LE VOLCRYN, le livre de Gorge R.R. Martin

*Maintenant, je suis vieux, de plus en plus vieux. Bientôt,
la mystérieuse nébulosité du volcryn percera le voile du
tentateur et, à travers les abîmes sans vie, à travers le vide,
à travers l’éternel silence, nous le suivons, mon Armageddon
et moi, nous lui donnons la chasse. *
(Extrait : LE VOLCRYN,
Actusf éditeur, 2015, format numérique, coll. Hélios, 170 pages)

Depuis des temps immémoriaux, les volcryns traversent la galaxie. Personne ne sait d’où ils viennent, où ils se rendent ni même ce qu’ils sont vraiment. Karoly d’Branin est bien décidé à être celui qui percera ce mystère. Entouré de scientifiques de talent, il embarque sur l’Armageddon. Mais bien vite les tensions s’accumulent. Quelle est cette menace sourde qui effraie tant leur télépathe ? Et pourquoi le commandant du vaisseau refuse d’apparaître autrement que par hologramme ? Karoly est certain d’une chose : ses volcryns sont tout proches. Pas question de faire demi-tour. Quel qu’en soit le prix.

Le peu rassurant ARMAGEDDON
*Le commandant Royd est parfait, dit-elle en secouant
la tête. Un homme étrange pour une étrange mission.
Qu’avez-vous à redire à ça? Vous n’aimez pas le mystère?*
(Extrait)

Le VOLCRYN est un roman pas très long. Il sent un peu le réchauffé, le déjà vu…disons une variation sur un thème connu. Sans dire que le sujet brille par son originalité le récit reste intriguant et très axé sur la psychologie des personnages. Voyons comment ça se présente.

Neuf scientifiques, xénotechnicienne , xénobiologiste, télépathe, psi et techniciens s’embarquent à bord d’un vaisseau ultrasophistiqué pour aller à la rencontre du VOLCRYN un peuple légendaire qui, selon cette légende, ère dans un vaisseau colossal, vers les limites de la galaxie depuis des temps très anciens. Le véritable problème tient au fait que le capitaine du vaisseau, Royd Erris est confiné dans des quartiers scellés et n’a aucun contact avec les passagers, sauf par hologramme.

Ainsi s’installent la crainte, la méfiance, le doute, les soupçons et au final, la mort car il devient incertain que le capitaine Erris ait vraiment le contrôle du vaisseau. Beaucoup de choses pourraient empêcher les scientifiques de s’approcher des Volcryn, en supposant que cette énorme entité ne soit pas un prétexte. Le vaisseau porte bien son nom : ARMAGUEDDON.

LE VOLCRYN est une sorte de space opera, une novella de type huis-clos très dense et à forte connotation paranoïaque. J’ai reconnu plusieurs éléments qui auraient pu être empruntés à des grands classiques : ODYSSÉE DE L’ESPACE 2001 à cause du dérèglement de Hal l’ordinateur. Celui de l’Armageddon perd les pédales mais pour des raisons quelque peu nuancées. ALIEN, LE 8e PASSAGER à cause de l’étouffante paranoïa liée à la présence probable d’une entité à bord. LES DIX PETITS NÈGRES à cause de la tension qui monte proportionnellement aux disparitions.

Aussi, le mystérieux commandant qui vit à l’écart dans un quartier qui le maintiendrait possiblement en vie grâce à une atmosphère particulière et l’absence de gravitation, n’est pas sans rappeler les navigateurs de la guilde du film DUNE (1984) qui ne peuvent sortir de leur atmosphère chargée de gaz d’épice.

C’est un récit qui, bien qu’en léger déficit de développement, garde le lecteur tendu et alerte. Il ne tranche pas par son originalité mais il est très bien écrit, sans longueur, sans errance. Personnellement j’ai aimé ça et j’ai tout lu d’un trait. Et puis ça nous change un peu de l’interminable saga TRÔNE DE FER. La forme va au-delà du thriller. C’est un roman bien construit. Il est court, comme toutes les novellas ce qui ne l’empêche pas d’être crédible.

Un récit abrégé, et crédible quant aux aspects environnementaux et psychologiques a permis au livre de décrocher le prix LOCUS du meilleur roman court en 1981. Et il est évident qu’avec un tel texte, générateur de haute tension et d’oppression, on n’allait pas tarder à adapter ce mélange de science-fiction et d’horreur au cinéma, puis à la télévision.

