Commentaire sur le livre de
Niklas Natt Och Dag

*…Les orbites n’étaient plus que des flaques rouges, la mâchoire pendait de travers et il ne restait plus qu’une bosse pleine d’éclats d’os à la place du nez. Dawis s’accouda au-dessus de lui pour écouter le gargouillis de sa respiration, puis haussa les épaules et lança des regards entendus aux spectateurs, qui tous se retournèrent démonstrativement tandis que l’aubergiste plaquait sa large main sur la bouche et le nez. L’homme à terre, à peine conscient, tenta gauchement de résister, mais Dawis le berça jusqu’à ce que ses talons cessent de marteler le sol et que sa respiration se taise. *
Extrait : 1794, de Niklas Natt Och Dag. Édition de papier : Pocket éditeur, 2022, 640 pages. Format numérique : Sonatine éditeur 2021, 504 pages, Version audio : Lizzie éditeur, 2022. Durée d’écoute : 13 heures 16 minutes. Narrateur : Martin Spinhayer.

Les fosses de la dépravation

Un jeune noble ado, Erik de Trerozar tombe amoureux d’une fille de fermier, Linnea Carlotta et veux l’épouser. Le père d’Erik s’oppose à cette union et envoie son fils à l’île de Saint-Barthélemy, un centre international de transactions esclavagistes. Erik y fait la rencontre d’un truand appelé Tycho Cetton. Erik s’enfuie de Saint-Barthélemy pour retrouver sa belle. Le mariage a lieu mais ne sera jamais consommé.
Le soir, après la cérémonie, la soirée est fortement arrosée. Le lendemain, Linnea est retrouvée morte, assassinée d’une horrible façon. Erik, encore dans les vapeurs, ne se rappelle de rien. On conclut à une attaque de loup, ce qui est parfaitement ridicule. La mère de Linnea n’en croit rien et fait appel à Jean-Michael Cardel, enquêteur invalide de guerre mais talentueux pour faire la lumière sur ce meurtre d’une cruauté barbare.
Cardel, qui doit déjà composer avec un passé tortueux n’aura pas le choix d’affronter ses démons car ses investigations vont le mener vers une secte étrange dans un mystérieux orphelinat sans compter les manœuvres tordues de Cetton. Toute l’horreur de la vérité risque de lui laisser un goût amer.
C’est un roman très noir, glauque qui tranche par son atmosphère opaque. On plonge d’abord dans le quotidien misérable de la Stockholm du XVIIIe siècle, un dépotoir malfamé indescriptible qui n’a rien à voir avec la capitale suédoise d’aujourd’hui, puis dans la fange et les fosses de l’île de Saint-Barthélemy ou les africains débarqués en esclave sont traités comme des marchandises. C’est sans compter sur l’épais mystère qui pousse Cardel vers une découverte lourde et douloureuse.

C’est un roman cru et dérangeant sous plusieurs aspects. Par exemple, l’esclavagisme y est traité avec une légèreté choquante et l’ensemble est plutôt sanglant. Le récit ne laisse pas indifférent mais il est un peu irritant de par sa structure. Je peux comprendre plusieurs lecteurs de la masse critique de ne pas avoir terminé le roman.
On dirait que l’auteur a déployé un concentré d’imagination dans la première moitié de l’histoire. Par la suite, l’intérêt décroît. Le fil conducteur ne tient plus. Ça devient lourd avec des longueurs, des palabres inutiles et de nombreux passages invraisemblables.
Heureusement, j’ai pu m’attacher à Cardel. C’est un boudin. Terme irrévérencieux utilisé à l’époque pour définir un policier un peu comme le terme *poulet*, terme utilisé de nos jours même s’il est devenu archaïque J’ai éprouvé de l’empathie pour ce personnage malmené par la vie, pour sa sincérité, son opiniâtreté et sa clairvoyance.
Enfin, c’est un roman très dur et sa finale m’a un peu laissé sur mon appétit. L’histoire m’a semblé non aboutie. L’ensemble est complexe et accuse parfois de la dilution. La force réside dans les personnages, Cardel en particulier et la reconstitution historique m’a semblé sans faille. Bref, donnez-vous du temps et soyez patient.
Suggestion de lecture : EN SACRIFICE À MOLOCH, d’Asa Larsson
La série


L’auteur : Niklas Natt Och Dag
Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 15 novembre 2025