LA POUSSIÈRE DU TEMPS, de Michel David

<À la shop, on est presque cent filles…qui veulent avoir le temps
de profiter un peu de la vie avant de se marier…tu comprends,
elles veulent pas être comme leurs mères, des femmes pognées
avec une trâlée d’enfants, obligées de servir leur mari comme des
esclaves.>
Extrait : LA POUSSIÈRE DU TEMPS, Michel David, 2015,
Hurtubise éditeur, papier, 1450 pages, format numérique pour la présente,
4600 kb, 2 900 pages, Kobo.

Voilà une grande saga historique qui décrit les hauts et les bas d’une famille montréalaise entre  1940 et 1980. Une fresque historique qui met en scène une brochette de personnages, dont un plus que tout autre a marqué l’imaginaire des Québécois: le seul et unique Maurice Dionne. Dans le Montréal de l’époque, tous les espoirs sont permis. Mariée à Maurice, Jeanne doit mener une lutte de tous les jours pour assurer la survie de ses enfants et protéger l’harmonie de sa famille. Voici le récit d’une époque où le dévouement et la générosité se dressaient devant les petits et les grands malheurs du monde.

LA QUADRALOGIE <LA POUSSIÈRE DU TEMPS>

1- Rue de la glacière
2- Rue Notre-Dame
3- Sur le boulevard
4-Au bord de la route

Un homme qu’on aime détester
<Même si le coût de la nourriture ne cessait d’augmenter, il refusait
obstinément de lui allouer un dollar de plus par semaine pour l’épicerie.
Il encaissait pourtant sans aucune gêne l’argent des allocations familiales
chaque mois. >
Extrait

Je suis tombé sous le charme d’un magnifique conteur : Michel David, parti bien vite en 2010 mais non sans nous avoir laissé un héritage littéraire extraordinaire dont plusieurs titres auront marqué l’imaginaire québécois : parmi ces titres : LA POUSSIÈRE DU TEMPS, en quatre tomes, publié par la suite en version intégrale par Hurtubise, 1450 pages brossant le portrait d’une Société par le biais d’une famille typique des décennies 1940 à1980.

Il s’agit de la famille Dionne. La mère, Jeanne Sauvé, le père : un personnage très singulier, Maurice Dionne. J’y reviendrai…et neuf enfants. LA POUSSIÈRE DU TEMPS est une chronique du quotidien de cette famille qui accueille timidement la modernité, modérée par l’église et conditionnée par une économie qui tente de se tailler une place et de se créer une identité. Toute l’histoire gravite autour de Maurice Dionne, un personnage qui a marqué les québécois, très connu des amateurs de sagas québécoises.

Tout le long de cette saga, Maurice Dionne tient les lecteurs et lectrices en haleine. C’est un personnage caractériel, sec, sans humour, pingre, avaricieux, ménager et très nombriliste. L’auteur le dépeint très bien, tôt dans le récit : <…foncièrement égoïste, autoritaire et colérique, toujours prêt à exploser à la moindre vétille. En sa présence, Jeanne devenait facilement nerveuse et tendue à force de veiller à ce que tout soit à sa convenance à lui. > Extrait.

Il traitait Jeanne de <maudite niaiseuse>, entre autres, et sacrait comme un charretier. C’est malheureusement le portrait de beaucoup d’hommes de cette époque, prétendument chefs de famille…une époque où le divorce était impensable… De nos jours, personne n’endurerait un ostrogoth pareil. J’ai pourtant compris pourquoi tant de lecteurs et de lectrices ont été marqués par Maurice Dionne. Je l’ai compris à la fin de la saga, une fin dramatique, touchante et chargée d’émotions.