Quant à la finale, je l’ai trouvé satisfaisante, mes questions sur le Volcryn ayant trouvé certaines réponses, mais pas toutes. Le Volcryn n’est pas forcément ce qu’on pense en cours de lecture. Je crois que ça reste et ça restera une énigme. Ceci est un autre aspect du déficit de développement dont j’ai parlé plus haut. C’est le risque à courir quand on écrit une novella.

Donc c’est un bon petit livre qui fait travailler l’imagination. Un peu gore, très dense…mélange de science-fiction, de mystère, de thriller auquel on a ajouté une touche de fantastique et une petite matière à réflexion sur le pouvoir de l’esprit. Pas mal intéressant…

Suggestion de lecture : DUNE, livre premier et second, de Frank Herbert (commentaire sur biblioclo)

Mondialement connu pour sa série du Trône de Fer, George R. R. Martin a eu avant elle une riche carrière d’écrivain, récompensée par de prestigieux prix (Hugo, Nebula, Locus…). Touchant à tous les genres avec le même brio, à l’aise aussi bien sur la forme longue que plus courte, il signe avec Le Volcryn un huis clos spatial angoissant qui tient en haleine jusqu’à la dernière page.

Le Volcryn au cinéma


Affiche du film NIGHTFLLYERS, adaptation du livre de Gorge R.R. Martin LE VOLCRYN. Film réalisé par Robert Collector et sorti en 1987, Dans la distribution on retrouve Catherine Mary Stewart, John Standing, et Lisa Blunt, entre autres. Le film a été scénarisé par Robert Jaffe qui assume aussi le rôle de producteur.

 

 

BONNE LECTURE
CLAUDE LAMBERT
le vendredi 19 avril 2024

 

LE DIEU DU DELTA 1, NOUVEAU MONDE

Commentaire sur le livre de
Bertrand Passegué

*De la petite éminence sur laquelle il se tenait, le vaisseau ressemblait
à une carapace de crustacé monstrueux échoué sur une grève d’algues
sombres. Tout autour, la végétation était verte, comme sur la terre mais
d’un vert plus intense, plus sombre, presque froid. L’herbe épaisse,
humide, craquait sous les pieds. Une bonne herbe. *
(Extrait : LE DIEU DU DELTA, livre 1, NOUVEAU MONDE, Bertrand Passegué,
Édition Critic, 2016, format numérique, 432 pages. disp. format broché)

Trente-cinq années dans l’espace, c’est un bien long voyage pour un vaisseau terrien. Pourtant, c’est à l’arrivée sur la planète Bêta IV Hydri que les véritables ennuis commencent pour l’astrogateur Nathan Stone et ses compagnons. Dans la petite colonie, plusieurs sections – militaires, politiciens, citoyens ambitieux – s’affrontent.
Qui parviendra à imposer son pouvoir ? Et quelle est donc cette étonnante entité qui vit au cœur du delta auprès duquel s’est posé leur vaisseau ? Ils pensaient fuir une terre devenue inhospitalière et dénicher un havre de paix mais finalement, ils vont trouver la guerre.

Là où il y a de l’humain…
(Variation sur un thème connu)
*Avec les réserves de nourriture, les vêtements, les médicaments,
enfin, tout ce que Wowocka voudra bien nous laisser…Nous
réussirons à survivre ! Et nous recommencerons à cultiver le
sol avec nos mains, à élever notre bétail, comme nos lointains
ancêtres de la terre… Peut-être même que nous serons heureux ! *
(extrait)

Variation sur un thème archi-connu, toutefois, Nouveau Monde, le premier tome de LE DELTA DU FLEUVE pose beaucoup de questions et tend à démontrer que la principale nuisance de l’homme est l’homme lui-même. Nous sommes au XXXIe siècle. La terre se meurt. On décide d’envoyer une expédition afin de coloniser une planète déclarée depuis longtemps habitable : BÉTA IV.

Un immense vaisseau y emmène plus de 3000 colons et plusieurs centaines de membres d’équipage. Après trente années de voyage, une fois à destination, la suite s’annonce difficile, voire périlleuse. En fait, le vaisseau est à peine posé que la discorde s’installe entre le maître à bord, le capitaine Kodkine et les colons et même entre les colons, ça déraille. Il se forme des clans. Bientôt la première défection, Wowoka, un indien. D’autres le suivront.

