ALICIA N’EST PAS RENTRÉE, livre de Hervé Giliénine

*Je lui ai dit de m’oublier, elle devait vivre sa vie, je ne lui écrirai pas, je ne lirai pas ses lettres, je ne la reverrai pas. Elle m’a répondu qu’elle serait là quand la porte de la prison claquerait dans mon dos.* (Extrait : ALICIA N’EST PAS RENTRÉE, Hervé Giliénine, Prem’Edit 77, 2012, éd. Numérique, 400 pages.)

ALICIA N’EST PAS RENTRÉE raconte l’histoire de Thomas Vogèle,  garçon tranquille, intelligent, passionné de football. Il a plusieurs amis. Parmi eux, Alicia, petite orpheline recueillie par ses grands-parents, voisins de la famille de Tom. Un jour, Alicia disparaît.

Parallèlement, Tom est reconnu coupable du meurtre involontaire d’un voyou qui harcelait Alicia et est envoyé en prison. Au bout de sa peine de 9 ans, il part à la recherche d’Alicia. La raison en est très simple : un jour, il lui a promis qu’il la rechercherait jusqu’au bout du monde si elle venait à disparaître. Thomas ne se doute pas qu’il s’apprête à mettre à jour de très lourds secrets…

Le poids du secret
*Peter Jacobson jeta un coup d’œil circulaire autour
de lui de peur que des silhouettes armées de
machettes quittent l’ombre des bois au son d’un
tam-tam lancinant. –Je vous souhaite de
découvrir ce qui est arrivé à votre amie. Et, qui
sait, de la retrouver saine et sauve…*
(Extrait : ALICIA N’EST PAS RENTRÉE, Hervé Giliénine)

ALICIA N’EST PAS RENTRÉE est un roman noir, dur, à très forte intensité dramatique. Ce livre est *venu me chercher* très rapidement, spécialement à cause de cette aura dense et particulière que l’auteur a installée autour de l’énigmatique Alicia, une jeune fille née vraiment sous une mauvaise étoile. Cette histoire m’a captivé et même choqué, sachant au départ qu’elle est basée sur un fait vécu.

L’histoire est celle de Thomas Vogèle, un jeune homme sans histoire qui a quelques amis évoluant dans un cercle semblant assez fermé : Sandrine, sa meilleure amie et son petit frère Romain, Boule, Frank, le frère de Thomas, René et évidemment Alicia, une petite orpheline recueillie par ses grands-parents et que Thomas affectionne comme une petite sœur.

Un jour, Thomas se bagarre avec un des frères Marchiani parce que ce dernier harcelait Alicia. Thomas tue Marchiani involontairement et ça le conduit en prison pour 9 ans. Entretemps, Alicia disparaît mystérieusement et on ne la revoit plus.

À sa sortie de prison, Thomas va tenir une promesse étrange qu’il avait faite jadis à Alicia : la retrouver, même au bout du monde, si elle venait à disparaître. L’histoire est centrée sur l’enquête de Thomas qui mettra au jour des secrets très pénibles.

Dans cette histoire, il n’y a pas d’interventions policières, mais un journaliste contribuera à faire avancer Thomas dans sa quête. Évidemment, je ne vous raconterai pas la finale, mais sachez toutefois qu’elle pourrait vous donner des frissons dans le dos.

C’est une histoire qui évolue lentement et dans laquelle le mystère épaissit au fil des pages. La forme littéraire de ce roman est un peu particulière car l’auteur y a inséré de fréquents retours sur le passé. Il n’y a qu’un pas parfois pour confondre passé et présent. Aussi, la lecture de ce récit exige-t-elle du lecteur une bonne concentration.

Je dois avouer que cette façon de faire évoluer une histoire, fréquente en littérature, m’agace un peu. Mais le fil conducteur du roman, la quête de Thomas, est extrêmement solide et amène le lecteur dans des zones sombres, voire sordides par moment.

Suggestion de lecture : L’étrange disparition d’Amy Green, de S.E. Harmon

C’est un premier roman pour Hervé Giliénine. Je crois qu’il a investi avec succès dans la psychologie de ses personnages et la fluidité de sa plume. Il ne s’est pas encombré de fantaisies structurelles. Il n’y a même pas de chapitres dans ce livre, les changements étant signalés par des débuts de paragraphes en caractère gras. C’est l’intensité dramatique de l’histoire qui fait toute la différence. Elle est marquée par un crescendo qui amène le lecteur et la lectrice vers une finale choquante et bouleversante.

