Félix Leclerc et nous

40 regards sur l’homme et son œuvre

Commentaire sur le livre de
MONIQUE GIROUX et PIERRE GINCE

*Félix a tout inventé de la chanson moderne québécoise de par son talent, sa guitare, des mots simples et forts à la fois, des images suggérées, des mélodies facilement mémorisables, des fables philosophiques sur de la musique, de la poésie.

Il nous a nommés, a vanté la nature, la nôtre. Il a, comme ses ancêtres de la Mauricie qui défrichaient la terre, défriché celle de notre culture populaire. Sans même le savoir ou encore moins le vouloir, il a damé des chemins, les rendant carrossables pour ceux et celles qui prendraient la guitare à sa suite. *

(Propos de Monique Giroux, extraits de l’introduction du livre FÉLIX LECLERC ET NOUS, 40 regards sur l’homme et son œuvre, par Monique Giroux et Pierre Gince, Les Éditions de l’Homme 2022, édition de papier, 292 pages.)

Auteur-compositeur-interprète, écrivain, animateur, scénariste, metteur en scène et acteur: Félix Leclerc avait toutes les cordes à son arc. Pionnier de la chanson québécoise moderne, il a créé un style musical reconnaissable entre tous. Ses souliers l’ont mené du Québec à la France, où il a côtoyé Brel, Brassens et Devos. Près de 40 ans après son décès, ce grand poète est toujours bien vivant dans le cœur de plusieurs générations, chez nous comme ailleurs. Bienvenue dans ce «Tour de l’île» unique, balisé par les témoignages intimes des plus grands artistes de la chanson francophone et des privilégiés qui l’ont côtoyé au quotidien, dans son havre de paix.

Un pur P’tit Bonheur

C’est un ouvrage en deux parties, la principale étant une collection de 40 témoignages sur Félix Leclerc. Chaque regard sur Félix est signé d’artistes ou d’autres personnes qui, tôt ou tard ont côtoyé ou interprété le poète de l’île et comprend une courte biographie de l’artiste.

Cette imposante série de témoignages est précédée d’un vaste tour d’horizon de la vie et de l’œuvre de Félix Leclerc qui rappelle un peu la forme d’un journal, sauf qu’ici, les faits saillants sont détaillés par année. Cette partie constitue un important rapport de recherches qui place de façon adéquate le lecteur et la lectrice dans le contexte.

Il y a évidemment une redondance inévitable dans ces textes. Tous les artistes admettent avoir été touchés tôt ou tard par Félix comme touchés par la grâce. J’essaie ici de dégager les points communs de tous ces textes qui décrivent Félix Leclerc :

Félix était un homme massif, imposant, *Quand Félix arrivait quelque part, il apparaissait. * (Extrait du témoignage de Natalie Leclerc) Sa voix était grave et forçait l’attention, bel homme, poète, dramaturge, homme de théâtre, auteur, compositeur, interprète, reconnu et adulé en France avant de l’être au Québec.

Il a ouvert la voie à un style d’interprétation qui s’est élevé au niveau de l’art, influençant fortement ceux devenus monstres sacrés de la chanson : Brassens, Duteil, Brel, Claude Gauthier et beaucoup d’autres.

Félix était réservé, un peu timide, casanier mais paradoxalement chaleureux et empathique.

Ça transparaissait jusque sur la scène quand il entrait avec sa guitare et posait un pied sur son éternelle chaise. Sa pensée sociale fut évolutive jusqu’en 1970 où elle prit un tournant avec la crise d’octobre.

*En octobre 1970, quand un des soldats lui demandent de s’identifier afin qu’il puisse rentrer à l’Île d’Orléans. Ça le blesse. C’est l’origine même de <L’ALOUETTE EN COLÈRE> qui marque un nouveau tome dans la carrière de Félix Leclerc. *  Extrait du témoignage de Marc Laurendeau.

C’est ainsi que, personnellement, L’ALOUETTE EN COLÈRE est devenue ma chanson préférée sur le plan identitaire après *Attends-moi Ti-gars* que je fredonnais à la fin d’une journée en sortant de ma petite école Saint-Maurice. D’autres chanson furent identifiées dans les témoignages comme préférées : LE TOUR DE L’ÎLE, L’HYMNE AU PRINTEMPS, BOZO, LE PTIT BONHEUR et j’en passe.

Évidemment, en 40 entrevues, il y a beaucoup de répétition et de redondances. Mais il y a aussi des apports personnels d’une grande richesse. C’est ainsi qu’avec le témoignage d’Yves Duteil j’ai connu et savouré les origines de <LA LANGUE DE CHEZ NOUS> Pas d’erreur, ce recueil est porteur d’émotion, de chaleur et d’amour, sans compter l’engagement social.

Je me souviens très bien maintenant de celui qui a ouvert la voie. Merci Monique et Pierre. Je comprends aussi beaucoup mieux pourquoi Brassens est l’auteur-compositeur-interprète qui m’a le plus atteint à vie avec Félix Leclerc. Brassens et Leclerc ont ceci en commun outre leur poésie : plus la scène est dépouillée plus elle est riche et enveloppante.

