AURORA, Kim Stanley Robinson

J’ai l’impression que le paradoxe de Fermi a trouvé sa réponse : quand la vie devient assez intelligente pour quitter sa planète, elle est aussi devenue trop intelligente pour s’en aller. Parce qu’elle sait que cela ne marchera pas. Donc, elle reste chez elle. Elle profite de son monde. <Extrait : AURORA de Kim Stanley Robinson, à l’origine, publié chez Orbit éditeur en 2015. Papier, 480 pages. Version numérique, Bragelone édditeur, 2019>

Un vaisseau générationnel emmène 2 000 passagers, à une vitesse de 30 000 km/s, vers Tau Ceti, une étoile située à 11,9 années-lumière de la Terre. Le voyage prend presque deux cents ans au cours desquels six générations de passagers se succèdent à bord.

Les passagers originaires de différents pays de la Terre s’installent dans les écosystèmes correspondants, mais peuvent voyager d’un biome à l’autre ; la plupart d’entre eux mènent des activités techniques ou agricoles visant à assurer les besoins alimentaires et en oxygène des passagers. L’équilibre biologique est fragile et nécessite un suivi permanent.

Un vieux rêve

AURORA est une variation d’un thème largement répandu en littérature : la recherche d’une exoplanète viable sur laquelle des humains, fuyant une terre souffrante veulent repartir à zéro. Notez qu’AURORA est le nom de la planète visée. Le vaisseau comme tel n’a pas de nom. On l’appelle vaisseau tout simplement, personnifié par une intelligence artificielle de très haut niveau.

L’histoire commence 160 années après le départ de l’énorme vaisseau : *-Une centaine de kilomètres carrés…C’est une île de bonne taille. Avec vingt-quatre biomes semi-autonomes. Une arche, un véritable vaisseau-monde* (Extrait) Au cœur du récit se trouvent toutes les problématiques qui n’on pas été envisagées par les concepteurs du vaisseau, mettant tout le monde en péril.

Ces problématiques étaient nombreuses et complexes : accumulation d’éléments indésirables, déficit alimentaire, déséquilibre biologique, défaillances mécaniques, vieillissement des matériaux, prolifération de micro-organismes, et j’en passe. Tous ces problèmes entraînent des décisions menant à l’agitation sociale. *Le nombre de ces gens qui protestaient augmenta tant que les groupes rebelles ou retournés à l’état sauvage devinrent un phénomène fréquent. * (Extrait)

*Au début de l’an 68, les troubles se convertirent en ce qui ressemblait beaucoup à une guerre civile qui atteignit un point culminant durant une semaine, pendant laquelle cent cinquante personnes trouvèrent la mort. * (Extrait) Je vous laisse découvrir ce qui attend les voyageurs sur Aurora. Sachez toutefois qu’il n’y aura rien de simple.


Dessin du vaisseau Aurora tel qu’imaginé par Kim Stanley Robinson

C’est une grande saga qui n’est pas sans rappeler LE PAPILLON DES ÉTOILES de Bernard Werber. Je la trouve toutefois supérieure car elle est loin de se limiter à la sauvagerie humaine et sur la question de savoir si les hommes peuvent être autre chose que des hommes.

C’est un roman très indigeste sur le plan scientifique. Les explications sont longues, complexes et pas très vulgarisées. Je pense entre autres à ce jeu du chat et de la souris que le vaisseau entreprend entre les planètes de notre système solaire et le soleil afin d’opérer sur le vaisseau une décélération. Ce seul sujet occupe plus d’une centaine de pages dont je me questionne encore sur l’utilité.

En revanche, le récit est fort bien conçu sur les plans humain, social et philosophique. Entre autres, l’auteur émet un postulat selon lequel *La vie est une manifestation planétaire qui ne peut survivre que sur son monde d’origine. *   (Extrait) Intéressant…très intéressant même si ça remet en question le vieux rêve très humain de recommencer à zéro sur une exoplanète.

Il y a beaucoup de trouvailles et d’idées originales dans ce récit. Je pense entre autres à l’intelligence artificielle du vaisseau, appelée à protéger les voyageurs contre eux-mêmes. Ou encore à la sécession du vaisseau, plausible puisqu’il est modulaire. Brillant. L’aspect *suspense* est bien développé. L’histoire est empreinte de gigantisme et aussi de beauté qui porte à faire rêver. Le récit est aussi dynamique.

Il y a bien sûr des irritants. Les longueurs et la lourdeur dont j’ai parlé plus haut, une finale bizarre, un peu frustrante, les voyageurs qui ont préféré rester sur Aurora sont occultés, et les personnages qui sont superficiels…disons pas très bien travaillés. Je recommande ce livre pour son originalité, ses bonnes idées et la réflexion qu’il induit sur la nature humaine.

L’auteur Kim Stanley Robinson

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 29 juin 2025

LA VIEILLESSE, Simone de Beauvoir

*Le mor <rebut> dit bien ce qu’il veut dire. On nous raconte que la retraite est le temps de la liberté et des loisirs; … Ce sont des mensonges éhontés. La société impose à l’immense majorité des vieillards un niveau de vie si misérable que l’expression <vieux et pauvre> constitue presque un pléonasme ; inversement : la plupart des indigents sont des vieillards.

Les loisirs n’ouvrent pas aux retraités des possibilités neuves ; au moment où il est enfin affranchi des contraintes, on ôte à l’individu les moyens d’utiliser sa liberté. *
Extrait : LA VIEILLESSE de Simone d Beauvoir, Gallimard éditeur 1970. Édition de papier, 800 pages.

Simone de Beauvoir aborde ici les problèmes, politiques, sociaux, existentiels, philosophiques, psychologiques du vieillissement et de la mort. L’essai est composé de deux parties.

