NE LA QUITTE PAS DES YEUX

Commentaire sur le livre de
LINWOOD BARCLAY

en version audio

*Il n’avait pas du tout l’air d’un monstre. Mais le problème des monstres, justement, c’est qu’ils n’ont pas la tête de l’emploi. * (NE LA QUITTE PAS DES YEUX, Linwood Barclay, version audio, Audible studios éditeur, 2016, durée d’écoute : 11 heures 52, narrateur : François Hatt.)

Multi pistes

Vous êtes marié, père d’un petit garçon. Un boulot intéressant. Un couple plutôt heureux. Et si le pire était à venir? Une belle journée, une sortie en famille, votre épouse qui s’éloigne quelques instants. Et qui ne revient pas. Fugue? Enlèvement? Suicide?

Voici l’histoire de David Harwood, un journaliste qui emmène sa femme, Jane et son fils de quatre ans, Étha au Parc d’Attractions. Premier apéritif : Éthan disparait. D’interminables minutes plus tard, David retrouve Éthan. Soulagement très provisoire… David et le petit se mettent en route pour retrouver Jane…plus de Jane. Où est-elle passée exactement et est-ce qu’on la retrouvera ? C’est un roman très sombre qui m’a procuré anxiété et frissons, spécialement dans le dernier quart du récit alors que les nombreux éléments du puzzle se mettent en place et nous mènent à la conclusion d’une incroyable série de machinations.

C’est un thriller assez efficace quoiqu’un peu surfait ou grossi si vous voulez, certains passages me semblant plutôt invraisemblables. C’est un roman fort mais avec une crédibilité moyenne, des personnages un peu artificiels, pas très aboutis et dont, dans certains cas, j’ai plus ou moins compris les motivations. J’ai toutefois quelque peu réussi à m’attacher à David à cause de son entêtement, de son opiniâtreté, de son attachement pour Éthan et qui est soupçonné par un policier qui a justement le soupçon un peu trop facile.

Le roman manque de profondeur et son sujet n’est pas vraiment nouveau mais il est intrigant et comporte beaucoup de rebondissements, de revirements, de la tension occasionnelle et une finale efficace quoique sensiblement prévisible mais ça, ça dépend toujours du lecteur et de la lectrice.

Je dois vous dire que j’ai écouté la version audio de ce livre et que j’ai été carrément emporté par la performance du narrateur François Hatt qui a su exploiter au maximum de son talent, sa voix multipiste harmonieuse et énergique. Pas le choix. Monsieur le narrateur a forcé mon attention et m’a figé sur mon fauteuil. Ce détail surmonte beaucoup les faiblesses de ce roman qui reste malgré tout accrocheur et captivant. L’histoire est complexe, un peu tentaculaire.

Mais le fil conducteur est solide et rend l’histoire relativement agréable à suivre. Donc Pour résumer : principales faiblesses : à une ou deux exceptions près, des personnages mal aboutis, peu travaillés, scénario peu original et comportant beaucoup de clichés. Et j’ajoute à cela une traduction un peu douteuse. Principales forces : intrigant, belle intensité dans le suspense, enchaînements rapides, excellente finale. L’ensemble est bien imaginé et Le personnage principal est intéressant à voir évoluer.

Bref, ce roman ne réinvente rien mais il constitue un bon divertissement.

Suggestion de lecture : ENLÈVEMENT, de Tara Taylor-Quinn

À gauche, Linwood Barclay. Voir sa biographie. À droite, le narrateur François Hatt. Il a un parcours pour le moins impressionnant.

À écouter, du même auteur

Bonne lecture/écoute
Claude Lambert
Le dimanche 12 mai 2024

LE CHUCHOTEUR, Donato Carrisi

*Ce qui le suivait n’était pas là sur cette route.
C’était bien plus proche. C’était la source de
ce bruit. C’était quelque chose auquel il ne
pouvait pas échapper. Cette chose était dans
son coffre. *
(Extrait : LE CHUCHOTEUR, Donato Carrisi,
éditeur Calmann-Lévy, 2010 pour la traduction
française. Édition de papier, 574 pages…Le livre
de poche.)

Depuis qu’ils enquêtent sur les rapts des fillettes, le criminologue Goran Gavila et son équipe d’agents spéciaux ont l’impression d’être manipulés. Chaque découverte macabre, chaque indice les mènent à des assassins différents. La découverte d’un sixième bras, dans la clairière, appartenant à une victime inconnue, les convainc d’appeler en renfort Mila Vasquez, experte dans les affaires d’enlèvement. Gavila et ses agents vont échafauder une théorie à laquelle nul ne veut croire : tous les meurtres sont liés, le vrai coupable est ailleurs. 
Quand on tue des enfants, Dieu se tait, et le diable murmure… un thriller littéraire inspiré de faits réels

Sombre peut être l’humain
*<Billy était un bâtard un BÂTARD ! et j’ai bien fait de le
tuer je le détestais il nous aurait fait du mal parce qu’il
aurait eu une famille et pas nous…personne n’est venu
me sauver PERSONNE.> *
(Extrait)

Tout est noir dans ce livre. L’histoire, l’atmosphère, l’enquête, les personnages, y compris ceux qui portent en eux un secret terrible comme c’est le cas pour Goran Gavila, le criminologue qui traîne en lui le boulet d’un secret soupçonné par un lecteur désarçonné qui assistera, figé, à son dévoilement dans une finale ficelée serrée.

