LE SICARIER, livre de Danny-Philippe Desgagné

MYSTÈRE À SEPT-ÎLES

*Démembrement humain, expliqua Normand Vandal, en désignant du doigt les restes humains placés sur sa table d’autopsie en inox…* (extrait : LE SICARIER, Danny Philippe Desgagné, Les Éditions SM, collection Triskèle, 2006, éd. Papier)

Intrigue sur fond de surnaturel qui se déroule à Sept-Îles. Le détective Dorian Verdon enquête sur le meurtre d’une religieuse. Mais l’enquête piétine et la seule piste même difficilement exploitable qui lui reste, est de suivre l’incroyable raisonnement d’un mystérieux personnage appelé Thomas qui prétend être un ange, réincarné dans le corps d’un héroïnomane, ce qui lui donne l’apparence d’un illuminé.

Le meurtre de la religieuse ne serait qu’un mince élément de quelque chose de beaucoup plus grand : rien de moins qu’un complot ourdi par Lucifer dans le but de prendre le contrôle de l’humanité. Les évènements amèneront Dorian Verdon à faire équipe avec le mystérieux personnage dans l’enquête la plus invraisemblable et la plus complexe de sa carrière.

LES DOGMES À L’ÉPREUVE

*J’oubliais l’âme. Vous lui avez donné même
un poids : 21 grammes.
N’est-ce pas merveilleux.*
(extrait : LE SICARIER)
SICAIRE : littéraire. Tueur à gages (Larousse)

Le SICARIER est le deuxième roman de Danny Desgagné. Le récit développe une histoire dans laquelle se chevauchent une enquête policière musclée et un amalgame de faits historiques et mythologiques évoquant une tentative de retour de Lucifer sur terre.

Si la trame de l’histoire n’est pas vraiment d’une grande profondeur psychologique, son sujet est original et au passage, écorche nos plus profondes croyances judéo-chrétiennes. À moins d’avoir l’esprit très ouvert, les Catholiques purs et durs n’apprécieront peut-être pas car les dogmes de l’église sont soumis à rude épreuve.

Voici un extrait qui en dit assez long là-dessus, celui qui parle étant Thomas, ange réincarné, contemporain de Jésus : *Pour me suivre, il est obligatoire que tu remettes le compteur de toutes tes croyances à zéro. Quand je dis toutes, cela vaut aussi pour les fables Judéo-chrétiennes serinées par ton oncle du haut de sa chaire* (extrait LE SICARIER, p.285)

Les miracles sont démystifiés et tout y passe…de la multiplication des pains à la résurrection de Lazare en passant par Jésus qui marche sur les eaux. Certaines explications sont tellement plausibles qu’elles m’ont laissé très songeur.

Je crois avoir compris que le but de l’auteur n’était pas de remettre en cause les fondements de l’Église Catholique, mais bien de livrer une enquête criminelle par moments tellement irrationnelle qu’elle pousse le lecteur à la réflexion, entre autres sur l’obscurantisme et la façon parfois spectaculaire dont la vérité peut se tordre et se déformer avec le temps. Au départ ce livre est avant tout une fiction policière.

J’ai trouvé dans ce livre tout ce que j’apprécie habituellement dans mes lectures : les chapitres sont courts à quelques exceptions près, l’intrigue est développée habilement, le langage est clair. Il est facile de s’attacher aux personnages principaux, Thomas l’ange réincarné et l’enquêteur Dorian Verdon malgré leur caractère impulsif, Verdon en particulier n’est pas un tendre.

L’enchaînement des évènements est rapide même si l’ensemble peut accuser certaines longueurs dans les dialogues, notamment ceux qui tendent à démystifier les miracles (Mais la lecture en vaut la peine).