Elle explique d’abord sa vision engagée de la vieillesse en démontrant que les sociétés modernes se comportent de façon aussi « dégradante » que certaines des sociétés primitives. Les vieillards sont des bouches inutiles à nourrir. De Beauvoir est en cela un précurseur du combat politique de personnes âgées pour faire reconnaître leurs droits dans un monde qui exclut les anciens.

Dans une seconde partie, l’auteure définit ce qui pour elle peut donner du sens dans l’absurdité d’un monde impitoyable pour les anciens. L’engagement au service des autres dans des projets et des combats politiques donnent même au grand âge des objectifs qui font sens pour la personne elle-même, pour son environnement, pour la société.

 

Un portrait tranchant

Dans son livre en deux tomes, Simone de Beauvoir dresse un bilan très sombre de la vieillesse. Dans le premier tome, elle décrit la vieillesse sur les plans biologique, ethnologique, historique et termine par le positionnement de la vieillesse dans la Société moderne.

Le deuxième tome est beaucoup plus philosophique, fortement empreint de la pensée existentialiste de Jean-Paul Sartre. Elle décrit la vieillesse sur les plans historiques et évolutifs, ce qui comprend la vie personnelle, professionnelle et sexuelle. Elle donne de nombreux exemples fort détaillés de la vieillesse de grands personnages historiques qui ont marqué leur temps en politique, littérature, arts, musique et philosophie.

Il faut comprendre ici que ce livre a été publié en 1970, soit 52 ans avant la publication de cet article. La question pour moi était de savoir si le livre a mal vieilli. Je dirais oui jusqu’à un certain point. Certaines choses n’ont pas changé.

À une très lointaine époque où régnait la loi tribale, on tuait les vieux dès qu’ils devenaient encombrants. Puis on a arrêté cette pratique et on a confiné les vieux dans leur famille où ils sont devenus rapidement gênants, souvent dans l’attente de l’héritage. Puis la famille a éclaté et on s’est mis à parquer les vieux. Aujourd’hui, on parque toujours les vieux ou ils se parquent eux-mêmes ce qui est tout à fait dans le ton de la modernité.

De Beauvoir a raison a bien des égards malgré l’évolution explosive de la Société : La politique de la vieillesse est un échec monumental de la civilisation, un gâchis à l’échelle mondiale.

Le livre est donc empreint d’un certain réalisme mais comporte des irritants comme celui d’être à la remorque de la mentalité des années 1960-70, l’auteure utilisant par exemple un vocabulaire vu aujourd’hui comme celui d’un autre temps.

Elle utilise des mots jugés aujourd’hui dépassés et même à la rigueur, choquants : Décrépitude, gâtisme, dégénérescence, finitude, déchéance, vieillards, etc. Certains modèles d’expression laissent à penser que Simone de Beauvoir est carrément tranchante :

<Le mot -rebut- dit bien ce qu’il veut dire. On nous raconte que la retraite est le temps de la liberté et des loisirs… Ce sont des mensonges éhontés. La Société impose à l’immense majorité des vieillards un niveau de vie si misérable que l’expression -vieux est pauvre- constitue presque un pléonasme.> Extrait. L’auteure va jusqu’à dire que la politique de la vieillesse confine à la barbarie.

Tout ça est trop fort. Je comprends pourquoi cet essai de Simone de Beauvoir a été aussi critiqué par ses contemporains. Il est tranchant et très agressif. Je rejoins l’auteure toutefois quand elle dit qu’il faut complètement revoir la gestion actuelle des aînés, repartir sur des bases réalistes et cesser de considérer les aînés comme des morts en sursis.

En résumé, l’ouvrage est intéressant, quoique pas toujours facile à suivre. C’est vrai, il est d’un autre temps mais il vient réactualiser la situation et le sort de nos aînés qui, nous l’avons vu pendant la pandémie du COVID 19, souffrent d’une tendance de la Société à les mettre sur une voie de garage.

Suggestion de lecture : L’ÉTRANGER, d’Albert Camus


L’auteure Simone de Beauvoir

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 1er juin 2025

 

ANÉANTIR, Michel Houellebeck

<Ce qui est inquiétant dans le troisième message, ce n’est pas son contenu, c’est sa diffusion. Cette fois, ils ne se sont pas attaqués à un site administratif, ils ont visé Google et Facebook; des gens qui, en principe, ont les moyens de se défendre. Et ce qui est stupéfiant, c’est la violence et la soudaineté de l’attaque.>

Extrait : ANÉANTIR, Michel Houellebecq, Flammarion éditeur, 2022, édition de papier, 732 pages.

Le roman suit Paul Raison, un fonctionnaire du Ministère de l’Économie et des finances, attaché au Cabinet du Ministre Bruno Juge, avec lequel il entretient également des liens d’amitié. Le climat politique est marqué par des attentats terroristes extrêmement sophistiqués, faisant appel à des moyens militaires importants, sans qu’on connaisse vraiment les motivations des auteurs. Paul entretient des liens distants avec sa femme Prudence. Le couple vote ouvertement pour le Rassemblement national. Enfin, le frère cadet de Paul travaille comme restaurateur d’œuvres d’art et est marié à une femme détestable.

Vivre et déchanter

Ce livre était dans mes projets de lecture depuis sa sortie. J’ai procrastiné là-dessus. J’hésitais parce que Houellebecq n’est pas un auteur spécialement facile à lire et à digérer. J’ai eu le même sentiment avec Charles Bukosvsky. Même si ce dernier est plus errant et tourmenté, ces deux auteurs, quoique très différents, ont un point en commun : s’ils se laissent désirer au début de leur histoire, ils gagnent des cœurs au fil des pages.

