CRASH, le livre de J.G. Ballard

*Voyeurisme, dégoût de soi, puérilité de nos rêves et de nos aspirations – ces maladies de la psyché sont toutes contenues dans le cadavre le plus considérable de l’époque :celui de la vie affective.* 
(Extrait : CRASH ! de J.G. Ballard,  Denoël 2006 en format numérique 220 pages)

Après avoir causé la mort d’un homme lors d’un accident de voiture, James Ballard, le narrateur, développe une véritable obsession pour la tôle froissée. Enrôlé par Vaugham, un ex-chercheur qui aime reconstituer des accidents célèbres et va même jusqu’à en provoquer pour assouvir ses pulsions morbides, Ballard se verra progressivement initié à une nouvelle forme de sexualité : le mariage de la violence, du désir et de la technologie.  Crash est le premier volet de la «Trilogie de béton de J. G. Ballard.

 

SEXE DE MÉTAL
*Les brosses cylindriques ont tambouriné sur le capot,
poussant vers le pare-brise un tourbillon baveux…sur
le tempo des brosses frappant le toit, Vaughan a balancé
ses reins, soulevant presque ses fesses de la banquette.
Avec des gestes maladroits, Catherine a ouvert sa vulve
au sexe de Vaughan. Tous deux ondulaient au rythme
grondant des brosses…*
(Extrait)

Crash est un récit démesuré qui lie la mécanique et l’esthétique automobile à la pornographie. Qui aurait pu dire qu’un jour, un auteur baserait l’originalité de son livre sur le coït automobile. CRASH, c’est 220 pages d’excès et de déviance. Du cul et des coïts à toutes les pages sans oublier une obsession pour le sperme avec lequel sont enduits les garnitures et accessoires de bord.

Ajoutons à cela les frissons que l’auteur attribue à la tôle froissée…frissons d’excitation il va sans dire : *Vaughan a déballé pour moi toutes ses obsessions concernant le mystérieux érotisme des blessures : la logique perverse des tableaux de bord baignés de sang, des ceintures de sécurité maculées d’excréments, des pare-soleil doublés de tissu cérébral. Chaque voiture accidentée déclenchait chez Vaughan un frisson d’excitation.* (Extrait)

On connait bien l’addiction que beaucoup de personnes manifestent pour les voitures et la mécanique. Les hommes en particulier. Cette addiction est portée par l’auteur au rang de fétichisme sexuel : *Son corps ferme, son aura de sexualité crispée s’unissaient de façon troublante à la carcasse défoncée et salie de l’auto.* (Extrait)

Ici, James Ballard qui est le narrateur est embauché par Vaughan qui s’amuse de façon addictive à reconstituer des accidents célèbres ou en provoquer, essentiellement pour assouvir ses pulsions morbides. Ballard est ainsi initié au mariage du sexe et de l’automobile. C’est le résumé de l’histoire…histoire qui semble bien secondaire. Il est évident que c’est le sujet qui compte…du sexe et encore du sexe par voitures embrochées interposées.

Hétérosexuel, homosexuel…*autosexuel* pas de différences…seul le désir satisfait compte : *…des fragments de calandres et de consoles de commande se mêler à nos corps, celui de Vaughan et le mien. Tandis que je défaisais sa ceinture et baissais son jean. En le sodomisant, je célébrerais les formes les plus harmonieuses de pare-chocs arrière, l’union de ma verge à tous les possibles d’une technologie…* (Extrait)

C’est étrange. Dans sa préface l’auteur dit que CRASH est avant tout une *merveilleuse histoire sentimentale* mais il ajoute plus loin que l’objet affectif importe peu. Il déclarera aussi, dans un entretien accordé au magazine LIRE en 2001 : <Je vois l’accident de voiture comme un sacrement et mon roman CRASH ! Comme un livre de prière.> Le sexe automobile est ici érigé en institution surtout s’il se traduit par des lambeaux de tôle enduits de sperme…Je suis désolé. Pour aborder autant de crudité, je devais être un peu cru moi-même.

