Conte de fées

Commentaire sur le livre de
STEPHEN KING

*J’attendis que les battements de mon cœur ralentissent (un peu), puis me levai en me disant que les marches étaient assez larges pour mes pieds. Ce qui n’était pas tout à fait exact. Avec mon avant-bras, j’essuyai la sueur sur mon front, en me répétant que tout allait bien se passer. Sans y croire vraiment. Malgré tout, je commençai à descendre. *

Extrait : CONTE DE FÉES, de Stephen King. Édition de papier et format numérique : Albin Michel éditeur, 2023, 730 pages. (22672 KB) version audio : Audiolib éditeur, 2023, durée d’écoute, 28 heures 56 minutes, narrateur : Damien Witecka.

LE GRAND KING HABITUEL

Avec quelques nuances

Oui, c’est du grand King mais si son livre m’a intéressé, il ne m’a pas emballé. Jetons d’abord un coup d’œil sur le récit.

Voici l’histoire de Charlie Read, un garçon costaud de 17 ans. Il vit avec son père, alcoolique devenu abstinent. En voulant sauver un vieillard d’une mort certaine, monsieur Bowditch, Charlie hérite d’un secret aussi fantastique que terrifiant : l’existence d’un tunnel accessible depuis le cabanon du jardin du vieil homme et menant à un monde parallèle appelé Empis.

Charlie s’était attaché à la chienne de Bowditch, appelée Radar mais elle était très vieille et arthrosée. Le vieil homme avait raconté à Charlie qu’il existait, à Empis, un cadran solaire magique qui pouvait faire rajeunir son utilisateur qui s’exposait toutefois à de graves dangers.

À la mort de monsieur Bowditch, Charlie décide d’emprunter le tunnel pour accéder à Empis et au cadran solaire et sauver Radar qui était près de l’agonie.

En entrant à Empis, Charlie pénétra dans un monde ravagé par la guerre et menacé par le mal absolu, s’agitant dans les profondeurs et menaçant à la fois Empis et le monde de Charlie : Gogmagog.

C’est une histoire extrêmement longue qui aurait pu être largement simplifiée. Le premier quart de l’histoire était prometteur mais dès que Charlie a pénétré dans Empis, j’ai perdu de l’intérêt sous l’effet d’une plume errante. Je sais depuis longtemps que King s’étend dans ses histoires et travaille ses personnages en profondeur. Mais dans CONTE DE FÉE, je crois qu’il a battu son record.

L’action est très lente et peut amener les lecteurs-lectrices dans toutes sortes de directions. Pas d’horreur, pas de frissons à une exception près : dans le puits obscur, l’action m’a rappelé un peu ÇA.  Est-ce que King s’adoucit ? Heureusement, il ne manque pas d’imagination et il a pu farcir son récit d’idées fort intéressantes.

La partie dite fantastique du récit, soit à partir du moment ou Charlie entre dans Empis est baignée de l’atmosphère des récits d’HP Lovecraft. J’ai beaucoup aimé le clin d’œil que King a fait à ce célèbre écrivain, évoquant Cthulhu, une énorme et monstrueuse entité cosmique imaginée par Lovecraft et qu’on pourrait apparenter à Gogmagog, créature infernale en dormance dans le puits obscur d’Empis. C’est là que j’ai pensé à *ÇA*. C’était bien imaginé.

Ce lien m’a *gardé dans le coup* comme on dit. Grâce à quelques idées brillantes, je n’ai pas atteint le stade de la vraie déception mais au regard de certains éléments, j’ai malheureusement déchanté : une finale un peu trop rapide, un épilogue sous-développé.

Même la présentation matérielle du livre, tape-à-l’œil dans les présentoirs d’une librairie laisse à désirer. Les lettres de la premières de couverture s’effacent à l’usage, et cette couverture décolle, fragilisant ainsi le dos du livre. Je ne comprends pas l’éditeur, un vieux routier, de ne pas avoir prévu cela.

