PRESCRIPTION MORTELLE, de Robin Cook

*Elle voulut se redresser. La pièce se mit aussitôt
à tournoyer devant ses yeux. Sa tête retomba sur
l’oreiller tandis qu’une puissante sensation de
vertige presque nauséeuse la submergeait. Son
cœur battait à tout rompre dans sa poitrine. *
(Extrait : PRESCRIPTION MORTELLE, Robin Cook,
Le livre de poche 2016, version audio : Audible studio
éditeur 2017. Durée d’écoute : 12 heures 6 minutes.
Narrateur : Olivier Chauvel)

George, jeune radiologue, a contribué à la création d’un smartphone qui permet d’ausculter le patient en direct, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et de lui délivrer diagnostics et ordonnances. Un bijou qui pourrait bien réduire de façon spectaculaire les dépenses de santé aux États-Unis. Mais les choses se gâtent quand les participants à la phase test décèdent les uns après les autres… 
Mêlant nouvelles technologies, et intérêts financiers, le livre sonne l’alarme sur les dérives de certaines recherches de pointe.

Les dérives de la recherche
Cette santé publique, les médecins auraient dû eux aussi la défendre.
 Mais ils n’ont pas voulu parce qu’ils ont eu peur de perdre le contrôle
 de leur profession. Et aujourd’hui, ironiquement, c’est exactement ce qui
va leur arriver avec les outils numériques comme iDoc. Peut-être que nous
 méritons ce qui nous tombe dessus, après avoir si longtemps pratiqué la 
  médecine comme des marchands de maladie !
(Extrait)

Malgré une ou deux petites déceptions, je maintiens que Robin Cook est une valeur sûre. Ici, il se sert de la folle progression des percées technologiques pour pondre une histoire originale qui fait froid dans le dos. L’histoire est celle de George, interne en radiologie dans un grand hôpital. Une amie de George, Paula décide de développer une idée émise par George il y a quelques temps : la création d’un logiciel pour téléphones intelligents capable de remplacer intégralement le médecin de famille.

Imaginez, une application qui, 24 heures par jour, ausculte, examine, analyse, émet un diagnostic et délivre des ordonnances. Toutefois, pour des raisons qui sont au cœur de l’intrigue, le système *pète les plombs* et dérive complètement. Il y a des morts dont la conjointe de George ainsi que son meilleur ami.

Georges soupçonne une action criminelle et décide d’aller jusqu’au bout pour mettre les responsables hors d’état de nuire, et ce, sans trop savoir qu’il le fait au péril de sa vie surtout qu’il y a plus de traîtres que d’alliés dans son entourage.

Histoire originale dont le rythme va crescendo. Le personnage principal George est attachant mais je crois que l’auteur l’a affublé d’un peu trop de naïveté. Dans l’ensemble, c’est bien construit avec revirements et rebondissements. J’ai été un peu déçu par la finale qui laisse pratiquement George en suspension. Pas de détails, pas d’explications…une suite peut-être, mais qui ne viendra jamais. Dans l’oeuvre de Cook il y a toujours des questionnements ou une morale à extraire de ses histoires.

Ici, il nous donne beaucoup de matière à réflexion sur les dérives des Nouvelles Technologies et ce n’est pas pour me déplaire. À ce titre, PRECRIPTION MORTELLE a un petit quelque chose de dérangeant. C’est un roman branché sur notre réalité quotidienne, sur l’actualité et sur les infinies possibilités de la technologie à partir du moment où on est connecté. Le tout présenté sous forme de polar parfois essoufflant.

En ce qui concerne la version audio, le gros irritant réside dans la technique. Beaucoup de fins de phrases et de finales sont escamotées comme si le micro automatique était mal réglé. De plus, dans le dernier quart du livre, le relâchement technique va jusqu’à laisser entendre des toussotements, raclements de gorge et reniflements.

Je crois que ce livre n’a pas été réécouté avant sa mise en marché ou alors, je ne comprends vraiment pas pourquoi l’éditeur a accepté un résultat aussi mauvais.

Suggestion de lecture : CHIMÈRE, de Tess Gerritsen

Médecin de formation, diplômé de l’université de Columbia, Robin Cook manie aussi bien la plume que le scalpel et excelle dans la rédaction de romans. Surtout des récits policiers inspirés de ses expériences dans le milieu médical avec l’objectif de faire prendre conscience des dangers et enjeux éthiques de la médecine moderne.

Cook développe des thèmes controversés qui deviennent sujets à effrayer le commun des mortels et à ce titre, il connait des succès plus que flatteurs. L’écrivain explique l’engouement du public par la portée des thèmes abordés en comparaison avec certains thrillers moins réalistes. Robin Cook a su inventer un genre novateur et transmet sa passion pour la médecine tout en sensibilisant son public aux problèmes éthiques liés à la santé publique.