Puis, poussés par la tyrannie de Kodkine, les colons quitteront le vaisseau pour créer un village dans la forêt et feront bientôt connaissance avec une mystérieuse entité entourée d’une nuée d’insectes, une entité qui aura bientôt son premier prêtre : Wowoka. Entre temps, la guerre éclate entre l’équipage et les colons. Assoiffé de pouvoir, Kodkine demeure inflexible. L’opération Béta IV se dirige vers un échec lamentable et sanglant. Qui aura le dernier mot : Kodkine, les colons ou le mystérieux dieu du Delta ?

L’auteur met en perspective la volonté des hommes de bâtir un monde nouveau en évitant les erreurs du passé sur terre. Mauvais calcul des hommes car ils ont amené l’hommerie avec eux. La nature humaine n’échappe pas à l’atavisme de sa nature. Autre mauvais calcul, on a laissé tout reposé sur un seul homme à qui on a donné le pouvoir absolu : Kodkine. On a joué avec le feu, on s’est brûlé. Ce qui devait être un nouveau départ avec une vie meilleure n’est devenu rien d’autre qu’un effroyable gâchis.

Et c’est là que l’auteur m’a surpris… en créant une entité omnisciente qui a tout prévu. Mais prévu quoi : Si vous êtes comme moi, vous risquez d’être pris dans une toile addictive jusqu’à la finale qui est de toute beauté même si elle est très abrupte. En tout cas, elle donne un signal clair pour le deuxième tome de la trilogie : LE SEPTIÈME CYCLE

C’est bien écrit, bien imaginé, exprimé clairement avec un fond de philosophie car on sent que la pensée de l’auteur est tournée vers la nature humaine qui est mal connue même des hommes on dirait car sinon pourquoi les autorités auraient-elles mis tous les pouvoirs entre les mains d’un seul homme, Kodkine, sans tenir compte du fait que les aspirations allaient forcément diverger. Le livre pose une question simple : L’homme peut-il changer.

Le fait d’avoir créé un régime totalitaire avant même que le vaisseau se pose sur Béta IV semble répondre à la question. J’ai aimé cet ouvrage, l’étude sociale qu’elle comporte et son petit côté ésotérique et même surnaturel. L’intrigue est bonne, les personnages très bien travaillés. Une seule petite incohérence. Un pouvoir extraordinaire sauve des femmes en faisant disparaître le vaisseau. Pourquoi un tel pouvoir n’aurait-il pu empêcher une guerre meurtrière. J’ai l’impression que la réponse se trouve dans le tome suivant. À lire donc, une œuvre intéressante, cohérente, crédible et introspective : LE DIEU DU DELTA, premier tome : NOUVEAU MONDE

Suggestion de lecture : EXOMONDE, d’Emma Cornellis

Le Dieu du delta…la suite

NOTE : Né le 17 janvier 1946 à Neuilly-sur-Seine, Bertrand Passegué est depuis toujours un lecteur boulimique. Ancien professeur, maintenant à la retraite, au moment d’écrire ces lignes, il vit avec sa femme artiste dans une vieille ferme restaurée par leurs soins. (photo non-disponible)

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 30 avril 2023

L’OUTSIDER, le livre de STEPHEN KING

*Il y avait un banc en pierre au milieu. Couvert de
sang, partout, même dessous. Le corps était
allongé à coté, dans l’herbe. Le pauvre garçon. Il
avait la tête tournée vers moi, les yeux ouverts.
Mais il n’avait plus de gorge…*
(Extrait : L’OUTSIDER, Stephen King, Albin Michel
éditeur, 2019, édition de papier, 570 pages)

Le corps martyrisé d’un garçon de onze ans est retrouvé dans le parc de Flint City. Témoins et empreintes digitales désignent aussitôt le coupable : Terry Maitland, l’un des habitants les plus respectés de la ville, entraîneur de l’équipe locale de baseball, professeur d’anglais, marié et père de deux fillettes.

Et les résultats des analyses ADN ne laissent aucune place au doute. Pourtant, malgré l’évidence, Terry Maitland affirme qu’il est innocent.

Et si c’était vrai ?

Pas trop de *Ça*
*<Terry>, dit Ralph. Il voyait la sueur de son front
goutter sur le visage du coach et se mêler au
sang qui coulait de sa plaie au crâne. <Vous
allez mourir Terry. Vous m’entendez ? Il ne vous
a pas loupé. Vous allez mourir.>*
(Extrait)

On dirait que le Maître de l’épouvante et du suspense n’a pas livré sa marchandise habituelle. L’Outsider est loin d’être le meilleur livre de King à mon avis. Il relève plus du roman policier que de l’histoire d’épouvante. Je ne partage pas l’avis de certaines critiques qui comparent l’Outsider à *ÇA* l’œuvre la plus aboutie de King dans laquelle on n’entend jamais parler des policiers. C’est le surnaturel qui nous enveloppe dans l’histoire.

