Le pape et Hitler 1

L’histoire secrète de PIE XII

De John Cornwell
commentaire partie 1

 *Eugenio Pacelli n’avait rien d’un monstre. Son cas est autrement plus complexe et tragique. Tout l’intérêt de son itinéraire réside dans le mélange contradictoire et fatal de hautes aspirations spirituelles et d’un appétit effréné de pouvoir.

Il s’en dégage le portrait non pas du mal, mais d’une fatidique dislocation morale : celle du divorce de l’autorité et de l’amour chrétien. La collusion avec la tyrannie et, en définitive, la violence, furent le fruit de cette rupture. *

(Extrait de la préface, LE PAPE ET HITLER de John Cornwell, Albin Michel éditeur, 1999, édition de papier, 493 pages.)

Pie XII (1876-1958) fut-il Saint homme ou un nouveau Machiavel qui pactisa avec le diable nazi ? L’éminent dignitaire du Vatican, qui s’attacha à renforcer le pouvoir pontifical, joua-t-il, dans le même temps, le rôle de  » Pape de Hitler »?

C’est à ces interrogations que répond John Cornwell en s’appuyant sur des documents inédits et jusqu’alors inaccessibles au grand public – les dépositions sous serment de soixante-huit témoins entendus pour le procès de béatification et les archives des services de la Secrétairerie d’État du Vatican – ainsi que sur les nombreux travaux consacrés aux activités de Pie XII en Allemagne dans les années 1920-1930.

Autant de sources qui révèlent la vraie personnalité d’un homme tiraillé entre les plus hautes aspirations spirituelles et un appétit effréné de pouvoir.
C’est un livre-document dont le retentissement international ébranle la doctrine de l’infaillibilité pontificale elle-même, renouvelle, par les éléments qu’il dévoile, le débat sur la culpabilité de l’Église catholique durant la Deuxième Guerre mondiale.

 Le silence de PIE XII
toujours débattu

Avec ma passion de l’histoire de la papauté et du Vatican, le pontife sur lequel j’ai investi le plus de temps fut sans aucun doute PIE XII que j’appelle le pape du silence. J’essaie toujours de comprendre la nonchalance et la pusillanimité d’Eugenio Pacelli, PIE XII alors que les nazis exécutaient la solution finale d’Hitler, c’est-à-dire l’extermination des juifs par millions.

Pie XII refusait obstinément d’user de sa forte autorité morale pour dénoncer aux yeux du monde les horreurs de cette guerre, la cruauté des SS et de Hitler et sa clique. Tous les gouvernements le suppliaient d’intervenir. Rien à faire.

Il n’avait rien à dire sinon des déclarations floues, ambiguës, nébuleuses qui prêtaient à toutes sortes d’interprétations.

Encore un livre sur Pie XII allez vous me dire ? C’est vrai mais dans ce livre de Cornwell, j’ai apprécié l’argumentaire qui repose en bonne partie sur les témoignages du procès en béatification de Pie XII. Il en ressort malheureusement que les spécialistes et historiens sont toujours divisés sur l’immobilisme du pape pendant la deuxième guerre mondiale.

Le livre de John Cornwell est en trois parties. La première détaille les magouilles de PIE XII, appelées pompeusement des actions diplomatiques. Pie XII était le nonce du pape et sa démarche avait plusieurs objectifs, entre autres, protéger les catholiques allemands de la montée du nazisme, peu sympathique à la religion.

Ensuite, au-delà de tout, Pacelli voulait préserver et renforcer le centralisme et le pouvoir d’une église monolithique et autocratique visant le pape comme la seule, unique et infaillible autorité suprême. Pacelli considérait comme prioritaire la protection du Vatican et de ses institutions et voulait que Hitler les considère comme intouchables. Protéger ou sauver des vies humaines semblait secondaire.

Ces écrits m’ont conforté dans mon impression que plus Pacelli se rapprochait d’un concordat avec Hitler, plus ce dernier s’en éloignait et manipulait à sa guise.

La deuxième partie du livre est consacrée au pontificat de Pie XII. Il nous en apprend beaucoup sur l’homme : exigeant pour lui et les autres, autoritaire, autocratique, ascétique et très versé dans la spiritualité au point d’aspirer à la sainteté. Toutefois, la plupart des témoignages confèrent à Pie XII une bonne nature, il était bienveillant et très humain.

Je comprends, de l’œuvre de Cornwell, que Pie XII avait une empathie plutôt sélective et qu’il était antisémite. Rien de ce que j’ai lu sur Pie XII ne vient prouver le contraire.

La troisième partie du livre concerne l’héritage de Pie XII. Jean XXIII allait hériter d’une église en totale rupture avec la modernité, ce qui l’a poussé à convoquer le concile Vatican 2. Beaucoup de chicanes en perspective entre les réformistes et les orthodoxes.

Quant à cette aura qui entoure le pape, elle couvera quelque peu sous Paul VI et sera par la suite fortement réactualisée sous Jean-Paul II.

C’est un livre abondamment documenté. Il jongle avec le pour et le contre, tentant d’être objectif. Je peux admettre certains éléments en faveur de Pie XII comme par exemple, le fait qu’en s’abstenant d’intervenir, le pape évitait ainsi des représailles qui auraient pu coûter beaucoup de vies. Je peux admettre aussi qu’en n’intervenant pas, Pie XII se plaçait en meilleure position pour être le médiateur idéal dans un processus de paix.