En effet, si ANÉANTIR démarre sur l’élan d’un escargot, il est très vite devenu pour moi un coup de cœur. ANÉANTIR raconte l’histoire de Paul Raison, fonctionnaire français, attaché politique et ami du ministre Bruno Juge. Son mariage est précaire, sa sœur est dévote, son frère est instable et son père, un ancien agent secret est mourant,

L’histoire se déroule sur fond de campagne électorale à la présidence française dans laquelle son ami est impliqué. C’est un livre en deux parties. Dans la première partie, il faut comprendre un peu le fonctionnement de la politique en France, mais c’est optionnel. L’auteur met ses personnages en place et les approfondit dans un monde où le terrorisme se fait sérieusement menaçant et pousse à l’agitation sociale.

Cette première partie est une série de petites intrigues qui s’imbriquent. Elles ne sont ni abouties ni expliquées. Ce choix m’a semblé voulu par l’auteur qui n’a fait, finalement, que me préparer à la deuxième partie qui, elle précise le destin tragique de Paul.

J’ai été profondément remué par ce récit. Oui, Houellebecq peut être cinglant par moment, cynique et même tordu mais le regard qu’il jette sur la Société est d’une désarmante justesse. Il m’a poussé à une profonde réflexion sur le sens de la vie, la mort et la vieillesse.

*…nous ne supportons plus les vieux, nous ne voulons même par savoir qu’ils existent, c’est pour ça que nous les parquons dans des endroits spécialisés, hors de la vue des autres humains. La quasi-totalité des gens aujourd’hui considèrent que la valeur d’un être humain décroit au fur et à mesure que son âge augmente; que la vie d’un jeune homme et plus encore celle d’un enfant, a largement plus de valeur que celle d’une très vieille personne… * (Extrait)

L’auteur y va de sa notion du nihilisme. C’est du Houellebecq…souvent acide dans ses propos mais toujours sur fond de vérité. C’est ma façon de voir mais une chose est sûre, il ne laisse pas indifférent. Ses ombreux passages sur le cancer en phase terminale ont eu sur moi l’effet d’un coup de poing :

*Il était au milieu des condamnés, des incurables, dans une communauté qui n’en serait jamais une, une communauté muette d’êtres qui, peu à peu se dissolvaient autour de vous, il marchait <dans la vallée de l’ombre de la mort>, selon l’expression qui lui apparaissait, pour la première fois, dans toute sa force. Il découvrait une forme de vie étrange et résiduelle, complètement à l’écart, aux enjeux absolument différents de ceux qui agitent les vivants. * (Extrait)

Malgré tout, j’ai perçu dans ce livre du positif, de l’espoir. J’ai développé le sentiment que tout n’était pas perdu comme si ce pavé de Houellebecq faisait bande à part. ANÉANTIR est une œuvre magnifique de Houellebecq qui, dans sa muflerie a dévoilé une grande sensibilité dans son analyse de la condition humaine. À lire absolument.

Suggestion de lecture : LE FLAMBEAU, de Philippe Lançon


L’auteur Michel Houellebecq. Voir sa biographie.

DU MÊME AUTEUR

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 28 mars 2025

La fin et autres commencements

Commentaire sur le livre de
VERONICA ROTH

*Cette fois-là, je ne me suis pas contentée de regarder.
J’ai reculé de quelques pas, secoué mes mains
tremblantes, et me suis élancée en courant. Un moment
terrifiant de liberté et d’apesanteur. *
(Extrait : LA FIN ET AUTRES COMMENCEMENTS, Veronica
Roth, illustrations : Ashley McKenzie, Nathan éditeur, 2020,
édition de papier, 305 pages)


Six univers. Dans chacun de ces mondes futuristes parfois proches du nôtre et parfois si différents, la technologie transforme les êtres et façonne de nouvelles possibilités. Pourtant, chacun reste confronté à des problématiques profondément humaines. Plongez dans ces futurs, et explorez des histoires de mort et de renouveau, de haine et d’amour, de vengeance et de pardon… dont la fin n’est qu’un nouveau commencement.

 

Les univers de l’être et du mal-être
*Je connaissais le conteur car il aidait les gens à fuir la tyrannie
de la lignée des dictateurs Shotets. Et parmi ces gens, ma mère…
Elle avait dû quitter la planète pour échapper à son exécution, une
peine prononcée par le souverain en personne, parce qu’elle avait
commis le crime d’enseigner aux enfants une autre langue que le
Shotet * 
(Extrait)

C’est un recueil de six nouvelles.  Des récits étranges, teintés de psychologie et de science-fiction, des histoires qui se déroulent dans le futur caractérisé par une technologie suffisamment forte pour transformer l’être humain. Mais vous vous en doutez, l’être humain restera toujours humain. L’auteure est restée fidèle à ce concept.

J’ai eu de la difficulté à embarquer, à m’accrocher à ces brèves histoires. Peut-être à cause de leur petit côté initiatique et de beaucoup de passages que j’ai trouvés trop moralisateurs, l’amour étant par exemple une valeur qui supplante les autres. Il en est question partout et je trouve ça un peu minimaliste, voire irritant.

Le concept est intéressant car il oppose les contraires qui jalonnent et façonnent la vie : Désorienter pour réorienter, désapprendre pour réapprendre, défaire pour refaire, déconstruire pour reconstruire…finir pour recommencer quoi, le tout véhiculant des valeurs enveloppantes et positives : l’amour, l’empathie, le pardon et j’en passe. Je me demande même si ce concept n’est pas apparenté à celui des cours sur le développement de la personnalité.

J’ai trouvé aussi très intéressante la dernière nouvelle : LE TRANSFORMATISTE qui pourrait d’après moi, traduire le mieux la pensée de l’auteure : *Tout est réglé à l’avance dans ce monde ; tout est voué à devenir adulte. Et le chemin qui y conduit n’est pas toujours agréable vois-tu ? Les calamitas le savent. Ils vont jusqu’à se dévorer eux-mêmes pour accomplir leur transformation. * (Extrait ) Donc la transformation détruit, reconstruit, appelle au renouveau. Voilà qui met bien en lumière le titre de l’œuvre.