C’est un livre audacieux (une audace qui me rappelle un peu Dans Brown) et je n’hésite pas à vous le recommander. Je sais qu’il peut être difficile à trouver sur le marché du livre, mais s’il vous intéresse vraiment, je vous invite à communiquer avec l’auteur à cette adresse  triskele@cgocable.ca

Suggestion de lecture : CELUI QUI BAVE ET QUI GLOUGLOUTE, de R.C. Wagner

Je vous invite aussi à consulter le site internet http://www.dpdesgagne.com


Danny Philippe Desgagné est originaire de Chicoutimi et vit actuellement à Sept-Îles. Du moins au moment d’écrire ces lignes. Bien qu’il ait complété des études en Communication à l’Université d’Ottawa, c’est l’écriture qui s’est emparée de sa vie. Son premier roman, Irimi publié en 2000 lui a valu une mention au Prix Abitibi-Consolidated.

Son second ouvrage, Le Sicarier, publié en 2006, reçoit à son tour une mention au Prix Saint-Pacôme. En novembre 2009, Danny Philippe Desgagné publie LA FLAMME ET L’ABÎME, avec le même style d’écriture mais qui entraîne le lecteur dans un monde très différent : l’univers des DONJONS ET DRAGONS.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUIN 2016

LE DOSSIER 113, le livre d’Émile Gaboriau

*Prosper avait d’abord essayé de faire causer son étrange compagnon, mais comme il ne répondait que par mono- syllabes, il mit son amour propre à se taire. Il était irrité de l’emprise de plus en plus absolu que cet homme exerçait sur lui.* (Extrait : LE DOSSIER 113 de Émile Gaboriau. Publication d’origine : Dentu 1867, réed. Num. bibebook, lire de droit. 840 pages)

Un vol important est commis à la banque Fauvel de Paris. Deux personnes seulement connaissaient la combinaison du coffre. Le caissier Prosper Bertomy est arrêté. Les circonstances forcent la tenue d’une seconde enquête menée cette fois par l’inspecteur Fanferlot qui découvre l’existence d’une mystérieuse jeune femme entretenue par le caissier. Fanferlot fait alors appel au redoutable policier Lecoq avec qui il remonte la piste d’une affaire beaucoup plus complexe. L’auteur nous transporte des années en arrière, sous la restauration, nous dévoilant une mystification d’envergure…un dossier criminel historique.

LE SOUCI DU DÉTAIL
*Mille probabilités plus terrifiantes les unes
que les autres se présentaient en même
temps à sa pensée…l’affreuse étrangeté
de sa situation, l’imminence même du
péril donnaient à son esprit une lucidité
supérieure*
(Extrait : LE DOSSIER 113)

 C’est un livre fort mais un peu particulier en ce sens qu’il est issu d’une littérature d’un autre âge avec un français *haut-perché*, de longues mises en contextes et une intense exploitation de l’anticipation et de la psychologie policière.

À ce titre, l’auteur, qui a publié ce livre en 1867 a été peut-on dire, précurseur du roman policier plus contemporain, ayant donné son style en héritage à des écrivains célèbres comme Sir Arthur Conan Doyle et son fameux Sherlock Holmes et Agatha Christie avec Hercule Poirot…des policiers qui sont au demeurant plus psychologues que policiers.

D’Émile Gaboriau, j’avais déjà lu MONSIEUR LECOQ dans lequel il introduit l’inspecteur Lecoq, qui deviendra récurent dans son œuvre: un personnage brillant, aux méthodes particulières, doté d’une profonde compréhension de la nature humaine et rompu dans l’art du maquillage et du déguisement. Dans le DOSSIER 113, monsieur Lecoq s’attaque à une affaire en apparence insoluble.

Dans LE DOSSIER 113, Gaboriau est fidèle à son style : c’est le crime dès le départ. L’enquête sur le crime amène la découverte d’une affaire encore plus complexe qui y est intimement liée. Ainsi, Gaboriau ouvre une parenthèse, très vaste, et qui devient comme un deuxième roman qui nous apporte graduellement l’éclairage nécessaire à notre compréhension du mystère et à sa résolution.