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 23 septembre 2023

NE TE RETOURNE PAS, le livre de KARIN FOSSUM

*Quand il eut révisé l’ensemble, il replaça le haut du crâne, le recouvrit en tirant le haut de la tête, puis rinça consciencieusement l’intérieur du corps à grande eau avant de remplir la cage thoracique de boules de papier journal froissé. Enfin, il la referma
à l’aide d’une couture. Il avait vraiment faim…

(Extrait : NE TE RETOURNE PAS, Karin Fossum, Odin éditions, mai 201. Édition de papier, 370 pages)

Une fillette trop confiante, Ragnhild, six ans, qui accepte de monter en voiture avec un inconnu. Le cadavre d’Annie Holland, une jeune fille de 15 ans, trouvée nue au bord d’un lac. Le petit ami d’Annie, Halvor, soupçonné d’avoir supprimé son père. Un garçonnet, Eskill, deux ans, mort étouffé en mangeant des gaufres.

L’entraîneur de handball, Knut, emprisonné pour viol. Un trisomique, Raymond, incapable de discerner le bien du mal mais en adoration devant ses lapins. Voilà de quoi donner du fil à retordre à l’inspecteur de police Konrad Sejer et son adjoint. L’enquête s’annonce coriace.

À LA SCANDINAVE
*Raymond se tenait non loin, à la
contempler. Il avait une petite
fille pour lui tout seul et personne
ne les avait vus.*
(Extrait : NE TE RETOURNE PAS)

C’est un roman intriguant et captivant. D’abord une petite fille accepte de monter en voiture avec un inconnu. Raymond, un trisomique obsédé par le soin de ses lapins. Ensuite, une jeune fille de 15 ans, Annie Holland est retrouvée morte, nue au bord d’un lac. Comme il n’est rien arrivé à la petite fille qui est montée en voiture avec Raymond, j’ai cherché à faire le lien entre ces deux éléments.

Je l’ai finalement trouvé à la dernière ligne du roman. L’auteur m’a eu…il m’a gardé jusqu’à la fin. Pour le meurtre d’Annie, les policiers se sont évidemment tournés vers le petit ami Halvor, mais lui-même est tué laissant les policiers en plan jusqu’à ce que la petite lumière allume dans une finale écrite de main de maître. 

L’enquête est effectivement coriace et c’est là qu’intervient la principale faiblesse du roman. Dans le milieu du récit l’enquête s’enlise et le récit s’enlise avec. L’auteur se permet des digressions. Ça devient un peu plus long à suivre et c’est ennuyeux mais ça finit par redémarrer sur un chapeau de roue.

Ceux qui connaissent l’auteure, Karin Fossum, connaissent les inspecteurs Sejer et Karlsen, des personnages récurrents dans l’œuvre de Fossum. Sejer en particulier est calme, presque lent, méthodique à en être énervant. Il n’y a donc pas vraiment de rebondissements spectaculaires, pas de violence gratuite. Seulement de l’opiniâtreté, un peu à la Columbo. 

Ce qui est surtout spécial c’est que l’identité de la personne qui a tué Annie n’est pas formellement établie, écrite noir sur blanc. C’est vraiment à la fin que le lecteur est mis sur la piste. J’aime ce genre d’intrigue typique de la littérature policière nordique.

Je reconnais entre autres le style de Camilla Läckberg, lent mais sûr et je suis heureux de retrouver des policiers qui ne s’étendent pas sur leur état d’âme, un irritant que je retrouve beaucoup trop souvent dans la littérature policière. 

C’est un polar au rythme lent à moyen mais bien ficelé avec des personnages bien travaillés quoique l’auteur ne m’a pas vraiment poussé à m’y attaché. Il faudra que je lise d’autres polars de Karin Fossum.

car les critiques s’entendent sur son exceptionnelle capacité de jouer avec l’imprévisible toujours dans un environnement ou un contexte sans complication, où tout semble ordinaire, tranquille et simple. Ça crée parfois des effets de surprise qui brassent un peu la colonne dorsale. C’est exactement ce qui m’est arrivé. 

Ce n’est pas un roman qui tranche par son originalité. Son sujet est très courant en littérature policière. Ici c’est l’efficacité de l’écriture qui tranche et certains revirements fort bien imaginés qui font toute la différence. Ce livre m’a plus. Le temps a passé vite.

Suggestion de lecture : LE MYSTÈRE DES JONQUILLES, d’Edgar Wallace

Karin Fossum est une romancière norvégienne née à Sandefjord le 6 novembre 1954. Elle a commencé par publier, en 1974, un recueil de poésie qui lui a valu le Prix des débutants Tarjei Vesaas. Elle s’est lancée dans le genre policier en 1995 avec L’Œil d’Eve, qui a rencontré un excellent accueil après de la critique.

C’est le premier d’une série couronnée par le Prix Riverton (meilleur polar de l’année en Norvège) en 1996 pour Ne te retourne Pas ! et le prix nordique La clé de Verre en 1997 pour Celui qui craint le loup. Depuis, elle a publié Le Diable Tient la Torche et Poona, mon amour. 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 6 juin 2021