Dix-huit heures pour mourir

Commentaire sur le livre de
JEFFERY DEAVER

*Mélanie restait en arrière, le regard fixe. Le conducteur
était étendu comme une poupée de son, une jambe pliée,
comme désarticulée. Elle n’avait encore jamais vu de
cadavre.*
(Extrait : DIX-HUIT HEURES POUR MOURIR, Jeffery Deaver,
t.f. Calmann Lévy éditeur, 1996, format numérique, 364 pages)

Trois criminels en cavale sont retranchés dans un abattoir abandonné au cœur des plaines du Kansas. Ils y tiennent en otage huit écolières sourdes-muettes et leurs enseignantes, qu’ils viennent d’arracher à la quiétude de leur bus scolaire. Une armada policière assiège immédiatement les lieux.
Un bras de fer s’engage entre Arthur Potter, négociateur chevronné du FBI, et le meneur psychopathe Lou Handy.
Dès le premier contact, en imposant un compte à rebours sanglant, Lou place très haut ses enchères meurtrières. Il exécutera une fillette toutes les heures s’il n’obtient pas satisfaction.

Le duel psychologique entre ces deux hommes talonnés par le sablier rythme une partie de poker menteur où tous les moyens sont bons : bluff, diversions, fausses promesses, même le sacrifice éventuel des innocentes. Cette terrifiante course contre la mort, mettant en scène l’univers si riche et si singulier des sourds-muets, mène ce suspense hallucinant jusqu’à l’affrontement ultime.

Terreur silencieuse
*Ces filles sont sourdes. Elles vont avoir
la trouille, là-dedans…elles vont…flipper… *

C’est un roman noir, glauque et très violent que j’ai lu en une version numérique extrêmement pauvre, mal éditée, bourrée de faute et dont la traduction est plutôt douteuse. Une fois que j’ai réussi à me dépêtrer dans les lettres escamotées, absence de chapitres, de numérotation et de ventilation et multiples erreurs qui pourrissent la lecture, j’ai pu apprécier un roman très singulier qui fait ce que j’appellerais l’autopsie d’une prise d’otages.

Pour résumer l’histoire, je dirai que trois criminels en fuite se terrent dans un ancien abattoir, bâtiment en ruine sordide et sombre, retenant en otage huit élèves sourdes-muettes et leurs enseignantes. Le chef de ces bandits, Lou Andy menace de tuer une fillette chaque heure s’il n’obtient pas ce qu’il veut. Un agent du FBI, Arthur Potter, spécialisé dans le dialogue avec des preneurs d’otage, commence la négociation la plus étrange et la plus éprouvante de sa carrière.

Toute l’histoire repose sur la confrontation entre Andy et Potter. Elle met en lumière des éléments particuliers dont plusieurs font l’originalité du récit : L’auteur décortique la négociation minute par minute et pénètre profondément dans l’esprit de Potter et celui de Lou Andy à côté de qui le diable est un enfant de chœur.

L’auteur analyse également un jeu de pouvoir qui se joue entre Potter et Andy, un lien particulier entre le négociateur et le preneur d’otages, entre les otages eux-mêmes, et, entre les otages et leurs geôliers, allant jusqu’à évoquer le syndrome de Stockholm. Aussi, Deaver explique à quel gâchis peut mener des instances gouvernementales et policières qui travaillent en double et rament dans le sens opposé, sans compter les conséquences de la traîtrise et de l’usurpation d’identité.

Ça va plus loin car un petit sentiment se développe entre Potter et une des otages, Mélanie qui semble vouloir prendre les choses en mains, jusqu’à un certain point. Enfin, j’ai beaucoup apprécié que l’auteur adopte, en plusieurs passages de son histoire, le point de vue de la sourde-muette. Une sérieuse réflexion sur un monde de silence et de solitude.

J’ai noté bien sûr quelques faiblesses dans l’histoire. L’entrée en matière est très longue, l’auteur prenant beaucoup de temps pour planter le décor. Je note aussi que les otages constituent les personnages les moins développés sur le plan psychologique et leur caractère un peu geignard m’a empêché de m’y attacher. Sur le plan éditorial, la version numérique sur laquelle je suis tombé est un flop.

Je vous suggère fortement la version papier. Autrement, ce livre m’a accroché. Plus, il m’a atteint avec ses nombreux rebondissements, la finesse de son développement et sa finale déconcertante. Je précise en terminant que c’est une histoire très violente et son atmosphère est lourde mais l’auteur s’est fort bien documenté et j’ai appris beaucoup de choses intéressantes. Excellent moment de lecture malgré la faiblesse de l’édition.

Suggestion de lecture : VIOLENCE À L’ORIGINE, de Martin Michaud

Jeffery Deaver est l’auteur de dix-neuf romans, récompensés par les prix les plus prestigieux de la littérature policière. Le Rectificateur a obtenu le prix Steel Dagger. Un roman précédent, Le Désosseur, a été adapté au cinéma (Universal), avec Denzel Washington dans le rôle principal. Jeffery Deaver est également connu pour sa série policière centrée sur les personnages de Lincoln Rhyme et Amelia Sachs. La critique salue son talent pour la terreur qu’il distille et pour ses intrigues à rebondissements. Jeffery Deaver partage son temps entre la Virginie et la Californie.

SUGGESTIONS, DU MÊME AUTEUR

Bonne lecture
Claude Lambert
janvier 2022

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *