L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux

Commentaire sur le livre de
NICHOLAS EVANS

*Pilgrim se tenait peut-être pour responsable de l’accident. Pourquoi les êtres humains auraient-ils le monopole du remords? Tom avait souvent vu des chevaux protéger leur cavalier, en particulier les enfants, des dangers auxquels les exposait leur inexpérience. Pilgrim avait laissé Grace tomber. Et lorsqu’il avait voulu la protéger du camion, il n’avait récolté que souffrance et châtiment. *

Extrait : L’HOMME QUI MURMURAIT À L’OREILLE DES CHEVAUX, de Nicholas Evans. Édition de papier et numérique : ALBIN MICHEL éditeur, 1998, 416 pages. Version audio : Audiolib éditeur, 2022, durée d’écoute : 12 heures 41 minutes. Narrateur, Christophe Brault. Adapté au cinéma.

La reconstruction d’une vie

 

Malgré quelques faiblesses, ce petit livre est un bouquet d’émotions. Il développe deux histoires en convergence. Voyons le tableau.

Voici l’histoire de Grace Maclean, une jeune fille de 13 ans, passionnée de chevaux. À la suite d’un terrible accident ayant causé la mort de son amie Judith et du cheval de cette dernière, Gulliver, Grace se retrouve amputée d’une jambe et gravement traumatisée. Son cheval, Pilgrim, qui, avec Grace est au cœur de l’histoire, est devenu, lui, agressif, indomptable et inapprochable. La mère, Annie, tente par tous les moyens de sauver sa fille et il lui vient la certitude que c’est en recréant le lien qui l’unit à son cheval qu’elle parviendra à sa guérison.

Elle emmène ainsi Grace et Pilgrim rencontrer Tom Booker, un dresseur-éleveur professionnel qui a un don particulier avec les chevaux. *Ces hommes, qui murmuraient des secrets aux oreilles dressées et inquiètes, on les appelait Chuchoteurs. * (Extrait)

Ils possédaient l’art de sonder les âmes de ces créatures et d’en panser les plaies secrètes. (Extrait)

Pendant la prise en charge de Pilmgrin, un petit sentiment devient grandissant entre Annie et Tom Booker, le tout à l’insu d’Annie. C’est un détail important qui prépare les lecteurs-lectrices à une finale extrêmement prenante. Un triptyque composé d’une mère, de sa fille et d’un cheval travaille à réapprendre le sens de la vie.

Je passerai rapidement sur la partie *histoire d’amour*. Je l’ai trouvée plutôt fleur bleue et surdimensionnée par rapport au thème principal qui est la réhabilitation de Grace et Pilgrim. Cette partie surdéveloppée va jusqu’à mettre dans l’ombre, dans la deuxième moitié du récit, la construction d’une nouvelle relation entre Grace et Pilgrim et Dieu sait qu’elle ne sera pas facile. C’est à ce chapitre que j’ai trouvé le plus de longueurs et parfois du remplissage. Un besoin d’en mettre un peu trop.

Je n’aime pas beaucoup le style fleur bleue mais j’admets toutefois que cette relation est importante pour la suite des évènements. Grace m’a touché bien sûr car elle aura à faire preuve de beaucoup d’abnégation pour se remettre physiquement et psychologiquement. J’ai été aussi sensible aux déboires de Pilgrim avec lequel il faut repartir à zéro tout le travail visant à établir un lien de confiance et c’est loin d’être simple.

Malgré tout, mon personnage préféré fut Tom Booker, celui qui fait des miracles avec les chevaux. Celui qui murmure à leur oreille. Dans cette histoire, MURMURER comprend beaucoup de choses : parler, communiquer, aimer, comprendre, partager, respecter et plus. J’ai développé beaucoup d’empathie pour Booker qui croyait au départ la cause de Pilgrim désespérée. L’œuvre et la psychologie de personnage m’ont fasciné. C’est ce qui rend pour moi le livre inoubliable.

La principale faiblesse du livre, qui va pour moi jusqu’à l’irritation est sa finale. Expédiée, brutale, en pente raide, paralysante pour les lecteurs. La force de cette faiblesse si je peux m’exprimer ainsi est que cette finale est d’une haute intensité dramatique. Quant à l’épilogue, je l’ai trouvé intéressant mais prévisible.

Très bon roman initiatique malgré ses petites faiblesses. Pour ceux que ça intéresse, j’ai vu le film, mais j’ai préféré le livre.