Suggestion de lecture : LE PETIT MOZART, la BD de William Augel


Félix Leclerc


Les auteurs Pierre Gince et Monique Giroux

 

 

Ma préférée…
celle que je fredonnais
sur les chemins
de la p’tite école

BONNE LECTURE
CLAUDE LAMBERT

LE VILLAGE, livre de Virginie Delage

*Finalement, je ne sais pas ce qui a déclenché tout ça.
 Son regard à lui. Ses yeux, à elle. Ou le gosse ?
Le gosse me demandant : “Tu viens nous aider ?” 
J’ai la rage, soudain. Tout ça, c’est à cause de lui.
Uniquement à cause de lui. Voilà pourquoi je
m’apprête à faire un truc que je n’aurais jamais pensé
faire, moi qui ne suis pas un violent. Dans quelques
minutes, je vais tuer cet homme. * 
(Extrait : LE VILLAGE,
Virginie Delage, pour la présente, édition numérique, Michel
Lafon éditeur, 2020, 1,7 Mo, 237 pages. Collection Thriller)

Les villages de l’adolescence sont parfois dangereux quand on les revisite vers la quarantaine et qu’on se confronte à ses rêves de jeunesse. Car l’adolescence est une période magique où l’on croit volontiers à l’amour éternel, aux amitiés d’airain, à son talent, au destin que l’on s’est choisi. Pour finir, quelquefois, par tout renier et se trahir soi-même. Ce livre nous permet d’emprunter le regard de plusieurs personnages ayant tous un lien avec un village qui génère des souvenirs bons ou douloureux. C’est un roman à deux voix : Oscar, qui raconte son ascension sociale, puis un anonyme qui plonge dans ses souvenirs en se promenant dans le village.

Un passé attractif
*Il y a des souvenirs si forts, si intenses,
qu’il vaut mieux les tenir à l’écart. *
 
(Extrait)

LE VILLAGE est un drame psychologique qui met en scène des personnages ayant un point en commun : ils sont issus d’un village où des évènements précis ont touché et modelé de toutes sortes de façon leur enfance et leur adolescence, façonnant ainsi un avenir qui ne s’annonce pas nécessairement rose. Les deux principaux personnages ont aussi un point en commun : leur ambition.

Dans ce livre, deux narrations alternent. D’abord, nous suivons l’évolution professionnelle d’Oscar Aury dont la vie jongle entre l’amour et l’ambition. Oscar parle de sa vie, de ses amis, de son amour et surtout des évènements qui vont le conduire vers son tragique destin sans oublier la façon dont il influencera le destin des autres, par exemple celui de François Bonnamy qui dirige, pour le compte d’une Société dont fait partie Oscar comme cadre, une prestigieuse entreprise de production de vêtements pour enfants : la marque Bonenfant.

Le deuxième narrateur n’a pas de nom. Il parle lui aussi de son quotidien au village pendant sa jeunesse et nous fait rencontrer les riches familles de la région.

Que deux destins en apparence banals convergent, sur le plan littéraire, c’est très courant et très acceptable, mais j’ai de la difficulté avec les récits à plusieurs voix quand l’auteur s’étend trop longtemps et farcie son récit d’une quantité de détails telle que l’intérêt du lecteur et de la lectrice est dilué. Sur le plan de l’écriture, le récit à deux voix est un beau défi. Ça peut même devenir emballant avec des personnages bien travaillés et une intrigue solide.

Je n’ai pas pu m’attacher aux personnages qui sont insuffisamment définis et j’ai trouvé l’intrigue en errance avec un peu de confusion jusqu’au dernier quart du livre où les états d’âmes d’Oscar nous font un peu appréhender la finale. J’ai trouvé que, pour un roman aussi court, il y avait beaucoup de longueurs. Malgré tout, j’ai trouvé l’écriture belle, la plume élégante. Malheureusement, les personnages manquent de chaleur et ont été, à mon avis, insuffisamment travaillés.

Je ne regrette absolument pas d’avoir lu LE VILLAGE car c’est le premier roman de Virginie Delage et j’ai ressenti dans la lecture de son livre les indices d’un futur prometteur. Et peut-être quelque chose m’a-t-il échappé ! Le livre n’a-t-il pas gagné un prix? Je le considère comme un encouragement pour l’auteure qui, pour jouer sur la convergence devra ajouter à son écriture de l’émotion et des éléments qui pousseront les lecteurs et lectrices à l’empathie vis-à-vis ses personnages.

Je considère ce dernier élément extrêmement important car à quoi s’accroche le lecteur dès le départ sinon à un personnage. J’admets que le début du récit est accrocheur et en parfaite cohérence avec la finale et que le roman a sûrement d’autres belles qualités. Ici, je me suis spontanément limité à mon ressenti.

Suggestion de lecture : L’APPEL DU COUCOU, de Robert Galbraith


Virginie Delage, lauréate du PRIX LITTÉRAIRE AU FÉMININ

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 13 avril 2024