sûrement d’autres belles qualités. Ici, je me suis spontanément limité à mon ressenti.

Suggestion de lecture : L’APPEL DU COUCOU, de Robert Galbraith


Virginie Delage, lauréate du PRIX LITTÉRAIRE AU FÉMININ

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 13 avril 2024

UN(e)SECTE, le livre de Maxime Chattam

*Jenny était plongée dans son récit et ne prêta aucune attention au long mille-pattes s’enroulant à la rambarde qui ceignait la terrasse. Il était impressionnant. Comme sorti des pages qu’elle tournait. Un demi-bras de longueur. Ses anneaux ondulant à chaque mouvement de ses nombreux membres, agrippant le bois sans jamais glisser, ses antennes palpitant devant lui, sondant le terrain…*

(Extrait : UN (e) SECTE, Maxime Chattam. Or. Albin Michel éditeur, 2019, papier, 464 pages. Version audio : Audiolib éditeur, durée d’écoute : 13 heures 4 minutes. Narrateur : Emmanuel Dekonninck)



Et si tous les insectes du monde se mettaient soudainement à communiquer entre eux ? À s’organiser ? Nous ne survivrions pas plus de quelques jours. Entre un crime spectaculaire et la disparition inexpliquée d’une jeune femme, les chemins du détective Atticus Gore et de la privée Kat Kordell vont s’entremêler et ils seront confrontés à une vérité effrayante. Des enquêteurs investissent des lieux où personne n’oserait s’aventurer.

 

Un défi de lecture pour entomophobes
*Atticus repensa à l’état du corps sur les marches. Impossible que
des insectes l’aient nettoyé en quelques heures, il avait fallu plusieurs
semaines au moins, sinon des mois, ne cessait-il de se répéter. *
(Extrait)

D’entrée de jeu, je vous préviens que si vous n’aimez pas les insectes ou s’ils vous font peur, comme les araignées ou vous dégoutent, évitez ce livre car sa véritable force tient à la gamme d’émotions dans laquelle il vous pousse : dégoût, horreur, angoisse, terreur. Ce livre est loin d’être un bijou d’exercice de style, ce n’est pas non plus le meilleur de Chattam mais il opère chez l’auditeur et le lecteur une espèce de magie noire : il entretient le frisson d’un bout à l’autre du récit et met parfois mal à l’aise.

C’est d’autant glauque que le sujet est développé aux limites de la réalité. Imaginez un instant que vous avez le contrôle total des insectes de toute la planète, insectes qui sont des milliards de fois plus nombreux que les humains. Vous leur commandez, ils vous obéissent. Que feriez-vous avec un tel pouvoir ? Le grand ménage de l’humanité ? Une fin du monde programmée ou peut-être utiliseriez-vous ce pouvoir à des fins humanitaires, alimentaires ou peut-être mercantiles ?

Maintenant, imaginez un multimilliardaire assoiffé de contrôle et de pouvoir et qui y met les moyens, comme on en voit dans certaines histoires de James Bond : des richissimes misanthropes, caractériels, fêlés… ce mélange est une bombe.

Vous lisez ou écoutez ce livre comme si vous manipuliez une poudrière. J’ai eu le cœur en suspens par moment. Vous n’avez qu’à imaginer une veuve noire bien grasse qui cherche à se glisser sous votre pantalon… ce livre est porteur de frissons mais aussi de réflexion sur l’argent et le pouvoir, le caractère blasé de notre société et son indifférence et aussi sur les sectes et le danger qu’elles représentent, assises sur la mégalomanie avec de redoutables techniques de recrutement. Pour le reste, c’est du Chattam : impression de déjà vu, style un peu figé, personnages peu travaillés et pas très attachant.

Je ne suis pas amateur d’insectes et j’ai horreur des araignées. Mais j’aime éprouver des sensations en lecture. Ce livre est loin d’être un chef d’oeuvre mais il m’a fait vivre des émotions fortes. Je n’attendais rien d’autre de Maxime Chattam.

Suggestion de lecture, du même auteur : LA TRILOGIE DU MAL

Maxime Guy Sylvain Drouot est un romancier français né en février 1976. Il a écrit sous les pseudonymes Maxime Williams puis Maxime Chattam.  Après avoir joué dans plusieurs téléfilms, il écrit son premier thriller en 1999 : le 5e règne.

