L’INDIEN MALCOMMODE, livre de THOMAS KING

*Enseignez aux Indiens à pêcher, mais enseignez-leur surtout à devenir des pêcheurs chrétiens. Après, vous pourrez leur vendre des cannes à pêche… Notre plus grave erreur est d’aller porter notre civilisation aux Indiens au lieu de conduire les Indiens à la civilisation.* (Extrait : L’INDIEN MALCOMMODE, Thomas King, t.f. Éditions du Boréal, 2014, num. 725 pages)

L’INDIEN MALCOMMODE est un essai sur l’histoire, le résultat d’une longue réflexion personnelle que Thomas King a menée presque toute sa vie sur ce que ça représente d’être un indien en Amérique du Nord. Avec le franc parler typique d’un indien, King donne un petit caractère subversif à son livre en démolissant avec beaucoup d’esprit et d’humour toutes les idées reçues et préconçues sur les peuples autochtones qu’on appelle Les Premières Nations. Il ne s’agit pas d’une condamnation des attitudes ou des comportements. Il s’agit plutôt de l’histoire revisitée et replacée dans son contexte. 

Un portrait inattendu des Autochtones
d’Amérique du Nord
*Sur le plan des attitudes, en terme de dépossession
et d’intolérance, pas grand-chose n’a changé…
Vous voyez le problème que j’ai? L’histoire que
j’essaie d’oublier, ce passé que je propose de
convertir en autodafé, c’est notre présent. Ce
pourrait être aussi notre avenir.
(Extrait : L’INDIEN MALCOMMODE)

Quand j’ai lu le résumé de ce livre, je me suis replongé, l’espace d’un instant, dans les petites leçons d’histoire que je recevais à l’école primaire. La plupart du temps, ces leçons se résumaient à un constat plutôt navrant : les Blancs étaient les bons et les Indiens étaient les méchants.

Bien que je ne fusse pas plus précoce qu’un autre à l’époque, je trouvais ça trop beau pour être vrai. J’étais sceptique. Si le livre de Thomas King avait été publié à l’époque, il aurait été mis à l’index ou peut-être refilé aux universités.

En effet, dans un ouvrage sensiblement subversif, King fait une relecture de l’histoire du Canada et des États-Unis en identifiant les mythes et en replaçant les évènements dans leur contexte.

Dans un langage simple et avec des raisonnements faciles à suivre, King met dans l’ombre les récits trop beaux pour être vrais généralement très bien encadrés par la littérature en général et les manuels scolaires en particulier, et bien sûr la télévision et le cinéma.

L’auteur rappelle que la réalité est beaucoup plus complexe et avertit d’entrée de jeu le lecteur, la lectrice : Nous sommes nombreux à penser que l’histoire, c’est le passé. Faux. L’histoire, ce sont les histoires que nous nous racontons sur le passé*

Il semble que le temps, et quantités d’expédients politiques, économiques, sociaux et culturels aient dénaturé l’idée qu’on se fait des indiens. Vous comprendrez vite, comme moi que Thomas King n’a pas réécrit le passé. Il livre simplement et parfois avec humour, le fruit d’une longue réflexion personnelle et analytique qui tend à répondre à une question complexe : qu’est-ce que ça signifie d’être un indien aujourd’hui en Amérique du nord?

Pour répondre à cette question, King identifie trois classes historiques d’indiens : L’indien légal, l’indien mort et l’indien idéal. Il développe surtout en long et en large ce qui a constitué de tout temps le cauchemar des indiens : LA POSSESSION DES TERRITOIRES en expliquant les lois, traités, ententes, règlements et jugements dont les effets et les conséquences allaient plutôt à sens unique.

À l’entrée du National Cowboy Hall of Fame d’Oklahoma City se trouve la sculpture de James Earl Fraser (1876-1953). L’œuvre représente la légendaire FIN DE LA PISTE DES LARMES (The end of the trail) évoquée et développée par Thomas King dans L’INDIEN MALCOMMODE. Elle représente un guerrier à bout de force, qui s’effondre sur son cheval. Plutôt très compatible avec l’histoire. Par ailleurs, on a donné le nom de PISTE DES LARMES à l’exode Cherokee qui eut lieu pendant l’hiver 1838-1839 du Mississipi vers l’Oklahoma.

J’ai adoré ce livre…il m’a passionné pour plusieurs raisons. D’abord à cause de la beauté du texte magnifiquement traduit par Daniel Poliquin qui a su aller au-delà des mots en livrant le ressenti de l’auteur. Ensuite, j’ai ressenti toute une gamme d’émotions : la colère, la déception, la tristesse mais aussi le rire, la sympathie, l’étonnement.

C’est un livre fascinant, très bien documenté et dans lequel s’étend un raisonnement crédible facile à suivre et qui tend à expliquer de façon parfois mordante, parfois drôles où nous en sommes aujourd’hui dans nos relations avec les indiens et où est-ce que ça va nous mener.

Un plaisir à lire.

Suggestion de lecture : TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE, de Voltaire

Thomas King est un auteur, journaliste, animateur et conférencier né à Sacramento en Californie et installé au Canada depuis 1980, plus précisément à Guelph en Ontario où il enseigne l’anglais à l’Université. King est de descendance Cherokee et fût le tout premier conférencier autochtone canadien.

Ardent défenseur des premières nations, King s’est exprimé dans ses écrits sur l’expérience autochtones dans la littérature, les traditions orales, l’histoire, la politique, la religion et la culture avec, comme principal objectif de donner un sens aux relations complexes qu’entretiennent la société nord-américaine et les peuples autochtones.

King est aussi le créateur d’une série radiophonique intitulée THE DEAD DOG CAFE COMEDY HOUR pour CBC Radio one. Thomas King est membre de l’Ordre du Canada depuis 2004.

BONNE LECTURE

JAILU/CLAUDE LAMBERT
11 décembre 2016