Ce que j’ai écris ici est mon ressenti de la lecture de CONTE DE FÉE. Je sais que je suis à contre-courant de la Presse littéraire mais peu importe et de toute façon demeure un inconditionnel de Stephen King.

Suggestion de lecture, du même auteur : L’OUTSIDER


L’auteur Stephen King

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 6 décembre 2025

Le chien jaune

Commentaire sur le livre de
GEORGE SIMENON

Une enquête de Maigret

<Le regard de Maigret tomba sur un chien jaune, couché au pied de la caisse. Il leva les yeux, aperçut une jupe noire, un tablier blanc, un visage sans grâce et pourtant si attachant que pendant la conversation qui suivit, il ne cessa de l’observer. Chaque fois qu’il détournait la tête, d’ailleurs, c’était la fille de salle qui rivait sur lui son regard fiévreux. >

Extrait : LE CHIEN JAUNE, Georges Simenon, version papier : Le livre de poche éditeur, rééd. 2003, 190 pages. Version audio : Lizzie éditeur, 2019, durée d’écoute, 3 heures 47 minutes, narrateur : Bruno Solo

À Concarneau, des faits troublants mettent la ville en émoi. On tente d’assassiner M. Mostaguen, au sortir de sa partie de cartes quotidienne à l’Hôtel de l’Amiral. Le sort s’acharne sur ses partenaires, car, deux jours après l’arrivée de Maigret, Jean Servières, rédacteur au Phare de Brest, disparaît ; le siège avant de sa voiture est maculé de sang. M. Le Pommeret meurt chez lui, empoisonné. Le docteur Michoux pense être le suivant.

Le commissaire Maigret est désigné pour résoudre cette affaire qui accumule les cadavres.

Le cas à part de Simenon

Pour apprécier LE CHIEN JAUNE, il faut connaître un peu l’inspecteur Maigret. Le gros Maigret, Jules de son prénom. Un limier aux antipodes des Colombo, Cherlock Holmes et Hercule Poirot. Maigret est un personnage singulier, énorme, dense, consistant doté d’un incroyable flair et d’un instinct exceptionnel.

Son instinct prend souvent le pas sur la logique des faits. Il parle peu, agit seul et entre avec aisance dans l’environnement d’un crime avec son éternel petit carnet. Son art est de tenter de comprendre la psychologie du coupable en se mettant à sa place. C’est un intraverti. Ce n’est évident pour personne, mais il sait où il s’en va.

Pas étonnant que l’imposant Jules soit le héros de plus de 75 romans de George Simenon. Et tous ces attributs se retrouvent dans LE CHIEN JAUNE alors que les cadavres s’accumulent, qu’il y a de la peur dans l’air et de la strychnine dans les verres. Pour résoudre cette affaire, Maigret s’obstine à se mettre dans la peau d’un chien jaune omniprésent à proximité des scènes de meurtres.

Les circonstances sont très étranges. Aussi, fidèle à sa façon de faire, qui énerve parfois tout le monde, Maigret va s’intégrer aux habitués d’un café dans lequel il s’installe. Sa méthode appelle à la patience : Écouter, observer, ressentir et se concentrer pour comprendre la présence et les agissements d’un chien jaune, élément-clé de son enquête.

Par rapport aux romans policiers modernes, LE CHIEN JAUNE est plutôt dépaysant. C’est une qualité que j’apprécie. C’est un roman très bien écrit, superbement structuré car malgré sa brièveté, il dit tout, n’omet rien. Son seul défaut réside je crois dans l’absence d’indices. Quand il y a des indices, le lecteur travaille, quand il n’y en a pas, il mijote. Fidèle à son héros, l’auteur a caché son jeu jusqu’à a fin.

C’est un roman original. Pas de longueur, pas de superflu. Le principal témoin des scènes de meurtre: un chien. C’est du vrai Simenon. Plus le roman est court, plus il est peaufiné. LE CHIEN JAUNE EST un régal.


L’auteur Georges Simenon

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 26 avril 2025