J’ai dévoré ce livre. Bien sûr dans le premier quart, je trouvais qu’il y avait des longueurs, mais je me suis vite rendu compte qu’elles étaient nécessaires à la compréhension de l’histoire car dans LE DOSSIER 113, comme dans l’ensemble de l’œuvre de Gaboriau, chaque détail compte.

Aucun fait ou élément rapporté n’est insignifiant et à la fin, la boucle est bouclée de façon tout simplement géniale. Tout ce qui a pu échapper à la vigilance du lecteur refait surface et trouve son explication. C’est un livre assez volumineux (près de 850 pages) et pourtant, il se lit vite et bien.

Je terminerai en mentionnant que l’ouvrage d’Émile Gaboriau foisonne de clins d’œil et de réflexions sur la bourgeoisie européenne, parisienne en particulier et sur la morale sociale du 19e siècle, en particulier celle de la noblesse.

Ces détails, très intéressants et même pertinents sont partout dans le livre de sorte qu’à la fin, j’ai été instruit d’un portrait global crédible de la Société française de l’époque, avec, évidemment, une idée assez précise du fonctionnement de la justice.

Je recommande donc avec empressement LE DOSSIER 113 d’Émile Gaboriau.

Suggestion de lecture : L’ANTRE DE LA HAMMER, de Marcus Hearn

Émile Gaboriau (1832-1873) était un écrivain français. C’est après son passage dans l’armée qu’il a commencé à écrire des chroniques pour gagner sa vie. Il découvrit le journalisme aux cotés de Paul Féval. Son succès fût fulgurant. Son premier roman, L’AFFAIRE LEROUGE publié en 1866 connait un succès immédiat avec la création d’un personnage qui deviendra célèbre : le commissaire Lecoq, roman adapté au cinéma. Plusieurs romans suivront. Il inspirera plusieurs auteurs à succès dont Conan Doyle avec Sherlock Holmes et Maurice Leblanc, créateur du célèbre gentleman cambrioleur Arsène Lupin.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
MAI 2016

LA TRAHISON PROMÉTHÉE, le livre de Robert Ludlum

 *Restez couchée! Souffla Bryson en levant son Uzi pour tirer une rafale dans la direction générale de son ennemi. Mais sans grand effet; le tueur continuait à approcher de son allure tranquille.* (Extrait : LA TRAHISON PROMÉTHÉE, Robert Ludlum, t.f. : Éditions Grasset et Fasquelle, 2001, 730 pages.)

Après 15 ans au service d’une agence ultrasecrète américaine appelée LE DIRECTORAT, l’agent Nicholas Bryson apprend que son employeur n’est pas du tout au service du gouvernement américain, mais plutôt associé à un mystérieux groupe terroriste appelé PROMÉTHÉE, profondément infiltré dans les plus hautes sphères des puissances économiques et militaires, telles la Chine, la Russie, la France et bien sûr les États-Unis.  

Bryson, dont la désillusion est cruelle, est recruté par la CIA pour mettre fin aux agissements de cet envahisseur tentaculaire qui s’étend telle une infection et dont les agissements confinent à la folie et au cauchemar en utilisant les technologies les plus raffinées pour manipuler, déstabiliser et tuer. Devant les complots, les trahisons et la paranoïa, la vie de Bryson ne tient qu’à un fil.

DES ESPIONS QUI ESPIONNENT DES ESPIONS
*-Et pour finir, la dernière gâterie, lui
murmura la blonde à son oreille.
Il eut à peine le temps de voir le
fil de fer tranchant comme une
lame qu’elle passait en un éclair
autour de son cou…*
(Extrait : LA TRAHISON PROMÉTHÉE)

C’est un livre intéressant, très captivant mais il faut le lire avec attention et concentration car le récit, changeant parfois de direction, est développé sous le thème complexe de l’espionnage et du contre-espionnage. Suite à la lecture de ce livre, j’ai fait une recherche et j’ai réalisé que Ludlum s’est bien documenté.

