Commentaire sur le livre de
Bertrand Passegué
*De la petite éminence sur laquelle il se tenait, le vaisseau ressemblait
à une carapace de crustacé monstrueux échoué sur une grève d’algues
sombres. Tout autour, la végétation était verte, comme sur la terre mais
d’un vert plus intense, plus sombre, presque froid. L’herbe épaisse,
humide, craquait sous les pieds. Une bonne herbe. *
(Extrait : LE DIEU DU DELTA, livre 1, NOUVEAU MONDE, Bertrand Passegué,
Édition Critic, 2016, format numérique, 432 pages. disp. format broché)
Trente-cinq années dans l’espace, c’est un bien long voyage pour un vaisseau terrien. Pourtant, c’est à l’arrivée sur la planète Bêta IV Hydri que les véritables ennuis commencent pour l’astrogateur Nathan Stone et ses compagnons. Dans la petite colonie, plusieurs sections – militaires, politiciens, citoyens ambitieux – s’affrontent.
Qui parviendra à imposer son pouvoir ? Et quelle est donc cette étonnante entité qui vit au cœur du delta auprès duquel s’est posé leur vaisseau ? Ils pensaient fuir une terre devenue inhospitalière et dénicher un havre de paix mais finalement, ils vont trouver la guerre.
Là où il y a de l’humain…
(Variation sur un thème connu)
*Avec les réserves de nourriture, les vêtements, les médicaments,
enfin, tout ce que Wowocka voudra bien nous laisser…Nous
réussirons à survivre ! Et nous recommencerons à cultiver le
sol avec nos mains, à élever notre bétail, comme nos lointains
ancêtres de la terre… Peut-être même que nous serons heureux ! *
(extrait)
Variation sur un thème archi-connu, toutefois, Nouveau Monde, le premier tome de LE DELTA DU FLEUVE pose beaucoup de questions et tend à démontrer que la principale nuisance de l’homme est l’homme lui-même. Nous sommes au XXXIe siècle. La terre se meurt. On décide d’envoyer une expédition afin de coloniser une planète déclarée depuis longtemps habitable : BÉTA IV.
Un immense vaisseau y emmène plus de 3000 colons et plusieurs centaines de membres d’équipage. Après trente années de voyage, une fois à destination, la suite s’annonce difficile, voire périlleuse. En fait, le vaisseau est à peine posé que la discorde s’installe entre le maître à bord, le capitaine Kodkine et les colons et même entre les colons, ça déraille. Il se forme des clans. Bientôt la première défection, Wowoka, un indien. D’autres le suivront.
Puis, poussés par la tyrannie de Kodkine, les colons quitteront le vaisseau pour créer un village dans la forêt et feront bientôt connaissance avec une mystérieuse entité entourée d’une nuée d’insectes, une entité qui aura bientôt son premier prêtre : Wowoka. Entre temps, la guerre éclate entre l’équipage et les colons. Assoiffé de pouvoir, Kodkine demeure inflexible. L’opération Béta IV se dirige vers un échec lamentable et sanglant. Qui aura le dernier mot : Kodkine, les colons ou le mystérieux dieu du Delta ?
L’auteur met en perspective la volonté des hommes de bâtir un monde nouveau en évitant les erreurs du passé sur terre. Mauvais calcul des hommes car ils ont amené l’hommerie avec eux. La nature humaine n’échappe pas à l’atavisme de sa nature. Autre mauvais calcul, on a laissé tout reposé sur un seul homme à qui on a donné le pouvoir absolu : Kodkine. On a joué avec le feu, on s’est brûlé. Ce qui devait être un nouveau départ avec une vie meilleure n’est devenu rien d’autre qu’un effroyable gâchis.
Et c’est là que l’auteur m’a surpris… en créant une entité omnisciente qui a tout prévu. Mais prévu quoi : Si vous êtes comme moi, vous risquez d’être pris dans une toile addictive jusqu’à la finale qui est de toute beauté même si elle est très abrupte. En tout cas, elle donne un signal clair pour le deuxième tome de la trilogie : LE SEPTIÈME CYCLE
C’est bien écrit, bien imaginé, exprimé clairement avec un fond de philosophie car on sent que la pensée de l’auteur est tournée vers la nature humaine qui est mal connue même des hommes on dirait car sinon pourquoi les autorités auraient-elles mis tous les pouvoirs entre les mains d’un seul homme, Kodkine, sans tenir compte du fait que les aspirations allaient forcément diverger. Le livre pose une question simple : L’homme peut-il changer.
Le fait d’avoir créé un régime totalitaire avant même que le vaisseau se pose sur Béta IV semble répondre à la question. J’ai aimé cet ouvrage, l’étude sociale qu’elle comporte et son petit côté ésotérique et même surnaturel. L’intrigue est bonne, les personnages très bien travaillés. Une seule petite incohérence. Un pouvoir extraordinaire sauve des femmes en faisant disparaître le vaisseau. Pourquoi un tel pouvoir n’aurait-il pu empêcher une guerre meurtrière. J’ai l’impression que la réponse se trouve dans le tome suivant. À lire donc, une œuvre intéressante, cohérente, crédible et introspective : LE DIEU DU DELTA, premier tome : NOUVEAU MONDE
Suggestion de lecture : EXOMONDE, d’Emma Cornellis
Le Dieu du delta…la suite
NOTE : Né le 17 janvier 1946 à Neuilly-sur-Seine, Bertrand Passegué est depuis toujours un lecteur boulimique. Ancien professeur, maintenant à la retraite, au moment d’écrire ces lignes, il vit avec sa femme artiste dans une vieille ferme restaurée par leurs soins. (photo non-disponible)
Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 30 avril 2023