Dans ce livre, je n’ai malheureusement rien trouvé qui justifie l’inaction et le silence de Pie XII…silence que beaucoup considèrent comme coupable et sympathique aux nazis. Ça me désole, mais je n’ai trouvé aucune excuse à Pie XII dans ce livre comme dans les autres.

Cornwell cite un article de Gunther Lewy, publié dans *Commentary* : *Finalement, on est enclin à conclure que le pape et ses conseillers-influencés par la longue tradition d’antisémitisme modéré si largement accepté dans les cercles du Vatican-ne considèrent pas le calvaire des juifs avec un réel sens d’urgence et d’indignation morale…

…Il n’est pas possible de trouver la documentation nécessaire pour justifier cette affirmation, mais c’est une conclusion qu’il est difficile d’éviter. *

Cet extrait est lourd de signification et tout comme le livre de Cornwell, il laisse planer le doute et met en perspective le profond désaccord qui perdure entre ceux qui appuient Pie XII et ceux qui considèrent que le silence du pape fut coupable.

Suggestion de lecture : HISTOIRE DE LA PAPAUTÉ, collectif

Dans la prochaine publication sur biblioclo.com, je complèterai mon commentaire sur LE PAPE ET HITLER de John Cornwell et proposerai quelques suggestions pour ceux et celles qui veulent aller plus loin dans l’exploration du sujet.

 

BONNE LECTURE

Claude Lambert

le samedi 27 septembre 2025

Le pape et Hitler 2

De John Cornwell
Commentaire partie 2


Si vous voulez faire un retour sur la partie 1 de mon commentaire sur le livre de John Cornwell, cliquez ici.

Dans la première partie de mon commentaire, j’ai présenté les différentes parties du livre et, après analyse, j’ai tiré mes conclusions qui sont, je tiens à le rappeler, très personnelles. Car la corde est très sensible. Le sujet donne matière è beaucoup de désaccord, de discorde.

Quoiqu’il en soit, j’ai trouvé ce livre très intéressant, surtout développé sous l’angle des témoignages au procès de béatification. Il est possible que beaucoup de lecteurs et lectrices trouvent ce livre indigeste car il entre profondément dans les détails. Cela donne la chance de se faire une idée plus précise sur un dossier tellement complexe. Il faut être persévérant.

Même si le livre de John Cornwell apporte des lumières intéressantes, Pie XII demeure un pape énigmatique et je crois qu’i n’y aura jamais d’unanimité sur les résultats réels de sa fonction pontificale au regard de l’histoire.

Pour terminer ce dossier, je vous propose quelques citations signifiantes du livre de John Cornwell LE PAPE ET HITLER.

*Mais quel aurait été le risque réel de représailles de la part des SS si le pape avait protesté de façon <significative> aux déportations du 16 octobre ? Dans quelle mesure les SS auraient-ils pu entrer au Vatican et arrêter le pape ? *

*Quiconque se lance dans une étude sur Pie XII dit marcher sur les brisées de ceux qui ont tâché d’élucider le problème de son silence pendant la guerre. La controverse sur l’attitude d’Eugenio Pacelli à l’égard de la solution finale n’a pas cessé depuis trente-cinq ans et a vu se multiplier les recherches savantes…chaque essai pour rendre un verdict définitif sur l’information et la conduite du pape, provoquant une réaction du camp adverse. *

*Les théologiens catholiques débattent depuis longtemps de ce qui sépare la prudence chrétienne de la lâcheté. La ligne de partage est souvent difficile à tracer et toute la casuistique du monde sur le silence admissible face au crime afin d’empêcher le pire ne rendra pas la tâche moins ardue, Il existe des situations où l’on pêche moralement par omission. Le silence a ses limites. *

*Ce silence autour de la solution finale apporta au monde la preuve que le vicaire du Christ n’était homme ni de pitié ni de colère. De ce point de vue, il était le pape pour les desseins indicibles de Hitler. *

*Au plus profond de la guerre, le programme de Pacelli – ses aspirations à la sainteté et sa position sur les relations entre la papauté et l’Église – semblait bien loin de tout sentiment de responsabilité entre les juifs d’Europe et d’identité commune avec eux… *

*Pacelli savait fort bien que l’auditoire reconnaîtrait ces ennemis de Jésus qui lui avaient crié <crucifiez-le> < Pacelli, écrit Herczl, savait que son auditoire le comprendrait parfaitement.> Le représentant du pape à un congrès eucharistique marquait clairement que l’<amour universel> qu’il prêchait devant cette assemblée n’incluait pas les juifs. *


L’auteur John Cornwell

 

Suggestions

Pie XII a fait l’objet d’une quantité considérable de livres, documents, essais et dossiers de presse. Voici trois suggestions de livres. Je vous invite aussi à consulter le dossier publié par Wikipédia en cliquant ici.

SUGGESTION DE FILM

Amen est un film franco-germano-roumain réalisé par Costa-Gavras, sorti en 2002. Il s’agit d’une adaptation cinématographique de la pièce de théâtre Le Vicaire (Der Stellvertreter) de Rolf Hochhuth, critiquant l’inaction du pape Pie XII durant la Seconde Guerre mondiale, en particulier à l’égard des Juifs.

Il faut noter toutefois que la pièce LE VICAIRE est controversée. D’après le Vatican, la pièce aurait été fortement influencée par les communistes et les ennemis de l’Église. Plusieurs critiques croient que la pièce contiendrait plusieurs erreurs. Là encore, il y a deux camps.

Quoiqu’il en soit, le film de Costa Gavras rend très bien le contexte historique

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 27 septembre 2025