LE TOUR DU MONDE EN QUATRE-VINGTS JOURS

Commentaire sur le livre de
JULES VERNE

*Un bon anglais ne plaisante jamais, quand il s’agit d’une
chose aussi sérieuse qu’un pari, répondit Phileas Fogg.
Je parie vingt mille livres contre qui voudra que je ferai le
tour de la terre en quatre-vingts jours ou moins, soit dix-
neuf cent vingt heures ou cent quinze mille deux cents
minutes. Acceptez-vous ? *
(Extrait : LE TOUR DU MONDE EN QUATRE VINGTS JOURS,
Jules Verne, édition de 1997 chez Gallimard jeunesse, collection
Folio junior. Édition de papier, 332 pages. Littérature jeunesse)


« Je parie vingt mille livres que je ferai le tour de la terre en quatre-vingts jours au moins. » Ainsi s’adressait Phileas Fogg, en cette soirée du 2 octobre 1872, à ses compagnons du Reform-Club de Londres. Et le voilà parti avec son domestique Passepartout. Le gentleman anglais, avare de paroles, précis comme une mécanique, et le Français, vif, malin et bavard, s’accordent à merveille ! Mais nombreux sont les périls qui les attendent sur la route des Indes, de la Chine et des Amériques…

Un pari sur le monde
* Dans ce singulier pays ou les hommes ne sont
certainement pas à la hauteur des institutions,
tout se fait « carrément », les villes, les maisons
et les sottises. *
(Extrait)

J’ai reconnu très vite et avec plaisir la plume visionnaire et onirique de Jules Verne, qui a embelli mon adolescence et jusqu’à aujourd’hui encore en me faisant voyager dans des univers extraordinaires : DE LA TERRE À LA LUNE, CINQ SEMAINES EN BALLONS, VING-MILLE LIEUES SOUS LES MERS, MICHEL STROGOFF, VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE…*Avec Jules Verne, vous pouvez aller partout et de toutes les façons possibles…par tous les temps : il vous suffit de puiser dans le trésor des voyages extraordinaires.* (Extrait du supplément)

Dans LE TOUR DU MONDE EN QUATRE-VINGT JOURS, nous suivons quatre personnages : le principal, PHILEAS FOGG, un richissime gentleman, son valet, Passepartout, l’officier de police FIX et MISS AOUDA, une jeune femme sauvée d’un cruel rituel indou par Passepartout et ramenée en Angleterre par Fogg et qui donnera un sens à toute cette aventure.

FOGG est plutôt égocentrique, peu intéressé à ce qui l’entoure, ne montre jamais ses émotions et sa maîtrise de soi pousse un peu à la caricature. C’est un personnage plus grand que nature un peu comme les personnages de L’ÎLE MYSTÉRIEUSE ou comme Dick Sand, le jeune marin du roman UN CAPITAINE À 15 ANS.

Pour moi, ce n’est pas le meilleur de Verne à cause du personnage principal que l’auteur a imaginé trop mécanique, trop stoïque. Peu sympathique et à peu près pas attachant. Mais ma lecture a été sauvée par deux éléments en particulier. Premièrement, le deuxième personnage en importance : Jean Passepartout, valet de Fogg, un sympathique bavard rusé et surtout extrêmement intuitif. Il est sympathique, drôle, attachant et fera la différence dans cette extraordinaire aventure.

Deuxièmement, mon esprit a voyagé et je n’ai jamais vu le temps passer : Londres, Suez, Bombay, Calcutta, Hong Kong, Yokohama, San-Francisco, New-York avec, pour chaque coin du monde, une généreuse part de surprises, revirement, obstacles de toutes sortes. Et dire que cette merveilleuse odyssée repose sur un pari extrêmement risqué pour Fogg pour qui l’imprévu n’existe pas. Bien sûr, les évènements vont lui démontrer le contraire bien évidemment. Mais l’admettra-t-il ?

Malgré un personnage principal plutôt froid et très *british* j’ai beaucoup aimé ma lecture. Ce livre n’a pas vieilli et pourtant, il décrit la géographie physique et sociale du XIXe siècle. Comme tout ce qui est signé Jules Verne, il induit le rêve et incite aux voyages même les plus inusités. L’écriture n’est pas très actuelle dans le style mais j’ai trouvé la plume fluide et vivante, avec un soupçon d’humour. Toutes les péripéties de ces valeureux personnages ainsi que la finale à laquelle je n’aurais jamais pensé font de LE TOUR DU MONDE EN QUATRE-VINGT JOURS un incontournable roman d’aventure qui constitue une course effrénée contre la montre.

Jules Verne est né à Nantes en 1828.  Après son mariage en 1857, il devient agent de change à la Bourse pour vivre. Travaillant le jour, il étudie la nuit, les mathématiques, la physique, la géographie, la botanique pour construire son œuvre. En 1863, il apporte le manuscrit de « Cinq semaines en ballon » à l’éditeur Hetzel. Cette rencontre sera décisive : ce grand éditeur, enthousiasmé par les manuscrits de Jules Verne, lui propose un contrat propre à stimuler le génie de l’auteur de « Vingt Mille Lieues sous les mers », un contrat qui l’attache à sa maison.

Ainsi, Verne élabore une œuvre immense,  démontrant que la science est le mouvement incessant qui part de l’homme et y revient avec une provision de connaissances, d’images et de rêves. Jules Verne est mort le 24 mars 1905 à Amiens la ville natale de sa femme, où il s’était installé en 1871.

Suggestion de lecture, du même auteur : DE LA TERRE À LA LUNE

C’est la plus célèbre adaptation du classique de Verne : LE TOUR DU MONDE EN 80 JOURS, sorti en 2007. Une saga de 2 heures 50 minutes réalisée par Michael Anderson avec David Niven, Mario Moreno et Shirley MacLaine.

La version de 2004 réalisée par Frank Coraci a aussi atteint des sommets grâce, entre autres à la performance de Jackie Chan. Je n’ai pas tout à fait compris pourquoi, mais la notoriété de Jules Verne y était sûrement pour quelque chose.

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 16 septembre 2023

 

RESSUSCITER, le livre de Colleen Houck

*Dans un instant, les trois rois demanderaient l’impensable.
Une faveur qu’aucun roi, aucun père, ne devrait demander
à son fils. Cette pensée glaçait le sang du roi Heru et lui
donnait des cauchemars saisissants où son cœur trouvé
indigne ne faisait pas le poids contre la plume légère de la
vérité lors du jugement dernier. *
(Extrait : RESSUSCITER, de
Colleen Houck, t.f. AdA éditeur, 2017, papier, 570 pages.)

Lorsque Lilliana Young, une jeune fille de 17 ans, entre un matin de la relâche scolaire au Musée Métropolitain d’art de New York, la dernière chose qu’elle escomptait voir était un prince égyptien aux pouvoirs divins, se réveillant après 1 000 ans de momification. Elle ne s’imaginait vraiment pas être choisie pour l’accompagner dans une quête qui les mènera de l’autre côté du globe.
Mais le destin emporte Lily, et avec son prince solaire, Amon, elle doit se rendre dans la vallée des rois afin de réveiller les frères de ce dernier, dans l’espoir d’empêcher le dieu métamorphe et maléfique Seth de prendre le contrôle du monde.

De New-York à la Vallée des Rois
*Je piquai du nez vers l’avant juste comme
Amon m’attrapait dans ses bras.
Je ne pouvais plus rien sentir.
Je ne pouvais plus rien entendre.
Un instant plus tard,
Je ne pouvais plus rien voir. *
(Extrait)

J’avais déjà lu deux volumes de la SAGA DU TIGRE de Collen Houck.  Avec RESSUSCITER, j’ai l’impression d’avoir goûter un peu au même plat : de l’archéologie, une remontée dans le temps, des divinités de la mythologie, de la magie, le tout avec un peu de sentiment. La différence est qu’au lieu de nous emmener dans les Indes, Collen Houck nous transporte cette fois en Égypte.

