BINE, tome 9 de DANIEL BROUILLETTE

Tourista sous les palmiers

*-Est-ce que tu penses qu’ils sont en train de faire ce
que je pense ? Demande Maxim en retenant un
ricanement. – En tout cas, ils sont pas en train de
jouer à la pétanque…- Mes parents ont déjà fait la
même affaire à Old Orchard. – York ! Pas eux ! – Je
sais, c’est dégueulasse.*
(Extrait : BINE t9 TOURISTA SOUS LES PALMIERS,
Daniel Brouillette, Éditions Les Malins, 2018. Édition
de papier, 400 pages)

 

C’est envahi par la peur de mourir dans un écrasement d’avion que notre très brave Bine s’envole pour Cuba en compagnie de sa belle Maxim et de son père. Il se donne une semaine pour reconquérir celle qu’il aime, mais qu’il a malheureusement trahie. En vacances, loin de l’école sous un soleil magnifique et un décor enchanteur tout ne peut que bien aller, non ? Dans MARTINE À LA PLAGE, peut-être. Mais dans BINE, pas vraiment…

 

 

7 ans et 10 albums plus tard
*L’acte de se dandiner sur de la musique a quelque chose
de bizarre. Surtout qu’en temps normal, ça ne se passe
pas sur une scène devant une foule. D’habitude, les
gens dansent en rond, en petits groupes et rient en
sautillant comme si leurs pantalons subissaient une
infestation de mulots.*
(Extrait)

C’est en 2014 que j’ai fait la connaissance de Benoit-Olivier Lord, surnommé affectueusement et…comiquement, BINE dans le premier tome de la série : L’AFFAIRE EST PET SHOP. J’ai publié un commentaire à ce sujet en novembre 2014. Pour le lire, cliquez ici. Il y a des choses qui ne changent pas : Bine a toujours *un exceptionnel sens de la répartie et une magnifique spontanéité dans ses relations avec ses pairs* (Extrait du commentaire de 2014)

J’étais curieux de voir comment Bine avait évolué avec le temps. Dans le tome 9, Bine a 14 ans, la belle Maxim est toujours dans le décor et Bine en est amoureux fou. A-t-il vieilli ce fameux personnage issu de l’imagination de Daniel Brouillette ? Plus qu’issu en fait…Bine serait l’extension de Brouillette. Ce n’est pas moi qui le dit, le caractère autobiographique de la série est avéré. 

D’abord Brouillette a donné à 9-TOURISTA SOUS LES PALMIERS un caractère très intimiste. Peut-être même un peu trop si on tient compte, par exemple, des nombreux détails livrés sur les mécanismes de la diarrhée. *un courant chaud interne annonciateur de tempête et un vertige donnant le mal de mer, on jette l’ancre aux toilettes pour se vider, une, deux trois, quatre fois…ce n’est pas une simple indigestion qui afflige Maxim. On est au sommet de la hiérarchie des diarrhées. Une princesse. Nulle autre que lady Diarrhea…* (Extrait)

L’auteur est encore plus direct en limitant par exemple à une phrase le chapitre 19 : *Maxim se chie la vie* (Extrait) Cet aspect du livre, passablement dominant m’a fait plutôt déchanter. Mais au-delà des détails croustillants sur *l’asperge* de Bine *squeezée* dans son speedo léopard et sur la tuyauterie grumeleuse de Maxim, j’ai quand même pu cerner le personnage de Bine, comment il a grandi, comment il a changé.

D’abord, Bine n’est plus un enfant. C’est un ado…tributaire du réveil de ses hormones, obsédé par son *ZWIZ*. Il demeure spontané et attachant, mais personnellement, je l’ai trouvé un peu benêt. Toutefois, après avoir complété la lecture du livre et avec un peu de recul, j’ai compris que notre jeune héro est amoureux fou, qu’il a des choses à se faire pardonner. Ça le rend parfois aussi gauche qu’adorable. Si je vais bien au-delà de son petit caractère dégoûtant :

*Mais l’entendre épandre du purin en quantité suffisante pour remplir un silo est une première. C’est triste à dire et je sais que ce n’est pas de sa faute, mais c’est carrément dégueulasse. * (Extrait) ce récit est une histoire d’amour d’adolescent. Et les péripéties du voyage à Cuba ne sont que des diversions…tous les chemins mènent à Rome. Je peux bien maintenant pardonner à l’œuvre de Brouillette ses petits aspects dérangeants.

Pour le reste, l’auteur maintient le cap : des chapitres courts, numérotés et titrés de façon originale et drôle : *une partie de ping-pong avec la fille qui pogne* (Titre du chapitre 13). Écriture directe et fluide. Comme je le mentionne plus haut, il y a des choses qui ne changent pas…il y a une ou deux constantes dans les 9 tomes de Bine, un fil conducteur tenace mais rassurant :

*la belle Maxim qui fait battre son *ti-cœur* et dans son langage basé sur un vocabulaire pas toujours recherché et pas toujours appétissant mais qui finit toujours par nous faire sourire avec des jeux de mots parfois douteux mais dont plusieurs ne manquent pas d’originalité. * (Extrait du commentaire sur L’AFFAIRE EST PET SHOP)

Bine a maturé mais il est encore très jeune et il lui reste beaucoup d’aventures à vivre. La finale de l’histoire promet une suite intéressante. J’ai dû combattre un peu mon côté réfractaire aux changements mais j’étais heureux de le retrouver. Je n’hésite pas à vous recommander la série…

Suggestion de lecture : LE FABULEUX MAURICE ET SES RONGEURS SAVANTS, de Terry Pratchett

Pour parcourir la collection BINE et toute la bibliographie de Daniel Brouillette, cliquez ici.


L’auteur Daniel Brouillette

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 7 mai 2022

 

RÊVES ET CAUCHEMARS, de ALEXANDRE CHARBONNEAU

*…et l’autre derrière m’a donné un coup de
couteau dans le dos. Ensuite, je me suis
écroulé et l’autre avait un bâton de baseball,
je crois…il me frappait encore et encore un
peu partout.*
(Extrait : RÊVES ET CAUCHEMARS, Alexandre
Charbonneau, DAD Éditions, collection
Panache, 2018, édition de papier, 330 pages)

Voici l’histoire d’un adolescent dont les nuits sont hantées de cauchemars inquiétants qui ne s’évanouissent pas toujours aux premières lueurs du jour ; Droite ou gauche ? La plupart du temps, c’est un choix anodin. Vous êtes dans une nouvelle école, perdu, et si ce n’est pas le bon corridor, vous essayez l’autre, tout simplement. Ici, c’est différent. Ici, peut-être que la droite mènera à une jouissance, une euphorie totale, mais éphémère, qui rendra ensuite la vie bien morne et misérable.

Le chemin de gauche, lui, mènera peut-être à une souffrance insoutenable, une longue agonie constituée de chaos et d’épouvante. Et quand tout cela se répète indéfiniment, quand il n’y a pas possibilité de faire marche arrière et quand, au bout du compte, c’est le hasard cruel qui décide lequel de ces deux enfers il faudra affronter, tout ce qu’on espère, finalement, c’est de ne pas y laisser derrière, à l’embranchement, la raison. 

CHAOS SUR FOND DE FANTASY
*Ça ne va pas être un défi des plus facile.
Le surnaturel tente de s’approprier le réel.
Livide, la panique lui creuse le ventre.
La terreur marque ses bras tremblants.
Une angoisse déchirante le fait haleter…*

(Extrait : RÊVES ET CAUCHEMARS)

RÊVES ET CAUCHEMARS est l’histoire de Léandre, un adolescent tourmenté par des cauchemars dont le réalisme est perturbant. Ses rêves débutent invariablement par la vue de deux escaliers, un à gauche, l’autre à droite. Un de ces escaliers mène au rêve, l’autre au cauchemar, et c’est aléatoire. Chaque fois qu’il sort d’un cauchemar, Léandre apporte une petite contribution onirique au monde réel.

C’est ainsi que son père devient bizarre, que son environnement subit des changements, très sensibles au début, mais de plus en plus en plus, Morphée tente de s’emparer du monde réel en créant une forte attraction entre l’univers onirique de Léandre et le monde réel. Les amis de Léandre s’introduisent dans ses rêves. On dirait un jeu dont la cruelle issue serait une distorsion permanente de la réalité.

Ce que je note en premier lieu de ce livre, c’est l’effort que l’auteur a déployé pour rendre le tout cohérent car plus le récit avance plus les éléments de l’univers onirique s’imbriquent dans la réalité et Léandre, un ado attachant mais torturé par cette folie surnaturelle qui se plante au milieu du décor comme un chevalier de *donjon et dragon* fait de son mieux.

En fait, Léandre EST l’instrument de la cohérence. Ça lui coûtera cher en douleur, en souffrance, en doute. Il y a peut-être un sens à tout ça, mais c’est loin d’être évident : *« Tu sais ce qu’on dit hein Léandre ? Tuez-les bien, tues-les mal, mais tuez-les !» Le cœur de Léandre bat comme une locomotive. Louis ne pourra pas être raisonné, il le sait à présent… (Extrait)

Le fil conducteur de l’histoire est instable ce qui rend le livre un peu difficile à suivre. On sait que Léandre fait des cauchemars, et que ceux-ci s’évanouissent de moins en moins au réveil. On dirait que Léandre est au centre d’une convergence de forces surnaturelles qui échappent à la compréhension humaine. Pourtant, il faut y mettre fin.

Le lecteur doit vraiment se concentrer pour comprendre où s’en va Léandre, autrement dit, où veut en venir l’auteur. Il y a de la cohérence dans le crescendo, elle permet une certaine compréhension vers la fin. Toutefois, j’ai trouvé la finale étrange, un peu frustrante, suspendue entre le rêve et la réalité

Une des grandes forces du récit réside dans son pouvoir descriptif. D’abord, Charbonneau a bien travaillé son personnage principal. Léandre est attachant, combattif et ombrageux. Sa solidité et son endurance dépassent l’entendement. Personnellement, je crois que je n’aurais pas survécu à un tel chambardement mental et émotionnel.

Le personnage est surréaliste et ça m’a plu je dois dire. L’auteur a planté des décors tantôt simples tantôt spectaculaires et mettant l’emphase sur leur caractère onirique. Tout est intense, saisissant, impressionnant. L’auteur décrit le monde onirique de Léandre avec un remarquable souci du détail et même parfois de l’humour :

* …Les murs sont peints en rouge sang. Il y a de nombreuses affichettes qui arborent des publicités quelconques. Un vaste escalier s’élève devant lui. Aucune fenêtre. Deux statues de gargouille installées de chaque côté. Étrange endroit. On dirait un accouplement entre une boîte de nuit et le château de Dracula.*.

Il m’a fallu de l’attention, de la concentration pour comprendre la démarche de Léandre, c’est-à-dire le jeu imaginé par l’auteur et qui met en présence le rêve et la réalité qui se fondent un dans l’autre. J’aurais préféré une finale un peu moins glauque, Mais dans l’ensemble, j’ai considéré RÊVES ET CAUCHEMARS comme un beau défi de lecture…agréable et divertissant et…ah oui…pas mal intriguant.

Suggestion de lecture : LE LIVRE DU VOYAGE, de Bernard Werber

Alexandre Charbonneau est un auteur québécois spécialisé dans la littérature fantastique et fantasy. Je n’ai pas trouvé beaucoup de choses sur le parcours d’Alexandre mais je vous livre tout de même un extrait fort intéressant de sa présentation Facebook :

*Déjà quand j’étais tout petit, je me réfugiais dans mes mondes imaginaires. Je transformais une feuille de papier en une multitude de donjons sombres ou en vaisseaux spatiaux en mission. Assez jeune, j’ai découvert la série Un livre dont vous êtes le héros que j’ai adoré.

J’aime tout ce qui est fantasy et fantastique. J’ai créé la série Les mercenaires en m’inspirant un peu de Game of Thrones et de Tarantino ; j’aime toute l’idée de la dynamique entre plusieurs personnages principaux différents tout au long d’une histoire. *

Alexandre Charbonneau est sur Facebook.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 14 février 2021