ENFANCES DE POUSSIÈRE, de Karim Berrouka

<Elle hurle, appelant Siegmund à l’aide et ceignant son ventre
rond de ses deux bras. Dehors, le visage de la fillette s’est
métamorphosé en une gueule effroyable, bavant une mousse
carminée qui gicle et dégouline en longs filets pâteux sur ses
longs crocs gâtés.>
Extrait de la nouvelle COMME UN ANGE
GARDIEN, du recueil ENFANCES DE POUSSIÈRE de Karim
Berrouka, ActuSF éditeur, 2013, pages en imprimé. Format
numérique pour la présente. 1279 kb, Contient six nouvelles…

LES TITRES

-L’enfant rouge

-…comme un ange gardien

-Le piano

-Conjonction

-Clothilde court dans la forêt

-Ils sont cinq

Lorsque Marine met au monde son petit garçon, celui-ci est rouge. Mais vraiment rouge ! Et cette particularité va faire son cauchemar. Nombreux sont ceux qui voudront le disséquer, en faire un messie, un produit marketing ou un antéchrist à détruire… «L’Enfant rouge» est la première nouvelle d’un recueil qui déborde d’idées toutes plus farfelues les unes que les autres. Karim Berrouka convoque des cauchemars, des fantômes, des monstres et pire que tout, des hommes, pour nous faire rire, parfois jaune.

 

Un recueil d’idées folles
<Vénus se lève aussi et, d’un ton sec, pointe un doigt
péremptoire dans sa direction…Père Soleil intervient
une nouvelle fois. -Asseyez-vous tous les deux. Ça
suffit. Pluton, écoute un peu ta sœur ! -J’en ai marre
d’écouter cette vieille peau. C’est toujours moi qui
prends. Je sais bien que c’est la préférée.>
Extrait

Il suffit parfois d’une idée folle ou excentrique pour provoquer un sérieux questionnement. C’est comme ça que j’interprète ce recueil de nouvelles, sachant que je suis un peu à contre-courant. Ces nouvelles évoquent en surface des cauchemars, des fantômes, des êtres difformes mais l’ensemble fait très philo. Le schéma de pensée de l’auteur est complexe et ça transpire dans l’écriture qui porte, par conséquent, à de multiples interprétations.

Ces nouvelles sont porteuses de messages, de réflexion. Par exemple, la première nouvelle donne le ton : L’ENFANT ROUGE. L’histoire touchante de Marine qui met au monde un enfant ayant un signe distinctif très singulier. Il vient au monde…rouge…complètement rouge. C’est un cauchemar pour Marine qui voit toutes sortes de profiteurs se pointer pour des raisons mercantiles ou religieuses, ou pire encore, prophètes et gourous convaincus du caractère satanique de l’enfant qu’il faut donc tuer pour conjurer la malédiction.

Bien que dramatique avec une finale penchant légèrement vers le surnaturel, cette nouvelle porte à réfléchir sur le respect des différences et une vertu dont la Société a toujours été en carence : la tolérance.

Ma nouvelle préférée, celle qui m’a gratifié d’un frisson bienveillant s’intitule CONJONCTION. C’est une conférence entre les planètes. Je parle des astres et non d’ambassadeurs. Cette conférence se tient un peu à la manière d’une réunion de famille présidée par Père Soleil et réunissant des frères et des sœurs qui palabrent, se chicanent, mais s’aiment bien.

*-Problèmes, répond sèchement Vénus. On sait. Tu as toujours des problèmes. -Et qu’est-ce que tu faisais ? L’interroge Mercure, d’un ton glacial. Ton excuse cette fois-ci ? -Je… Je… – Tu quoi ? Lance Vénus avec mépris. Laisse-moi deviner… Je… Je… -Vas-y, dis-lui, ça lui fera plaisir, l’interrompt Neptune. T’as pas de honte à avoir. * (Extrait)

Mais quelle est donc cette planète si hésitante et en apparence timorée ? C’est la Terre, le seul membre de la famille à porter le poids de la vie sur ses épaules. J’ai trouvé remarquable cette espèce de débat imaginé par l’auteur sur le destin de la terre…la Terre qui pleure. Est-ce vrai que, quand on perd un frère ou une sœur, c’est comme si on perdait une partie de nous-mêmes.

Les récits, dans l’ensemble, me portent à croire que le pire ennemi de l’homme est encore l’homme. C’est bien écrit mais comment décrire un univers délirant. Certains textes sont un peu difficiles à suivre tant leur structure est complexe. C’est le cas par exemple d’ILS SONT CINQ : Cinq prisonniers enfermés dans le néant…c’est le nom qu’on donne au pénitencier… la planète néant perdue au milieu de nulle part…ça vous dit quelque chose ?

Les textes de Berrouka parlent fort, ne craignent pas les idées tordues ou l’absurde. Mais ils exigent des lecteurs et lectrices de la concentration et une certaine ouverture d’esprit. La première nouvelle est d’un intérêt tel qu’il porte à continuer. Mais je dois le dire, j’ai eu par moment, du mal à m’accrocher. Il m’a fallu du temps pour me faire aux tournures de phrases. J’ai finalement convenu que l’ensemble était un assemblage d’éléments de réflexion. Ça m’a permis de passer à travers l’ouvrage, de l’apprécier et même de l’aimer.

Suggestion de lecture : NOUVELLES NOIRES, recueil de Renaud Benoit

Karim Berrouka, né le 26 mai 1964, a été chanteur et parolier du groupe punk Ludwig von 88 avant de se lancer dans l’aventure de l’écriture de science-fiction et de fantasy. Il a publié deux romans chez Organic et Griffes d’Encre, respectivement Cyclones et La Porte, avant de se résoudre à publier aux éditions ActuSF un recueil de nouvelles dont le titre fait un clin d’œil à Philip K. Dick : Les Ballons dirigeables rêvent-ils de poupées gonflables ? Avec son style délirant, Berrouka entraine son lecteur dans des atmosphères folles aussi bien que sombres, empruntant au passage à la fois à l’Oulipo et au surréalisme.

Bonne lecture

Claude Lambert

le dimanche 4 février 2024

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