maria chapdelaine, Louis Hémon

*Pour la deuxième fois un jeune homme lui parlait d’amour
et mettait dans ses mains tout ce qu’il avait à donner, pour
la deuxième fois elle écoutait et restait muette, embarrassée,
ne se sauvant de la gaucherie que par l’immobilité et le
silence. Les jeunes filles des villes l’eussent trouvée niaise ;
mais elle n’était que simple et sincère, et proche de la nature,
qui ignore les mots. * 
(Extrait : MARIA CHAPDELAINE, Louis
Hémon, réed. Les éditions Caractère, 2014, papier, 185 pages.
origine : 1913, publié en 1921 chez Grasset)

Sur les rives de la Péribonka, le printemps est de retour. La famille Chapdelaine s’apprête à disputer quelques arpents de terre à la forêt du nord. La jeune Maria, courtisée par le paysan Eutrope Gagnon découvre que son cœur bat plutôt pour   François Paradis le pionnier.

Elle le reverra l’an prochain si ses prières le protègent de l’hiver meurtrier.

L’œuvre de Louis Hémon a été lancée il y a un siècle par Bernard Grasset qui le rééditera d’ailleurs plusieurs fois.

Du cœur du terroir
*François Paradis regarda Maria à la dérobée…D’être assis auprès d’elle,
d’entrevoir sa poitrine profonde, son beau visage honnête et patient, la
simplicité franche de ses gestes rares et de ses attitudes, une grande
faim d’elle lui venait et en même temps, un attendrissement émerveillé,
parce qu’il avait vécu presque toute sa vie rien qu’avec d’autres hommes,
durement, dans les grands bois sauvages ou les plaines de neige. Il sentait
qu’elle était de ces femmes qui, lorsqu’elles se donnent, donnent tout sans
compter…*
(Extrait)

MARIA CHAPDELAINE est un roman à saveur bien québécoise, mais écrit par un français, alors qu’il résidait au Québec en 1913. C’est un livre intéressant dont le titre est un peu trompeur. Maria a 18 ans et aura trois prétendants offrant des futurs, des destins fortement opposés.

Le favori de la belle va vers celui pour qui la liberté du coureur des bois est vitale et par conséquent celui qui évoque le plus la misère. Le cœur a ses raisons. J’ai senti toutefois que le destin de Maria est secondaire dans ce livre. D’ailleurs, le personnage de Maria est plus ou moins développé, sans expression et sans émotion. Je n’ai pu créer aucune attache avec Maria Chapdelaine.

Par contre, l’auteur table davantage sur l’histoire d’hommes et de femmes comme la famille Chapdelaine qui tentent de s’enraciner dans une terre du nord, au bout du monde, loin de tout dans ce que Louis Émond appelle affectueusement tout le long du récit, le pays de Québec.

C’est une chronique du quotidien des Chapdelaine qui évoque les pionniers d’un Québec rustique sur les rives de la Péribonka qui travaillaient de la barre du jour au coucher du soleil pour *faire de la terre* selon l’expression très jolie et surtout fort à point de l’auteur.

MARIA CHAPDELAINE est un flambeau de la littérature du terroir québécois, un incontournable qui a fait l’objet de multiples analyses, réédité plus de 150 fois, rédigé dans 25 langues, adaptés trois fois à l’écran. Mais au-delà de cette aura de chef d’œuvre littéraire que je ne conteste pas car l’écriture est d’une beauté qui confine presque à la poésie, j’ai été surpris par la brièveté du récit et l’infinie tristesse qui se dégage de l’œuvre essentiellement axée sur la famille en incluant bien sûr l’influence de l’Église et une longue finale intensément dramatique où je note un peu de redondance.

À cette époque où les pionniers sans peur préparaient notre propre devenir, n’y avait-il pas à l’occasion des moments de joie, des épisodes drôles, des amours accomplis ? Parlait-on à l’occasion toujours, d’autres choses que de la météo et des vents du *noroua* ? Voilà ce que j’ai ressenti à la lecture de Maria Chapdelaine, un thème sensiblement sous-développé, un personnage laissé en plan et une succession de misères. Je crois que ce livre, bien que superbement écrit, a mal vieilli.

Enfin, j’ai trouvé particulièrement intéressant les interactions entre Maria et ses prétendants concernant surtout les concepts d’avenir que chaque jeune homme offrait à la jeune fille. En fait, Maria devait jongler entre le statu quo, le risque calculé et une belle vie dans une grande ville moderne américaine. C’est un des rares sujets sur lequel Maria cogite et s’exprime, abstraction faite du sentiment qu’elle éprouve pour François Paradis.

Le livre ne correspond plus, je crois, à l’idée qu’on se fait aujourd’hui d’un roman historique ou du terroir. Heureusement l’adaptation à l’écran a été scénarisé de façon à apporter un peu de piquant au quotidien des pionniers. Toutefois, MARIA CHAPDELAINE reste une belle histoire, prenante, donnant une idée imagée de la vie rude d’antan.

Suggestion de lecture : LES FILLES DE CALEB, d’Arlette Cousture

Louis Hémon (1880-1913) est un écrivain français natif de Brest dans la région de Bretagne. Il a neuf ans lorsque son père, abrégé de lettres, est nommé chef de cabinet du ministre de l’Éducation. L’adolescent, qui rêve de s’établir en Indochine, étudie le droit et l’annamite à la Sorbonne. Diplômée de l’école Coloniale mais affecté en Algérie, il renonce à une carrière diplomatique et part à Londres en 1903. Il y publie ses premiers récits et rédige MONSIEUR RIPOIS et LA NÉMÉSIS, roman en partie autobiographique.

Il quitte sa famille pour tenter sa chance au Canada, comme agent d’assurance puis, ouvrier agricole au Lac-Saint-Jean. Il meurt, happé par un train en Ontario en juillet 1913. Environ sept mois après sa mort, MARIA CHAPDELAINE est publié en feuilleton et parait au Québec en 1916 avant de connaître un succès universel dans les années 1920.

Maria Chapdelaine au cinéma

La plus célèbre adaptation cinématographique du roman de Louis Hémon est MARIA CHAPDELAINE réalisé en 1983 par Gilles Carle qui a aussi coscénarisé le film avec Guy Fournier. Dans la distribution, on retrouve Carole Laure, Amulette Garneau, Yoland Guérard, Gilbert Sicotte et Nick Mancuso.

Bonne lecture
Claude Lambert
janvier 2022

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