Les dieux s’amusent

Commentaire sur le livre de
DENIS LINDON

*Il y a un peu plus de trois mille ans, la Terre était peuplée d’une multitude de divinités qui ne cessaient d’intervenir dans les affaires des hommes. À bien des égards, ces dieux ressemblaient fort à des hommes ordinaires : ils étaient orgueilleux, avides, paresseux, gourmands, menteurs, mesquins, rancuniers, jaloux, frivoles, capricieux et violents ; il leur arrivait aussi quelquefois d’avoir de bons sentiments. Ils se mariaient, avaient des enfants, se disputaient, se trompaient, se vengeaient et se pardonnaient tout comme le commun des mortels. *

Extrait : LES DIEUX S’AMUSENT, Denis Lindon. Support papier : Castorpoch éditeur (rééd.) 512 pages. Version audio : Gallimard éditeur, 2019, durée d’écoute : 9 heures 2 minutes, narrateur : Jean-Paul Bordes. Format numérique : Flammarion jeunesse éditeur, 2019, 469 pages.

Un précis de mythologie aussi savant que souriant. Un livre passionnant, drôle et instructif qui permet de découvrir les plus belles histoires du monde : les amours de Jupiter, les travaux d’Hercule, les colères d’Achille, les ruses d’Ulysse…

Léger et plein d’humour

C’est un livre léger, rafraîchissant et instructif. Il faut prendre son titre au pied de la lettre. L’auteur démystifie (façon de parler) la mythologie grecque. Il raconte l’histoire et l’évolution des dieux jusqu’à leur dernière invention : un genre de marionnette appelé *humain*.

Denis Lindon raconte les dieux grecs sous un angle différent et novateur. Il prend des libertés par rapport à la mythologie officielle pour autant qu’on puisse considérer une mythologie comme officielle. Il ne s’en cache pas d’ailleurs. Peut -être est-ce au nom de cette liberté que Lindon a laissé glisser des erreurs dans l’histoire.

Il dit par exemple que le Cheval de Troie était une offrande à Athéna alors que ladite offrande était faite à Poséidon. Autre exemple, les 12 travaux d’Hercule qui ne sont pas présentés dans le bon ordre. L’ouvrage comporte plusieurs coquilles de ce genre. C’est la raison pour laquelle il faut se rabattre sur le titre et croire que l’auteur s’est aussi amusé.

Il y a quelque chose de paradoxal dans le fait de dire qu’une mythologie est inexacte puisqu’il n’est question que de légende. À ce chapitre, ma base de référence a toujours été et sera toujours Homère, ainsi que L’HISTOIRE DE LA MYTHOLOGIE GRECQUE de Jeremy Haim publié chez AFNIL et réédité en 2021. Si je me base sur ces références et quelques autres, la crédibilité de LES DIEUX S’AMUSENT est quelque peu discutable.

Il reste que le livre est original et divertissant. Sa version audio est superbe. J’ai trouvé l’ensemble drôle et instructif malgré tout. Son titre donne une bonne idée de l’objectif que s’était fixé l’auteur au départ.

Le livre est divisé en trois grandes parties. La première est consacrée à l’histoire des dieux grecs qui sont présentés comme des magouilleurs indolents, capricieux, menteurs, infidèles, sournois et autres gentillesses du genre.

La deuxième partie est consacrée à l’histoire et la guerre de Troie avec Ulysse en vedette, Achille bien sûr, Ajax, Hector, Pâris, la belle Hélène et plusieurs autres. Enfin, la troisième partie est consacrée à l’odyssée d’Homère qui, sous l’emprise de dieux cruels et fourbes, mettra 20 ans pour regagner sa terre d’Itak après la guerre de Troie.

Bien que ce livre dépoussière la mythologie grecque, que sa présentation soit agréable et sa façon d’aborder les dieux soit amusante, ce n’est pas un livre pour les enfants à cause des thèmes qui y sont développés : guerre, meurtres, cruauté, traîtrise, inceste, jalousie, misogynie et j’en passe.

Les dieux n’étaient pas des enfants de chœur. Il est donc exagéré de dire que c’est un livre pour toute la famille. Pour le reste, c’est une histoire énergique, captivante, qui va au-delà des autres versions. Petit bémol, l’humour prend souvent le pas sur la rectitude.

Suggestion de lecture : LE CHANT D’ACHILLE de Madeline Miller

Du même auteur

Après avoir dirigé pendant quinze ans l’une des plus importantes sociétés françaises de conseil en management, fondé et présidé la Sofres, Denis Lindon est devenu professeur de marketing à HEC et consultant d’entreprise dans les domaines de la stratégie marketing et de la formation des cadres marketing. Denis Lindon est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et d’économie de l’Université de Cambridge (G.-B.). Il écrit aussi des livres pour les enfants.