Si l’outsider n’est pas le meilleur de King, il n’en demeure pas moins un thriller intéressant qui a capté mon attention. Je mentionne au passage qu’OUTSIDER est un terme anglais utilisé pour désigner <celui qui est en dehors.> Par extension, celui qui est en dehors de la normalité. Le terme peut désigner par exemple celui qui a perdu son humanité. Le titre de l’histoire est ce qui crée le lien entre l’enquête et son petit côté surnaturel inavoué par les policiers évidemment. Voyons voir l’histoire car King frappe fort dès le départ.

Terry Maidland, citoyen modèle, bon père de famille et entraîneur bénévole de l’équipe locale de baseball, est arrêté par la police de façon spectaculaire devant la foule réunie au stade. Terry est formellement accusé d’avoir violé, mutilé et assassiné le petit Frank Peterson, 11 ans. Pour des raisons qui déstabilisent sensiblement les policiers, Terry Maidland sera assassiné quelques minutes avant sa comparution devant le juge au Palais de justice.

En cours d’enquête, l’inspecteur Ralph Anderson s’aperçoit très vite que quelque chose cloche. En effet les empreintes ADN confirment que le tueur aurait été à deux places en même temps séparées par une distance trop importante pour se déplacer. L’ubiquité étant une chose impossible…il y a quelque chose de pas naturel et c’est là qu’intervient Holy Gibney une enquêteuse spéciale qui a l’esprit très ouvert et qui émet l’hypothèse de l’outsider, une entité mystérieuse capable de prendre le contrôle d’un corps et le transformer.

L’objectif et le fil conducteur de l’histoire tiennent sur l’enquête policière et la capacité des enquêteurs à composer avec un phénomène qu’ils ne comprennent pas d’une part et d’autre part la question qui est de savoir si on pourra réhabiliter la mémoire de Terry Maidland…

L’aspect surnaturel du récit est développé avec beaucoup de retenue. Malgré les passages où je reconnais moins le style de King, je dois admettre que l’enquête policière a quelque chose d’addictif, que l’intrigue est habilement menée. Le fait que les enquêteurs admettent avec une évidente difficulté, l’hypothèse du paranormal, une possibilité dérangeante, un mur sur lequel généralement, les enquêteurs se cassent le nez.

Mais qu’est-ce qu’on doit faire quand toutes les explications plausibles et les hypothèses raisonnables ont été épuisées. C’est une bonne histoire mais ce n’est pas ce à quoi m’a habitué King : je n’ai pas senti l’épouvante, les rebondissements s’enchaînent parfois mais l’auteur garde le cap sur l’enquête même si le dernier quart du récit sombre beaucoup plus dans l’obscur et l’étrange.

On avance dans le paranormal avec des armes à feu…ça fait bizarre et c’est inhabituel chez Stephen King. Malgré tout, je trouve sain que l’auteur essaie quelque chose de différent. Je n’ai pas pu m’accrocher à ses personnages sauf à Holly, audacieuse et perspicace.

On ne peut pas vraiment comparer l’OUTSIDER avec ÇA, sauf peut-être à la fin alors que Holy cherche un troglodyte, mais c’est sans commune mesure avec l’oppressante intensité de *ÇA*. Pour résumer, je m’attendais à un drame d’épouvante mais j’ai eu plutôt droit à un simple roman policier où l’irrationnel prend péniblement la relève du pragmatisme.

J’ai été juste un peu surpris du changement de style. C’est pas un chef d’œuvre mais ça se lit bien et j’ai aimé. Je note autour de 75%.

SUGGESTION DE LECTURE : pour ceux et celles qui veulent s’ajuster à la critique et fare la comparaison, je vous invite à lire mon commentaire sur ÇA, de Stephen King

Stephen King a écrit plus de 50 romans, autant de best-sellers, et plus de 200 nouvelles. Couronné de nombreux prix littéraires, il est devenu un mythe vivant de la littérature américaine (médaille de la National Book Foundation en 2003 pour sa contribution aux lettres américaines, Grand Master Award en 2007 pour l’ensemble de son oeuvre). En février 2018, il a reçu un PEN award d’honneur pour service rendu à la littérature et pour son engagement pour la liberté d’expression. Pour tout savoir sur Stephen King, cliquez ici.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 24 octobre 2021