L’histoire est celle de Lilliana Young, une jeune fille sans histoire de 17 ans qui, en visite au Musée métropolitain des arts de New York voit un jeune prince égyptien se réveiller après 1000 ans de momification. Il s’appelle AMON et il persuade Lily (elle n’avait pas vraiment le choix) de mettre en commun leur énergie pour retrouver ses frères qui doivent aussi être réveillés en Égypte. Le but : empêcher le maléfique dieu Seth de diriger le monde et de le plonger dans le chaos.

Cette histoire est une variation sur un thème usé surdéveloppé en littérature et au cinéma. Toutefois, le livre renferme de très belles forces. Heureusement, avec le temps, j’ai pu surmonter cette impression de déjà vu et soutenir une lecture jusqu’au bout afin de trouver des éléments accrocheurs, un peu d’originalité, un petit quelque chose capable de venir me chercher et de me *capturer*. Je dois admettre que même si le thème est répétitif, RESSUSCITER est un roman fort qui pourrait intéresser les jeunes lecteurs.

Le livre a tout de même 560 pages, c’est un long pavé qui nous plonge dans la mythologie égyptienne, loin d’être simple en passant. Je dirais que c’est une lecture avancée pour les 13 ans et plus. Mais une des forces du roman est de permettre aux jeunes lecteurs/lectrices de s’identifier aux héros : deux jeunes de 17 ans, Lily et un jeune dieu solaire du même âge et ses frères à peu près du même âge : Asten et Amhose, sans peur et sans reproche.

Il y a ensuite le fait que l’histoire est richement documentée. J’ai appris beaucoup de chose sur l’Égypte, ce pays à l’histoire fascinante. Et une chose très importante, en tout cas pour moi qui n’est pas très attiré par les histoires d’amour et les contenus *fleurs bleues*, c’est qu’il se développe un sentiment très fort entre AMON et Lily, mais c’est un sentiment réservé, timide et j’en ai compris les raisons en cours de lecture et ça se tient.

La réserve d’Amon, n’empêche pas quelques envolées romantiques : *La vérité, c’est que si je pouvais embouteiller ta fragrance de lys d’eau et la porter sur moi pendant que j’erre dans le désert, même si je souffrais d’insolation et de déshydratation, et que je me voyais secouru par un cheik du désert qui voudrait me l’échanger, et même si ce troc devait sauver ma propre vie, je ne m’en départirais pas pour tous les bijoux, les soies et les richesses précieuses de l’Égypte, ainsi que toute les terres qui l’entourent. * (Extrait) Beaucoup d’éléments intéresseront les jeunes.

Ce livre comporte beaucoup de longueurs, des redondances et des passages plus ou moins nécessaires. Il faut le lire avec patience et profiter d’une belle plume, colorée, imagée et très descriptives. La finale a été bien imaginée. J’ai eu un peu de difficulté à m’attacher aux personnages même l’héroïne Lily m’a semblé froide et un peu caractérielle.

Vous voyez, je sors un peu mitigé de cette lecture mais je ne la regrette pas. Je vous le recommande au moins pour son contenu mythologique et historique.

Suggestion de lecture : LE CHÂTEAU DES FANTÔMES, de Sophie Marvaud

Colleen Houck est l’auteure à succès de LA SAGA DU TIGRE, quatre fois primée par le New-York Times. Elle a reçu le prix Parent’s Choice et a fait l’objet de multiples recensions et reportages dans les grands magazines et réseaux de télévision. Notons au passage que le Romantic Times a désigné LA MALÉDICTION DU TIGRE <<comme l’un des meilleurs livres que j’ai jamais lus.>> Colleen Houck habite à Salem en Oregon avec son mari et une imposante collection de tigres en peluche.

LA SUITE

Bonne lecture 
Claude Lambert
le dimanche 23 juillet 2023

 

JÉRÔME ET SON FANTÔME, de Sylvie Brien

Version audio

*Oui ! Des fous, mon petit Arnaud. Des fous drôles,
mais aussi des fous méchants, des fous tristes, des
fous malheureux. Je les vois. Là ! comme piégés
dans le temps…attends que je te raconte encore…)
(Extrait : JÉRÔME ET SON FANTÔME, de Sylvie Brien,
Dominique et compagnie Éditeur, 2016, papier, 200
pages. Version audio : Dominique. Audible 2018, durée
d’écoute :2 heures 58 minutes. Narrateur : Pierre Corriveau)

À la mort de son père, au début des années 60, Jérôme, 12 ans, est hébergé avec sa famille chez ses grands-parents. Il découvre avec surprise que le village qu’ils habitent est peuplé de personnages tous plus étranges les uns que les autres. Cela n’empêchera toutefois pas le jeune garçon de se faire de nouveaux amis, dont un « jeune » fantôme qui lui fera vivre d’incroyables aventures… soit dit en passant, le tome 2 est prometteur…

Les idées folles de Jules
*Moi qui croyait qu’un fantôme, c’était transparent,
vaporeux et effrayant. J’avais eu toute une surprise.
À vrai dire, à le voir, j’aurais jamais pensé que
Jules puisse être un revenant en chair et en os.
<Pourquoi es-tu venu ici> demandais-je au
spectre…*
(Extrait)

Le vieux Jérôme raconte un épisode très important de sa vie à son petit fils Arnaud. Jérôme remonte le temps de plus de cinquante ans, jusqu’en 1962 alors qu’il a 12 ans. Après la mort de son père, Jérôme s’installe chez ses grands-parents et c’est alors qu’il est témoin d’évènements bizarres, disons plus intrigants que méchants : une bicyclette qui prend sa place toute seule par exemple ou des poubelles qui lévitent jusque dans la rue.

Jérôme est amené à comprendre qu’il s’agit là de l’œuvre d’un fantôme qui ne veut pas se montrer. Jérôme surmonte sa peur et finira par convaincre le spectre de se montrer et d’expliquer pourquoi il lui rend des services. Et finalement le fantôme finit par se montrer.

Surprise, il s’agit d’un jeune garçon de 12 ans, le même âge que Jérôme. Il s’appelle Jules. Il semble ne pas comprendre qu’il est mort. Jérôme lui explique la triste réalité et Jules demande à Jérôme de découvrir comment il est mort, pourquoi, et où est son corps.

C’est alors que Jérôme se lance dans une quête extraordinaire et certaines alliances l’aideront beaucoup dans sa démarche, Avec le curé par exemple, le ptit dur de l’école Gaston et même le fossoyeur qui en sait pas mal long et il y a bien sûr Jules dont l’aide sera précieuse. Jérôme mettra au jour une vérité aussi incroyable que l’aventure qu’il est en train de vivre.

La question est de savoir si Jules pourra enfin reposer en paix. Aux jeunes lecteurs d’en faire la découverte. J’ai beaucoup aimé cette petite histoire que Sylvie Brien a développé avec une belle retenue : pas d’artifice, pas de violence, un peu de frissons et de mystère. Elle laisse les jeunes lecteurs avec l’idée qu’il est possible que les fantômes existent, qu’on peut y croire ou non.

Il ne faut pas non plus avoir peur des fantômes. Un mystère n’est pas forcément aussi épais qu’il en a l’air. L’histoire réunit donc des éléments qui plaisent aux jeunes lecteurs de 10 à 14 ans : de l’intrigue, du mystère et de l’humour. L’histoire s’appuie aussi sur de belles valeurs : l’amitié, l’entraide, l’esprit d’équipe et la tolérance qui manque tant à la Société.

