MONSIEUR MOZART SE RÉVEILLE, EVA BARONSKY

*Quelque chose n’allait pas. Il n’était plus
à la maison. Sa couche était différente,
plus molle et inégale, plus souple en fait;
un parfum subtil, féminin s’y trouvait. Où
l’avait-on amené? Qui pouvait donc bien
être ces méchants bougres?*
(Extrait : MONSIEUR MOZART SE RÉVEILLE, Eva
Baronsky, Édition Piranha pour la présente
version électronique, aussi en version papier,
200 pages sur liseuse, 2009 original, t.f. : 2014)

Il s’appelle Wolfgang Mozart et hier soir encore, il était étendu sur son lit de mort. À son réveil, il ne trouve aucune explication à ce monde différent, étrange, où la lumière ne provient pas des bougies, où les carrosses se déplacent sans chevaux…Tout ce qui lui arrive ne peut avoir qu’une seule raison : il a la mission divine de terminer l’œuvre de sa vie, son Requiem. Et le voici, anachronisme vivant déambulant dans les rues survoltées de la Vienne du début du XXIe siècle. Tant de nouveaux compositeurs, tant de sonorités inédites ! Mais, plus le temps passe, plus il se demande ce qu’il adviendra de lui, une fois son chef-d’œuvre terminé…

LE TEMPS D’UN REQUIEM
*Avec respect, presque tendrement, il passa
la main sur la fine écriture. En voilà un qui
était à la hauteur du requiem de Mozart,
qui savait l’achever et…qui damait le pion
au génie de Mozart avec une légèreté qu’
il n’aurait jamais cru possible.
(Extrait : MONSIEUR MOZART SE RÉVEILLE)

L’idée n’est pas nouvelle en littérature : réveiller un mort célèbre, lui laisser tous ses souvenirs et en faire un anachronisme vivant dans un but précis. Pourtant, j’ai trouvé le livre de Baronsky extrêmement bien construit. Il m’a fait rire et surtout, il m’a ému. Quand un livre parvient à ce résultat avec moi, je suis comblé. Alors imaginez un peu.

Deux cents ans après sa mort. Mozart se réveille avec le même esprit, dans un environnement étrange. Il faut dire qu’au départ Mozart ne comprenait pas qu’il venait de sauter deux cents ans d’évolution : *Il comprit par la suite que derrière la plupart des miracles ne se cachait rien d’autre qu’une nouvelle forme d’énergie…* (Extrait)

Au début, ce fut une dure épreuve : Où se loger ? Comment se nourrir ? Restait à comprendre le but de ce miracle : *Chez soi, ce ne pouvait être qu’un petit endroit, au plus profond de soi…tout au fond de son cœur, au plus profond de lui-même, il y avait la musique, rien que la musique et il n’y aurait jamais rien d’autres.* (Extrait)

Mozart comprit qu’il devait finir le célèbre requiem, œuvre majeure mais inachevée au moment de sa mort. La chose la plus difficile pour Mozart dans ce récit était d’établir son identité et ça devenait urgent car son talent s’imposait. Chose difficile voire impossible. Personne ne comprenait :

*Wolfgang Musterman. Il n’avait pas été le seul à remarquer ce nom singulier, la presse l’avait fait aussi. Un pianiste surgi du néant, sans parcours de vie, sans que quiconque ait pu apprendre quelque chose sur lui. Un phénomène ! * (Extrait)

Un jour, le musicien miraculé en a eu marre et a fini par dévoiler son véritable nom à un impresario qui avait besoin d’une preuve d’identité : *Oui, reconnut Wolfgang à voix basse. Joannes Chrysostomus Wolfgangus Théophilus Mozart. Né à Salzbourg le 27 janvier 1756. Puis-je m’en aller maintenant ?* (Extrait) Cette explosion de sincérité a fini par amené Mozart dans un hôpital psychiatrique.

J’ai adoré cette histoire parce qu’elle m’a émue. Elle m’a émue parce que l’auteure Eva Baronsky a réveillé Mozart en lui conservant toutes ses qualités de corps, de cœur et d’esprit. Mozart était un être bon, généreux mais aussi brouillon, désordonné et insouciant, sans le sou et pas toujours facile à vivre. Pour Mozart, tout n’était que musique. La musique est partout dans le récit qui est profondément imprégné de l’esprit de Mozart.

J’ai trouvé aussi le récit drôle parce qu’après un sommeil de deux-cents ans, Mozart se débrouillait plutôt mal avec la modernité ce qui a donné lieu à beaucoup de situations cocasses. Enfin, j’ai trouvé le récit touchant pour plusieurs raisons : la qualité des personnages, la profondeur de leur psychologie.

Par exemple, l’auteur a mis sur le chemin de Mozart un personnage appelé Piotr, musicien violoniste polonais qui a pris Mozart en amitié car Piotr a compris qu’au-delà des qualités de cœur, Mozart était un génie de la musique avec un talent qui avait quelque chose de surnaturel.

Autre personnage un peu plus intriguant celui-là : c’est Anju, l’amour de la nouvelle vie de Mozart, celle qui a touché son cœur et qui apportera une contribution extraordinaire jusqu’à la finale qui est particulièrement poignante.

C’est donc un livre que je recommande. On sent bien que l’auteure admire Mozart. Elle a imprégné son récit du cœur et de la musique de Mozart et avec humour car elle a exploité les anachronismes qui ne manquaient pas d’ébranler le génie musical.

Par exemple, pouvez-vous imaginer comment Mozart a interprété le nom AC/DC trouvé sur un chandail ? Ne se doutant pas qu’il s’agissait d’un des groupes rock les plus populaires de l’heure. Mozart lui, a trouvé une toute autre interprétation : *AC/DC. Il se tortilla le sourcil : Adorate, Cherubim, Dominum Cantu. Adorez le Seigneur avec vos chants. Oui, ça devait être cela* (Extrait)  Un récit magnifique, profondément humain…un coup de cœur.

Suggestion de lecture : LE PETIT MOZART, la BD de William Augel

Wolfgang Mozart est né le 27 janvier 1756 à Salzbourg. Il écrit son premier opéra à l’âge de 11 ans ! Mozart devient de plus en plus connu . Puis, il se marie avec Constance Weber et travaille comme professeur de musique particulier auprès de familles riches. Mais, s’il gagne beaucoup d’argent, il ne sait pas le gérer. Mozart passe des années difficiles avec la mort de son père, la maladie et des dettes.

En 1791, il compose tout de même deux chefs-d’œuvre : la Flûte enchantée et le Requiem. Mozart meurt à Vienne, en Autriche, le 5 décembre 1791 à seulement 35 ans, en laissant plus de 600 œuvres à la postérité. Le REQUIEM est une œuvre inachevée de Mozart. L’idée de Baronsky était de donner du temps à Mozart pour achever lui-même le REQUIEM.

Eva Baronsky est une auteure allemande née en 1968. Après des études de marketing et de communication, elle a été tour à tour consultante en communication, graphiste, vendeuse de confiture et journaliste. MONSIEUR MOZART SE RÉVEILLE est son premier roman, publié en 2009. Avant sa traduction en français plusieurs années plus tard, l’œuvre de Baronsky a reçu le prix Friedriech Hölderlin, un prix d’encouragement de renommée internationale.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
le samedi 15 février 2020