J’adhère très peu à ce genre de littérature mais je lui reconnais ses forces, à cause, en particulier, des valeurs qu’elles véhiculent. Dans LA FIN ET AUTRES COMMENCEMENTS, l’auteure déploie avec habilité sa principale force : la création d’univers originaux. Je ne peux pas en dire autant de ses personnages auxquels je me suis senti détaché tout au long de la lecture. Les thèmes ne manquent pas de profondeur et je dois le dire, la présentation de l’œuvre est magnifique.

L’édition est bien ventilée et magnifiquement illustrée par Ashley MacKenzie, une spécialiste des illustrations conceptuelles complexes qui soutiennent visuellement les auteurs. Je dois dire qu’elle traduit même à merveille l’esprit de l’auteure Veronica Roth qui en a séduit plusieurs avec son livre MARQUER LES OMBRES. Je ne suis pas trop preneur mais ce genre de littérature est proche des gens et pointe gentiment du doigt la Société. C’est la raison pour laquelle je vous recommande LA FIN ET AUTRES COMMENCEMENTS.

Suggestion de lecture : LE GARÇON ET L’UNIVERS, de Trent Dalton

Veronica Roth est née le 19 août 1988 à Chicago. C’est une romancière américaine de littérature pour jeunes adultes. Elle est diplômée de l’Université Northwestern, en écriture créative. Elle termine la trilogie qui l’a rendue célèbre deux mois avant la fin des cours : Divergent le premier tome de sa saga paraît en mai 2011, Insurgent en mai 2012 et Allegiant en octobre 2013. La jeune romancière explore un modèle de contre-utopie post apocalyptique qui se déroule à Chicago. La ville est divisée en six factions, Altruiste, Audacieux, Érudit, Sincère, Fraternel et les « sans faction ». 

La trilogie DIVERGENCE, de la même auteure

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 22 septembre 2024

LÉO MAJOR, un héros résilient

Biographie écrite par LUC LÉPINE

*L’ouvrage que vous tenez entre les mains saura vous donner le goût d’en savoir davantage sur l’héroïsme guerrier et sa perception sociale. Cela dit, si la résilience pouvait avoir un visage, Luc Lépine… a certainement su en peindre les traits sous ceux du sergent Léo Major. * (propos de Richard V. Blanchette, major général retraité, extrait de la deuxième préface, LÉO MAJOR, UN HÉROS RÉSILIENT, Luc Lépine, audio, Audible éditeur, durée d’écoute : 3 heures 14 minutes, narrateur : Alexis Martin)

La réalité de la guerre

C’est un récit biographique qui raconte l’histoire d’un homme qui était pour moi, jusqu’à aujourd’hui, une parcelle du soldat inconnu. Je ne connaissais pas les faits d’arme de Léo Major, et pourtant, il a participé à faire pencher la guerre du côté des alliés. Il est évident pour moi que Léo Major a été boudé et oublié par la toponymie et l’histoire malgré son incroyable bravoure et ses actions d’éclat comme le fait d’avoir libéré à lui seul la ville de ZWOLLE en Hollande, 50,000 habitants, fortement occupée par les allemands.

Il a sauvé la ville en appliquant une ruse géniale que je vous laisse découvrir. Léo Major a servi dans le régiment de la CHAUDIÈRE et le Royal 22e régiment des Forces Canadiennes. C’était un téméraire et son surnom de *rambo québécois* laisse à penser que c’était aussi une machine de guerre.

J’ai appris des choses étonnantes dans ce récit. Surprenant par exemple qu’un corps aussi brisé par la guerre ait pu survivre. Étonnant de constater qu’un homme qui possède une telle étoffe du héros ait eu si peu de reconnaissance. Mais en fait de démobilisation, je dirais qu’on lui a plutôt montré la porte. Il y a toutefois des raisons à cela.

Léo Major était un caractériel, peu respectueux des règles et parfois des ordres. Il critiquait aussi allègrement les officiers, ce qui parait très mal dans un dossier militaire. Impulsif, ombrageux, brouillon sur le plan personnel, Major a bâti sa valeur sur le front et il est pourtant resté incroyablement discret sur ses prouesses guerrières.

Le livre audio LÉO MAJOR UN HÉROS RÉSILIENT est une œuvre en parfait équilibre développée et présentée simplement, l’auteur, Luc Lépine a évité le piège du sensationnalisme, ce qui n’empêche pas le narrateur, Alexis Martin, de se sentir au cœur des évènements et d’utiliser parfois un ton d’urgence. Il m’a entraîné doucement mais fermement.

Il a capté mon attention, et il l’a gardée jusqu’à la fin. Avec sa plume captivante, Lépine a tout prévu : il a passé en revue le contexte social, le contexte familial, le contexte militaire, les exploit et l’après-guerre qui ne fut pas sans épreuve. C’est un travail bien documenté.

Luc Lépine m’a fait connaître un homme épique et j’espère sincèrement qu’avec la diffusion de son œuvre, Léo Major deviendra une véritable inspiration pour les générations futures et que le héros sera célébré chez nous comme les hollandais de ZWOLLE le célèbrent ponctuellement depuis que Léo est entré dans leurs vies en les libérant du joug allemand. Cet œuvre m’a surpris. Je suis heureux de la classer parmi mes meilleures auditions jusqu’à maintenant.

Suggestion de lecture : DEREK AUCOIN LA TÊTE HAUTE, de Benoît Rioux. Résit biographique.

