L’EAU NOIRE, livre de Chloé Bourdon

*Assez. Le psy m’a conseillé d’écrire cette
histoire qu’il interprète comme un symptôme
de ma paranoïa grandissante. *
(Extrait : L’EAU NOIRE, Chloé Bourdon, Éditions
du Petit Caveau, 2015, format numérique.)

Fin des années 60, pendant la guerre du Vietnam, Dawn Otterio rencontre la mort dans l’eau noire d’un marécage.
Abreuvé du sacrifice de ses frères d’armes, un étrange esprit lui rend la vie, en échange d’un pacte cruel. Dorénavant, son existence ne sera plus que celle d’un possédé, en quête de sang, semant la mort derrière lui. Jusqu’au jour où son chemin croise celui de Raphaël, un rockeur fascinant…

Entre Dawn, Raphaël et l’esprit vampire, les destins vont se croiser, tout autant que leurs désirs…

 

Vampire nouvelle vague
*Nous fûmes tous trois en parfaite harmonie l’espace d’un
instant. L’eau noire emplit ma bouche et mes yeux, colmata
les pores de ma peau, me rendit aveugle et sourd, insensible
à la douleur., j’aurais voulu que notre état de fusion ne cesse
jamais. *
(Extrait)

C’est un roman assez court mais noir et qui développe d’une façon originale le thème du vampirisme. C’est l’histoire d’un jeune soldat, Dawn Otterio. Pendant le conflit du Vietnam, Dawn est touché et tombe dans une mare d’eau noire dans laquelle il meure…disons pas tout à fait. Cette eau glauque scelle une malédiction… l’esprit d’un vampire qui attend son heure.

Il semble qu’elle soit arrivée car il se loge immédiatement dans la tête de Dawn qui redevient vivant, mais cette fois pour l’éternité, condamné à se nourrir de sang pour maintenir en vie son hôte symbiotique appelé Dam Lay. La relation entre Dawn et Dam est conflictuelle vous vous en doutez mais, étrangement, personne n’essaie de changer la vie de l’autre.

La relation restera platonique jusqu’à l’arrivée de Raphaël, jeune homme charismatique, chanteur dans un groupe rock, affublé d’une mystérieuse infirmité qui lui donne des pouvoirs. Raphaël tombe dans l’œil de Dawn. Il se développera une relation homosexuelle encouragée par Dam qui caresse secrètement le projet de quitter Dawn pour s’installer dans l’esprit de Raphaël.

C’est un roman très glauque à plusieurs égards. J’ai eu d’abord beaucoup de difficulté à entrer dans le roman qui est en partie affaibli par l’errance de la plume. Je n’ai pas vraiment compris où l’auteur voulait en venir d’autant que je n’ai jamais pu m’attacher à cet anti-héros qu’est Dawn, un personnage confus et sans colonne. J’aurais pu avoir une sympathie pour le cancer qui lui rongeait le foie et les poumons…même pas. Dirigé par Dam Lay, il a joué son rôle de vampire…peinard mais tueur.

Les choses changent un peu avec l’arrivée de Raphaël qui vient donner au texte tout son sens. Le récit devient alors un peu plus intéressant. Pas de scènes sordides et sanguinaires, pas non plus d’épisodes sexuels torrides. Il est juste évident que le désir de Dam Lay pourrait éventuellement jeter Dawn sur les roses. Pas d’action, pas de consistance, pas d’intrigue. Juste un tantinet plus de rythme avec Raphaël. Je n’ai rien pu savoir de plus sur Raphaël dont le passé est occulté.

L’idée du vampirisme revisité est bonne, originale même mais il n’y avait pas vraiment d’éléments sur lesquels je pouvais m’accrocher. Pas d’éléments accrocheurs…moins d’intérêt. Toutefois, le récit comporte certaines forces intéressantes. Je pense à la fluidité de l’écriture. Le roman est facile à lire et le fil conducteur est efficace. L’aspect peut-être le plus intéressant est sans doute l’atmosphère qui se dégage du récit et qui pourrait à elle seule garder au jeu beaucoup de lecteurs et lectrices.

En effet, l’ambiance est lourde, glauque, opaque et elle s’installe d’ailleurs dès le début du roman par une définition fort sombre de ce qu’il y a dans l’eau noire de cette mare infernale. On sait que l’atmosphère d’un récit même à caractère fantastique est important et plus encore, le non-dit, l’impression, le savoir par instinct.

Personnellement, je n’ai pas ressenti grand-chose. Le récit manque de développement et les personnages sont sans attrait…plus ou moins travaillés et peu développés sur le plan psychologique. Une histoire de vampire servie à la moderne avec quand même un peu d’émotion, mais dans l’ensemble, une histoire difficile.

Suggestion de lecture : DRACULA, de Bram Stocker

Chloé Bourdon a 34 ans. Depuis toujours elle s’adonne à l’écriture, parfois dans l’espoir d’être lue, souvent par plaisir personnel. Ses textes sont un peu à l’image de sa personnalité : la résultante paradoxale d’une grande sensibilité, frisant parfois la fragilité, conjuguée à une détermination et une force de caractère insoupçonnées ; s’y ajoutent une imagination foisonnante et un regard acéré sur le monde qui l’entoure.