J’ai été captif de cette histoire pour deux raisons en particulier : d’abord la galerie de personnages. J’ai accueilli chaleureusement Jérôme dès le départ, un petit débrouillard astucieux et persévérant et puis Jules que j’ai accueilli presque comme un petit fils et pour lequel j’ai développé une empathie qui m’a gardé dans l’histoire jusqu’à la fin. Eh oui, je dirais que Jules m’a forcé à lire l’histoire d’une traite…Aucun regret.

Je ne ferai pas le tour de tous les personnages mais plusieurs m’ont fasciné, en particulier Gaston, le ptit dur que tout le monde craint. J’ai redécouvert que ce genre de personnage cache du bon qui finit par ressortir. La deuxième raison de mon engouement est ce retour aux années 60 dont l’atmosphère est magnifiquement recréée.

Mes petits bémols maintenant… les filles n’ont aucun rôle dans cette histoire à part peut-être celui de chipies, l’enseignante acariâtre et les cadorette par exemple. J’ai rapidement développé l’impression qu’il manquait quelque chose. Les parents aussi n’ont pratiquement aucun rôle.

Ça nous éloigne d’une réalité quand même importante si on tient compte du fait que l’histoire se déroule dans les années 60, une époque où les familles prévalent plus qu’aujourd’hui.

Enfin j’ai écouté la version audio et j’ai été un peu déçu par la narration de Pierre Corriveau qui a eu de la difficulté à trouver le ton juste. J’aurais préféré qu’il se laisse aller un peu plus en utilisant l’accent que laisse supposer l’écrit. Heureusement, Pierre a une voix magnifique et c’est pour moi une belle compensation.

C’est un récit idéal pour pousser les préados à la lecture à cause de l’émotion qui se dégage de l’histoire et d’un amalgame de fantastique et des réalités de l’adolescence. À la fin du récit, tout est en place pour une suite prometteuse. Moi j’ai aimé, ce qui laisse à penser qu’il n’y a pas d’âge pour lire un livre-jeunesse.

Suggestion de lecture : LE CHÂTEAU DES FANTÔMES de Sophie Marvaud

Juriste et notaire de formation, Sylvie Brien se consacre entièrement à l’écriture dans les années 2000. Publiée au Canada et en France par plusieurs éditeurs, elle est Membre de l’Union des Écrivaines et Écrivains du Québec et anime des rencontres littéraires pour le programme Culture à l’école. En 2005, son roman La Fenêtre maléfique est choisi pour l’événement Montréal capitale mondiale du livre (UNESCO). Elle remporte en 2018 le prix littéraire de l’AQPF avec son roman 16 ans et Patriote.

La suite 

Bonne écoute
Claude Lambert

LES MONDES CACHÉS, bandes dessinées

Commentaire sur la série en bd de
DENIS-PIERRE FILIPPI et SILVIO CAMBONI

Réalisant que la magie ne peut tout résoudre, Grégoire a décidé de ne plus faire usage de ses pouvoirs. Mais lorsque son amie Itsuki disparaît au sein du mystérieux Arbre-Forêt, il s’élance sans hésitation à sa poursuite. S’ensuit une haletante course contre le temps qui l’entraine au plus profond d’un monde merveilleux et sauvage. La quête de Grégoire s’étend sur trois tomes : 1 : L’ARBRE FORÊT, 2 : LA CONFRÉRIE SECRÈTE, 3 : LE MAÏTRE DES CRAIES.

Ci-bas, extrait de LES MODES CACHÉS, tome 2, LA CONFRÉRIE SECRÈTE de Denis-Pierre Filippi et Silvio Camboni. Les Humanoïdes associés éditeur, 2016. Le tome 1 est sorti en 2015 et le tome 3 en 2019. Édition de papier, 46 pages. Aussi disponible en numérique. Coloristes : Joëlle Comtois (tomes 2 et 3) Chantal Boudreau, Jessica Bodart, Valérie Martineau (tome 2) Yvan Gaspard (tome 1).

 
Plus fort que la magie

Eh oui ! C’est, pour moi, une nouvelle incursion dans l’univers de la bande dessinée et ma foi, j’ai l’impression d’y prendre goût. J’ai observé quand même attentivement son évolution depuis mon enfance. L’enrichissement de ce genre littéraire s’est fait plus rapidement que pour les autres. Explosion de talents, autant que de couleurs. Cette fois, je me suis intéressé à une œuvre de Denis-Pierre Filippi et Sylvio Camboni, les créateurs de Gargouilles. Il s’agit de LES MONDES CACHÉS qui raconte l’histoire d’un jeune mage : Grégoire. Ceux qui ont suivi Gargouilles connaissent bien Grégoire.

C’était encore un enfant quand il a été admis mage dans sa dernière aventure au royaume de Gargouilles. Aujourd’hui, dans LES MONDES CACHÉS, Grégoire est un ado. Et il est de retour dans son p’tit monde ordinaire. Enfin, façon de parler. Pour une vie ordinaire, Grégoire accepte de renoncer à ses pouvoirs. Mais la donne change quand son ami Itsuki disparaît dans l’arbre-forêt. La quête de Grégoire comportera beaucoup de danger.

Dans le tome 2, LA CONFRÉRIE SECRÈTE, Grégoire travaille à protéger les mondes merveilleux de l’hostilité des hommes et empêcher la magie de prendre le pas sur la réalité. Dans le tome 3, Grégoire retrouve sa cousine Edna. Ils se retrouvent malgré eux dans le monde caché, happé par un dessin. Ils en reviendront avec une magnifique surprise.

Depuis ce jour où il est devenu mage, Grégoire est garant de la bonne cohabitation entre le monde des hommes et celui des créatures magiques. Il est le gardien des mondes cachés. Cette mignonne petite série m’a beaucoup plus.

En fait, le seul petit reproche que je peux faire est que Grégoire fait montre d’une sagesse qui n’est pas compatible avec son âge. Mais les auteurs ont pris soin de rendre le pétillant jeune homme sympathique et attachant.

Cette série m’a surpris par la qualité de ses graphismes. On dirait que la créativité crayonnée a pris le pas sur la facilité informatique. Chapeau aux coloristes qui ont donné à leurs planches un indéniable petit caractère magnétique qui fait évoluer Grégoire et ses amis dans un monde pastel qui rend la lecture confortable et attirante.

Quoique le travail soit abouti, j’aurais souhaité plus de détails sur Edna et une plus lente évolution des personnages dans le monde du dessin. Quoiqu’il en soit, LES MONDES CACHÉS constituent une suite évolutive de GARGOUILLES, un peu plus mûre alors que le personnage principal se dirige allègrement vers l’âge adulte, tout en gardant une bonne nature et une générosité toute naturelle.

Le texte est de nature à amener les jeunes lecteurs/lectrices à se poser des questions. Par exemple pourquoi Grégoire renoncerait-il à la magie. Que ferions-nous à sa place. Ce texte véhicule de belles valeurs comme l’empathie, l’amitié et même l’esprit de famille.

Je ne peux pas dire que le récit tranche par son originalité, son thème étant très récurent mais j’ai été séduit par la présentation, la fluidité de la plume, l’imagination des auteurs et la qualité du graphisme.

Dans LE MAÎTRE des craies, tout semble en place pour une suite…Je suis curieux de voir ce que réserve la vie à Grégoire et ses amis. J’ai passé plus qu’un beau moment de lecture, ce fut pour moi un beau moment d’évasion.

