*Après avoir roulé sur l’asphalte, se tordant pour
chasser la souffrance physique, il rouvrit les yeux
et aperçut, non loin, l’agent du SPVM sous
couverture qui regardait la scène sans réagir.
Henrik crispa le visage pour lui communiquer son
impuissance. En guise de réplique, l’agent prit la
fuite.*
(Extrait : LA PIEUVRE, Julie Rivard, VLB éditeur, 2013
édition de papier, 265 pages.)
Dans le petit village de Cap-à-Nipi, l’agent Henrik Hansen, se bat contre un syndrome de stress post-traumatique à force d’avoir repêché des cadavres et il n’est pas au bout de ses peines. Une organisation criminelle d’un nouveau genre prend racine dans la paisible région : la Pieuvre. Le groupe, composé exclusivement de femmes, sévit dans toute la province. chargé de démanteler l’organisation, Henrik commet l’erreur de prendre l’affaire un peu trop à la légère mais il a tort, surtout lorsque le mystérieux leader du groupe l’entraîne dans les eaux les plus sombres qui soient : celles de son passé.
Pourquoi pas des femmes?
*Issues pour la plupart de familles dysfonctionnelles,
elles avaient modelé leur comportement sur celui
d’un père minable ou d’un conjoint accro aux séjours
en prison…Pour que ses filles puissent agir à leur
guise, la leader avait eu la brillante idée de déléguer
toutes les besognes routinières à…des jeunes hommes!
C’était le monde à l’envers.
(Extrait : LA PIEUVRE)
Je dirais dès le départ que LA PIEUVRE est un roman *bon-moyen*. Il n’y a pas beaucoup d’action ou peut-être a-t-elle été mal pressentie parce qu’elle ne saute pas aux yeux. L’histoire tourne autour d’une organisation criminelle, composée de femmes et qui s’étend à des grandes villes jusque dans les régions éloignées dont Cap-À-Nipi , un village fictif situé sur la Côte-Nord du Québec. Ces femmes prétendent prendre la place des Hells Angels.
Malheureusement, le sujet qui, au départ, était original, a été très insuffisamment exploité et l’auteure a ouvert grande la porte aux clichés et dans une certaine mesure au machisme, je fais ici référence à l’humour qui est passablement mâle.
Et puis j’ai pu encore une fois lire le développement d’une histoire vieille comme le monde : celle du policier aux prises avec ses démons qui rencontre régulièrement son psychologue…policier qui a une sœur pour laquelle il est très protecteur.
Ce n’est pas tout…il se trouve que le bon policier a eu une flamme amoureuse dans le passé avec la cheffe de la Pieuvre : Eva qui se trouve par hasard dans la région de Cap-À-Nipi et que cette flamme se ravive. C’est du déjà vu et revu. En littérature, cette situation amincit considérablement l’intrigue.
Il y a un dernier détail que j’ai trouvé étrange : l’arrivée d’un personnage mal défini dans la vie d’Astrid, la sœur du policier dont j’ai parlé plus haut. Ce personnage s’appelle Marc Bertollini.
Il arrive de nulle part, tombe amoureux d’Astrid, s’installe à toute fin pratique avec elle. D’où vient-il? Qu’est-ce qu’il vient faire dans l’histoire? Il y a une explication à la fin, mais elle m’a laissé sur ma faim par sa minceur. Était-ce pour brouiller les cartes du côté du lecteur? Possible.
Donc nous avons ici l’exemple d’une bonne idée, mais exploitée avec timidité. Je m’attendais au départ à un polar solide et original mais je suis tombé finalement sur un simple suspense.
Le livre a toutefois des qualités intéressantes. Je pense entre autres à ce petit côté convivial et parfois bon enfant qui rend les personnages sympathiques. Par exemple, le policier principal Henryk Hensen fait équipe avec Denis et Danny Dupuis, une paire de jumeaux qui verse parfois dans le comique et qui n’est pas sans rappeler le célèbre duo de policiers créé par Hergé : Les dupond-Dupont.
Ajoutons à cela une relation très rafraîchissante entre le policier et sa sœur et un bel humour parsemé tout le long du récit. Comme je le disais, cet humour peut faire un peu mâle étant donnée la nature de l’organisation criminelle, mais comme c’est le cas pour le langage un peu cru, l’auteure ne pouvait pas vraiment passer outre..
J’apprends, dans le quatrième de couverture que LA PIEUVRE est le premier volet des aventures du fameux policier Henrik Hansen. Comme je l’ai constaté souvent en littérature policière, le personnage principal a besoin d’aide, notre héro se bat contre un syndrome de stress post-traumatique dont il souffre à force d’avoir repêché des cadavres. L’influence de ce syndrome sur le travail du policier n’est pas évidente mais force quelques épisodes chez le psy.
Bien que je n’aie pas trouvé cette lecture emballante, je lui ai trouvé un petit quelque chose de sympa, de la sensibilité, et j’y ai pris un certain plaisir. Je suis sûr qu’avec le temps, l’auteure va raffiner son personnage principal, mieux mettre en perspective son petit côté ténébreux et surtout mieux ligoter son intrigue. Quoiqu’il en soit, je suis partant pour lire le prochain volet des aventures du policier d’origine danoise : Henrik Hansen.
Suggestion de lecture : LE CHAT ET LES PIGEONS, d’Agatha Christie
Julie Rivard est native de Pointe-Claire. Au moment d’écrire ces lignes, elle habite la ville de Québec où elle a étudié en droit, puis en enseignement de l’anglais. Elle dit avoir écrit son roman à l’âge de 12 ans alors qu’elle était en 6e année du primaire.
C’était peut-être mauvais, mais on sait qu’une véritable passion venait de naître. Elle a d’abord écrit des livres pour enfants et trois romans policiers : MEZZA MORTA, DRAMMA (prix des abonnés du réseau des bibliothèques de la ville de Québec), LA PIEUVRE est son troisième roman.
BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
le dimanche 30 juillet 2017