L’ÉCOLE DES GARS, de Maryse Peyskens

Commentaire sur la quadralogie de Maryse Peyskens. À l’origine, Dominique et Compagnie éditeur, 2018. Mon commentaire est basé sur la version audio, chez le même éditeur, sorti aussi en 2018. Durée d’écoute : 11 heures 3 minutes. Narrateur : Jacques Lussier. Version intégrale d’origine

Il nous fait plaisir de vous informer que vous êtes admis à l’École des Gars et nous vous en félicitons… Chez nous, tout est permis… enfin… presque! Des activités EXTRAORDINAIRES et des rencontres INOUBLIABLES vous attendent….

(Extrait du tome 1)

Les titres :

Tome 1 : C’est la rentrée des classes. Pour la première fois de sa vie, Rémi a hâte de partir pour l’école. En effet, il a été accepté dans un endroit pas comme les autres. Notre héros ne sera pas déçu…

Tome 2: Une fille à l’école des gars : Léonie est une jeune fille qui a bien des difficultés à l’école. Son comportement de tannante lui vaut même d’être renvoyée… Dans quelle école pourra-t-elle faire sa prochaine rentrée scolaire? Pourquoi pas à l’école des gars?

Tome 3: Ça se complique à l’école des gars : L’École des Gars accueille un nouvel élève: Fabien : hypersensible, renfermé et timide. Afin de l’aider à s’intégrer, Foinfoin propose un programme 100% zen. Mais les élèves se démotivent vite. Et qui dit ennui, dit conflit. Pour tenter de résoudre ce nouveau problème Foinfoin propose un périple dans un village amérindien  

Tome 4: Disparition à l’école des gars : Samedi 1er décembre. Il neige… la disparition de Léonie et Guillaume obligera Foinfoin et ses amis à plonger dans les sous-sols lugubres de l’École. Un voyage au coeur de l’école qui leur permettra de redécouvrir leurs forces. Peut-être même aussi l’amour… et l’origine de Foinfoin. Qui sait?

*lors de leur première conversation, Guillaume confia à Rémi que ses mouvements de fessier incontrôlables lui avaient attiré les reproches de ses enseignants durant les années précédentes. -J’passais la moitié de mes heures de cours dans le corridor… Rémi comprit qu’il ne serait plus le seul hyperactif de sa classe. *  (Extrait)

DES TANNANTS AVEC DU TALENT

L’ÉCOLE DES GARS est une petite série originale, légère, rafraîchissante et motivante pour les préados. L’histoire se déroule dans un institut d’enseignement appelée L’ÉCOLE DES GARS. N’allez pas croire que le livre ne s’adresse qu’aux garçons car une jeune fille se glisse dans l’histoire dès le deuxième tome. Les enfants ont abouti dans cette école parce qu’ils ont un problème difficile à gérer dans une école régulière. On y voit un peu de tout : hyperactivité, déficit d’attention, troubles du développement, bégaiements et difficultés langagières et j’en passe. Cette école est très spéciale.

Elle n’impose pas de règles strictes et les défis ainsi que les projets créatifs sont amalgamés à une pédagogie innovante. Le succès de l’école repose surtout sur un personnage énigmatique, un nain appelé Foinfoin, un véritable puits de connaissances et de savoir à la fois philosophe, psychologue, pédagogue, intervenant social et motivateur. Pour des raisons plutôt mal définies dans l’histoire, les enfants doivent s’engager à ne jamais parler de Foinfoin…aucune allusion à ce sujet. L’histoire est ainsi faite que dans les trois premiers tomes, les jeunes ont besoin de Foinfoin et dans le quatrième tome, c’est Foinfoin qui a besoin des jeunes.

C’est bien écrit, c’est positif, porteur d’espoir et de motivation pour les hyperactifs. Le récit vient nous rappeler que le système éducatif est un énorme moule. Si les enfants ne rentrent pas dans le moule…ben…on leur colle une étiquette, un numéro et un code d’intervention. Un système sans ventilation dont les résultats sont discutables. Dans la série L’ÉCOLE DES GARS qui est très est attractive, on parle d’une école qui met complètement de côté la fameuse étiquette souvent collée au front des jeunes qui éprouvent des difficultés. Si les méthodes utilisées sont pour le moins surprenantes, l’empathie qui s’en dégage est remarquable.

Une petite faiblesse : quant au personnage de Foinfoin, qui est-il ? D’où vient-il ? D’où vient tout son savoir ? Pourquoi est-il le seul à résider à l’école ? Les jeunes auditeurs-auditrices risquent d’être laissés en plan. J’aurais souhaité que l’auteur donne un peu plus de matière pour satisfaire, même partiellement la curiosité des jeunes. Il en dévoile un peu mais je suis resté sur ma faim. J’ai trouvé ça un peu frustrant mais bon, il y a tellement de forces dans cet ouvrage que je n’insisterai pas trop.

Le texte est enrichi de belles valeurs qui sont chères aux jeunes : l’amitié, l’entraide, l’esprit d’équipe. Mon tome préféré est le troisième alors que les jeunes font un séjour chez des amérindiens et s’imprègnent des traditions et du savoir-faire des Premières Nations. Je crois que les jeunes seront séduits par cette série, originale et amusante qui suit le quotidien de *p’tits tannants bourrés d’talent*.