Son   écriture est fluide, directe, presque tranchante, mais comme pourrait l’être une précieuse lame de Tolède, finement damasquinée…

 

DE LA MÊME AUTRICE

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 14 octobre 2023

ANNA CARITAS Les damnés, PATRICK ISABELLE

*Tout à coup ça me saisit. Les sueurs froides
dans mon dos. La sensation désagréable d’être
observé…un vertige bizarre que je m’explique
toujours aussi mal. Je scrute les estrades, le
parc. Je lance un regard derrière moi…*
(Extrait : ANNA CARITAS, Patrick Isabelle, Les
éditions les Malins, 2018. éd. papier, 380 pages.)

L’été tire à sa fin et William Walker s’apprête à entamer son secondaire III au collège Anna Caritas. S’il est impatient de retrouver ses amis, et surtout de revoir l’insondable Marianne Roberts, il ne sait pas encore que la rentrée scolaire lui réserve une surprise des plus macabres… Il se passe des choses étranges à Saint-Hector : quelqu’un ou quelque chose met la ville à feu et à sang. Ses amis ont beau le supplier de ne pas s’en mêler, William a l’impression d’être au centre de ces événements terrifiants. Mais comment combattre le Mal quand celui-ci semble avoir une longueur d’avance ? Un mal qui se propage…

AU-DELÀ DU PIRE
*C’est dans ma tête, tout ça.
il faut que ce soit dans ma tête. *
(Extrait)

Anna Caritas est une histoire bien étoffée pour les jeunes lecteurs et lectrices. On y suit le destin du jeune William Walker, un adolescent qui vit à Saint-Hector. Un petit patelin qui a un passé lourd et sanglant et pour lequel s’annonce un avenir aussi meurtrier. William ressent très vite l’étrangeté des évènements dont Saint-Hector est le théâtre. Il sent également qu’il a quelque chose à voir avec tout ça.

Avec ses amis, William tente de comprendre d’autant que les morts semblent s’accumuler selon un certain rituel. Il fera tout pour connaître la vérité, ne tenant plus compte des avertissements de ses amis. William semblait irrésistiblement attiré dans une histoire qui le dépassait. Une chose est sûre : une force met la ville à feu et à sang. Dès les premiers chapitres, l’auteur frappe fort : un incendie à Saint-Hector et pire encore :

*Mes jambes flanchent et je me retrouve par terre. Dans la panique, j’essaie de reculer en faisant aller mes mains sur le plancher, mais je suis au pied du mur. Impossible de m’éloigner. Je voudrais crier mais je n’en suis pas capable…Monsieur Ben s’élance vers moi…-Oh…Mon Dieu…Devant nous, le corps inanimé du vieux Marcel est pendu au plafond par les pieds. Il se balance au ralenti de gauche à droite…* (Extrait)

La suite est un enchaînement de rebondissements et de revirements. Patrick Isabelle poursuit avec brio son histoire dans la lancée du tome précédent, LE SACRILÈGE et mélange dans son récit des touches de fantastiques, de sorcellerie et d’intrigues, le tout bien dosé pour les 13-16 ans. Les jeunes adultes y trouveront aussi leur compte car l’intrigue est captivante et l’atmosphère lourde…

Il semble donc que le cycle de violence et de mort soit relancé à Saint Hector et c’est dans les couloirs inquiétants du sous-sol hectorien que William aura une grande partie de ses réponses mais ça lui coûtera très cher. Ici, Patrick Isabelle prépare le terrain pour une suite non-confirmée d’ANNA CARITAS avec une finale dramatique, un peu rapide et qui m’a laissé sur ma faim.

C’est normal s’il y a une suite me direz-vous mais j’aurais souhaité une finale mieux aboutie. J’ai quand même hâte de lire le tome 3 donc un peut dire mission accomplie pour Patrick Isabelle. En finissant LES DAMNÉS je laisse momentanément William, adolescent attachant et opiniâtre, prisonnier de son histoire et pas seulement…

J’ai trouvé cette histoire bien ficelée, le mystère bien entretenu et le rythme est élevé Le récit véhicule un symbole avec intensité :  Les sociétés secrètes. Elles sont secrètes parce qu’elles ont quelque chose à cacher et le thème est développé avec emphase dans Anna Caritas. Il porte aussi à réfléchir sur l’utilité de telles confréries.

Le livre se lit assez bien de façon indépendante. Mais pour plus de plaisir et de compréhension, je recommande de lire d’abord le tome 1 LES SACRILÈGES dont l’origine de l’intrigue se trouve dans le fameux jeu Ouija, cette célèbre planche alphanumérique censée permettre la communication avec les esprits. C’est prometteur.

Et pas d’erreur…le deuxième tome est à la hauteur…

Suggestion de lecture : LES CONTES INTERDITS, coup d’œil sur la série

Patrick Isabelle est un auteur québécois né à Montréal en 1980. Il connait un succès intéressant avec entre autres sa série ANNA CARITAS et bien sûr son premier livre publié en 2014 : EUX un roman choc qui a contribué à donner aux jeunes le goût de la littérature d’horreur. On peut suivre la carrière de Patrick Isabelle sur www.patrickisabelle.com et sur Facebook : https://fr-ca.facebook.com/public/Patrick-Isabelle

Le livre dont j’ai parlé plus haut, LES DAMNÉS, est le deuxième de la série ANNA CARITAS. Toutefois sur la première de présentation du livre, il n’y a aucune mention *tome 2*. Même si, à la rigueur, le tome 2 peut se lire indépendamment du 1, je vous suggère de commencer par ANNA CARITAS LE SACRILÈGE. C’est ce que j’aurais fait si j’avais su…

Bonne lecture
JAILU/Claude Lambert
le dimanche 25 octobre 2020