Suggestion de lecture : JONATHAN LIVINGSTONE LE GOÉLAND, de Richard Bach


À gauche, image du film L’HOMME QUI MURMURAIT À L’OREILLE DES CHEVAUX réalisé en 1998 par Robert Redford. À droite : l’auteur Nicholas Evans

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 22 novembre 2025

 

 

DANS LA TOILE, Vincent Hauuy

L’oiseau donne un coup de bec sur la vitre, puis un deuxième. Mes mains se couvrent d’une moiteur froide, ma gorge se noue. J’ai envie de crier, mais je n’ai pas d’air dans les poumons.
La corneille croasse et martèle la vitre à une vitesse inouïe. Le verre se fend.
Le bec se brise, le sang éclabousse la fenêtre. ‘Tu n’as aucun éclat, ma colombe’ hurle une voix distordue.
–Un problème, madame Northwood-Gros ? demande le psychiatre inquiet.
Je me tourne vers lui, grimaçante de peur, puis je lève le bras vers la fenêtre.
Intacte. Pas de sang, Pas d’oiseau non plus.
Extrait : DANS LA TOILE, de Vincent Hauuy, Hugo thriller éditeur, 2019, version numérique. 242 pages, 2,1 Mo

Isabel Gros est une miraculée. Seule survivante d’une fusillade, elle a passé deux semaines dans le coma. Contrainte d’abandonner sa carrière de critique d’art et ne supportant plus la vie citadine, elle quitte Paris avec son mari, pour s’installer dans leur nouveau chalet, au cœur des Vosges.

Souffrant de graves séquelles, Isabel pense se reconstruire grâce à la peinture. Mais le malaise qu’elle ressent dès son arrivée va rapidement se transformer en terreur.

 

Digne du titre

Après avoir lu son livre LE TRICYCLE ROUGE en 2020, j’étais très curieux de savoir ce que Vincent hauuy avait à m’offrir cette fois. Serait-ce supérieur, équivalent, ou d’intérêt moindre. C’est ainsi que j’ai lu DANS LA TOILE, un polar psychologique d’une grande intensité. Celle-ci cède d’ailleurs le pas au rythme et à l’action mais commençons par le contenu.

L’histoire est celle d’Isabel Gros, femme du médecin Frank Gros. Isabel est l’unique rescapée d’une fusillade qui l’a plongée dans un long coma, avec un lourd traumatisme crânien et des poumons fortement abîmés. Obligée d’abandonner sa carrière de critique d’art,  Isabel doit quitter Paris pour s’installer dans un chalet isolé où sa vie subira une deuxième bascule, versant dans la terreur.

Le lecteur aura à composer avec une femme désorientée sujette aux absences, trous noirs, hystérie et une femme obnubilée par le sort de sa sœur. Elle doit entreprendre un long voyage intérieur pour comprendre ce qui lui arrive et surtout le rôle obscur joué par son mari. Pas d’amis, pas d’alliés.

Comment s’en sortir sans ami, sans aide, sans force. La réponse serait-elle dans une toile ?

Si les débuts sont prometteurs, l’ouvrage est de plus en plus glauque et dense et, comme ça se produit souvent dans les huis clos, le lecteur est forcé de composer avec beaucoup plus d’éléments qu’il y a de personnages. Il doit même comprendre et démêler la dualité entre deux personnalités en une. Il est question ici d’un trouble dissociatif de la personnalité.

Donc ça dérape en cours de route dans l’inutilement compliqué avec beaucoup trop d’éléments qui sont tout, sauf de la valeur ajoutée: addiction au jeu et à l’alcool, pédophilie, des fausses jumelles, etc. Je comprends que l’auteur a voulu me faire plonger dans la psyché d’une femme traumatisée par ses démons. Mais j’ai eu l’impression d’errer dans une boucle redondante. Encore si le personnage principal était attachant, j’aurais été sans doute stimulé. Mais tout est froid dans le récit.

Ce polar psychologique reste malgré tout un intéressant défi de lecture à cause de son lien avec l’art de la peinture. Cet aspect, un peu mystifiant, donne une certaine saveur à l’histoire, même si je l’ai trouvé un peu sous développé.

Malgré la faiblesse de son fil conducteur, le livre a une grande force, il est porteur d’émotions et laisse à réfléchir sur la fragilité mais surtout sur la complexité de l’esprit humain.

Au final, c’est un bon roman, relativement efficace, mais ça ne vaut pas LE TRICYCLE ROUGE, nettement supérieur.

Suggestion de lecture : JE TE VOIS, de Clare Mackintosh



L’auteur Vincent Hauuy

DU MÊME AUTEUR

Pour lire mon commentaire sur LE TRICYCLE ROUGE, cliquez ici.

 

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le vendredi 10 mai 2024