En effet, dans les pays du G7 on ne compte plus les agences de renseignements, services secrets et autres obscurs départements dont certains existent sans avoir d’existence officielle et même des agences qui surveillent d’autres agences. Je me suis même demandé si l’administration des salaires de ces gouvernements savaient qui ils payaient et pourquoi?

Le coup de génie de Ludlum repose sur la vraisemblance et l’actualité du sujet. PROMÉTHÉE est en effet une organisation extrêmement puissante, riche et influente qui se propose d’installer un système de surveillance très étroite des individus, et ce à l’échelle planétaire faisant ainsi de la vie privée rien d’autre qu’une chimère.

Or, tout le monde sait que, qui contrôle l’information parfaitement contrôle tout le reste. Pour donner une couverture légale à son action, PROMÉTHÉE tente de faire voter par un maximum de pays un traité de surveillance et de sécurité qui n’est rien d’autre qu’un système de surveillance planétaire rendant les gouvernements obsolètes.

Le héros de l’histoire, Nicholas Bryson est un agent que le directorat, une autre de ces obscures agences ultra secrètes, a manipulé pendant plus de 15 ans. Je ne vais pas dévoiler ici de quelle façon, mais Bryson a connaissance du complot PROMÉTHÉE et c’est ici que le fil conducteur de l’histoire devient d’une remarquable efficacité : Bryson risquera le tout pour le tout afin d’empêcher la catastrophe.

il ira de pays en pays, subissant de multiples blessures, frôlant la mort, victime de trahison et de tromperie. L’auteur ne lui réserve que peu de repos. Plusieurs critiques comparent Bryson à James Bond mais je crois qu’il est infiniment plus malmené et dispose de moins de moyens. Il ne sait plus à qui se fier, la trahison et la mort l’entourent.

Une fois que j’ai bien saisi l’enchevêtrement des arcanes de cet incroyable pouvoir menant au contrôle de la planète, je me suis laissé emporter par le rythme soutenu imposé par l’auteur : beaucoup d’action, de rebondissements et s’ajoute à cela de la violence, de la haute technologie et enfin une plume tellement habile qu’elle propulse le lecteur dans l’histoire lui donnant l’impression d’être un personnage du livre.

J’ai dévoré ce livre, d’autant qu’il touche une corde sensible de notre société : la protection de la vie privée et des renseignements. J’ai été comblé par l’histoire mais je me suis retrouvé à la fin avec des questionnements dont je crains un peu les réponses si jamais on venait à me les donner : quel héritage ai-je laissé sur Internet, mes courriels, mes comptes électroniques?

À quel point ma signature électronique peut se retourner contre moi? N’importe qui, mal intentionné ou non peut-il tout savoir sur moi? Suis-je surveillé?

Remarquez que je n’ai pas développé de paranoïa, mais LA TRAHISON PROMÉTHÉE est un livre qui, en plus de nous propulser dans une action soutenue et de forte intensité est aussi porteur de questionnement sur les éléments qui contrôlent notre vie et sur le pouvoir magistral donné à celui ou ceux qui contrôlent l’information.

C’est un bon livre…il sent la décadence, mais il est fort excitant.

Suggestion de lecture : LE DOSSIER MÉTÉORE, de Benjamin Faucon

Robert Ludlum (1927-2001) était un écrivain américain connu aussi sous les pseudonymes de Jonathan Ryder et Michel Shepherd. Très tôt, il est attiré par le théâtre mais la carrière militaire prend le dessus. Après la guerre, il devient comédien, metteur en scène avant de se tourner vers l’écriture au début des années 70.

