L’ÉTRANGE HISTOIRE DE BENJAMIN BUTTON

Commentaire sur le livre de
FRANCIS SCOTT FITZGERALD

*Ici, ça va pour les jeunes, qui ne sont pas dérangés
par grand-chose. Ça pleure, ça piaille : je n’ai pas
réussi à fermer l’œil. J’ai demandé quelque chose à
manger- et d’une voix stridente il s’insurgea- et ils
n’ont rien trouvé de mieux à me donner qu’un
biberon de lait. *
Extrait : L’ÉTRANGE HISTOIRE DE BENJAMIN BUTTON,
Francis Scott Fitzgerald, neobook éditions, 2013, collec-
tion classique, édition numérique, 80 pages num.

En ce matin de septembre 1860, Roger Button n’en croit pas ses yeux. En pleine maternité, se dresse dans le berceau de son nouveau-né, un homme de 70 ans à la barbe vénérable ! Et il s’agit bien de son fils ! Après cette entrée en fanfare dans la vie, Benjamin Button ne pouvait mener une existence comme les autres : né vieillard, il va vieillir jeune, à rebours des autres, de la nature, des ans. Il va voir ses parents s’éteindre, sa jeune femme décliner tandis qu’il va retrouver peu à peu santé, vigueur, s’illustrer brillamment à la guerre, courir les fêtes et les mondanités… Au bout du voyage ? Une histoire étrange, extraordinaire et… le néant.

UNE VIE À CONTRESENS
<Quel nom vas-tu me donner, papa? «bébé»
pour l’instant? En attendant de trouver
quelque chose de mieux? M. Button grogna
et d’un air revêche lui dit : – Je n’en sais rien.
Je crois qu’on va t’appeler Mathusalem.>
Extrait : L’ÉTRANGE HISTOIRE DE BENJAMIN BUTTON

L’ÉTRANGE HISTOIRE DE BENJAMIN BUTTON est une nouvelle très troublante car elle représente un véritable défi pour le raisonnement. Essayez de vous projeter quelques instants dans l’incroyable tableau que je vous propose ici et qui représente la situation exacte de Benjamin Button.

À votre naissance, vous êtes un vieillard de 70 ans, plissé, presque sans cheveux, doué de paroles et d’intelligence. Dès votre arrivée au monde, vous commencez à rajeunir au même rythme qu’une personne normale vieillit. À la vieillesse, s’enchaîne l’âge adulte, puis l’adolescence, la pré-puberté, l’enfance et…

Vingt ou vingt-cinq ans après votre extraordinaire naissance, vous vous mariez. Votre femme va vieillir, mais vous, vous irez en rajeunissant. Vous aurez un enfant. Il va vieillir, mais vous, vous allez toujours rajeunir. Imaginez un instant que c’est votre fils qui vous reconduit un beau matin au jardin d’enfance ou la garderie.

Vous avez ici le commencement d’une incroyable chaîne de problèmes pour Benjamin et sa famille : une incroyable vie à rebours qui amène son lot de sueurs et de bizarreries : *En 1920, le premier enfant de Roscoe Button vint au monde. Toutefois, au cours des festivités qui s’ensuivirent, personne ne crut qu’il fut de bon ton de révéler que le vilain petit garçon, d’une dizaine d’années, qui jouait dans la maison avec ses soldats de plomb et son cirque miniature était le propre grand-père du nouveau-né* (Extrait)

Comme le roman a moins de 20 pages, l’auteur a fait des choix précis. J’aurais aimé pourtant qu’il parle de la mère. Le début de l’histoire arrache un certain sourire. Imaginez le père qui découvre son bébé à la pouponnière : un vieillard de plus de 70 ans qui essaie de comprendre ce qu’il fait là. Pratiquement rien sur la mère.

J’aurais trouvé intéressant de voir l’état de la mère après avoir accouché d’un *gériatron* d’un mètre 70. Je ne peux rien dire sur la finale sinon que je l’ai trouvée expédiée et frustrante. Il y aurait eu matière à un volumineux roman et on ne se serait pas ennuyé. Ceci étant dit l’adaptation du livre à l’écran mérite d’être visionné.

Un dernier détail, une situation qui n’est presque pas développée dans le récit. Si aujourd’hui, j’ai rajeuni d’une journée par rapport à hier et si je prends le principe au pied de la lettre, est-ce que je peux considérer que la journée de la veille n’a jamais existé et que par conséquent, je ne me rappellerai de rien de ce qui s’est passé dans ma vie la veille ?

Je pense que c’est le grand mérite de ce récit, il soulève des questions et atteint l’esprit. C’est déjà beaucoup, mais j’aurais souhaité beaucoup plus.  J’ai l’impression que l’auteur a eu comme un éclair de génie, l’a mis sur papier, lui a fait un enrobage bâclé et l’a envoyé dans le champ. Pas de développement, pas de fini.

La principale faiblesse de cette histoire et je crois qu’elle n’a rien à voir avec les choix de l’auteur, c’est l’absence d’émotion.  Les personnages sont froids. Devant un évènement aussi original et extraordinaire, l’auteur n’a fait que mettre en perspective les travers de la nature humaine. Je m’attendais à beaucoup mieux. Le film, qui n’a pas grand-chose à voir avec le livre, se rapproche beaucoup plus de ce que j’aurais souhaité lire.

Si vous souhaitez lire ce livre, misez sur l’aspect que j’ai développé au début de l’article, cette histoire est un défi pour l’esprit : comprendre les sentiments de Benjamin Button dans le contexte d’une vie à rebours. Ça m’a occupé assez longtemps.

