AVIS DE DÉCÈS, le livre de DANIEL NAUD

Les tribulations d’un croque-mort

*Et cette chose me guette, en attente, les mâchoires exhibées. Installé entre les
pédales de frein et d’accélération, le crâne de l’homme me fixe de ses sombres orbites vides. Tombé de son emplacement original, il repose entre les pieds de son
propre corps.*
(Extrait : AVIS DE DÉCÈS les tribulations d’un
croque-mort, Daniel Naud, Perro éditeur,  2013, édition numérique, collection i book)

AVIS DE DÉCÈS LES TRIBULATIONS D’UN CROQUE-MORT est un recueil anecdotique inspiré de l’expérience personnelle et professionnelle de l’auteur, le québécois Daniel Naud, thanatologue depuis 1992. L’auteur répond à presque toutes les questions que se pose le commun des mortels sur son métier, dévoilant ainsi les aspects techniques et rituels généralement classés par le grand public comme des mystères.

Mais pour l’auteur, il n’y a pas de mystère, seulement une retenue imposée par le respect, les traditions et les émotions. Les explications livrées par les différents récits contribuent à apporter une meilleure compréhension sur un monde mystérieux, un mystère qui a toujours terrorisé les humains : la mort… un vécu d’embaumeur raconté d’une façon très personnelle, parfois avec humour, mais surtout avec respect.

La thanatologie démystifiée
*Ce recueil ne vise pas le sensationnalisme, mais
bien la présentation des facettes cachées du
domaine funéraire, et le partage d’histoires
parfois touchantes, drôles, stupéfiantes et
même à lever le cœur*
(Extrait du prologue de AVIS DE DÉCÈS LES
TRIBULATIONS D’UN CROQUE-MORT)

AVIS DE DÉCÈS est un ouvrage original qui ouvre la porte sur un monde fascinant qui suscite de nombreuses interrogations et ce, depuis les origines de la vie : LA MORT. L’auteur sait de quoi il parle puisqu’il est lui-même thanatologue depuis de nombreuses années. Dans ce recueil, Naud a soigneusement évité les artifices, l’humour crasse. Il n’est pas question non plus de vie après la mort.

Je dirais plutôt que ce livre, dans lequel le respect est omniprésent, développe un sujet aussi mystérieux que la mort elle-même : la thanatologie et la thanatopraxie, c’est-à-dire la gestion de la mort. Pour en parler, l’auteur a choisi de raconter, de façon personnelle et directe, quelques histoires tirées de son vécu d’embaumeur.

Dans ses récits, Daniel Naud nous livre, de façon exhaustive, les grands thèmes qui se rapportent à sa vocation en commençant par sa propre perception de la mort, l’aspect rituel, les aspects techniques comme ceux relatifs à la décomposition, la préservation d’un corps et tout ce qui doit être fait avant l’exposition.

Ajoutons l’accompagnement des familles en deuil, les aspects complexes de la récupération de corps sur les lieux d’accident, les risques liés à son métier et les sentiments qu’il éprouve…

C’est un récit simple, dépourvu de sensationnalisme qui nous rappelle que les thanatologues sont des êtres humains et empathiques. On ne peut rester indifférent à un tel livre parce que la mort fait peur, mais la fin de la vie suscite tellement de questionnements, de curiosité qu’on ne peut résister à un récit développé avec autant de délicatesse que de franchise.

Dans ce recueil, j’ai ressenti de l’émotion…une émotion stimulée par un choix approprié des mots et un certain humour empreint d’une bienfaitrice retenue.

Malgré quelques passages morbides obligés, le livre est équilibré et bien ventilé et livre même des moments qui nous arrachent quelques sourires comme par exemple dans le chapitre COUP DE FOUDRE AU CIMETIÈRE où l’auteur raconte comment il est tombé en amour ou encore le chapitre L’HABIT NE FAIT PAS LE MORT qui raconte une incroyable confusion de vêtements sur des défunts.

Ce livre est un peu plus qu’un simple ABC de la thanatologie car la vie professionnelle et même personnelle de ce que l’on appelle encore aujourd’hui un croque-mort y est livrée avec la mémoire des yeux et du cœur. Pour ma part, je crois que ma curiosité a été satisfaite.