Depuis L’HÉRITAGE SCARLATTI publié en 1971, plusieurs de ses romans seront considérés comme des chefs d’œuvre. L’ensemble de son œuvre comprend 26 romans traduits dans 32 langues, l’adaptation au cinéma de quatre livres de la série JASON BOURNE et plusieurs films tirés de ses autres romans dont LE WEEK-END OSTERMAN par Sam Peckinpah .

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
AVRIL 2016

LA CHANCE DU DIABLE, livre d’IAN KERSHAW

Le récit de l’opération Walkyrie

*…je m’adresse aujourd’hui à vous pour deux
raisons : 1. Que vous puissiez entendre ma
voix et sachiez que je ne suis pas blessé et
que je vais bien; 2. Mais aussi que vous soyez
au courant des détails d’un crime qui est sans
équivalent dans l’histoire de l’Allemagne.*
(extrait du discours de Hitler dans la nuit du 21
juillet 1944 dans LA CHANCE DU DIABLE de Ian
Kershaw, Flammarion 2009, num. 150 pages.)

LA CHANCE DU DIABLE raconte, au fil des heures, le déroulement de la célèbre OPÉRATION WALKYRIE lancée le 20 juillet 1944, alors qu’une bombe éclatait dans la tanière du Loup, le quartier général d’Hitler, sur place avec ses principaux généraux. On sait qu’à ce moment, Hitler était le seul obstacle qui empêchait de mettre fin à une guerre définitivement perdue pour l’Allemagne. Kershaw raconte comment cette opération, qui a eu un effet d’ouragan sur le Parti Nazi et l’Allemagne, a lamentablement échoué, s’étant enlisée dans un amalgame de malchance et de confusion. Mais si les conjurés ont été malchanceux, c’est que quelqu’un quelque part a été chanceux…

Veine ou déveine?
*Entrer dans la conjuration contre Hitler, ou même
flirter avec elle, c’était mesurer, au fond de soi,
la distance qui vous séparait de vos amis, de vos
collègues, de vos camarades, entrer dans un
monde crépusculaire où les dangers étaient
immenses et s’isoler socialement, idéologiquement
et même moralement.*
(Extrait : LA CHANCE DU DIABLE le récit de l’opération
Walkyrie)

Ce livre raconte, presqu’en temps réel, les origines, l’organisation et le déroulement de la célèbre opération Walkyrie qui visait à assassiner Adolph Hitler le 20 juillet 1944 dans sa *tanière du loup*, c’est-à-dire son quartier général et par la suite réaliser un COUP D’ÉTAT qui devait en principe, permettre de négocier une capitulation honorable (car la guerre semblait irrémédiablement perdue pour l’Allemagne) et permettre une reconstruction de l’Allemagne.

C’est un livre crédible. Il évoque principalement l’incroyable chance d’Hitler d’avoir échappé à autant de tentatives d’assassinat, dont celle de l’opération Walkyrie, (qu’Hitler s’en soit sorti alors qu’il était à peine à quelques mètres de la bombe tient pratiquement du miracle).

le livre met aussi en perspective la malchance évidente des cerveaux de l’opération dont Von Stauffemberg et évoque aussi des faiblesses qui ne sont pas étrangères à l’échec de l’opération : de la confusion, de l’indécision de plusieurs membres de l’organisation (peut-être exacerbée par la crainte d’Hitler et des SS) et d’évidents problèmes de communication.

C’est un récit au rythme très élevé qui couvre tous les aspects de l’opération depuis les origines jusqu’à l’exécution des conjurés et qui m’a éclairé de façon satisfaisante relativement aux effets de Walkyrie sur l’évolution du nazisme et sur l’incroyable paranoïa qui caractérisait Hitler vers la fin de son règne. J’ajoute à cela plusieurs passages éclairants sur le contexte politique, humain et spirituel entourant Walkyrie.

La faiblesse évidente du livre réside dans une certaine étroitesse des mises en contexte et l’absence de référence : pas de prologue (il aurait été intéressant de voir par exemple quelles leçons les Allemands ont retenues de la première grande guerre, si leçons il y a), pas de bibliographie et pas d’organigramme, ni politique ni militaire.