Luc Lépine est un historien militaire québécois. Il a étudié au Royal Military College à Kingston. En 2005, il a obtenu un doctorat de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) portant sur l’histoire du district de milice de Montréal de 1787 à 1829. Il a travaillé au ministère de l’Éducation. Comme chargé de cours, il enseigne pour les Forces armées canadiennes. En plus de sa biographie de Léo Major, Luc Lépine a écrit LE QUÉBEC ET LA GUERRE DE 1812.

BONNE ÉCOUTE
Claude Lambert
le samedi 14 septembre 2024

LE SINGE D’HARLOW

Commentaire sur le livre de
LUDOVIC LANCIEN

*Le Centre d’Injection Supervisé. Trois mots résumant à eux seuls
l’ampleur du désastre. Un projet controversé, conspué. Une tumeur
plantée dans le cœur fatigué d’une ville…dans le but officiel de
réduire les risques sanitaires liés aux maladies infectieuses et
autres overdoses. Une manière de mettre sous cloche une gangrène
de la société… *

(Extrait : LE SINGE D’HARLOW, Ludovic Lancien,
Hugo poche éditeur, 2019, édition de papier, poche, 430 pages)

Démis de ses fonctions de commandant à la PJ parisienne, le lieutenant Lucas Dorinel vit son exil brestois comme une petite mort. Jusqu’à ce qu’un message obscur — Les Bêtes seront sacrifiées — lui rappelle ce que la mort, la vraie, a de plus terrifiant.
Car le message le conduit à un cadavre. Sauvagement mutilé. Celui d’un homme incarcéré huit ans plus tôt pour le meurtre d’un enfant. En s’adressant directement à lui, l’assassin réveille en Lucas à la fois son instinct de flic et sa violence. Le meurtrier et lui sont faits de la même étoffe. Prêts à combattre le mal par le mal et à traquer les Bêtes là où elles se terrent.

Combattre le mal par le mal
*Lucas repensa au discours du docteur Dubois. A l’expérience d’Harlow,
ce psychologue américain, qui démontrait que l’homme, au même titre
que tous les animaux, avait besoin de sécurité affective, à travers une
figure d’attachement, pour s’épanouir. Certains grandissaient sans cette
 figure et s’en sortaient très bien une fois arrivés à l’âge adulte. Mais tout
le monde n’était pas immunisé face à ce désastre psychique*
(Extrait)

C’est une histoire complexe. Un policier en disgrâce et en exil reçoit un obscur message qui le conduit au cadavre mutilé d’un homme incarcéré huit ans plus tôt pour le meurtre d’un enfant. Un message qui remet le lieutenant Lucas Dorinel en selle.

Je suis sorti de cette lecture mitigé car si le synopsis semble simple, le récit est dur à suivre. Commençons par les forces. Dans ce roman, il n’y a pas de suspense comme tel mais l’intrigue est forte. L’idée de base est intéressante même si le rituel meurtrier est issu d’un tordu décérébré et il n’est pas le seul dans cette histoire. Il y a plusieurs trouvailles dans ce récit. Il y a par exemple un geste posé par le meurtrier qu’on retrouve souvent dans la mythologie grecque, je vous le laisse découvrir évidemment.

Le lien avec le titre est aussi fort. Il fait référence à l’expérience de Harry Harlow <1905-1981>, un psychologue américain qui visait à vérifier la théorie de l’attachement de Bowlby. Pour plus de détails, allez au lien mais sachez toutefois que cette expérience sur des singes étaient d’une cruauté sans nom et serait de nos jours condamnée par l’éthique et la morale ainsi que par la loi. Vous aurez sans doute plaisir à découvrir ce que Harlow vient faire dans cette histoire et à vous de décider si vous êtes d’accord avec le principe ou pas.

Je l’ai dit plus haut, c’est pas facile à suivre. D’abord, la quantité de personnages, beaucoup trop forte inutilement donne au récit un caractère labyrinthique qui porte le lecteur au découragement. Je l’ai dit souvent. Pour un tel défi littéraire, l’éditeur devrait inclure au début, une liste des principaux personnages. Une fois bien mêlé, on pourrait au moins y référer. C’est la principale faiblesse du livre.

Autre irritant : Dorinel est un autre de ces policiers au passé compliqué et aux états d’âme lancinants. C’est trop courant en littérature policière. C’est polluant au point de se demander si ça se trouve quelque part un policier normal. Enfin, l’histoire est ponctuée de fausses pistes, de non-dit, de détournements d’attention et parfois de dialogues erratiques. Le fil conducteur est instable. Tout est gardé pour la finale qui ne m’a pas emballé d’ailleurs.

J’aimerais terminer avec quelques points positifs. Il y a de très bonnes idées dans ce roman. C’est un récit noir, dur et violent qui ne laisse pas indifférent et même qui ébranle un peu. Au moins, le livre provoque des réactions. Son écriture est assez fluide, les chapitres sont courts et l’édition est très bien ventilée. Enfin plusieurs éléments dans l’imagination déployée et dans la plume laissent à penser que l’auteur, Ludovic Lancien est prometteur. Après tout LE SINGE D’HARLOW est son premier roman. Si sa carrière commence comme son récit, il sera très intéressant à suivre.

Suggestion de lecture : CHRONIQUE D’UN MEURTRE ANNONCÉ, de David Grann

Comme les protagonistes de son thriller, Ludovic Lancien a sillonné l’ouest de la France, de
Quimperlé à Nantes en passant par La-Roche-sur-Yon et Concarneau pour travailler en pépinière et en maraîchage. Lecteur assidu, il a créé son propre blog littéraire avant de se lancer dans l’écriture et de remporter, à l’unanimité du jury, le prix FYCTIA 2019 du meilleur suspense.

