*…-Joe, lâchez-moi! Vous allez trop vite,
Joe, lâchez-moi!
-Pourquoi es-tu venue ici, salope?*
(extrait de AU SUD DE NULLE PART,
Charles Bukowski, Éd. Grasset et Fasquelle,
1982, t.f. 206 pages, éd. Num.)
AU SUD DE NULLE PART est un recueil de 27 nouvelles généralement très courtes et fortement inspirées de la vie de l’auteur Charles Bukowski. À travers son personnage autobiographique Henri Chineski, l’auteur aborde ses sujets courants : les femmes, l’alcool, les courses de chevaux, une vie d’errance, sa rencontre avec des personnages excentriques, instables et misanthropes et surtout, l’auteur évoque son désenchantement face au rêve américain.
AVANT-PROPOS :
Sacré Charles…
Le moment est venu pour moi de vous parler d’un autre de mes auteurs préférés. Il s’agit de Charles Bukowski. Il y a parfois des personnes auxquelles on s’attache sans qu’on comprenne exactement pourquoi. Bukowski m’a toujours fasciné, intrigué.
Charles Bukowski était un homme tourmenté, instable…c’était un marginal, misanthrope, bourru et indiscipliné qui a passé la majeure partie de sa vie imbibé d’alcool. Pourtant son esprit, sa pensée, sa vision de la vie étaient d’une exceptionnelle profondeur. Son errance constante l’a amené à juger sans prétention, autant que sans concession, la folie qu’il constate au quotidien.
J’ai choisi de vous parler de son livre AU SUD DE NULLE PART à connotation fortement autobiographique. Si vous décidez de lire ce livre, vous pourriez développer, comme moi, l’impression que Bukowski est un vieil ami qui reste pas loin, difficile d’approche, caustique et pourtant attachant et terriblement humain…
Les contes souterrains
*Ne hurle pas lui dit-il ou j’ te tue,
alors empêche-moi de te tuer.*
(ex. AU SUD DE NULLE PART, C. Bukowski)
AU SUD DE NULLE PART est un petit bouquet d’insolences littéraires que j’ai dévoré. Bien sûr il faut apprendre à connaître Bukowski car dans ce recueil de nouvelles, la misanthropie est poussée à ses extrémités. Et la manifestation la plus évidente de cette tendance est dans la nouvelle intitulée L’EXPÉDITIONNAIRE AU NEZ ROUGE. Voici quelques citations…
*Je n’aime tout bonnement pas les gens…*
*…je n’ai jamais rencontré un homme que j’ai aimé…*
*Randall était célèbre en tant qu’isolationniste, pochard, homme grossier et amer…*
Dans la même nouvelle…je cite : *Malgré tout, Randall avait de l’humour. Il savait rire de la souffrance et de lui-même. On ne pouvait s’empêcher de l’aimer.*
Voilà…c’est ça Bukowski. C’est sans concession. On l’aime ou on l’aime pas. AU SUD DE NULLE PART est un recueil de nouvelles fortement imprégnées de sexe et d’alcool et qui n’ont pas vraiment de conclusions. Il n’y a pas de rebondissements ou d’intrigues. C’est l’histoire de la dérive d’un être humain, une exploration des cotés obscurs de l’âme et l’évocation du rêve américain tourné en dérision.
L’écriture est simple mais très directe, parfois brutale. Les personnages sont sombres, misérables, désillusionnés, bourrés d’alcool et de douleurs décrits à la manière de Bukowski…crûs et amers.
Pourtant j’ai aimé ce livre car malgré le désespoir qui y est décrit ou qui le caractérise, il y a des moments drôles, attendrissants et la plume de Bukowski atteint souvent, spécialement dans les dernières nouvelles la profondeur d’une remarquable poésie qui entraîne malgré lui le lecteur, la lectrice.
Lire Bukowski c’est une expérience spéciale car s’il est acerbe, il a au moins la qualité d’être authentique et sincère.
Suggestion de lecture : LE CHEMIN PARCOURU, d’Ishmael Beah
Henry Charles Bukowski est romancier et poète américain, d’origine allemande né à Andernach et mort en Californie en 1994 à l’âge de 73 ans. Il n’a que deux ans quand ses parents décident d’aller vivre à Los Angeles, mais ils connaîtront la misère à cause de la crise économique.
Dès l’âge de 16 ans, le corps de Charles se couvre de pustules. Son mal prend des proportions telles qu’il se verra comme un monstre. Charles, enfant battu par son père jusqu’à l’âge de 17 ans quitte le foyer familial, vit d’un logement miteux à l’autre et sombre graduellement dans l’alcool, mais il écrit. Il va d’un petit boulot à l’autre pour vivre mais il est systématiquement renvoyé…
…mais entretemps il écrit…toujours au son de la musique classique diffusée à la radio et avec de l’alcool en abondance. En 1960, à 40 ans, Bukowski publie son premier livre : FLEUR, POING ET GÉMISSEMENT BESTIAL, un recueil de poèmes. Entre autres épisodes d’indiscipline, Bukowski s’enivre sur le plateau d’APOSTROPHE, l’émission littéraire de Bernard Pivot et doit être évacué du plateau.
Bukowski devient de plus en plus angoissé et alcoolique, mais il continue à écrire et plusieurs de ses livres connaîtront un succès tel que Bukowski atteindra la notoriété et ce, malgré le dédain qu’il éprouve pour le monde littéraire qu’il trouve terne et snob.
Parmi les titres consacrés on retrouve entre autres LES CONTES DE LA FOLIE ORDINAIRE (adapté au cinéma), JOURNAL D’UN VIEUX DÉGUEULASSE, AU SUD DE NULLE PART et LE POSTIER (Bukowski a été postier pendant une dizaine d’années)
À lire…
Je vous suggère également un article signé Robert Lévesque et publié en 2008 par le site les libraires.ca. L’article ne s’est jamais démodé même s’il est disons…plutôt acide ou certains diront noir…
BONNE LECTURE
Claude Lambert
OCTOBRE 2014