Je vous avoue que je me suis pas mal perdu dans l’extraordinaire complexité de l’organisation militaire allemande qui déborde d’innombrables généraux, de chefs d’état-major, de colonels et colonels généraux, de lieutenants aux multiples affectations et j’en passe…

Je vous recommande donc ce livre mais je vous avertis qu’il nécessite une certaine concentration. L’auteur étant un grand spécialiste accuse je crois un petit manque d’empathie envers le lecteur.

Enfin, il serait intéressant qu’un auteur éclairé bâtisse une uchronie à partir de Walkyrie. En effet, imaginez un instant que l’opération ait réussi…

Suggestion cde lecture : LE MYSTÈRE MENGELE, de Jorge Camasara

Ian Kershaw est un historien, spécialiste de la seconde guerre mondiale et du nazisme, né le 29 avril 1943 à Oldha (Grand Manchester) en Angleterre. Il a écrit entre autres une biographie d’Hitler en deux tomes, considérée encore aujourd’hui comme une référence majeure sur le plan historique. Le principal argument de Kershaw sur l’installation de la dictature nazie repose sur le racisme confinant à la xénophobie, des dirigeants dénués de jugement, sur Adolph Hitler lui-même, en particulier sur son extraordinaire pouvoir charismatique… 

Adaptation au cinéma :
WALKYRIE

L’opération Walkyrie est brillamment reconstituée dans le film de Bryan Singer : WALKYRIE, sortie en 2009 avec Tom Cruise (qui incarne le colonel Von Stauffemberg)  à la tête d’une solide distribution dont Bill Nighy dans le rôle de Friedrich Oldbricht et Tom Wilkinson dans le rôle du général Fromm. L’adaptation est d’une précision historique et contextuelle fort intéressante. Je recommande de le regarder avant la lecture du livre, si celle-ci figure dans vos projets.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JANVIER 2016

Une toile machiavélique

Amies lectrices, amis lecteurs, mes meilleures salutations.

Aujourd’hui, je vous propose un article plus long qu’à l’accoutumée.

Ça pourrait être justifié par la longueur du livre, mais ça va beaucoup plus loin. Imaginez en effet que plane sur l’existence humaine un péril nouveau genre, ourdi par…le cinéma.

Je vous invite à lire mon article et à plonger avec moi, le temps d’une lecture, dans *le Côté obscur de la Force*.

Aller lire le commentaire sur La conspiration des ténèbres

JAILU

LA CONSPIRATION DES TÉNÈBRES, Théodore ROSZAK

alors même que leurs crimes son repoussants.
ils nous apparaissent comme les victimes d’un
sort cruel qui a détruit ce qu’ils avaient de
meilleur. Nous sentons leur combat et nous
savons qu’il est vain, car le mal contre lequel
ils se battent est trop grand. C’est un mal
phénoménal.
(extrait de La conspiration des ténèbres,
Theodore Roszak, le Cherche midi, 2004)

En fréquentant des cinémas de Los Angeles peu recommandables, Jonathan Gates, un universitaire, étudiant en cinéma, découvre l’œuvre cinématographique de Max Castle, un réalisateur prodige qui a tourné quelques films avant d’être oublié. Graduellement, Gates développe une fascination pour l’œuvre et la personnalité de Castle. Cette fascination tournera à l’obsession quand Gates découvrira des mystères entourant la vie et l’œuvre de Castle…mystères qu’il décide d’élucider par tous les moyens.