 

Dans la même collection

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 24 août 2024

LA CHASSE, Bernard Minier

<La forêt recouvrait les collines, la nuit recouvrait la forêt, la peur recouvrait ses pensées. Sa peur avait un son – celui de sa propre respiration terrorisée et de son cœur qui battait -, elle avait une odeur – celle de sa transpiration et de cette chose puante sur sa tête -, elle avait une couleur : noir, noir de la foret, noir de l’âme de ces hommes, noir de sa propre peau…>

Extrait : LA CHASSE, Bernard Minier, XO éditeur 2021, papier, 424 pages. Version audio : Lizzie éditeur, 2021, 1.01 go, durée d’écoute : 12 heures 11 minutes, narrateur : Hugues Martel.

Il y a des ténèbres qu’aucun soleil ne peut dissiper. Sous le halo de la pleine lune, un cerf surgit de la forêt. L’animal a des yeux humains. Ce n’est pas une bête sauvage qui a été chassée dans les forêts de l’Ariège… Dans ce thriller implacable au final renversant, Bernard Minier s’empare des dérives de notre époque. Manipulations, violences, règlements de comptes, un roman d’une actualité brûlante sur les sentiers de la peur. Une enquête où Martin Servaz joue son honneur autant que sa peau.

 

DÉRIVE EN CRESCENDO


Aucun criminel ne fait montre de plus de cruauté que celui qui se croit d’avance absous de ces crimes par une cause qu’il pense juste.

Extrait

 

L’auteur frappe fort dès le début alors qu’un jeune noir coiffé d’une tête de cerf fait l’objet d’une cruelle chasse à mort dans une forêt toulousaine. Sur son cadavre, on trouvera un simple mot gravé : Justice. L’éditeur présente ce livre comme un thriller. Ce genre littéraire procure généralement des émotions fortes, ce que je n’ai pas vraiment ressenti. J’ai vu plutôt ce livre comme un polar à cause, en particulier, de l’analyse extrêmement critique qu’il fait de la Société.

C’est un roman très noir. Il ne brille pas particulièrement par son originalité. J’ai trouvé l’intrigue, développée sur fond de COVID, intéressante mais plutôt limitée, entre autres par les observations acerbes faites sur une société malade à en crever. L’idée de base du récit est dévoilée assez vite.

Je crois plutôt que c’est la chasse qui tient le lecteur dans le coup…la chasse au gibier humain d’abord, puis la chasse aux chasseurs et c’est à ce niveau que l’auteur développe la théorie d’une justice occulte opérant dans la plus totale illégalité. Ce n’est pas une nouveauté en littérature mais j’ai trouvé intéressante la façon dont ce thème est développé dans la CHASSE.

Sa force étant occultée par un rythme très lent, l’intrigue ne m’a pas vraiment fasciné, encore moins l’analyse sociétale qui s’en dégage : Société à la dérive, justice traficotée, police infiltrée par l’incompétence et la trahison, entre autres. Rien de nouveau.

Je crois quand même pouvoir identifier ici deux éléments qui font principalement la force du récit : premièrement son atmosphère ou l’ambiance si vous préférez, sa noirceur, son non-dit qui force les méninges du lecteur pour tenter de comprendre les motivations des chasseurs de gibier humain et le parallèle avec la Société actuelle.

Deuxième force du roman : un personnage particulièrement bien travaillé et qui tient lieu de fil conducteur dans tout le récit : Le policier Martin Servaz, un brillant limier, opiniâtre, tenace, personnage récurrent dans l’œuvre de Bernard Minier. J’ai beaucoup aimé son caractère directif et sa façon de mener l’enquête.

Bref, LA CHASSE est un roman qui explore, avec une imagination parfois trop poussée, la noirceur de l’âme humaine et les tares de notre Société. L’intrigue est moyenne mais les motivations dévoilées graduellement dans l’histoire poussent à la réflexion entre autres sur le mal que la Société sa fait à elle-même. Ce n’est pas ce que j’appellerais un livre inoubliable mais il est intéressant à lire avec des personnages intéressants à suivre, dont un Martin Servaz égal à lui-même.

Suggestion de lecture : UNE CHASSE DANGEREUSE de Clifford D. Simak


L’auteur : Bernard Minier

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 11 août 2024

LES RAISINS DE LA COLÈRE

COMMENTAIRE SUR LE LIVRE DE
JONH STEINBECK

*Un homme peut garder sa terre tant qu’il a de quoi manger et payer ses impôts ; c’est une chose qui peut se faire. Oui, il peut le faire jusqu’au jour où sa récolte lui fait défaut, alors il lui faut emprunter de l’argent à la banque. Bien sûr… seulement, vous comprenez, une banque ou une compagnie ne peut pas faire ça, parce que ce ne sont pas des créatures qui respirent de l’air, qui mangent de la viande. Elles respirent des bénéfices ; elles mangent l’intérêt de l’argent. Si elles n’en ont pas, elles meurent, tout comme vous mourriez sans air, sans viande. C’est très triste, mais c’est comme ça. On n’y peut rien. *

Extrait : LES RAISINS DE LA COLÈRE, John Steinbeck, version numérique, Gallimard éditeur 2012. Publié pour la première fois en 1939, 64 pages -poche-

Oklahoma dans les années 1930 : tout juste sorti de prison, Tom Joad rejoint sa famille. Surprise, la famille se prépare à partir. En effet, suite à une série de tempêtes de sable qui ont détruit toutes les cultures, la famille est contrainte d’abandonner la ferme. Attirés par des prospectus qui promettent travail et prospérité en Californie, ils investissent toutes leurs économies dans ce long voyage, empruntant la légendaire route 66 vers l’ouest. Bien qu’enfreignant les conditions de sa mise en liberté, Tom décide de partir avec eux.