Bien que j’admette l’impressionnante originalité de l’œuvre ainsi que la justesse et la brutalité de la plume, j’ai personnellement trouvé le récit névrotique, subversif, redondant, long et répétitif…bref, ennuyant. Est-ce que c’est parce que je suis coincé ou que je refuse obstinément d’assumer mes fantasmes. Je ne crois pas.

Je pense surtout que l’auteur s’est fait plaisir en m’envoyant gentiment promener grâce à une habile manifestation de la plume. C’est cette plume qui marie grâce et violence qui m’a évité finalement de classer cette œuvre au rang de littérature ordurière, en particulier, la conclusion de la préface dans l’édition française.

Ballard y précise qu’en dernière analyse, la fonction de Crash est prémonitoire…*Une mise en garde contre ce monde brutal aux lueurs criardes qui nous sollicite de façon toujours plus pressante en marge du paysage technologique. * (Extrait de la préface)

Cet ouvrage a suffisamment de points forts pour ne pas le jeter. Mais si vous ne gardez pas l’esprit ouvert, il vous sera impossible de dépasser le premier chapitre. Personnellement ça ne m’a pas plus. Comme je l’ai déjà exprimé sur l’œuvre du Marquis de Sade, je n’ai aucune attirance pour ce genre de littérature neurasthénique.

Suggestion de lecture : LE SINGE NU, de Desmond Morris

James Graham Ballard (15 novembre 1930 – 19 avril 2009 ) était un romancier et écrivain britannique de premier plan qui était un membre éminent de la nouvelle vague de science-fiction. Parmi ses livres les plus célèbres, citons le controversé Crash , High-Rise et le roman autobiographique Empire of the Sun , qui ont tous été adaptés au cinéma.

Au cinéma

Image extraite  de l’adaptation cinématographie de 1996.

Le film a été réalisé par David Cornenberg

Production : Britannique, canadienne.

Distribution :James Spader
Holly Hunter
Rosanna Arquette
Elias Koteas

Musique : Howard Shore

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 25 mars 2023

TROIS, le livre thriller de Sarah Lotz

*Nous savons par Mathieu, chapitre 24, que «Une nation
s’élèvera contre une nation, et un royaume contre un
royaume, et il y aura, en divers lieux, des famines et des
tremblements de terre. Tout cela ne sera que le
commencement des douleurs.»…Et nous savons que ces
douleurs signifient l’ouverture des quatre premiers sceaux.*
(Extrait : TROIS, Sarah Lotz, Fleuve éditions, Pocket, 2014,
édition de papier, 570 pages.)

La terre vit la plus troublante coïncidence de son histoire alors que quatre avions de ligne s’écrasent presqu’au même moment sur quatre continents différents. Sur trois des sites de crash, les secouristes découvrent un rescapé : un enfant, chaque fois. Des fanatiques religieux voient en eux l’incarnation des Cavaliers de l’Apocalypse. Sauf que…les Cavaliers de l’Apocalypse étaient…quatre. Des familles recueillent les petits rescapés mais deviennent vite confrontées à des évènements étranges. Elspeth martins enquête et tente de répondre à deux questions : Qui sont ces enfants et qu’est-ce qu’ils veulent?

CHOCS POUR LIVRE-CHOC
*La suite s’est déroulée très vite mais aussi
comme au ralenti…Le mec bizarre a sorti
un flingue…Et il s’est mis à traverser la rue
sans s’occuper de la circulation. Je n’ai pas
réfléchi. J’ai couru droit vers lui, j’ai fait
sauter le couvercle de mon gobelet de café
et j’en ai balancé le contenu sur cet enculé.
En pleine face. Il a quand même eu le temps
de tirer une fois…*
(Extrait : TROIS)

C’est le quatrième de couverture qui m’a convaincu de lire ce livre mais je n’ai pas tardé à réaliser que le quatrième de couverture est complètement dans le champ et ne remplit pas ses promesses. En fait, c’est l’originalité du sujet qui sauve les meubles. Nous avons ici quatre accidents d’avion qui se produisent à peu près au même moment, sur quatre continents différents.

