99 FRANCS, le livre de FREDERIC BEIGBEDER

*L’avantage avec la nouveauté,
c’est qu’elle ne reste jamais neuve.
Il y a toujours une nouvelle
nouveauté pour faire vieillir la
précédente.*
(extrait de 99 FRANCS, Frederic Beigbeder,
éditions Grasset, paru en 2000)

99 FRANCS est le récit d’Octave, un concepteur publicitaire égocentrique et blasé  travaillant pour une prestigieuse agence de publicité. Octave se rebelle contre l’étrange moralité du monde complexe de la réclame. Il cherche à être congédié afin de quitter la société avec les avantages sociaux (qu’il n’aurait pas s’il démissionnait)  mais ses patrons refusent obstinément de le virer, lui pardonnant continuellement ses excès. Alors Octave remet tout en question, sombrant dans une vie dissolue et critiquant ouvertement les travers vicieux de ces machines à exploiter l’être humain que sont les multinationales et les entreprises de concepts publicitaires.

Tout s’achète

Oh la la la vie en rose
le rose qu’on nous propose
d’avoir les quantités d’choses
qui donnent envie d’autre chose
aïe on nous fait croire
que le bonheur c’est d’avoir
de l’avoir plein nos armoires
dérisions de nous dérisoires…
(extrait de la chanson FOULE SENTIMENTALE
composée et interprétée par Alain Souchon,
de l’album C’EST DÉJÀ ÇA, 1993)

Ce livre est venu me chercher et ça n’a pas été long. Peut-être est-ce parce que j’ai moi-même évolué dans les sphères de la publicité pendant plusieurs années. Toutefois j’étais très loin des sphères mondiales. J’aurais fait long feu dans une agence sans doute parce que j’ai toujours remis en question l’éthique de la réclame que je trouve très douteuse. Je me pose trop de questions du genre : *est-il vraiment nécessaire de montrer une belle fille aux seins nus et généreux pour vanter les mérites d’une paire de souliers? *

Changer les mentalités dans le domaine de *l’advertising* est impossible. Frederic Beigbeder a essayé et il s’est cassé le nez. Il sait de quoi il parle ayant évolué lui-même une dizaine d’années dans la publicité internationale. Dans 99 FRANCS, il fustige copieusement le monde de la publicité. Pour ce faire, il laisse la parole au personnage qu’il a créé : Octave Parango, concepteur publicitaire de haut niveau qui nous livre un récit vitriolé de ses observations sur les tendances perverses et vicieuses de la publicité.

Par le biais de Parango, l’auteur ne fait pas dans la dentelle. Les couleurs sont annoncées dès le début du livre : *…eh oui, je pollue l’univers. Je suis le type qui vous vend de la merde. Qui vous fait rêver de ces choses que vous n’aurez jamais…J’ai trois vogues d’avance et m’arrange toujours pour que vous soyez frustré. Vous faire baver, tel est mon sacerdoce. Dans ma profession, personne ne souhaite votre bonheur, parce  que les gens heureux ne consomment pas.*

Dans son livre, l’auteur se fout de l’effet qu’il peut produire. Ce n’est pas pour me déplaire car chercher à être trop gentil peut contribuer à euphémiser la vérité. Vous êtes donc averti avant d’entreprendre la lecture de ce livre. Il est très incisif et son langage est assez cru.

*En général, quand on commence un livre, il faut tâcher d’être attachant et tout mais je ne veux pas travestir la vérité : je ne suis pas un gentil narrateur. En fait, je serais plutôt du genre grosse crapule qui pourrit tout ce qu’il touche. L’idéal serait que vous commenciez à me détester avant de détester l’époque qui m’a créé.*

Malgré son humour grinçant, sa crudité parfois audacieuse, un étalage d’états d’âme un peu lassant surtout dans la deuxième partie et une finale un peu bizarre,  99 FRANCS est un roman satirique très bien documenté, porteur d’une profonde réflexion sur l’extraordinaire pouvoir de la publicité manipulatrice et corruptrice. L’auteur met bien l’emphase sur le pouvoir de la réclame, allant même jusqu’à dire que c’est la publicité qui a porté Hitler au pouvoir.

C’est un roman acide et encore, pour mettre l’emphase sur ses propos, l’auteur ajoute à son œuvre quelques pages de publicités abracadabrantes et encore, avec un maximum de mauvais goût. Les opinions qui y sont exprimées sont radicales surtout de la part d’une personne qui a *craché dans sa soupe*, mais à aucun moment de ma lecture, j’ai senti qu’il avait tort.

Frederic Beigbeder est né en France en 1965. Sa carrière est brillante et placée sous le signe de la polyvalence : écrivain, critique littéraire, publicitaire, chroniqueur et éditeur. C’est aussi un passionné de littérature. Il a plusieurs titres à son actif dont MÉMOIRE D’UN JEUNE HOMME DÉRANGÉ et WINDOWS ON THE WORLD.

C’est en mettant à profit sa vaste expérience de publicitaire que Frederic Beigbeder a signé son plus gros succès : 99 FRANCS en 2000.

Je signale enfin que Frederic Beigbeder a créé le prix de Flore qui récompense chaque année un auteur au talent prometteur, et qu’il a contribué avec Lionel Aracil, à la création du PRIX SADE remis chaque année pour récompenser un auteur singulier et honnête homme, selon la définition de son siècle. Un authentique libéral qui sera parvenu par-delà les vicissitudes de la Révolution et l’emprise de l’ordre moral, à défaire les carcans de la littérature comme ceux de la politique. (Extrait du site internet officiel du Prix de Sade).

Cette contribution est tout à fait compatible avec la personnalité de Beigbeder qui a la réputation d’un homme extravagant et provocateur et qui déclare lui-même aimer l’argent, les sorties et la vie à *cent à l’heure*.

Suggestion de lecture : INTERNET REND-IL BÊTE, de Nicholas Carr

En complément, je signale que 99 FRANCS de Frederic Beigbeder a été adapté à l’écran en 2007 par le réalisateur Jan Kounen. Beigbeder a collaboré à la réalisation. Ce film met en vedette Jean Dujardin qu’on dit excellent dans le rôle d’Octave Parango (parce que très capable de jouer le rôle d’un personnage qu’on aime détester). 

On retrouve aussi dans la distribution Jocelyn Quivrin et Vahina Giocante. Notez que le comédien Gilbert Ponté avait déjà fait une version théâtrale de 99 FRANCS en 2002 au théâtre Trévise. Il y jouait seul sur scène. La critique du film est divisée. Allo-Ciné lui a attribué tout juste la note de passage.

À lire

BONNE LECTURE
Claude Lambert
OCTOBRE 2014

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