Suggestion d’écoute : ASTÉRIX LA BD AUDIO, d’après René Goscinny et Albert Uderzo

Denis-Pierre Filippi et Silvio Camboni lors d’une entrevue vidéo sur leurs albums mettant en scène les personnages de Disney dont Mickey bien sûr. Nourri très tôt au Spirou, Denis-Pierre Filippi (photo à droite) est l’auteur-scénariste. Il excelle dans les scénarios où une pointe d’imaginaire vient enchanter le récit. Il trouve sa place aussi bien dans des récits pour la jeunesse, que dans l’érotisme, dans les histoires de marins que dans celles de policiers, dans le thriller que dans le fantastique…

Silvio Camboni (photo à gauche) naît le 4 septembre 1967 à Santadi en Italie. C’est le dessinateur. Dès 1989, il collabore sur plusieurs films de Walt Disney dont Mickey, Monster Allergy… En 1998, Silvio Camboni fonde la « Sardinian School », l’école de bande dessinées de Caglieri, dans laquelle il enseigne la BD et l’illustration. En 2001, il reçoit le prix de la revue Fumo di China, dans la catégorie BD d’humour, jeunes auteurs. 

 Quelques BD de Filippi-Camboni


NOTE : ne pas confondre GARGOUILLES qui sont des personnages créés par Filippi et Camboni et GARGOUILLE (sans *s*), un personnage de BD créé par le québécois Tristan Demers.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 5 juin 2022

LE CHÂTEAU DES FANTÔMES, tome 1

LA MOMIE DU PHARAON

Commentaire sur le livre et la série de
SOPHIE MARVAUD

*Au cours de leur vie, ils ont fait une très grosse bêtise.
Quand ils étaient vivants, cette bêtise les empêchait de
dormir. Maintenant qu’ils sont morts, son souvenir les
empêche de s’envoler vers le pays du repos souriant.
De toutes leurs forces, ils espèrent que quelqu’un
viendra les délivrer.
(Extrait : LE CHÂTEAU DES FANTÔMES, 1- LA MOMIE DU
PHARAON, Sophie Marvaud, Édition Adabam 2013, 2e édition,
édition numérique, 88 pages, litt. Jeunesse, 6-8 ans)

Il se passe des choses dans le mystérieux Château des Ombres, où vivent Cléo, Balthazar et Grodof, Chaque soir, à minuit, sept fantômes apparaissent dans le donjon de l’aile nord. Cette nuit, alors que les enfants et le chien espionnent les fantômes, l’un d’eux dépose un objet au bas de l’escalier. Une couronne de pharaon ! En une seconde, ils se retrouvent tous les trois en pleine Égypte ancienne, à l’époque des pyramides et des momies. Ils y retrouvent Le jeune prince Maïherpéra, désespérément à la recherche de ses vrais parents…

 

De l’or pour les premiers lecteurs
*-Voyons Cléo ! Les livres n’ont pas encore été
inventés ! Les Égyptiens utilisent du papier
épais fabriqué à partir d’une plante, le papyrus.
Ils les collent les unes à la suite des autres pour
en faire des rouleaux. *
(Extrait)

LE CHÂTEAU DES FANTÔMES est une série de petits livres publiés par Adabam éditeur e  dont la mission est de contribuer à l’éducation des premiers lecteurs et premières lectrices d’une façon ludique et divertissante en offrant des livres adaptés (déchiffrage, aide à la lecture et à l’orthographe) et des romans jeunesse qui initient les enfants à l’histoire et au fantastique…

La mise en scène de départ est la même partout. C’est le fil conducteur de la série : chaque nuit, dans le château des fantômes, Cléo, Balthazar et leur chien Grodof espionnent les fantômes. Un de ces fantômes dépose par terre un objet magique. Évidemment, nos amis ne peuvent s’empêcher d’y toucher et, ce faisant, sont propulsés dans le passé, à une époque ayant un lien direct avec l’objet abandonné par le fantôme.

Pour revenir chez eux, les jeunes n’ont qu’une condition à remplir : sauver un fantôme. Ainsi, les premiers lecteurs et premières lectrices vivront toutes sortes d’aventures à des époques variées.

Dans le premier tome de la série LE CHÂTEAU DES FANTÔMES, LA MOMIE DU PHARAON, l’objet que laisse tomber le dernier des fantômes tirant son boulet est une couronne de pharaon. En y touchant, nos amis sont immédiatement propulsés dans l’ancienne Égypte des pharaons et arrivent face à face avec une momie. Puis ils font la connaissance d’un adolescent tourmenté par le fait qu’il ne connait pas ses parents. Il a en effet été découvert, nouveau-né devant la porte du palais royal et a été adopté.

Cléo et Balthazar comprennent le sens de leur mission : identifier les parents de l’adolescent appelé Maïerpera et réunir la famille. Durant leur enquête, ils apprendront un tas de choses intéressantes :

J’ai trouvé la présentation tu tome 1 impeccable et même invitante pour les enfants. On y trouve une présentation des jeunes personnages, une présentation sommaire du Château des fantômes et quelques petites explications sur les mystères qui l’animent, une brève introduction, un développement clair, fluide et rythmé, et à la fin, un petit glossaire qui donne la définition des mots qui pourraient être compliqués pour les enfants.

Aussi, je suis sûr que les enfants apprécieront les superbes illustrations de Céline Papazian. La page couverture à elle seule est un petit chef d’œuvre.

Tout est réuni pour rendre la lecture des enfants confortable : des lettres grosses, des chapitres courts et ventilé, de belles illustrations, un petit lexique, une belle présentation chaude et attirante. Le récit comprend une caractéristique généralement appréciée des premiers lecteurs : une touche de mystère, de fantastique…pourquoi pas des fantômes qui s’essoufflent à traîner un boulet : *En montant l’escalier en colimaçon, ils s’énervent contre le boulet qui les tire en arrière* (Extrait)

Dans LA MOMIE DU PHARAON les jeunes vont apprendre des choses très intéressantes sur l’Égypte antique, les traditions, la mode vestimentaire, la royauté et la mentalité aussi, celle par exemple qui veut que les Égyptiens fortunés passent une grande partie de leur vie à préparer leur mort. Ça explique entre autres la présence des pyramides. Instructif, intéressant, attrayant. Je pense que les premiers lecteurs et premières lectrices seront intéressés par la suite.

Suggestion de lecture : LES BRAVOURES DE THOMAS HARDY, de Philippe Alexandre

Sophie Marvaud  est l’auteure de nombreux romans historiques pour adolescents, dont les séries à succès : LE SECRET DES CARTOGRAPHES (Le livre de poche et Plon jeunesse) et SUZIE LA REBELLE (Nouveau Monde éditions). Chez Hachette éducation, elle collabore à la collection TOUS LECTEURS : ADIEU POIMPÉI. Sophie Marvaud a aussi adapté le fameux WINX CLUB pour la bibliothèque rose. LE CHÄTEAU DES FANTÔMES donne à Sophie Marvaud l’opportunité d’associer culture et divertissement, ce qu’elle fait avec beaucoup de talent.