L’auteur va au-delà du thriller psychologique qui fouille à l’infinitésimale les synapses d’un tueur en série hors-série qui n’a rien contre ses victimes…visant autre chose… : * Des parents, qui pour des raisons différentes, n’avaient eu qu’un enfant, une mère qui avait passé largement la quarantaine, et qui n’étaient donc plus en mesure, biologiquement, d’espérer une autre grossesse…<Ce sont EUX ses vraies victimes. Il les a étudiés, il les a choisis. > (Extrait)

Les victimes ne sont pas les fillettes, ce sont leur famille. Comprendre la psychologie de ce tueur en série incorrectement appelé Albert sera le plus grand défi du lecteur qui aura peut-être même à relire cette sordide histoire en partie et même en tout pour en comprendre toutes les facettes.

Dès le départ, l’auteur frappe fort afin d’emprisonner le lecteur dans son intrigue : cinq petites filles disparues, cinq fosses creusées dans une clairière. Dans chaque fosse, un petit bras…puis par la suite, découverte d’un sixième bras appartenant à on ne sait qui.

Avec une intrigue pareille et les maux de tête qui s’annoncent pour les policiers, Mila Vasquez en particulier, le lecteur pourra bien découvrir que l’auteur les mène en bateau avec des longueurs et même un peu d’errance dans le texte, ce qui est singulièrement agaçant…peu importe. Donato Carrisi nous amène exactement là où il veut qu’on aille.

Comme lecteur, attendez-vous à des allers-retours car il semble que chaque découverte suppose un assassin différent. *Au centre de tout ceci, il n’y avait pas une simple chasse à l’homme, mais l’effort pour comprendre le dessein qui se cachait derrière une séquence apparemment incompréhensible de crimes atroces. La vision difforme d’un esprit malade. * (Extrait) Mais de quel esprit s’agit-il exactement? Là, une surprise attend le lecteur.

Toute l’originalité du récit repose sur le chuchoteur, un tueur en série d’une espèce rare peu ou pas développée en littérature policière : *<Mais vous n’êtes pas le seul à pouvoir entrer dans la tête des gens…Dernièrement, j’ai beaucoup appris sur les tueurs en série. J’ai appris qu’ils se divisent en quatre catégories : visionnaires, missionnaires, hédonistes et assoiffés de pouvoir…mais il y a une cinquième sorte. On les appelle tueurs en série subliminaux.>* (Extrait)

d’une main de maître et avec une plume parfaitement maîtrisée, Carrisi amène ses limiers à adopter une théorie d’apparence tirée par les cheveux mais qui finit par s’imposer inexorablement donnant au livre un caractère absolument diabolique et m’ayant donné, comme lecteur, la bizarre impression d’être manipulé. J’ai dit que l’écriture est maîtrisée, c’est vrai mais elle est aussi d’une grande complexité. Ça demande de la relecture et beaucoup de concentration.

Que penser de ce tueur qui a toujours un pas d’avance sur ses poursuivants? C’est une histoire très complexe. Trop à mon avis. L’auteur aurait pu simplifier un peu. Je suis d’accord pour qu’une lecture lance des défis et même exige une certaine recherche. Je le fais souvent. Quand ça devient un fardeau, c’est différent. Malgré tout, le caractère intriguant de l’ouvrage lui sauve la mise.

Donc Pour faire court : polar complexe mais efficace, personnages très aboutis et froids. Se lit avec un minimum de concentration. Ensemble macabre et noir. Certains passages sont répugnants. Langage cru et direct. Atmosphère oppressante, finale éclairante et bien imaginée. Étude très intéressante d’un fond humain tordu au possible évoquant au passage les travers de la société.

J’ai eu l’impression de lire quelque chose de différent. Ça m’a plu.

Suggestion de lecture : BILLY-ZE-KICK, de Jean Vautrin

Né en 1973, Donato Carrisi est l’auteur d’une thèse sur Luigi Chiatti, le » monstre de Foligno «, un tueur en série italien. Juriste de formation, spécialisé en criminologie et sciences du comportement, il délaisse la pratique du droit en 1999 pour se tourner vers l’écriture de scénarios. Au moment d’écrire ces lignes, LE CHUCHOTEUR son premier roman, vendu à plus de 200 000 exemplaires en Italie, est en cours de traduction dans douze pays et a déjà remporté quatre prix littéraires.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 22 mai 2022