Suggestion de lecture : L’ÉTRANGE DISPARITION D’AMY GREEN, de S.E. Harmon

Francis Scott Fitzgerald (1896-1940) est un écrivain et scénariste américain. Il a publié des romans inoubliables comme GATSBY LE MAGNIFIQUE, TENDRE EST LA NUIT et l’inachevé DERNIER ABAB inspiré de son expérience de scénariste à Hollywood où il meurt en 1940 à l’âge de 36 ans, ravagé par l’alcool et le désespoir. Le couple qu’il a formé avec Zelda est devenu mythique et il participe sans aucun doute au halo de mystère et de glamour qui entoure encore aujourd’hui l’écrivain américain, lui qui a sillonné la Côte d’Azur où il a publié L’ÉTRANGE HISTOIRE DE BENJAMIN BUTTON dans les années 20 et a lancé la carrière d’Ernest Hemingway (1899-1961).

BENJAMIN BUTTON AU CINÉMA

L’ÉTRANGE HISTOIRE DE BENJAMIN BUTTON est un film fantastique américain réalisé par David Fincher et sorti en 2008. L’histoire d’Eric Roth et Robin Swicors est inspirée de la nouvelle du même titre datant de 1922 et écrite par Francis Scott Fitzgerald. Le film, avec Brad Pitt dans le rôle de Benjamin Button, s’est vu attribué l’Oscar des meilleurs effets visuels et a été nominé pour l’Oscar du meilleur film et l’Oscar du meilleur acteur.

Bonne lecture
JALU/Claude Lambert

le samedi 16 mai 2020

FÂCHÉ NOIR, le livre de Stéphane Dompierre

MIEUX VAUT EN RIRE

*…J’aime imaginer qu’un lecteur
puisse pogner les nerfs,
mais je n’ai pas envie de lire
ses insultes…*
(extrait de AVANT QUE JE ME FÂCHE,
avant-propos de FÂCHÉ NOIR,
Stéphane Dompierre,
Éditions Québec Amérique, 2013)

Le québécois Stéphane Dompierre a réuni 52 de ses meilleures chroniques mises en ligne sur le portail YAHOO. Ce recueil de chroniques d’humeur s’intitule FÂCHÉ NOIR comme sur YAHOO. Dans ces chroniques, Stéphane Dompierre met en perspective nos petits travers bien humains ainsi que des situations quotidiennes qui ont le don de *taper sur les nerfs*.  Il passe en revue les irritants quotidiens, des tendances souvent absurdes et livre le tout de façon parfois (et souvent même) mordante.

Dans ce livre, le chroniqueur québécois Stéphane Dompierre nous livre ses meilleures chroniques FÂCHÉ NOIR mises en ligne sur le portail de Yahoo et dans lesquelles se conjuguent humour, ironie et sarcasme. L’auteur y passe en revue nos manies, penchants, travers, habitudes et autres tendances qui, sans qu’on le réalise, ont le don d’énerver les autres.

C’est un livre qui fait diversion de nos tracas quotidiens. Il m’a arraché beaucoup de rires et j’ai eu beaucoup de plaisirs à lire ses commentaires mordants et irrévérencieux sur toutes sortes de petites plaies qui sont souvent la signature de notre personnalité…ou qui ont le don de mettre en rogne.

Par exemple, Dompierre se *fâche noir* contre les photos de vacance, les guichets automatiques, les erreurs de jugement, les heures d’ouverture, les tatouages, les voisins et peut-être le meilleur chapitre du livre : un commentaire cinglant et fort réaliste sur les manuels d’instruction.

J’ai trouvé ce livre à la fois délicieux et mordant. Pour apprécier ce livre, il ne faut pas avoir peur du ridicule et accepter de se livrer de bonne grâce à un exercice loin d’être malsain : rire de soi un bon coup. Il ne faut pas oublier non plus que ce sont des chroniques d’humeur en ce sens que Dompierre sonde le cœur des irritants quotidiens, l’amplifie, le caricature et nous oblige carrément à en rire.

Je vous recommande ce livre. Il se lit vite et bien. Les chapitres sont très courts et sautent du *coq à l’âne*. L’auteur fait preuve de beaucoup d’imagination et j’ai apprécié  cette petite touche d’exagération qui caractérise chaque sujet et qui vient nous rappeler que nous ne sommes rien d’autres que des humains…alors vaut mieux en rire.

Peut-être un jour l’auteur deviendra-t-il fâché noir contre…lui-même…

Divertissant…incontournable.

Je vous invite également à lire le commentaire de mllambert sur ce livre

Suggestion de lecture : LE LIVREUR, de Marie-Sophie Kesteman

Stéphane Dompierre est né à Montréal en 1970. Son premier roman UN PETIT PAS POUR L’HOMME a eu un succès éclair et lui a valu le Grand-Prix de la Relève Littéraire Archambault en 2004. Dompierre a d’abord fait des études en musique mais il s’est tourné rapidement du côté de l’écriture. Il est aussi scénariste pour la télévision et le cinéma et chroniqueur pour Yahoo et ELLE QUÉBEC en plus d’être porte-parole de la journée mondiale du livre et du droit d’auteur avec Chrystine Brouillet.

BIBLIOGRAPHIE :

-Fâché noir, 2013, Québec Amérique
-Corax, 2012, VLB éditeur
-Stigmates et BBQ, 2011, Québec Amérique
-Gloire et crachats, Jeunauteur- tome 2  avec Pascal Girard 2010, Québec Amérique
-Morlante, 2009, Coups de tête
-Souffrir pour écrire, jeunauteur tome 1 avec Pascal Girard, 2008, Québec Amérique
-Mal élevé, 2007, Québec Amérique
-Un petit pas pour l’homme, 2004, Québec Amérique

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
6 novembre 2016