LA VIEILLESSE, Simone de Beauvoir

*Le mor <rebut> dit bien ce qu’il veut dire. On nous raconte que la retraite est le temps de la liberté et des loisirs; … Ce sont des mensonges éhontés. La société impose à l’immense majorité des vieillards un niveau de vie si misérable que l’expression <vieux et pauvre> constitue presque un pléonasme ; inversement : la plupart des indigents sont des vieillards.

Les loisirs n’ouvrent pas aux retraités des possibilités neuves ; au moment où il est enfin affranchi des contraintes, on ôte à l’individu les moyens d’utiliser sa liberté. *
Extrait : LA VIEILLESSE de Simone d Beauvoir, Gallimard éditeur 1970. Édition de papier, 800 pages.

Simone de Beauvoir aborde ici les problèmes, politiques, sociaux, existentiels, philosophiques, psychologiques du vieillissement et de la mort. L’essai est composé de deux parties.

Elle explique d’abord sa vision engagée de la vieillesse en démontrant que les sociétés modernes se comportent de façon aussi « dégradante » que certaines des sociétés primitives. Les vieillards sont des bouches inutiles à nourrir. De Beauvoir est en cela un précurseur du combat politique de personnes âgées pour faire reconnaître leurs droits dans un monde qui exclut les anciens.

Dans une seconde partie, l’auteure définit ce qui pour elle peut donner du sens dans l’absurdité d’un monde impitoyable pour les anciens. L’engagement au service des autres dans des projets et des combats politiques donnent même au grand âge des objectifs qui font sens pour la personne elle-même, pour son environnement, pour la société.

 

Un portrait tranchant

Dans son livre en deux tomes, Simone de Beauvoir dresse un bilan très sombre de la vieillesse. Dans le premier tome, elle décrit la vieillesse sur les plans biologique, ethnologique, historique et termine par le positionnement de la vieillesse dans la Société moderne.

Le deuxième tome est beaucoup plus philosophique, fortement empreint de la pensée existentialiste de Jean-Paul Sartre. Elle décrit la vieillesse sur les plans historiques et évolutifs, ce qui comprend la vie personnelle, professionnelle et sexuelle. Elle donne de nombreux exemples fort détaillés de la vieillesse de grands personnages historiques qui ont marqué leur temps en politique, littérature, arts, musique et philosophie.

Il faut comprendre ici que ce livre a été publié en 1970, soit 52 ans avant la publication de cet article. La question pour moi était de savoir si le livre a mal vieilli. Je dirais oui jusqu’à un certain point. Certaines choses n’ont pas changé.

À une très lointaine époque où régnait la loi tribale, on tuait les vieux dès qu’ils devenaient encombrants. Puis on a arrêté cette pratique et on a confiné les vieux dans leur famille où ils sont devenus rapidement gênants, souvent dans l’attente de l’héritage. Puis la famille a éclaté et on s’est mis à parquer les vieux. Aujourd’hui, on parque toujours les vieux ou ils se parquent eux-mêmes ce qui est tout à fait dans le ton de la modernité.

De Beauvoir a raison a bien des égards malgré l’évolution explosive de la Société : La politique de la vieillesse est un échec monumental de la civilisation, un gâchis à l’échelle mondiale.

Le livre est donc empreint d’un certain réalisme mais comporte des irritants comme celui d’être à la remorque de la mentalité des années 1960-70, l’auteure utilisant par exemple un vocabulaire vu aujourd’hui comme celui d’un autre temps.

Elle utilise des mots jugés aujourd’hui dépassés et même à la rigueur, choquants : Décrépitude, gâtisme, dégénérescence, finitude, déchéance, vieillards, etc. Certains modèles d’expression laissent à penser que Simone de Beauvoir est carrément tranchante :

<Le mot -rebut- dit bien ce qu’il veut dire. On nous raconte que la retraite est le temps de la liberté et des loisirs… Ce sont des mensonges éhontés. La Société impose à l’immense majorité des vieillards un niveau de vie si misérable que l’expression -vieux est pauvre- constitue presque un pléonasme.> Extrait. L’auteure va jusqu’à dire que la politique de la vieillesse confine à la barbarie.

Tout ça est trop fort. Je comprends pourquoi cet essai de Simone de Beauvoir a été aussi critiqué par ses contemporains. Il est tranchant et très agressif. Je rejoins l’auteure toutefois quand elle dit qu’il faut complètement revoir la gestion actuelle des aînés, repartir sur des bases réalistes et cesser de considérer les aînés comme des morts en sursis.

En résumé, l’ouvrage est intéressant, quoique pas toujours facile à suivre. C’est vrai, il est d’un autre temps mais il vient réactualiser la situation et le sort de nos aînés qui, nous l’avons vu pendant la pandémie du COVID 19, souffrent d’une tendance de la Société à les mettre sur une voie de garage.

Suggestion de lecture : L’ÉTRANGER, d’Albert Camus


L’auteure Simone de Beauvoir

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 1er juin 2025

 

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *