*Les températures que nous avons en ce moment
en Saskatchewan sont incroyablement basses et
il n’y a aucune chance qu’elles remontent. Nous
avons pris hier à Ottawa une décision qui sera
annoncée demain. Nous allons évacuer
Winipeg…*
(Extrait : LE SIXIÈME HIVER, Douglas Orgill & John
Gribbin, Éditions du Seuil, t.f. 1982, édition de papier
355 pages)
Sur une route du Dakota du sud, un automobiliste bloqué par une tempête de neige voit soudain une espèce de colonne blanche tourbillonnante effacer un village de la carte…Dans des régions habitées d’union Soviétique, on a observé des hordes de loups…Signe avant-coureur, d’une mutation brutale du climat que le docteur William Stovin avait annoncée sans être entendu: après un intermède de 15 000 ans, la terre retourne à sa condition normale et une nouvelle ère glaciaire commence. New-York, Chicago, Montréal, Hambourg, Moscou, rapidement inhabitables, finissent par disparaître. Il n’y a plus ni essence ni électricité. La famine s’étend.
CAUCHEMAR BLANC
*Voici ce que vit alors Stoven. Un grand rectangle
d’une centaine de mètres carrés était entouré
d’une barrière construite à la hâte. Et, sous de
grandes bâches, étaient allongés des corps par
centaines, entassés les uns au-dessus des
autres…il n’y avait pas eu un seul survivant.*
(Extrait : LE SIXIÈME HIVER)
Bien que publié en 1982, ce livre a conservé toute son actualité. C’est un récit original à plusieurs égards en particulier parce qu’on y développe l’idée d’une fin du monde indépendante des méfaits de l’humanité.
Les auteurs décrivent la fin d’un cycle pour notre bonne vieille terre qui est précipitée dans la sixième ère de glaciation de son histoire et les signes annonciateurs sont d’une horreur sans nom, entre autres, la manifestation de ce que les autochtones appellent le danseur : une gigantesque tornade de neige et de glace qui élimine une ville de la carte en quelques secondes.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les auteurs ont trouvé le ton juste car c’est un récit à faire froid dans le dos, ceci dit sans jeu de mots : *Ce froid, dit Stovin, n’est pas de ce monde. Véritablement pas de ce monde. Quelle est la température à une vingtaine de kilomètres de haut ? Même au-dessus de l’équateur. Quelque chose comme quatre-vingts degrés en-dessous de zéro…* (Extrait)
L’histoire laisse à penser que les humains sont de biens petits formats devant une nature déchaînée : *Si l’on ne tient pas compte des effets à long terme, ce qui a frappé cette ville est plus terrible que la bombe atomique d’Hiroshima* (Extrait) Les phénomènes de glaciation décrits dans ce livre sont foudroyants et sont de nature à ne pas laisser le lecteur indifférent.
Si vous avez vu le film LE JOUR D’APRÈS de Rolland Emmerich, vous avez automatiquement une bonne idée du livre. LE SIXIÈME HIVER, tout comme le scénario du film se divise en deux grandes parties : la description détaillée d’une chaîne de catastrophes et une opération de sauvetage, et la science des premières nations, la culture inuit en particulier qui a pu s’adapter au fil des siècles et qui semble encore y parvenir.
J’ai trouvé ce roman excellent, crédible et captivant. Il a les qualités d’une étude sérieuse de la société, une analyse des comportements qui va au-delà de la science et de la psychologie humaine. Je pense aux scientifiques américains et soviétiques coincés autant dans la neige que dans leur mentalité politique. Alors maintenant, imaginez un monde où il n’y a plus de frontières et dans lequel il faut s’organiser avec l’objectif immédiat de survivre.
Je n’ai que deux petits reproches à faire. D’abord la vitesse incroyable des évènements. On peut l’observer dans le livre tout comme dans le film LE JOUR D’APRÈS. Ce qui doit prendre des centaines d’années à arriver se passe en quelques jours C’est le côté catastrophiste du récit par opposition au terme catastrophique.
On manque de place, on manque de temps alors on précipite tout : *…il ne s’agissait pas de débattre si la terre se refroidissait ou non…elle se refroidit. Mais beaucoup de chercheurs continuaient de se cramponner à l’idée que les changements de climat sont…très lents…les pessimistes pensaient…environ deux siècles. Les optimistes disaient dix mille ans .* (Extrait)
Que l’humanité soit confrontée à une catastrophe de grande envergure, je n’en doute pas. Mais d’instinct, je pense que ça ne se fera pas en claquant du doigt. Est-ce que l’humanité aura la sagesse de s’y préparer ? Ça c’est une toute autre histoire.
Le livre pose un problème intéressant. Est-ce que l’homme pourrait survivre en éliminant complètement les barrières politiques et culturelles ? C’est là je crois une formidable matière à débat. Donc un très bon livre, pas loin du chef d’œuvre qui se lit vite et bien…à lire avec une petite laine…
Suggestion de lecture : A COMME APOCALYPSE, de Preston et Child
John Gribbin
Douglas Orgill (1922-1984) était un écrivain américain. Auteur d’un essai sur Laurence d’Arabie, il débute en 1979 une collaboration avec John Gribbin pour publier deux livres dont LE SIXIÈME HIVER pour lequel il a effectué des voyages en Sibérie et en Alaska pour recueillir des données utiles à son oeuvre.
John Gribbin est un écrivain et scientifique britannique né en 1946. Après des études d’astronomie et d’astrophysique, il a collaboré à Nature, l’une des plus prestigieuses revues scientifiques du monde. Auteur de divers ouvrages destinés au grand public, dont plusieurs consacrés à la climatologie, Gribben a publié près d’une centaine d’œuvres.
UN FILM À LA MÊME ENSEIGNE
Film catastrophe américain réalisé par Roland Emmerich et sorti en 2004. Le climatologue Jack Hall avait prédit l’arrivée d’un autre âge de glace, mais n’avait jamais pensé que cela se produirait de son vivant. Un changement climatique imprévu et violent à l’échelle mondiale entraîne à travers toute la planète de gigantesques ravages : inondations, grêle, tornades. Jack a peu de temps pour convaincre le Président des États-Unis d’évacuer le pays pour sauver des millions de personnes en danger. A New York, à – 20° C, Jack entreprend une périlleuse course contre la montre pour sauver son fils.
Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 7 juin 2020