Pour donner un maximum de crédibilité à ses romans, Maxime Chattam, suit une formation de criminologie dans laquelle il s’initie à la psychiatrie criminelle, les techniques et sciences policières et même la médecine légale allant jusqu’à assister à des autopsies et consulter des spécialistes afin de documenter ses romans et leur donner un maximum de réalisme. Il a écrit entre autres LA TRILOGIE DU MAL et LA 5e CLÉ.

du même auteur

Bonne lecture
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le dimanche 25 février 2024

LA MYTHOLOGIE, ses dieux, ses héros, ses légendes

Commentaire sur le livre d’
EDITH HAMILTON

*la mythologie nordique et la mythologie grecque
nous donnent une claire image de ce qu’étaient ces
 peuples auxquels nous devons la plus grande part
de notre héritage spirituel et intellectuel. *
(Extrait : LA MYTHOLOGIE, Edith Hamilton, origine :
Marabout éditeur, 2013, papier, 450 pages. Version
audio : Audiolib éditeur 2019, durée d’écoute : 14 heures.
Narrateur : Thierry Jenssen)

Le livre saisit toute l’importance que gardent, à notre époque, les mythes et les légendes, qui sont le fondement même de notre culture, et où nous puisons encore une si large inspiration. Remontant aux sources, c’est chez les poètes Homère, Hésode, Pindare, Ovide qu’Édith Hamilton retrouve la substance des grands thèmes mythologiques et nous les restitue, dans leur spontanéité, sous forme de merveilleuses histoires : Orphée et Eurydice, Tantale et Niobé, les travaux d’Hercule, le défi d’Icare, la descente de Thésée aux Enfers De l’avis unanime, un ouvrage clair et complet. 

Merveilles des panthéons
*Avec la naissance de la Grèce,
l’homme se plaça au centre de l’univers*

(Extrait)

Par le biais d’une plume qui me rappelle un peu celle de Jean Markale dans LE CYCLE DU GRAAL, enduite de poésie, de fantastique et de fabuleux, densifiée par une narration chaude et enveloppante, Edith Hamilton vient me rappeler que je me suis peut-être trop fier au cinéma pour pénétrer les mystères de la mythologie. Le récit m’a permis de faire de magnifiques découvertes, de m’apprendre des choses dont j’étais loin de me douter.

Je savais que les dieux se bousculent au panthéon. Il y a un dieu pour chaque chose. Par exemple, j’apprends que la déesse de l’aube avait pour nom AURORE. Qu’Écho était une nymphe condamnée par Héra à ne plus pouvoir parler, sauf pour répéter les derniers mots qu’elle avait entendus. Que Pandore possédât une boîte que Zeus lui avait interdit d’ouvrir car cette boîte contenait tous les maux de l’humanité. On connait la suite…Pandore ayant cédé à sa curiosité…

Un dernier exemple : Arachné était une jeune femme qui excellait dans l’art du tissage. Suite à une cuisante humiliation, elle se suicida mais Athéna décida de lui donner une seconde vie sous forme d’araignée suspendue à son fil. Il fallait y penser…la mythologie au secours de l’étymologie. C’est ainsi que j’allai de découverte en découverte avec ce livre qui m’a conquis dès les premières minutes.

Le récit est imprégné de l’Esprit des grands penseurs et poètes de l’antiquité…Ovide surtout, mais aussi Virgile et l’incontournable Homère car l’odyssée d’Ulysse est omniprésente dans le récit qui m’apprend aussi que le nom grec d’Ulysse était Odysséus. Une autre découverte sur l’origine d’un mot. Je savais que l’histoire des Dieux est une suite de complots, d’hypocrisie, de jalousie, de tueries et j’en passe mais le récit met l’emphase sur la façon dont les mortels composaient avec les *marionnettistes*.

Il était clair que les dieux étaient voués à la disparition parce que les mortels cesseraient d’y croire. Quoiqu’il en soit, certains héros sont apparus sous un jour nouveau pour moi. J’apprends par exemple qu’Hercule aurait tué sa femme et ses enfants dans un accès de folie insufflée par une déesse, ce qui a conduit à l’incontournable mythe des douze travaux d’Hercule.

La seule faiblesse de l’ouvrage concerne la mythologie nordique qui n’occupe qu’une petite place à la fin du récit, ce qui est incompatible avec le caractère généraliste du titre. Odin méritait mieux que ça je pense. Mais il reste que j’ai beaucoup aimé ce livre. Un excellent divertissement.

Suggestion de lecture : PETITES HISTOIRES DE LA MYTHOLOGIE, d’Hélène Montardre

Edith Hamilton, née le 12 août 1867 et morte le 31 mai 1963, est une enseignante, helléniste, historienne américaine d’origine allemande, spécialiste de la mythologie grecque et de la Grèce antique.

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Claude Lambert
le samedi 27 janvier 2024

UN DIEU PARMI LES HOMMES, Sylvain Johnson

*-Il n’y a aucune place pour un être comme toi dans
la maison de Dieu. Sois maudit ! … -Il n’y a de place
nulle part pour moi sur cette foutue planète. *
(Extrait : UN DIEU PARMI LES HOMMES, de Sylvain
Johnson, Éditions Corbeau 2020, papier, 380 pages.)