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 23 juin 2025

Le chant d’Achille

Commentaire sur le livre de 
MADELINE MILLER

Il rouvrit les yeux.
— Trouve-moi un héros qui ait été heureux.
Je réfléchis. Héraclès était devenu fou avant de tuer sa famille ; Thésée avait perdu son épouse et son père ; les enfants de Jason et sa nouvelle femme avaient été assassinés par la précédente ; et si Bellérophon avait tué la Chimère, il était resté estropié après être tombé du dos de Pégase.
— Tu vois, tu ne peux pas.

Il s’était rassis, penché en avant.
— C’est vrai.
— Je sais. On ne te laisse jamais être à la fois célèbre et heureux, constata-t-il en arquant un sourcil.

<Extrait : LE CHANT D’ACHILLE, de Madeline Miller, Pocket 2015, édition de papier, 482 pages. Version audio : Lizzie éditeur, 2022, 1Go 014, Durée d’écoute : 11 heures 58 minutes, narrateur : Benjamin Jungers.

Ce ne sont encore que des enfants : Patrocle est aussi chétif et maladroit qu’Achille est solaire, puissant, promis par sa déesse de mère à la gloire des immortels. En grandissant côte à côte, l’amitié surgit entre ces deux êtres si dissemblables. Indéfectible. Quand, à l’appel du roi Agamemnon, les deux jeunes princes se joignent au siège de Troie, la sagesse de l’un et la colère de l’autre pourraient bien faire dévier le cours de la guerre… Au risque de faire mentir l’Olympe et ses oracles.

La Parole est à Patrocle

Les personnages :

Patrocle : Héros grec originaire de Locride, ami d’Achille, qu’il accompagna à Troie. Lorsque Achille se retira sous sa tente, il consentit à prêter ses armes à Patrocle, mais celui-ci fut tué par Hector

Achille : Achille est un héros légendaire de la guerre de Troie, fils de Pélée, roi de Phthie en Thessalie, et de Thétis, une Néréide

Pélée : Pélée est, dans la mythologie grecque, le fils d’Éaque, roi d’Égine, et de la nymphe Endéis. Il est roi de Phthie, en Thessalie, et le père d’Achille.

Intéressant ce livre. Original même si je tiens compte du fait que l’auteure a donné la parole à Patrocle, personnage un peu timoré évoluant dans l’ombre de L’Iliade. C’est vrai, j’ai toujours trouvé le personnage un peu effacé par rapport à son acte héroïque qui va sceller le destin de Troie en se substituant à Achille pour affronter les Troyens avant de finalement mourir aux mains d’Hector.

LE CHANT D’ACHILLE est une réécriture qui s’éloigne beaucoup de l’Iliade originale. Sa principale force est le narrateur. Patrocle est jeune et attachant mais il cadre un peu étrangement dans l’Iliade comme s’il n’avait pas été créé par Homère. Les historiens et mythologistes se contredisent un peu à ce sujet.

Ce qui est avéré toutefois, c’est l’intimité entre Achille et Patrocle. Les deux garçons étaient amants. Cette liaison homosexuelle n’est pas une surprise. Elle est évoquée par nombres de mythologistes dans une foule d’essais et d’exégèses. Mais Homère a plutôt tendance à occulter cette liaison dans l’Iliade.

Malheureusement, plus des trois quarts du récit reposent sur la liaison amoureuse entre Achille et Patrocle. On sait pourquoi les grecs se sont retrouvés à Troie et comment et pourquoi Patrocle est mort mais c’est tout. On oublie Paris, Hélène, le cheval de Troie et même, partiellement du moins, l’extrême violence à laquelle Homère nous a habitué.

Mais la grande faiblesse de l’histoire est l’insignifiance des personnages. Ils sont superficiels et d’une légèreté à laquelle la mythologie ne nous a pas du tout habitué. Peu approfondis, pas très travaillés, aboutis. C’est ce qui m’a le plus déçu je crois dans cette aventure, la banalité des personnages.

La grande force du livre repose sur le narrateur. J’ai eu beaucoup de satisfaction à saisir tout le ressenti de Patrocle qui est sans doute le personnage le plus authentique de la distribution. Toute la grâce de l’écriture de Miller et la délicatesse de sa plume passent par l’émotion que transmet Patrocle. J’ai été très sensible à cette force d’attraction du récit.

Je trouve seulement dommage que tout le récit repose presqu’essentiellement sur les désirs de deux jeunes hommes dans un cadre aussi singulier.

Malgré tout, on peut, je crois, tirer beaucoup de satisfaction de cette histoire si on la prend pour ce qu’elle est : une tragédie sentimentale en complète dérive par rapport à l’Iliade mais porteuse d’émotion et racontée par un personnage pas héroïque mais pourtant fier et très attachant : Patrocle.

Suggestion de lecture : LA MYTHOLOGIE, ses dieux, ses héros, ses légendes, d’Édith Hamilton

L’auteure Madeline Miller

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Claude Lambert
Le vendredi 25 avril 2025