À lire dans la même série

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 21 mai 2022

L’ÉLU DE MILNOR, saga de Sophie Moulay

L’intégrale

*…Nous les sept sages de Milnor nous réunîmes et
entreprîmes de consulter les oracles. Nous formâmes
le cercle sacré et psalmodiâmes les paroles rituelles.
L’un des oracles daigna nous apparaître. Il nous
expliqua qu’un grand péril nous menaçait. L’ennemi
s’apprêtait à asservir Milnor. Il entendait fondre sur
toutes les contrées connues et réduire…la population
à l’état de bétail.*

(Extrait : L’ÉLU DE MILNOR, livre 1, la fuite d’Almus, voir
le synopsis pour l’intégrale. Format numérique, E38
éditeur, 2017, 1255 pages, 1944 KB, )

Depuis son plus jeune âge, Almus s’entend répéter la Prophétie : il est l’Élu qui sauvera le monde quand viendra l’Ennemi. Dans l’univers médiéval de Milnor, il apprend donc la magie auprès des Sages. Mais un jour, ses maîtres découvrent qu’ils se sont trompés d’Élu. Humilié et rejeté, Almus s’enfuit du palais des Sages pour rejoindre le lointain domaine de ses parents. Mille dangers le guettent au cours de ce voyage initiatique et, sans ses pouvoirs magiques, il n’est plus qu’un adolescent ordinaire. Almus découvrira le côté sombre de la vie, mais aussi l’amitié. Toutefois, les Hargors, des êtres mi-humains mi-félins, le poursuivent. Leur mission : capturer l’Élu et le ramener à leur empereur. 

Le cœur de la fantasy
*La mort dans l’âme, nous convînmes que l’Élu
apprendrait mieux les vicissitudes de la vie à
l’extérieur que dans les murs du palais et qu’il
nous reviendrait plus puissant que jamais. Nous
endurcîmes nos cœurs et exécutâmes les
directives de l’Oracle.*

(Extrait du livre 2 : L’OMBRE DE L’ENNEMI)

 

Mon commentaire porte sur l’intégrale de L’ÉLU DE MILNOR, soit cinq tomes : LA FUITE D’ALMUS, L’OMBRE DE L’ENNEMI, L’EMPIRE HARGOR, LE PAYS DES MORTS et LE MIROIR DU SAGE. C’est une longue saga de type *fantasy* écrite pour la jeunesse mais elle est aussi très acceptable pour les adultes qui aiment particulièrement l’atmosphère médiévale.

Voici l’histoire d’Almus. Un garçon qui a onze ans au début de l’histoire. Depuis plusieurs années il a été reconnu par les sages du royaume, L’ÉLU. C’est-à-dire le seul capable de sauver Milnor en affrontant l’ennemi. Un jour, les Sages se rendent compte qu’ils se sont trompés et rejettent Almus qui s’enfuira et entreprendra alors un voyage initiatique avec un statut de simple adolescent.

Il connaîtra une vie dure et fera face à mille dangers mais il fera aussi la connaissance de nouveaux amis : Pil, un voleur tout ce qu’il y a de plus gauche, Noir-Cœur, un jeune assassin qui n’a jamais tué personne, et Mira, une jeune voyante nomade…trois amis qui partageront finalement le destin d’Almus. Almus sera poursuivi et harcelé entre autres par les Hargor, êtres mi humains et mi chats.

C’est ainsi qu’Almus maintenant réhabilité par les Sages, gagne en puissance magique. Il se rend au pays des morts afin de ramener sa sœur, assassinée par l’ennemi puis enfin se prépare à l’affrontement final.

C’est l’approche classique de la Fantasy pour jeunes lecteurs. Les héros sont des adolescents aux prises avec l’éternelle dualité entre le bien et le mal. Je dois dire toutefois que l’auteure, Sophie Moulay a bien travaillé ses personnages et leur a attribué un équilibre réaliste de forces et de faiblesse.

Comme c’est très courant en littérature, certains attributs sont un peu poussés comme le raisonnement par exemple ou le vocabulaire mais à ce titre, j’ai senti une retenue de l’auteure et je n’en ai que mieux apprécié ma lecture. Toujours est-il que les jeunes m’ont entraîné dans une alternance d’action et de moments bucoliques et j’ai pu apprécier avec bonheur leur caractère bien trempé.

Les jeunes lectrices seront enchantées d’apprendre que la seule fille du groupe,  Mira a le caractère nécessaire pour mettre les garçons à leur place et elle ne se gêne pas. J’ai trouvé ça amusant et ça donne au récit un aspect actuel.

L’esprit d’équipe, le courage, la détermination et l’espoir des jeunes acteurs m’ont davantage impressionné que l’histoire comme telle qui est un peu usée avec un *ENNEMI* pas très bien défini et dont le statut est relativement facile à deviner.

Donc un élément capital qui pousse les jeunes lecteurs et lectrices à se rendre jusqu’au bout de la saga est respecté : un attachement rapide aux héros et la possibilité de s’identifier à eux. J’ai aussi apprécié le caractère initiatique du voyage des héros qui devront apprendre, comprendre, démêler le vrai du faux.

C’est un autre élément qui rend le lectorat captif : Apprendre des choses qui lui rappellent son quotidien. Les jeunes lecteurs et lectrices ajustent en général la dimension actuelle du récit à leur besoin de connaissances et d’aventures.

Pour toutes ces raisons et comme j’aime particulièrement l’atmosphère médiévale bien campée qui se dégage du récit, je considère que cette saga signée Sophie Moulay est une réussite.

Évidemment, c’est très long. La saga totalise 5 livres, pratiquement un millier de pages (j’ai utilisé un support numérique) mais ne craignez pas le terme *intégrale*. L’ÉLU DE MILNOR est un récit évolutif avec de l’action et des rebondissements.

Prenez le temps de le lire et vous vous retrouverez vite sur le chemin d’Almus, Pil, Mira et Noircoeur (Je ne comprends pas ce prénom car le garçon a le cœur sur la main) pour partager leurs aventures.

Suggestion de lecture : DUNE, de Frank Herbert

Sophie Moulay  a commencé à écrire en 2007, mais c’est en 2009 qu’elle imagine le personnage d’Almus, en s’appuyant sur l’expérience acquise au contact des adolescents. Elle développe alors la série « L’Élu de Milnor ». Depuis, elle a commis quelques meurtres dans ses « Enquêtes d’outre-tombe » « Drôle de mort » en constitue le premier volet. Il sera suivi d’un second en 2018. Elle s’est rôtie dans la chaleur d’un désert post-apocalyptique dans « Inhumaine, retour aux sources », mais est bien trop frileuse pour oser écrire sur le Pôle Nord ou tout autre latitude supérieure à 50°.

Les rues d’Hoggu ne sont pas sûres pour les enfants des quartiers pauvres. Et lorsque le jeune Calus décide par bravade de s’y aventurer, il ne se doute pas que son geste le met à la merci du redoutable Cruzac. Ce dernier lui offre un avenir étonnant, à condition de renoncer à son passé.
Pour cette nouvelle aventure, Sophie Moulay remonte aux sources et nous révèle les secrets de l’enfance et l’adolescence de Calus. Un vrai bonheur pour les fans de la saga L’Élu de Milnor et pour tous ceux qui découvrent ici l’univers de l’auteur.

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 8 avril 2022 avril 2022

LES SENTIERS DES ASTRES 1, Stefan Platteau

 

*La main encore un peu tremblante, je prends ma plume
pour inscrire quelques mots dans le grimoire de bord,
Attiré sur le vélin le fil de l’encre, la tension s’en va peu
à peu. Les questions, elles, demeurent. Fourbe est le vieux
 fleuve et folle qui prétend lire le cours de ses eaux. *

(Extrait de MANESH, premier volet de la série LES SENTIERS
DES ASTRES, Stefan Platteau. À l’origine, J’ai lu Librio éditeur,
2016, 736 pages. Version audio : Audible studios éditeur, 2018,
durée d’écoute : 20 heures 33 minutes, narration : Matthieu Dahan)

Le Roi-Diseur est le dernier espoir d’une nation ravagée par la guerre civile. Le capitaine Rana remonte le fleuve à sa recherche, avec une poignée de braves. Personne n’a jamais navigué si loin. Pourtant, un naufragé dérive à leur rencontre, accroché à une branche. Qui est-il? Est-il un simple humain, ou l’héritier d’un sang plus ancien ? En ces terres du Nord, les géants et les dieux marchent encore sous les arbres. Déjà, la forêt frémit des prémices de leur colère…

Un périple envoûtant
*Puis cette euphorie inattendue s’est dissipée comme
elle était venue. L’aîné des Mahhtmar avait baissé à
nouveau les yeux vers le vieux compagnon qui se
mourrait au sol et toute sa douleur était revenue lui
étreindre les tripes. Alors, sans dire un mot mais en
serrant les dents de chagrin, il avait levé son épée.
(Extrait)

C’est avec MANESH, le premier volet de LES SENTIERS DES ASTRES, que Stefan Platteau se lance dans l’écriture et vient enrichir la littérature de fantasy et de mythologie. La saga compte cinq tomes.