Une œuvre Pulitzer

Une de mes meilleures lectures à vie

Nous sommes dans les années 1930, dans la grande dépression économique provoquée par le krach boursier de 1929 qui a semé misère, désolation, faillites et chaos. Nous suivons la famille Joad : Tom, le personnage central du roman, libéré sur parole, Pa le patriarche, Ma la matriarche, Al, le cadet de la famille et John, frère de Pa donc oncle de Tom et Al. Puis Noah, les enfants Rudy et Winfield, enfin Grandpa et Grandma, les aînés Joad qui meurent sur la route d’une espérance illusoire… Ajoutons à cela quelques personnages qui gravitent autour de la famille.

Les banques ayant repris toutes les terres déficitaires de l’Oklahoma, les Joad empruntent la légendaire route 66 pour gagner la Californie où, parait-il, il y a de l’embauche. Cruelle déception à leur arrivée : une énorme quantité de travailleurs pousse les salaires déjà scandaleux à la baisse, favorisant ainsi l’enrichissement éhonté des grands propriétaires terriens. Les grands rêves des Joad sont cruellement brisés et remplacés par une unique nécessité : survivre. La famille, en marge de l’éclatement sera rudement mise à l’épreuve.

LES RAISINS DE LA COLÈRE est un drame social d’une grande intensité, enveloppant et profondément humain. J’ai été ébranlé, touché, ému par la profondeur des personnages, comme je le fus pour la lecture d’un autre chef d’œuvre de Steinbeck : LES SOURIS ET LES HOMMES. Les Joad auraient pu être mes frères, sœurs, amis, collègues. J’ai souffert pour eux, tantôt triste, tantôt volontaire et insufflé de l’incroyable courage de Ma Joad.

Tels sont les effets qu’ont sur moi des personnages aussi attachants et authentiques. Pour utiliser un cliché aussi clair qu’explicite, j’ai été pris aux tripes par la sensibilité de la plume, la conscience sociale de l’auteur et le regard critique qu’il pose sur la société. Tout en douceur, Steinbeck insère dans son récit une philosophie qui colle à une réalité triste et encore très actuelle en commençant par sa définition de l’homme :

<…la faim dans une seule âme, faim de joie et d’une certaine sécurité, multipliée par un million ; muscles et cerveau souffrant du désir de grandir, de travailler, de créer, multipliés par un million. La dernière fonction de l’homme, claire et bien définie… muscles souffrant du désir de travailler, cerveau souffrant du désir de créer au-delà des nécessités individuelles… voilà ce qu’est l’homme. > Extrait

Le récit est porteur d’une profonde réflexion sur la faim qui fait encore souffrir de nos jours : <… et la colère commence à luire dans les yeux de ceux qui ont faim. Dans l’âme des gens, les raisins de la colère se gonflent et mûrissent annonçant les vendanges prochaines. > Extrait. Les raisins symbolisent la dignité par le travail, un cri du corps et du cœur. Ce livre de Steinbeck est un chef d’œuvre immense qui n’a jamais vieilli.

Très léger bémol : j’ai trouvé la finale un peu étrange. Comme si l’auteur mettait son récit en suspension, laissant à penser que l’histoire des Joad est une réalité qui perdure partout dans le monde. J’aurais aussi aimé être fixé sur le destin de Tom, personnage central de l’histoire qui disparait presque discrètement vers la fin.

C’est un livre magnifique, une véritable prose qui m’a fait ressentir de la tristesse, de la colère, bref toute une gamme d’émotions sans compter la nécessité d’une introspection et le goût d’un retour à la terre. C’est aussi un roman porteur de réflexion entre autres sur la famille. Le livre illustre dramatiquement sa fragilité.

Mon avis est qu’il faut lire absolument LES RAISINS DE LA COLÈRE, une œuvre qui ne laisse pas indifférente et qui analyse froidement une situation sociale préoccupante. Même si le livre a été publié pour la première fois en 1939, vous pouvez me croire quand je vous dis qu’il a conservé toute son actualité. J’ai adoré cette lecture. Elle m’a beaucoup touché.

 

En haut à gauche, l’auteur John Steinbeck. En haut à droite, une scène du film adapté du livre LES RAISINS DE LA COLÈRE sorti en 1940 et réalisé par John Ford avec Henry Fonda, Jane Darwell, Doris Bowdon et Charley Grapewin. Ci-contre, l’affiche du film.
En bas, couverture du livre qui a précédé de deux ans LES RAISINS DE LA COLÈRE et qui fut aussi un best-seller : DES SOURIS ET DES HOMMES. Ce livre a fait l’objet d’un commentaire sur ce site. Pour le lire,
cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 16 juin 2016

 

LA ROME ANTIQUE, de Peter Ackroyd

De la série VOYAGES DANS LE TEMPS

*Rome s’effondra il y a plus de mille cinq cents ans, mais elle nous a laissé un héritage riche. Nombreux sont les monuments et les routes qui ont survécu. On enseigne encore le latin dans le monde entier. Les écrivains et les orateurs de la république inspirèrent les dirigeants des révolutions française et américaine. L’empire britannique prit pour modèle l’empire romain. *  (LA ROME ANTIQUE, Peter Ackroyd, La Mascara éditeur, 2006, collection Voyages dans le temps. Édition de papier, illustrée, 145 pages)

Rome a contribué à façonner le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui.

L’HÉRITAGE DE ROMULUS

C’est un livre intéressant dont la principale force est la présentation graphique en plus d’être richement illustré de photos et de dessins. Le livre nous fait voyager dans le temps jusqu’à la fondation de Rome et sa croissance avant de devenir le prestigieux empire qui a jeté les bases de notre civilisation.

Le livre couvre les grands thèmes de l’évolution romaine mais traite les sujets de façon plutôt superficielle. C’est un ouvrage généraliste qui ne fait qu’initier à l’histoire romaine mais qui couvre l’essentiel. Pour couvrir l’histoire de la Rome antique il faut lire au minimum HISTOIRE DE LA ROME ANTIQUE de Lucien Jerphagnon ou, écrit sous le même titre, le livre de Le Boec Yann. Mais pour s’initier à l’histoire et l’héritage de Rome, le livre de Peter Ackroyd est excellent et m’a donné le goût de pousser plus loin.

