CHARADE, le livre de Laurent Loison

* La pénombre enveloppait la pièce. Helena souffrait d’un mal de tête intense… Elle voulut porter la main derrière sa nuque. Rien ne bougea… Était-elle paralysée ? Elle paniqua franchement. Aucun mouvement possible. Ses poignets, ses chevilles étaient solidement ficelés et les entraves l’étreignaient avec la rigidité d’un barbelé.
Elle hurla. Pas un son ne franchit la barrière de ses lèvres. *

(Extrait : CHARADE, Laurent Loison. Édition originale, France Loisirs éditeur, 2015, 432 pages. Version audio : Audible studios éditeur, 2017, durée d’écoute : 10 heures 10 minutes. Narrateur : Sébastien Ossard)

Il laisse derrière lui des cadavres de jeunes femmes atrocement torturées et de mystérieux messages. Ce cruel et terrifiant tueur en série est pourtant traqué par le meilleur flic du 36, le commissaire Florent Bargamont, et une brillante criminologue, Emmanuelle de Quezac.

La fin d’abord
*Personne ne souhaitait accéder aux
exigences du présumé tueur à la
charade. *
(Extrait)

D’abord, si vous comptez lire ce livre, recevez cet avertissement : Il n’est pas pour les âmes sensibles et les insomniaques : *D’abord incrédule, Emmanuelle perdit ses forces lorsqu’elle comprit que l’assassin ait dû tartiner le visage de la victime avec la cervelle de son ami tout juste mort. * (Extrait)

Un commissaire à l’âme tourmenté, Florent Bargamont et une jeune criminologue Emmanuelle de Quézac enquêtent sur des meurtres d’une inimaginable barbarie. Le tueur laisse derrière lui des cadavres de jeunes femmes incroyablement mutilées, désintégrées laissées aux cauchemars des policiers, chacune avec une feuille de papier contenant un bout de charade annonçant la vision d’horreur suivante : *Seul un des deux est utile à mon second * (extrait)

Pour cette sorte de crime qui dépasse l’entendement, Bargamont était considéré comme le meilleur policier de France : *On ne m’appelle que pour les cas sordides et abjects…les usines à cauchemars si vous voulez. * (Extrait)

La tension monte, l’opinion publique s’alarme, l’enquête devient une course contre la montre…le ton est donné dès le début : *Nous traquons des criminels de la pire espèce ici, des malades à en écrire des thèses de plusieurs volumes. Tous les officiers qui travaillent ici ont tous une case en moins ou en plus * (Extrait)

J’ai déjà dévoilé je crois le principal irritant que je rencontre le plus souvent dans l’univers des romans policiers : l’état d’âme des policiers. Dans CHARADE, l’auteur accorde autant d’importance au tueur et à l’enquête qu’à l’âme torturée du policier Bargamont. Mais j’ai compris pourquoi un peu vers la fin du récit. L’auteur n’avait pas le choix tellement le héros était lié à son enquête, un lien viscéral qui est une des surprises générées dans la finale.

Il faut voir qui est Florent Bargamont : un caractériel mufle, grossier, froid, tourmenté, déprimé, cassé et toujours au bord de la destruction. Le seul élément qui l’humanise un peu dans l’histoire est son amourette avec sa psychiatre qui finit par faire un rapport mitigé. Bargamont est un spécialiste de la noirceur de l’âme et c’est lourd à porter.

Avec L’AIGLE DE SANG de Jean-Christophe Chaumette, CHARADE est ce que j’ai lu de plus noir comme roman. * Cette histoire est une démonstration poussée de ce qu’est un pervers narcissique * (extrait) L’écriture est froide et directe. Peu ou pas de longueurs, pas de dentelle. Certains passages sont d’une crudité à faire frémir. Rien ne filtre quant à l’identité du tueur, ce qui prépare le lecteur à une finale énorme avec un coupable tout à fait improbable.

Les deux principaux personnages ont quelque chose d’attachant dans la mesure où on apprend à les comprendre. Bargamont en particulier, appelé Barga par ses proches. L’intrigue tient le coup jusqu’à la toute fin avec en prime plusieurs rebondissements. Je peux vous dire honnêtement que je n’ai pas saisi la charade. Elle est effectivement peu accessible.

Même si elle ouvre la voie sur d’étranges coïncidences que je vous laisse le soin de découvrir, je crois que l’auteur l’a compliquée pour rien. Un mot sur le rythme : effréné. Aussi effréné que le tueur est sadique. Je ne vais pas dévoiler l’intrigue mais vous serez surpris de l’origine de la charade qui repose essentiellement sur la jalousie et la vengeance.

J’ai choisi la version audio de l’histoire. Peut-être n’aurais-je pas dû. La narration de Sébastien Ossard est intéressante mais j’ai eu l’impression que sa signature vocale amplifiait un caractère surfait, caricatural et surréaliste déjà sensiblement présent dans l’histoire. La lecture est vivante et dynamique mais n’arrive pas à donner à l’ensemble un niveau convenable de crédibilité.

Enfin, le récit comporte beaucoup de clichés. Dans le cas de Bargamont, on aurait effectivement le portrait du policier sans peurs et sans reproches mais bourré de problèmes dans la structure de sa personnalité. Toutefois son rôle dans cette enquête, son rôle profond échappe à toutes prévisions du lecteur et ce qui fait toute l’originalité du livre. Au-delà du support utilisé, je recommande CHARADE comme un défi à relever.

Pour ceux qui auront apprécié, je précise que Florent Bargamont est de retour dans le deuxième livre de Loison, CYANURE. La trame est différente quoique toujours aussi glauque et *Barga* est aux prises avec une autre tourmente personnelle.

Suggestion de lecture : JEU DE MORTS, de Jean-Sébastien Pouchard

Né dans le Val d’Oise en 1968, l’auteur réserve une grande part de son temps à l’écriture, sa passion de toujours, rédigeant ainsi plusieurs ouvrages qu’il garde pour ses proches. « Charade » cristallise l’aboutissement d’un travail exigeant dans lequel il a pu insuffler à ses personnages la multitude d’émotions et de sentiments qui animent son imagination bouillonnante et qu’il souhaite aujourd’hui partager. 

Bonne écoute
Bonne lecture
Claude Lambert