On peut dire six tomes si on tient compte du préquel à l’Univers des Sentiers des Astres : Le dévoreur. Ce récit m’a séduit par la beauté de son écriture qui est un heureux mélange de caractère et de poésie.

L’histoire a une forte empreinte celtique, médiévale et les légendes et la mythologie y ont une place importante. Voyons d’abord comment débute la grande saga. Le narrateur de l’histoire est Fintan Calathyn. C’est un barde à la Cour du royaume, une position élevée. Il est aussi capitaine en second d’un navire qui poursuit une quête très spéciale.

En fait, deux navires sillonnent les bras et estuaires du fleuve framar à la recherche du roi-diseur, un oracle légendaire que le capitaine Frama veut interroger pour connaître l’avenir du Royaume menacé par la guerre civile.

En chemin, les bateliers vont repêcher le corps inanimé d’un homme blessé. Le Capitaine Rama veut savoir à tout prix qui est cet homme, son but et surtout s’assurer qu’il n’est pas un danger pour le Royaume.

Rama charge son second, Fintan, de soigner l’homme et de l’interroger. Malgré un grand état de faiblesse, l’homme accepte de se raconter. Il dit s’appeler LE BATARD. Mais en cours de récit, ce nom ne suffira plus à Fintan. Ce dernier exige de connaître le nom véritable. Il s’appelle MANESH.

C’est ainsi que débute une belle et longue histoire. Étant donné la nature de la quête, il m’est difficile d’en dévoiler davantage mais vous verrez que le voyage des bateliers sur le Framar et le récit de Manesh se recoupent de façon à dévoiler d’étonnantes révélations. Tout le récit est concentré sur l’histoire de Manesh, ses origines, son caractère, sa nature.

Le lecteur et la lectrice feront sa connaissance par le biais de nombreux épisodes de sa vie parmi les plus significatifs. La question est de savoir si LE BATARD est un danger potentiel pour le royaume ou un allié de taille qui pourrait sauver la quête. La réponse est dévoilée à la petite cuillère…très graduellement à travers les aventures du mystérieux personnage.

C’est un roman-fleuve raconté en un peu plus d’une vingtaine d’heures par un narrateur habile qui nous fait oublier, par sa voix envoûtante et sa capacité d’adaptation, les nombreuses longueurs qui auraient tendance à alourdir l’histoire.

Il n’y a pas vraiment d’action dans ce pavé mais le récit est immersif et met en perspective la vie du bâtard, une vie dans laquelle se chevauche la bonté et la cruauté et une intrigue continue sur sa nature.

D’après l’auteur Jean-Philippe Jaworsky, l’auteur de la trilogie MÊME PAS MORT, *Toute la force du livre est d’entrelacer la puissance du mythe avec la structure même du récit. *  (J.-P. Jaworsky) Je le cite ici car je n’aurais pu mieux m’exprimer. Je peux dire que l’auditeur et l’auditrice verront très vite que Manesh est très spécial…

*Manesh avait déjà cette carnation cuivrée que l’on ne retrouvait chez nul autre membre de la famille, le visage rond et une tignasse d’un noir de jais, semblable à celle de sa mère par la couleur mais non par la forme…On aurait dit qu’il cherchait toujours les visages derrière les visages, les mots derrière les mots.

Ses grands yeux verts possédaient une étrange acuité. Ils laissaient parfois à ses proches l’impression de les dépouiller de leur écorce et de les lire en dedans* (Extrait) L’irrésistible besoin d’en savoir plus fera le reste.

Malgré les longueurs, quelques passages un peu plus lourds et le fait que l’intrigue se dévoile très lentement, peut-être un peu trop, j’ai été envoûté par la beauté du récit, la sensibilité de la plume qui n’enlève rien à sa vivacité, ses personnages attachants, la qualité des dialogues et un savant mélange de réalisme et de fantastique, le tout encadré par un narrateur efficace. Vous passerez, je crois, de très belles heures d’écoute.

Suggestion de lecture : LA CITÉ ET LES ASTRES, d’Arthur C. Clarke

Stefan Platteau est l’auteur francophone du surgissement mythique. Il revient aux fondations de la fantasy, à cet exotisme magique fait de splendeurs, de fascinations, de terreurs, où l’on tremble devant les dieux, où les actes surnaturels se paient au prix fort, où l’on ne ressort pas indemne des combats.

L’auteur y parvient grâce à un allié de poids : une plume charnue et pleine d’âme. Salué dès son premier ouvrage par de grandes figures de l’imaginaire (Ayerdhal, Jean-Philippe Jaworski, Justine Niogret…), Stefan Platteau aime mêler dans ses textes humanité des personnages et souffle de l’aventure.

En quatre livres puissants (Manesh – prix Imaginales du roman francophone 2015), Dévoreur (Prix « les petits mots des libraires » 2016), Shakti (2016) et Meijo (2018), l’écrivain belge s’impose comme une voix importante de la fantasy de langue française.
(Les moutons électriques)

SUITE À LIRE OU À ENTENDRE

Bonne écoute
Claude Lambert
les samedi 26 mars 2022

 

American Gods, le livre de NEIL GAIMAN

*Enfin, il va sans dire que tous les personnages
morts ou vivants, ou les deux, de cette histoire
sont imaginaires ou utilisés dans un contexte
imaginaire. Seuls les Dieux sont réels
.*
(Extrait de l’avertissement au début du récit, American
Gods, Neil Gaiman, Au Diable Vauvert éditeur, 2002
papier, 700 pages. Version audio : Audiolib éditeur,
2018, durée d’écoute : 19 heures 11 minutes, narration :
Valentin Merlet.)

À peine sorti de prison, Ombre apprend que sa femme et son meilleur ami viennent de mourir dans un accident de voiture et qu’ils étaient amants. Désemparé, il accepte de travailler pour l’énigmatique Voyageur qui se prétend Roi de l’Amérique. Entraîné dans une aventure étrange, Ombre va découvrir que son rôle dans les desseins de Voyageur est bien plus dangereux qu’il aurait pu l’imaginer. Se prépare une guerre sans merci entre les anciens dieux saxons des premiers migrants, et les nouveaux dieux barbares de la technologie qui prospèrent aujourd’hui en Amérique…

AMÉRIQUE EN DÉRIVE
*si je gagne, je te casse la tête avec mon marteau.
D’abord, tu t’agenouilles, ensuite, je te cogne et
tu ne te relèves pas…Ombre…acquit la certitude
qu’il ne plaisantait pas. * 
(extrait)

American Gods est un récit fantastique qui emprunte un peu au conte initiatique avec des réflexions parfois très profondes et d’autres fois de la philosophie bon marché : *Il n’est nullement trop tard pour passer du côté des vainqueurs, mais bien sûr vous êtes aussi libre de rester exactement où vous êtes. Voilà ce que ça signifie d’être américain. Voilà le miracle de l’Amérique…* (Extrait)

Facile à dire. Voici l’histoire d’un homme appelé Ombre qui deviendra plus tard, Mike. Personne avant de redevenir Ombre. À sa sortie de prison, Ombre se fera embaucher par un mystérieux personnage qui se fait appeler Voyageur. Le contrat consiste à protéger Voyageur et à bousculer un peu si nécessaire.