Je recommande donc ALICIA N’EST PAS RENTRÉE, un bon roman, riche en suspense et très captivant. Une très belle entrée pour Hervé Giliénine dans l’Univers littéraire.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
le 22 janvier 2017

DES SOURIS ET DES HOMMES, de JOHN STEINBECK

*En tout cas, il ferait bien de faire attention
à Lennie. Lennie est pas un boxeur, mais
Lennie est fort et rapide et Lennie ne connait
pas les règles.*
(Extrait : DES SOURIS ET DES HOMMES, John Steinbeck,
t.f. Éditions Gallimard, 1955, édition de papier,
180 pages)

DES SOURIS ET DES HOMMES est l’histoire de deux hommes liés par une amitié pure et intense : Lennie Small, un costaud à la force incontrôlable, cœur d’or mais simple d’esprit et maladroit et George Milton. Lucide, droit et vif d’esprit,  un petit chef qui vient canaliser les énergies instables de Lennie. Les deux amis errent sur les routes de Californie et travaillent de ranch en ranch comme journaliers, mus par le rêve de posséder un jour leur propre exploitation. Ils n’ont rien de commun et pourtant le lien qui les unit est d’une incroyable force. Sachant que c’est la maladresse de Lennie qui force les deux hommes à changer sans cesse de travail, comment peut-on imaginer leur destin. Doit-on s’attendre à une finalité dramatique. John Steinbeck nous réserve une finale qui force le lecteur à aller au bout de ses émotions. Un ouvrage qui dépeint durement la condition humaine.

Les caresses d’un colosse
*Ce livre est bref mais son pouvoir est long.*
(Introduction de la préface du livre
DES SOURIS ET DES HOMMES par
Joseph Kessel)

C’est un livre en effet très bref, mais j’ai chuté dans sa profondeur. Il m’a agrippé surtout par l’intensité de la réflexion qu’il impose. C’est un livre noir, mais puissant. L’histoire est celle de deux hommes que tout sépare et qui sont pourtant liés par une indéfectible amitié. Il y a Georges d’abord,  lucide et vif d’esprit…un bon gaillard avec une tête sur les épaules.

Et puis, il y a Lennie, simple d’esprit, mêlé, une âme d’enfant instable et désorganisée dans un corps de colosse et qui aime caresser les petits animaux, ce qui ne lui réussit guère car il ne connaît pas sa force. Sa condition fait qu’il n’accumule que des gaffes…car il ira jusqu’à caresser les cheveux d’une femme.

Les deux hommes vont de ranchs en ranchs pour réunir la somme nécessaire à la réalisation de leur rêve : posséder un petit coin de terre, une petite ferme pour y élever des animaux, cultiver un petit jardin, y vivre simplement et en paix. Mais voilà, ce rêve, aussi motivant pouvait-il être n’était pas compatible avec le caractère incontrôlable de Lennie.

L’auteur nous met en présence de deux êtres tout à fait dissemblables qui errent sur le chemin d’une vie relationnelle complexe à une époque où règnent l’incompréhension et l’intolérance.

Dans une écriture simple, mais avec des mots dramatiquement justes, Steinbeck nous entraîne dans un voyage au cœur de l’âme humaine. Dans DES SOURIS ET DES HOMMES, il n’y a pas de longueurs, pas de mots inutiles et pas de compromis. Avec une incroyable justesse, l’auteur nous entraîne dans une profonde réflexion à plusieurs égards.

Je cite les conditions de vie dans la première moitié du 20e siècle, les préjugés raciaux et l’intolérance, les troubles de la santé mentale qui constituaient à l’époque une situation abstraite (l’est-elle moins aujourd’hui à part peut-être le fait que les maladies mentales sont identifiées, étiquetées?), il y a aussi les handicaps physiques et les petites guerres de pouvoir (symbolisées ici par un personnage méprisable : Curley, le fils du patron)

Dans son livre, Steinbeck dépeint une condition humaine dure et laissant peu de place aux compromis. J’ai ressenti, à la lecture de ce livre, une forte émotion m’amenant à l’introspection. C’est un roman noir mais qui nous pousse vers la lumière.

Habituellement, il en faut  beaucoup pour m’émouvoir mais ici, DES SOURIS ET DES HOMMES m’a frappé de plein fouet.

Ce livre est un chef d’œuvre…le genre de livre qu’on ne referme jamais tout à fait…

Suggestion de lecture : L’OEUVRE DE DIEU, LA PART DU DIABLE de John Irving

À L’ÉCRAN
Deux adaptations magnifiques du best-seller de Steinbeck.

John Malkovitch et Gary Sinize dans l’adaptation réalisée par Gary Sinize et sortie en 1992.
Et bien sûr, l’adaptation télé proposée par Radio-Canada en 1971.

John Steinbeck (1902-1968) est un écrivain américain. Son premier prix littéraire lui est attribué en 1935 avec TORTILLA FLAT mais il s’est surtout rendu célèbre par deux romans en particulier : DES SOURIS ET DES HOMMES et celui qu’il considère comme son meilleur : LES RAISINS DE LA COLÈRE, adapté au cinéma en 1940 et qui lui vaut le prix PULITZER. Il laisse aussi en héritage un autre grand roman : À L’EST D’EDEN, publié en 1952.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
FÉVRIER 2016