Ça peut paraître incroyable, mais j’ai fini par m’attacher à Maurice Dionne, à cause, en particulier, de la bonne nature de ses enfants et de la patience d’ange de Jeanne qui, très souvent, finissait par avoir ce qu’elle voulait…patience, astuces, stratégie

J’ai eu beaucoup de plaisir à suivre cette saga. Je me suis aussi attaché aux enfants, en particulier les plus vieux, Paul qui fut sans doute le plus sensible aux pingreries de son père, Lise, et le petit rebelle de la famille, Claude…mon préféré en fait sans doute à cause de son petit caractère rebelle et de son sens de l’humour. Michel David a scrupuleusement respecté les paramètres de l’époque dont l’entraide et la solidarité sociale, l’esprit de famille et l’espoir d’un futur meilleur, prometteur.

L’écriture est sensible et authentique, l’ensemble est crédible. Évidemment, il y a de la redondance. C’est la principale faiblesse de l’œuvre mais elle est inévitable Dans le récit d’une histoire de famille. Ici, redondance ne signifie pas errance. Il y a une dynamique dans le développement du récit.

J’ai dévoré cette saga. Je résumerai en disant que j’ai eu l’impression de faire partie de la famille Dionne…Ça dit tout.

Suggestion de lecture : LA BÊTE CREUSE de Christophe Bernard

Michel David , 1944-2010,  est un linguiste québécois et professeur de français devenu auteur, surtout connu pour ses manuels scolaires et outils pédagogiques destinés à faciliter l’apprentissage du français oral et écrit,  il est aussi l’auteur de nombreuses sagas historiques évoquant l’histoire d’un Québec révolu (La Poussière du temps, Chère Laurette, Mensonges sur le Plateau Mont-Royal, À l’ombre du clocher, Un bonheur si fragile, Au bord de la rivière). Les ventes de l’ensemble de ses livres ont largement dépassé le million d’exemplaires et ses sagas ont également conquis les lecteurs de l’Europe francophone.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 17 février 2024

Au chant des marées, tome 2, La vie de l’île verte

Commentaire sur le livre de
FRANCE LORRAIN

<-Merci pour la soirée. Ça m’a fait du bien ! -Parfait ! c’t’en
plein ça que j’voulais. Pis mois aussi ça m’a fait plaisir.
C’est pas toujours le fun de parler juste à des p’tits
monstres. Han ? Marie-Laure arrêta son geste de départ
et se tourna vivement vers l’autre avec suspicion. -Qu’est-
ce que tu veux dire ? Hein ? Mais rien voyons ! >
Extrait : AU CHANT DES MARÉES, tome 2, LA VIE DE L’ÎLE VERTE,
France Lorrain. À l’origine, Guy St-Jean éditeur, 2018, 591 pages. Version
audio : Vues et Voix éditeur, 2019, durée d’écoute : 14 heures 55 minutes.
Narratrice : Marie-Hélène Fortin.

Des décès, un mariage très attendu, des décisions déchirantes… La vie n’est pas toujours simple sur l’Île Verte! Marjolaine, enceinte, ne sait comment accueillir cette nouvelle inattendue. Peut-être à cause de Philippe? Arrivera-t-elle à reprendre le dialogue avec Sophie, s’aimeront elles de nouveau comme lorsqu’elles étaient jeunes, avant le décès de leur mère? La mort de Stéphane, cadet de la famille Lalonde, se dresse comme un obstacle. Qu’est-il vraiment arrivé ce fameux soir de juillet 1975? Sur l’île, les commérages vont bon train en ce qui touche les relations tendues entre les soeurs Lalonde. Voici la conclusion de cette série où les conflits et les drames côtoient les révélations et les moments de bonheur intenses.