Ombre sera entraîné dans un  long périple à travers le territoire américain et découvrira que Voyageur est en fait une réincarnation du dieu Odin, le principal dieu de la mythologie nordique qui tente de réunir d’autres anciens dieux et personnages de légende afin de livrer une lutte sans merci aux dieux de la modernité : l’argent, la luxure, internet, les médias. Ici, une foule de manies humaines porteront le nom de *dieu*.

Au milieu de la tourmente, Ombre est-il vraiment libre : *La liberté est une garce à baiser sur un matelas de cadavres…* Toujours est-il qu’il entreprend une quête de son identité, un voyage introspectif dans lequel la mort et la vie s’imbriquent et apparaissent des personnages surfaits ou accomplis comme par exemple sa femme, Laura, morte quelques jours avant la sortie de prison d’Ombre.

C’est un roman intéressant signé par un libre penseur qui impose d’abord à l’auditeur/auditrice, une imposante galerie de personnages dont beaucoup sont surréalistes…parce qu’ils sont ou ils se croient au-dessus de la condition humaine, ils sont des dieux mais on ne peut chasser l’homme de l’homme.

L’auditeur et l’auditrice devront être très attentifs car le récit devient parfois confus. Ce détail est sensiblement occulté par la qualité des personnages dont Ombre lui-même, pour lequel j’ai éprouvé de l’empathie à cause de son caractère anti-héros un peu confus, dépassé par sa condition.

Sa fragilité, sa vulnérabilité tout autant que son courage le rendent attachant. Quand on le perd de vue, parce que ça arrive souvent, l’histoire devient plus morne et accuse du remplissage.

L’histoire comporte en effet beaucoup de longueurs et n’est pas vraiment aboutie. On dirait une suite de petites histoires sans vraiment de finales, mais avec une petite lumière qui s’allume à la fin.

Je m’attendais à mieux quant au développement d’un thème déjà élimé sur le plan littéraire, l’omniprésence de dieux qui se bousculent dans un panthéon définitivement trop petit. Le texte a aussi des forces. Son cachet fantastique est intéressant, spécialement les déplacements d’Ombre au royaume des morts.

La grande force d’AMERICAN GODS ici est la performance du narrateur Valentin Merlet qui est la voix d’Ombre dans la série télé produite en 2017. La narration de Merlet est parfaite, s’activant à capter l’attention de l’auditeur et de l’auditrice avec des registres vocaux spécialement étudiés pour chaque personnage important de l’histoire.

J’ai été particulièrement séduit par sa capacité à reproduire l’accent slave. Sa voix incarne TCHERNOBOB, un petit dieu qui vit dans l’ombre de Voyageur l’arnaqueur, tordu et retors, avec un talent qui force l’attention.

Pour ce qui est de l’histoire, c’est celle des dieux qui s’opposent…ça serait du déjà vu si les anciens dieux n’étaient pas opposés aux dieux de la modernité…ceux des biens matériels, de l’internet et de la technologie.

Ça peut pousser à un certain questionnement qui aurait des échos jusque dans la théologie : est-ce vrai que les dieux qu’on a tendance à oublier sont des dieux mourants ? Laissez-vous tenter. L’écoute en vaut la peine.

Suggestion de lecture I V, de Raphaël Grangier

Neil Gaiman est un auteur anglais de courts métrages de fiction, de romans, de bandes dessinées, de romans graphiques, de théâtre audio et de films. Il est surtout connu pour la série de bandes dessinées The Sandman et les romans Stardust, American Gods, Coraline et The Graveyard Book.

Lorsqu’il était enfant et adolescent, Gaiman a lu les œuvres de CS Lewis, JRR Tolkien, Lewis Carroll, Mary Shelley, Rudyard Kipling, Edgar Allan Poe et Alan Moore.
Gaiman a également écrit des épisodes de la série de science-fiction Doctor Who de la BBC, dans le cadre de Matt Smith, en tant que Docteur.

Valentin Merlet est un acteur français. Actif dans le doublage, il est notamment la voix française régulière d’Adam Driver et une voix récurrente de Jamie Dornan et Alexander Skarsgård. Le livre audio est une corde supplémentaire à son arc.

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 6 mars 2022


 

 

JACK ET LA GRANDE AVENTURE DU COCHON DE NOËL

 

UNE HISTOIRE DE J.K. RAWLING

<…Il essaya d’en sortir mais il se trouvait entre deux cadeaux gigantesques dont les flancs n’offraient aucune prise. -Où es-tu ? Murmura le cochon de Noël. Une seconde plus tard cependant, lui aussi avait glissé au bas du paquet enveloppé de papier doré et il atterrit sur Jack. Oh non ! Se lamenta celui-ci.

Tandis qu’ils entendaient Toby le chien se ruer vers le sapin.  -Tu fais trop de bruit avec tes billes en plastique. -Où se trouve la cuisine ? S’écria le cochon de Noël alors que les grognements du chien se rapprochaient … -je ne sais pas! Répondit Jack d’un ton désespéré. -Je suis perdu !

Extrait : JACK ET LA GRANDE AVENTURE DU COCHON DE NOËL, de J.K Rowling, Gallimard jeunesse 2021. Illustré, 352 pages. Version audio : Audible studios éditeur, 2021. Durée d’écoute : 6 heures 8 minutes.

Narrateur(s): Lola NaymarkCharlotte HennequinAlexis TomassianPierre-Henri Prunel, Ariane BrousseAudrey SourdiveBenoît AllemaneCamille DondaChantal BaroinColette MarieErwan ZamorFrédéric SouterelleJade Phan GiaPierre RochefortVictorien Robert

Jack est très attaché à son cochon en peluche de petit garçon. Ils ont tout vécu ensemble, les bons comme les mauvais moments. Jusqu’à cette veille de Noël où arrive la catastrophe : le cochon est perdu ! Mais la nuit de Noël n’est pas une nuit comme les autres. C’est la nuit des miracles et des causes désespérées, le moment où même les jouets peuvent prendre vie. Alors, Jack et le cochon de Noël – une peluche de substitution – embarquent pour une aventure magique et périlleuse au pays des choses perdues. Jusqu’où iront-ils pour sauver le meilleur ami que Jack ait jamais eu ?

LES RÉALITÉS DE L’ENFANCE

Voici l’histoire de Jack, un petit garçon très attaché à son toutou qui est en fait un cochon en peluche. Notre ami est heureux jusqu’à la veille de Noël où un drame vint obscurcir son bonheur. Alors que la famille roulait sur l’autoroute, la demi-sœur de Jack, Holly, prit le cochon de Jack et le jeta par une fenêtre de la voiture. Le toutou était perdu. Holly avait agi par pure méchanceté.

Plus tard, Holly, prise de remords, trouva pour Jack un cochon de remplacement. Mais il n’était pas pareil. Il était même plutôt énervant. Aussi, Jack entreprit une périlleuse aventure : se rendre au pays des choses perdues, quitte à affronter le cruel maître des lieux, le grand PERDEUR. Pour réussir son entreprise, sauver et récupérer son toutou, Jack devra se faire de précieux alliés.