Pour trois des crashs, il y a un rescapé : en tout trois rescapés, et ce sont trois enfants. Pour les habitants de la planète, il est très difficile de croire au hasard. Alors des églises et sectes religieuses décrètent que ces enfants sont les Cavaliers de l’Apocalypse. Dans l’Apocalypse de Jean comme on le sait, il y a quatre cavaliers. Alors qu’à cela ne tienne, les fanatiques religieux inventent un quatrième rescapé pour faire le compte.

Avec un tel sujet, l’auteure avait tout ce qu’il faut pour bâtir un thriller de premier ordre, haletant, intense, palpitant, bref, bâtir quelque chose que le lecteur aurait gardé en mémoire longtemps.

J’ai même imaginé à un moment donné que Sarah Lotz travaillait pour faire le contraire de ce que propose un bon thriller en choisissant un support littéraire douteux dans les circonstances. En effet, le récit est présenté sous forme de compte-rendu journalistique de témoignages et d’interviews. Avec un style pareil, rien ne m’a permis de m’accrocher à l’histoire.

Il n’y a pas vraiment d’action dans ce roman à part ce qui est rapporté dans les articles de journaux qui forment le roman. Donc le lecteur est témoin de l’action par un tiers. Donc, il n’est témoin de rien du tout. Puisque le récit est bâti dans un style journalistique, télégraphique et froid, il n’y a pas de fil conducteur dans l’histoire.

Le récit souffre de longueurs et d’incohérences et c’est très long avant de pouvoir s’accrocher à quelque chose, comme si l’histoire ne démarrait pas vraiment.

Mais tout n’est pas noir. Malgré son aspect documentaire, le récit comporte quelques forces dont celle de mettre en perspective l’incroyable appétit de la Presse, de certaines églises, sectes et des télévangélistes dont l’auteure ne donne pas une très bonne image, sentiment que je partage.

Ce sont ces hommes soi-disant de foi qui ont vu dans les enfants rescapés un signe évident en lien avec les Cavaliers de l’Apocalypse qui n’ont de Cavaliers que le nom finalement. Le récit évoque également le besoin très humain de croire à quelque chose. Les messages livrés par les prédicateurs de malheur sont souvent agressifs et persuasifs. C’est n’importe quoi comme le démontre le récit.

L’écriture est quand même fluide et les chapitres, qui sont des articles ou des interviews, sont brefs et se lisent assez bien. Si L’auteure a pu se concentrer davantage sur le sort des enfants au milieu du récit, elle nous laisse malheureusement sur une finale peu vraisemblable, sans conclusion vraiment satisfaisante, allant jusqu’à étriller le personnage principal, la journaliste Elspeth Martins :

*Vous avez publié tous ces récits incendiaires sur les changements de personnalité des enfants, vous avez lâché la bombe et vous êtes partie. Vous n’avez pas cherché plus loin : vous étiez persuadé que tout avait une explication rationnelle et vous pensiez naïvement que vos lecteurs seraient aussi de cet avis. (Extrait)

Ma déception m’appartient évidemment. Les différentes critiques que j’ai lues sur TROIS sont passablement disparates. Il est très possibles que vous aimiez ce livre, à cause par exemple, de son sujet qui est quand même original. Mais il y a une chose sur laquelle je ne crois pas me tromper : ne vous fiez pas au quatrième de couverture. Il en promet beaucoup trop pour ce que le livre donne en réalité.

Suggestion de lecture : LE SANCTUAIRE DU MAL, de Terry Goodkind

Sarah Lotz est une auteure et scénariste originaire du Royaume-Uni. Elle a écrit sous plusieurs pseudonymes bizarres dont des romans d’horreur urbaine sous le pseudonyme SL GRIS et des romans érotiques avec Helene Moffet et Paige Nick sous le pseudo Helena S Paige. Après une série à l’écriture étrange et peu engageante, Lotz sort son premier thriller en 2014 : TROIS, suivi de JOUR QUATRE en 2016, des ouvrages nettement supérieurs qui consacrent leur auteur sur la scène littéraire internationale.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
LE 17 SEPTEMBRE 2016