Cette quête plongera Jonathan Gates des hautes sphères de l’industrie cinématographique jusqu’au cœur des sociétés secrètes. Sa ténacité l’amènera à dévoiler un étonnant complot et surtout il apprendra qui était véritablement ce génial maître des illusions que fut Max Castle.

château cathare

AVANT-PROPOS : LE CATHARISME

Le catharisme est un mouvement chrétien médiéval. Les Cathares étaient en fait des Albigeois. Le terme Cathare a été développé par l’Église pour désigner de dangereux hérétiques condamnés et pourchassés par l’Inquisition pour de graves manquements aux doctrines de l’Église. Les Cathares envisageaient un salut passant par un strict zèle religieux poussant jusqu’à l’ascétisme avec interdiction formelle de procréer, chasteté complète.

Les Cathares devaient s’abstenir de toute méchanceté, de tout vice. Ils ne devaient pas tuer les animaux. Ils devaient s’abstenir de toute consommation issue de la reproduction animale : pas de viande, pas de lait, pas d’œufs, pas de produits dérivés. Ils étaient astreints à des carêmes éprouvants, voire mortifiants.

Le but des Cathares était de prêcher la plus stricte morale évangélique, sans temple ni aucun artifice *sacerdotal*.  Avec une telle radicalité,  il n’est pas étonnant que l’inquisition qualifie les Cathares de parfaits. Le paradoxe avec l’opulence de l’Église était pour le moins spectaculaire.

croix cathare

C’est un livre tout en longueur, (800 pages) avec une somme énorme de faits insolites, de détails sordides et d’anecdotes formulées parfois avec une crudité bouleversante. L’évolution de l’intrigue est d’une lenteur exaspérante. Mais j’invite le lecteur à persévérer car en plus d’apprendre beaucoup de choses sur l’âge d’or et les dessous d’Hollywood, l’auteur implique le  cinéma ainsi qu’une secte religieuse machiavélique dans un vaste complot, une machination diabolique qui vise à sceller définitivement le sort de l’humanité. Le sujet est original et bien que l’histoire est parfois prévisible, elle m’a tenu en haleine de par sa toile aussi captivante qu’effrayante.

C’est toutefois le livre le plus noir qu’il m’a été donné de lire. En effet dans cette histoire, le héros-narrateur Jonathan Gates étudie l’œuvre de deux êtres déviants et tordus : Max Castle et Simon Dunkle, réalisateurs et metteurs en scènes de bacchanales cinématographiques qui font plonger les cinéphiles dans un univers de stupre, de haine, de violence et de sang.

Ces réalisateurs à l’esprit torturé n’hésitent  pas à exploiter la technique de l’image subliminale et d’autres moyens sophistiqués dans le but de prôner le catharisme, un enseignement religieux qui, à mon avis est inapplicable parce qu’il exige l’ascétisme, l’abnégation totale, une chasteté complète, la mortification et un régime alimentaire absolument ridicule. Bref, une perfection tout à fait à l’opposé de la nature humaine, autrement dit, l’autodestruction de la chair.

Vous voyez un peu où je veux en venir. Il y a complot. Et ce complot nous est dévoilé par Roszak de façon très graduelle, avec une lenteur étouffante et des détails parfois dégoûtants jusqu’à soulever le cœur.

Outre le fait que le livre est très long, avec des personnages un peu fades et une conclusion qui n’en finit pas de finir et qui m’a déçu quelque peu, je classe LA CONSPIRATION DES TÉNEBRES comme un grand thriller historique d’une grande érudition, porteur d’une profonde réflexion sur l’énorme pouvoir du septième art, c’est-à-dire, sur cette capacité qu’a le cinéma de façonner les esprits, de créer des tendances, d’influencer les modes de pensées et d’apprentissages. Imaginez tout ce qu’on peut sortir sur le potentiel social du cinéma.

Il est facile d’imaginer aussi je pense le mal que peut faire le cinéma s’il tombait entre les mains d’esprits malveillants à cheval entre le génie et la folie. C’est un livre à la fois excitant et effrayant.

Suggestion de lecture : LE SYNDROME <E> de Frank Thilliez

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert

Février 2014

(En Complément…)