Suggestion de lecture : FUNÉRARIUM, de Brigitte Aubert

Daniel Naud est un thanatologue et écrivain québécois né à St-Félicien, au Lac St-Jean, en 1971. Il évolue de près ou de loin dans le domaine funéraire depuis une vingtaine d’années et il adore ce métier qui lui permet d’aider les gens tout en vivant diverses émotions. Passionné depuis toujours par les sciences et la littérature, il poursuit avec bonheur son rêve d’écriture.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
OCTOBRE 2015

FUNÉRARIUM, le livre de BRIGITTE AUBERT

*…Elle s’est logée sur le côté de la deuxième
cervicale, le long du nerf pneumo-gastrique.
Elle vous a chatouillé le rachis, ajouta-t-il,
débonnaire, le genre de caresse qui peut vous
laisser aussi frais qu’un légume congelé pour
le restant de vos jours.*
(extrait de FUNÉRARIUM de Brigitte Aubert,
Éditions du Seuil, 2006)

Voici l’histoire de Léonard Moreno, appelé Chib, la quarantaine, un peu introverti, renfermé, et vivant confortablement de sa profession d’embaumeur. Un jour, Moreno est approché par une femme : Blanche Andrieu qui lui demande d’embaumer sa petite fille Élizabeth-Louise, appelée  Elilou, morte accidentellement et de l’installer dans un cercueil de verre. Attiré par cette femme, Chib accepte et fait la connaissance de sa famille, des nobles très riches. Au cours de l’embaumement, Chib s’aperçoit que la petite a été victime de mauvais traitements allant jusqu’à l’agression. Troublé, Chib enquête discrètement sur les sévices infligés à la jeune fille et s’apprête à pénétrer très graduellement dans un horrible secret de famille.

Avec FUNÉRARIUM, ne vous attendez pas à plonger dans l’eau de rose, Étant donnée la nature du sujet. En effet, Brigitte Aubert a exploité tout son talent et sa force d’écrivaine pour *installer* le lecteur dans une atmosphère oppressante et morbide qui n’est pas sans rappeler, à certains égards, L’EXORCISTE de William Peter Blatty.

En fait, Brigitte Aubert a relevé un défi intellectuel exigeant mais à la hauteur de son talent : elle a créé un personnage, Léonard Moreno,  sans talent particulier à part celui qu’il déploie dans l’exercice de sa profession, embaumeur.

Et c’est justement comme embaumeur qu’il s’aperçoit que la dépouille d’une jeune fille a été agressée et que sa mort est suspecte. *Tiraillé* par sa conscience professionnelle, Moreno entreprend une enquête et s’immisce dans la famille Andrieu qui est rien de moins qu’un nid de vipère.

Pendant son enquête, Moreno aura à jongler avec des indices de pédophilie, de zoophilie, de nécrophilie, de satanisme et autres bassesses, sans compter les morts qui s’empilent.

L’auteure  laisse peu de répit au lecteur et à peu près aucun élément lui permettant d’identifier la personne coupable de ces monstrueuses déviations. L’écriture est puissante et sa fluidité ne nuit en rien à l’intensité dramatique de l’histoire.

Malgré l’incroyable morbidité qui caractérise le roman et qui ne ménage pas le lecteur, j’ai été séduit par un certain sens de l’humour de l’auteure qui m’a arraché plusieurs sourires.

Malgré tout, je mentionne que la trame sinistre est non seulement entretenue tout au long du récit, mais est accentuée par de petits intermèdes intercalés entre les chapitre et que Brigitte Aubert appelle des *INTERMEZZOS*. Voici un petit extrait…

*Elle puait.
Elle puait son odeur.
Elle puait l’esclave.
Dans ses yeux, dans sa bouche.
L’odeur sale.
L’odeur des cris entre les draps.
L’odeur mouillée.
Qui fait mal.
Ses lèvres de salope sur les joues des enfants.
…*

Pas très joyeux… bien qu’il baigne dans la dépravation et la haine, ce livre est surprenant. Il ne fait pas dans la dentelle c’est vrai mais l’histoire est bien ficelée, intense, attire irrésistiblement le lecteur dans sa toile…un livre que vous n’oublierez pas.

Suggestion de lecture : AVIS DE DÉCÈS, de Daniel Naud

BONNE LECTURE

Claude Lambert
AOUT 2013

(En Complément…)