CHRONIQUES D’UNE TERREUR PROGRAMMÉE

Commentaire sur le livre de
DAMIEN GUIRAND

*Un bruit d’éclaboussures. Pui un silence. Puis des cris de peur.
Suivis de hurlements de douleur. Diane entendait les terribles
souffrances de son fils mais n’avait aucun moyen d’intervenir.
Pétrifiée…elle se contenta d’adopter une position stationnaire.*
(Extrait : CHRONIQUES D’UNE TERREUR PROGRAMMÉE, Damien
Guirand, L’Alchimiste éditeur, 2019, format numérique, 1482 kb, papier :
106 pages)

La planète se trouve peu à peu paralysée par de mystérieuses catastrophes, des accidents autant absurdes qu’atroces surgissant n’importe où n’importe quand. Tout converge vers une nouvelle forme d’attentat. Les questions s’accumulent tandis que la peur grandit partout sur le globe. Qui se cache derrière toutes ces horreurs ? Pourquoi personne ne les revendique ? Mais, surtout, jusqu’où sont prêts à aller ces inconnus qui sèment une terreur de plus en plus grande ? Le temps passe alors qu’une évidence se dessine : et si les fondements mêmes du monde moderne en venaient à vaciller ?

Des horreurs qui questionnent
*-Tu es humaine, ajouta Paralysie. Il est normal que toutes ces
atrocités te bouleversent…Mais repense à l’aboutissement
terminal. Repense à la société idéale que nous sommes en
train de bâtir. Notre cause est la plus noble des causes. Mais
elle doit passer par une période d’affrontement, une guerre. Et
toute guerre nécessite des sacrifices, malheureusement. *
(Extrait)

CHRONIQUES D’UNE TERREUR PROGRAMMÉE est une novella, c’est-à-dire un texte qui se situe entre la nouvelle et le roman court. C’est un roman <coup de poing >, une de mes lectures les plus addictives à ce jour. Ici, on pourrait remplacer le terme <tremblement de terre> par <tremblement de livre>. Ça vous donnerait une idée assez juste de l’effet que ce livre a eu sur moi. Voyons le topo : des catastrophes dont l’horreur va crescendo ébranlent la planète :

<…à l’instant même où le meilleur agent de la CIA entreprit d’exprimer son illumination de génie, un étrange faisceau rouge traversa l’avion qui le transportait. Et dans la microseconde qui suivit, Markus de Andrea et les mille trois cents autres personnes qui l’accompagnaient rejoignirent plusieurs milliards de leurs ancêtres dans le sombre monde des non-vivants. Pulvérisés en plein ciel.> Extrait

La peur s’installe dans le monde car ces catastrophes sont totalement imprévisibles quant aux endroits et aux moments où elles frapperont et au nombre de morts qu’elles feront. Catastrophes naturelles ? Terrorisme ?

Terrorisme sûrement. Mais pourquoi n’est-il pas revendiqué ? Et qui se cacherait derrière ce rideau de terreur ?  Avec une redoutable minutie, l’auteur met volontairement le lecteur mal à l’aise en décrivant, dans un enchaînement de chapitres courts sans liens, des évènements meurtriers. Le lecteur jongle alors avec l’idée que des terroristes dont la brillante intelligence atteint la psychopathie orchestrent tous ces meurtres de masse.

Quant à comprendre la logique de tout ça, le lecteur devra être patient, car après la description, l’auteur donne des indices qui permettent au lecteur de mettre les choses en place puis, de la lettre d’une mère à sa fille, la lumière jaillit. Être ligoté par une lecture ne m’arrive pas souvent mais ce petit livre m’a simplement ébranlé. Il est direct, incisif, angoissant et pousse à la réflexion sur la viabilité des grands systèmes économiques qui régissent le monde devant garantir l’équité et la justice alors qu’ils font tout le contraire. Le capitalisme est particulièrement visé.

Le récit vient nous rappeler aussi un fait qu’on est malheureusement porté à oublier : pour déstabiliser des personnes, une région, un pays voire la terre entière, il suffit d’installer et d’entretenir la peur. Et puis peut-on vraiment empêcher quelqu’un mû par une volonté implacable de faire le mal surtout s’il est motivé par une doctrine, une idéologie ou une religion? Si un lecteur ou une lectrice a envie de tourner la page d’un livre mais craint de le faire, c’est à coup sûr parce que l’auteur l’a atteint dans son âme.

Il est presqu’heureux que le roman soit court car avec un pareil sujet, l’auteur aurait pu se lancer dans un grand roman, une série, un film si ça se trouve. Mais Damien Guirand a choisi une voie beaucoup plus difficile, celle de la novella qui charge l’auteur de brasser un maximum d’émotions dans un minimum de pages. Ce n’est pas le genre de livre qui entretient la confiance en l’avenir car il pousse le lecteur à se poser la terrible question : Est-ce-possible ? Ça pourrait arriver ? On ne sort pas indemne d’une lecture aussi géniale.

Suggestion de lecture : LES ORCHIDÉES DE STALINE, de Corinne De Vailly et Normand Lester.

Damien Guirand est né en 1987, en Savoie. Passionné de cinéma et de science-fiction, il dévore tout ce qu’il trouve à lire. Son appétit se mue rapidement en désir d’user de ses propres mots, dans ses propres histoires. Un jour, il met un terme à ses tergiversations, allume son ordinateur et plonge naturellement dans l’écriture. Il dessine alors des intrigues palpitantes et inquiétantes où se mêlent des thèmes propices à questionner le lecteur. Bienvenue dans son monde sans concession.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 18 novembre 2023