Le livre passe en revue, dans les grandes lignes, la naissance de Rome, les innombrables guerres, l’époque de la république, les empereurs, une petite chronique de la vie quotidienne à Rome, l’empire et sa chute.

Livre bien fait, bien documenté, très agréable à l’œil, parfait pour les jeunes qui ont le goût de s’initier à l’histoire. Le livre dans l’ensemble est plutôt limité dans les détails mais propose des annexes qui comble partiellement cette lacune. Le livre est très coloré et bien ventilé. Il se lit vite et bien. Bref, un petit documentaire de qualité.

Suggestion de lecture : EXODUS, de Leon Uris

Pour la biographie de Peter Ackroyd, cliquez ici. Il existe aussi une quantité impressionnante de films sous le thème de la Rome antique. Le site senscritique propose ici une filmographie de 54 titres. Je vous invite aussi à parcourir une bibliographie préparée par booknode sous le même thème. Plusieurs documentaires pourraient aussi vous intéresser dans cette liste.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 21 avril 2024

LE VILLAGE, livre de Virginie Delage

*Finalement, je ne sais pas ce qui a déclenché tout ça.
 Son regard à lui. Ses yeux, à elle. Ou le gosse ?
Le gosse me demandant : “Tu viens nous aider ?” 
J’ai la rage, soudain. Tout ça, c’est à cause de lui.
Uniquement à cause de lui. Voilà pourquoi je
m’apprête à faire un truc que je n’aurais jamais pensé
faire, moi qui ne suis pas un violent. Dans quelques
minutes, je vais tuer cet homme. * 
(Extrait : LE VILLAGE,
Virginie Delage, pour la présente, édition numérique, Michel
Lafon éditeur, 2020, 1,7 Mo, 237 pages. Collection Thriller)

Les villages de l’adolescence sont parfois dangereux quand on les revisite vers la quarantaine et qu’on se confronte à ses rêves de jeunesse. Car l’adolescence est une période magique où l’on croit volontiers à l’amour éternel, aux amitiés d’airain, à son talent, au destin que l’on s’est choisi. Pour finir, quelquefois, par tout renier et se trahir soi-même. Ce livre nous permet d’emprunter le regard de plusieurs personnages ayant tous un lien avec un village qui génère des souvenirs bons ou douloureux. C’est un roman à deux voix : Oscar, qui raconte son ascension sociale, puis un anonyme qui plonge dans ses souvenirs en se promenant dans le village.

Un passé attractif
*Il y a des souvenirs si forts, si intenses,
qu’il vaut mieux les tenir à l’écart. *
 
(Extrait)

LE VILLAGE est un drame psychologique qui met en scène des personnages ayant un point en commun : ils sont issus d’un village où des évènements précis ont touché et modelé de toutes sortes de façon leur enfance et leur adolescence, façonnant ainsi un avenir qui ne s’annonce pas nécessairement rose. Les deux principaux personnages ont aussi un point en commun : leur ambition.

Dans ce livre, deux narrations alternent. D’abord, nous suivons l’évolution professionnelle d’Oscar Aury dont la vie jongle entre l’amour et l’ambition. Oscar parle de sa vie, de ses amis, de son amour et surtout des évènements qui vont le conduire vers son tragique destin sans oublier la façon dont il influencera le destin des autres, par exemple celui de François Bonnamy qui dirige, pour le compte d’une Société dont fait partie Oscar comme cadre, une prestigieuse entreprise de production de vêtements pour enfants : la marque Bonenfant.

Le deuxième narrateur n’a pas de nom. Il parle lui aussi de son quotidien au village pendant sa jeunesse et nous fait rencontrer les riches familles de la région.

Que deux destins en apparence banals convergent, sur le plan littéraire, c’est très courant et très acceptable, mais j’ai de la difficulté avec les récits à plusieurs voix quand l’auteur s’étend trop longtemps et farcie son récit d’une quantité de détails telle que l’intérêt du lecteur et de la lectrice est dilué. Sur le plan de l’écriture, le récit à deux voix est un beau défi. Ça peut même devenir emballant avec des personnages bien travaillés et une intrigue solide.

Je n’ai pas pu m’attacher aux personnages qui sont insuffisamment définis et j’ai trouvé l’intrigue en errance avec un peu de confusion jusqu’au dernier quart du livre où les états d’âmes d’Oscar nous font un peu appréhender la finale. J’ai trouvé que, pour un roman aussi court, il y avait beaucoup de longueurs. Malgré tout, j’ai trouvé l’écriture belle, la plume élégante. Malheureusement, les personnages manquent de chaleur et ont été, à mon avis, insuffisamment travaillés.

Je ne regrette absolument pas d’avoir lu LE VILLAGE car c’est le premier roman de Virginie Delage et j’ai ressenti dans la lecture de son livre les indices d’un futur prometteur. Et peut-être quelque chose m’a-t-il échappé ! Le livre n’a-t-il pas gagné un prix? Je le considère comme un encouragement pour l’auteure qui, pour jouer sur la convergence devra ajouter à son écriture de l’émotion et des éléments qui pousseront les lecteurs et lectrices à l’empathie vis-à-vis ses personnages.

Je considère ce dernier élément extrêmement important car à quoi s’accroche le lecteur dès le départ sinon à un personnage. J’admets que le début du récit est accrocheur et en parfaite cohérence avec la finale et que le roman a sûrement d’autres belles qualités. Ici, je me suis spontanément limité à mon ressenti.

Suggestion de lecture : L’APPEL DU COUCOU, de Robert Galbraith


Virginie Delage, lauréate du PRIX LITTÉRAIRE AU FÉMININ

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 13 avril 2024