Si vous lisez JACK ET LA GRANDE AVENTURE DU COCHON DE NOËL avec des yeux d’adulte, vous risquez de trouver le conte simpliste et banal. Mais même en me mettant dans la peau d’un enfant, j’ai très vite observé un paradoxe dans ce petit livre : le thème qui y est développé est l’attachement au toutou, un fétiche en peluche, lapin, ourson, canard ou autres, auquel les enfants sont attachés jusqu’à l’âge de 7 ou 8 ans.

Donc pour l’intérêt de la lecture, on doit considérer que le livre s’adresse aux premiers lecteurs mais les sous-thèmes développés dans ce livre vont, d’après moi, sensiblement au-delà de la compréhension des jeunes lecteurs : l’espérance, la persévérance, l’esprit d’équipe, le bonheur et même l’ambition.

Ça reste un très bon petit livre plein de trouvailles intéressantes. La version papier est magnifiquement illustrée. La version audio est exécutée par une équipe de comédiens expressifs et talentueux.

La présentation de ce livre est une réussite. Heureusement car je crois que l’œuvre est bien en deçà du talent de J.K. Rawling. J’en demande peut-être trop. Il est difficile d’oublier tout ce que l’auteure a déployé d’imagination dans HARRY POTTER.

L’histoire accuse des longueurs, du remplissage, manque un peu d’originalité. Il me semble avoir perçu du déjà-vu. C’est peut-être la notoriété de J.K. Rawling qui m’a rendu plus exigeant. C’est pourquoi j’ai précisé plus haut que ça reste un bon livre mais je n’ai été malheureusement ni impressionné ni emballé. 

Suggestion de lecture : LE CALENDRIER DE L’AVENT, de Catherine Dutigny


L’auteure J.K. Rowling

JOYEUSES FÊTES À TOUS

Bonne écoute
Bonne lecture
Claude Lambert

 

Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire

Commentaire sur le livre de
JONAS JONASSON

*Ceux qui ne savent raconter la vérité,
ne méritent pas qu’on les écoute,
répondait notre grand-père. *
(Extrait : LE VIEUX QUI NE VOULAIT PAS FÊTER SON ANNIVERSAIRE,
Jonas Jonasson, édition originale papier : Presses de la Cité, 2011, 468p.
Édition audio : Audiolib éditeur, 2013, narrateur : Philippe Résimont, durée
d’écoute : 12 heures 49 minutes.)

Alors que tous dans la maison de retraite s’apprêtent à célébrer dignement son centième anniversaire, Allan Karlsson décide de fuguer. Chaussé de ses plus belles charentaises, il saute par la fenêtre de sa chambre et prend ses jambes à son cou. Débutent alors une improbable cavale à travers la Suède et un voyage décoiffant au cœur de l’histoire du XXe siècle. * Quand la vie joue les prolongations, il faut bien s’autoriser quelques caprices. * 

Histoire du monde revisitée
*La mauvaise nouvelle, dit Julius en baissant un
peu la voix, c’est qu’avec tout ça on a oublié
d’éteindre la chambre froide avant d’aller se coucher
 hier soir.  <Et alors> s’enquit Allan.  <Et alors le gars
à l’intérieur est un ptit peu mort à l’heure qu’il est>.
(Extrait)

Voici l’incroyable histoire d’Allan Karlsson, vénérable maître artificier, spécialiste de la dynamite. Le jour de son centième anniversaire, notre héros décide de déserter la maison de retraite alors que tous s’apprêtaient à le fêter. Mais Allan s’en moquait. À partir du moment où il a sauté par la fenêtre, c’est un retour en arrière que l’auteur nous propose…

l’histoire d’une vie aventureuse, rocambolesque qui va propulser Allan partout dans le monde pour y faire les plus inimaginables rencontres : Une petite réunion  avec Harry Truman, une rencontre diplomatique avec le général de Gaule, un dîner avec Staline, qui sera traité plus tard de cinglé…dîner qui sera interrompu abruptement par une question déplacée d’Allan :

*Tu ne trouves pas que tu devrais raser cette moustache ? La soirée se termina sur cette question. L’interprète avait perdu connaissance. * (Extrait)

Ajoutons à cela des conversations édifiantes avec le général Franco, une dégustation de nouilles avec Mao Tse Tong qui sera qualifié de gros lard sans oublier quelques flirts à la cour de Suède. La liste n’est pas exhaustive.

Le récit je le rappelle est rocambolesque. Il y a des longueurs, du papotage, un peu d’errance. L’ensemble est improbable et caricatural. Mais c’est drôle. Personnellement j’ai beaucoup apprécié Allan, dynamiteur, destructeur de pont, buveur invétéré, espion et diplomate souvent en carence de diplomatie.

J’ai aimé son *je m’en foutisme*, son sens de la répartie et sa philosophie à deux dollars : *<La vengeance ne sert à rien.> le sermonna Allan. Il en est de la vengeance comme de la politique. L’une mène à l’autre et le mauvais conduit au pire qui aboutit en fin de compte à l’intolérable. *

L’auteur est habile car avec le parcours de la vie d’Allan, il survole les grands moments de l’histoire. L’intervention d’Allan dans l’histoire est tordue, l’auteur ayant imaginé entre autres que son héros ait été responsable en partie de l’effondrement de l’Union Soviétique.

Ce parcours n’est pas sans me rappeler un film extraordinaire : FOREST GUMP qu’on qualifiait de simple d’esprit et qui est devenu malgré lui un acteur et même l’instigateur des grands évènements qui ont marqué les États-Unis entre les années 1950 et 1980.

J’ai trouvé le récit satirique, ce qui n’est pas pour me déplaire. Je rejoins l’auteur entre autres pour sa description des personnages politiques qui ont marqué l’histoire, descriptions loin d’être flatteuses et qui sont même parfois virulentes, par exemple, le fait que le numéro un soviétique Leonid Brejnev puait et pas à peu près.

Ce roman, si je vais au-delà de son petit caractère burlesque, a été pour moi une grande évasion car non seulement l’histoire est originale et bourrée de trouvailles mais le récit a toutes les qualités littéraires que je recherche. L’histoire est extravagante mais la plume soutient une logique qui tient lieu de fil conducteur.

Je vous invite donc à faire la connaissance d’un grand petit monsieur : Allan Karlsson, un personnage zen, spontané, résolument jovial, ne connaissant pas la colère. Je crois que l’auteur s’est arrangé pour que j’aie envie de connaître Allan.

Pour terminer mon commentaire, j’extrais du roman une petite phrase qui résume à merveille la motivation de l’auteur dans le montage de son histoire et qui fait qu’on peut comprendre son cachet mondain, déjanté et un peu excessif : *Sa vie avait été passionnante.  Mais rien ne dure éternellement.  À part peut-être la bêtise humaine. *

Suggestion de lecture : HISTOIRE D’UNE MOUETTE ET DU CHAT QUI LUI APPRIT À VOLER de Luis Sepulveda

Né en Suède en 1961, Jonas Jonasson, ancien journaliste et consultant pour les médias, est l’auteur du Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, son premier roman, qui a connu un immense succès dans la trentaine de pays où il a été publié et qui a été adapté au cinéma (voir ci-bas) L’Analphabète qui savait compter est son deuxième livre.

AU CINÉMA



Photo de Robert Gustafsson extraite du film éponyme, réalisé par Féix Herngren
et sorti en mai 2014



Philippe Résimont brûle les planches depuis plus de 20 ans dans des registres très différents (Cyrano de Bergerac, Ladies night) Il participe aussi à quelques aventures cinématographiques comme LES CONVOYEURS ATTENDENT et MATERNELLE. Enfin il performe magnifiquement dans l’univers du livre audio avec, entre autres DANS L’OMBRE et PASSAGE DES OMBRES d’Arnaldur Indridason, 

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 18 décembre 2021