Un objet non identifié s’écrase dans la campagne mauricienne. Un couple dysfonctionnel récupère un nouveau-né dans l’épave extraterrestre, Un enfant doté de pouvoirs surhumains. D’aussi grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités.

Sauver le monde? Faire le bien? Ou n’être que le produit de son environnement?

Certaines légendes naissent pour contrer la noirceur, d’autres pour la répandre…

 

Accrochez-vous
*Le couple était incapable de bouger, paralysé
par la crainte et fasciné par ce qu’ils voyaient.
Leurs esprits troublés tentaient de donner un
sens à cette apparition. *
(Extrait)

C’est un livre intéressant. Original même. Il développe la nature d’un violent combat entre le bien et le mal. Ce n’est pas nouveau sauf qu’ici, il s’agit d’un combat intérieur. Voyons d’abord ce qui se passe. Un vaisseau spatial s’écrase sur la terre. Il y a deux témoins : Michel, homme violent, alcoolique, colérique, sans scrupule, bat sa femme, un monstre. Et il y a sa femme, Diane qui n’est que l’ombre d’elle-même et qui se dissout lentement aux côtés d’un homme sans conscience.

Michel explore les restes du vaisseau et y découvre un enfant. Décidant que cet enfant ne lui rapporterait rien, il décide de le tuer mais un évènement extraordinaire l’en empêche. Michel s’aperçoit que l’enfant possède des dons extraordinaires et décide de l’adopter pour, éventuellement, qu’il l’assiste dans ses activités criminelles. Il lui donne comme nom CARL. En grandissant, la puissance destructrice de Carl devient phénoménale et une chaîne d’évènements l’amène à tuer et même à massacrer.

C’est un roman noir, très violent et dont les personnages sont froids et déplaisants y compris Carl, torturé entre la possibilité de faire le mal et celle de faire le bien. Pour ce qui est de s’attacher aux personnages, on peut oublier ça. J’ai senti, dans cet ouvrage au rythme haletant, que l’auteur nous exprimait sa pensée critique sur la Société en particulier.

L’ouvrage m’a gardé captif. On eut dit que Johnson me posait toujours la même question : ici qu’est-ce que tu ferais à la place de Carl, et là qu’est-ce que tu ferais? Il y a de quoi s’interroger en effet : qu’est-ce que je ferais si j’avais la puissance d’un Dieu avec pouvoir de vie ou de mort ? Je guérirais l’humanité ou je ferais le grand ménage.

Le livre soulève aussi plusieurs autres questions : comment peut-on violer et battre des femmes à répétition sans aucune espèce de scrupule ? Comment peut-on détourner un enfant, entre autres vers la criminalité ? Le père biologique de Carl et son père adoptif sont des monstres : pas de conscience, pas de morale, sans humanité. La mère adoptive est battue, torturée et humiliée. Comment un garçon peut s’épanouir dans ces circonstances ?

Le livre se lit bien, la plume est forte et fluide. Il rend captif, il est même addictif car on se demande continuellement quel plateau de la balance Carl fera pencher. L’auteur frappe fort dès le début avec un surprenant prologue postapocalyptique. J’ai aussi accroché à l’histoire parce qu’elle se déroule au Québec dans ma belle Mauricie natale : Sainte-Thècle surtout, Shawinigan, Trois-Rivières.

Je le rappelle c’est très violent et j’ai trouvé la finale très sortie des sentiers battus…atypique. Il y a comme une espèce de post-face qui laisse supposer une suite, non annoncée, qui donne à penser que Carl pourrait trouver chaussure à son pied. Je recommande ce livre. Je crois que vous pouvez faire confiance à Sylvain Johnson, qui a quelques titres dans la série des contes interdits, pour une lecture qui vous fera vibrer.

Suggestion de lecture : LES ENFANTS DE MINUIT, de Salman Rushdie



Sylvain Johnson est né à Montréal en 1973. Après des études en arts et lettres au Cégep de Shawinigan, il s’est installé à Laval et travaille maintenant pour un organisme à but non lucratif. Il passe son temps entre Laval et le Maine, où il a collaboré avec deux nouvelles littéraires dans la première anthologie franco-américaine « Voix de chez nous ».

Son premier roman « Le Tueur des rails » a été publié en août 2010 par la maison d’édition « Pop fiction » de Montréal. Puis Sylvain s’investit dans LES CONTES INTERDITS : LE JOUEUR DE FLÛTE DE HAMELIN et LA PETITE SIRÈNE jusqu’au moment de publier mon article où il publie UN DIEU PARMI LERS HOMMES. Aujourd’hui, Sylvain Johnson vit en Caroline du Nord avec sa femme et son fils.

Du même auteur

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 16 décembre 2023