Un cadre enchanteur au quotidien
<Marjolaine avait fermé ses yeux et tremblait de tous ses membres.
Ses épaules étroites étaient courbées par en avant et elle se pencha
pour mettre ses mains sur ses genoux. Son souffle saccadé envahit
l’espace et durant un moment, elle craignit de perdre connaissance.
Seule la pensée du petit être grandissant dans son ventre l’empêcha
de s’effondrer sur le sol.>
Extrait

Voici la suite d’une chronique que j’ai dévorée avidement. Notez que je n’ai pas lu le tome 1 mais ça n’a aucunement nui à ma compréhension de l’histoire qui tourne toujours autour de Marjolaine et de Philippe. Nous sommes au printemps 1980, le couple vient d’hériter d’une maison sur l’Île Verte, qui existe vraiment, dans l’estuaire du Bas-Saint-Laurent dans la région de Rivière-Du-Loup. L’île abrite le plus ancien phare du Saint-Laurent qui en compte 43. Le phare de l’Île Verte est classé monument historique.

Ainsi débute pour Marjolaine et Philippe une nouvelle aventure avec son lot d’évènements et d’émotions. Le couple y exploitera un gîte touristique et différents personnages vont graviter dans leur vie quotidienne dont Paul, le père de Marjolaine, Sophie, la sœur de Marjolaine qui débarque sur l’île sans s’annoncer après cinq ans d’absence et qui a, apparemment beaucoup à se faire pardonner, Marc-André et Marie-Laure, parents d’un enfant dont personne sur l’île ne comprend le comportement. Jules est autiste.

Enfin, je citerai Adrien, un vieux grognon avec le cœur sur la main. À cette brochette de personnages s’ajoutent d’autres insulaires qui viennent enrichir, au fil de l’histoire, le quotidien de Philippe et Marjolaine.

Ce récit m’a séduit pour plusieurs raisons. Tous les personnages de l’histoire ont été bien travaillés et développés. L’auteure les a gratifié d’une personnalité attachante. Ils ne sont pas tous commodes mais personne n’est méchant. Ça met juste un peu de piment. L’écriture est très belle, même dans les passages dramatiques comme celui où un enfant est enseveli par la neige suite à l’effondrement d’igloo qu’il s’était construit m’a fait vibrer. J’ai ressenti une forte empathie. J’ai eu peur.

Je pourrais aussi parler de Benoit, l’infirmier nouvellement arrivé sur l’île qui a dû s’improviser accoucheur par la force des choses. Cela a donné lieu à des moments de grande intensité. Donc le récit est remarquable pour l’émotion qui s’en dégage. La plume de France Lorrain est aussi très descriptive. Tellement qu’elle m’a donné le goût de visiter l’Île Verte.

Enfin, je dirai que j’ai été surpris par la qualité du récit en tant que portrait d’une époque, le Québec des années 1980 qui est très bien illustré malgré l’absence de certains thèmes qui auraient amené des petites chicanes comme toutes les familles du Québec en ont connu, au sujet de la politique par exemple, le référendum de 1980 ou de la forte rivalité entre les Canadiens et les Nordiques. C’est un peu dommage.

Les sujets qui tiraillaient les familles québécoises à l’époque ont été occultés ou tout au moins sous-développé. C’est bien le seul petit reproche que je peux faire à l’œuvre de France Lorrain. Sinon, nous avons ici une belle histoire dans laquelle les drames chevauchent les p’tits bonheurs et la toute fin du récit annonce une suite prometteuse je crois. Je recommande donc AU CHANT DES MARÉES, une belle saga…un dessert littéraire à écouter…

Suggestion  de lecture : LES FILLES DE CALEB, d’Arlette Cousture

Au moment d’écrire ces lignes, Internet fournit peu de détails sur la carrière de France Lorrain. Nous savons qu’elle évolue dans le monde de l’enseignement, qu’elle a écrit plusieurs chroniques dans des magazines dont Chatelaine. Sur le plan littéraire, elle a été très prolifique avec plus d’une quinzaine de romans dont plusieurs en série comme AU CHANT DES MARÉES, LA PROMESSE DES GÉLINAS et À L’OMBRE DE LA MINE.

AU CHANT DES MARÉES
Le premier de la série

Bonne lecture
Bonne écoute

Claude Lambert
le dimanche 22 octobre 2023