 

Suggestion de lecture : JÉRÔME ET SON FANTÔME, de Sylvie Brien

Pour en savoir plus sur l’auteure Maryse Peyskens, visitez le site de Dominique et compagnie. Pour connaître le parcours du narrateur Jacques Lussier, cliquez ici. Il existe beaucoup de sites et d’articles sur l’hyperactivité et le déficit d’attention, terme générique : TDHA. Si vous êtes intéressé par ce problème, je vous suggère ici une visite du site aidersonenfant.

Bonne lecture
Bonne écoute

Claude Lambert
Le dimanche 21 mai 2023

IL N’EST SI LONGUE NUIT, de Béatrice Nicodème

*Au fond, Sophie et Ingrid ne s’intéressent pas vraiment à ce qui se passe à l’étranger. Elles pensent juste qu’il est plus agréable d’être du côté des vainqueurs, que c’est une preuve indubitable de supériorité. <Le succès est le seul juge ici-bas de ce qui est bon et mauvais>, a écrit le Füreur dans MEIN KAMPF. * (Extrait : IL N’EST SI LONGUE NUIT, Béatrice Nicodème, éditeur à l’origine : Gulf Stream, 2018, 392 pages. Numérique et papier)

Sophie, Hugo, Magda, Jonas, Otto, Franz… Ils sont jeunes, ils aiment la vie, ils ont le cœur plein de rêves. Le rêve d’Adolf Hitler est de créer un empire qui dominera le monde pendant mille ans et dans lequel les hommes seront forts et inflexibles, les femmes soumises et fertiles. Un monde dans lequel il n’y aura ni Juifs, ni communistes, ni homosexuels, ni malades. Ceux qui n’ont pas leur place dans ce Reich millénaire seront éliminés un par un jusqu’au dernier. Dans le Berlin de 1940 ces jeunes doivent eux aussi choisir leur camp, hantés par ces questions que tous se posent :  » Ai-je raison d’agir ainsi ? « ,  » La lumière reviendra-t-elle un jour ? « 

UN OPPRESSANT CROISEMENT DE DESTIN
*Inutile de préciser que je me refuse à rencontrer ce
tordu. Rien que l’idée qu’il va harceler les juifs alors
qu’il y en a parmi ses ancêtres…-Ile le fera même s’il
n’entre pas dans la SS. -Peu importe. Son hypocrisie
me répugne. Je ne sais pas de quoi je serais capable
si je me trouvais en face de lui
(extrait)

IL N’EST SI LONGUE NUIT est une fiction mais on sait très bien qu’elle représente la sombre réalité d’une grande quantité de jeunes allemands qui furent témoins dans les années 30, de la montée d’Adolph Hitler, de sa prise du pouvoir et de la deuxième guerre mondiale avec son train d’horreurs comprenant le harcèlement, la torture et le génocide des juifs.

Béatrice Nicodène fait témoigner six jeunes allemands et débute leur histoire en 1940 : Magda, Jonas, Sophie, Hugo, Franz et Otto. Certains résisteront à la folie d’Hitler comme Jonas et Hugo, Otto lui affiche une totale loyauté. Prise au piège par la Gestapo, Magda commettra l’irréparable. Et Franz lui, a les idées ailleurs, emporté par sa passion pour la musique et son piano.

Donc chaque adolescent doit se positionner face à la situation explosive qui secoue l’Allemagne et finira par faire trembler le monde et chaque option est exprimée en alternance et en crescendo dans des chapitres très courts. C’est ce qu’on appelle un roman-chorale. Les effets diviseurs et dévastateurs du régime Nazi sur la jeunesse allemande ont été peu développés en littérature.

Ainsi le réalisme et la crédibilité consacrent l’originalité de l’œuvre. J’ai compris que l’influence nazie sur la jeunesse allemande fut un véritable gâchis surtout à cause de l’effet diviseur du régime. Comment exiger des jeunes un tel positionnement alors que la vie ne fait que commencer pour eux ?

J’ai été très touché par ce livre. L’ensemble des personnages, attachants et profondément humains fait toute la richesse de la jeunesse et je ne parle même pas de frontières. Bien sûr, certains ont fait le mauvais choix, l’influence sur eux étant peut-être trop forte. Il y en a même un qui ne fera pas de choix du tout. Mais au-delà des motivations, tous ces personnages sont attachants, humains autant que victimes et pantins involontaires.

Cela fait toute la richesse du livre. Mon personnage préféré a été Franz. D’une nature sensible et généreuse, le musicien a pris position pour la musique mais son idée sur Hitler était bien arrêtée : *Pour lui, Hitler n’est qu’un pantin qui vocifère en faisant des gestes d’épileptique. La Hitlerjugen* et la BDM* l’horripilent. Comment peut-on être jeune et marcher au pas en uniforme. Le salut nazi le révulse. En 1936, à l’inauguration des jeux olympiques, il a probablement été le seul de la foule à ne pas lever le bras en hurlant* (Extrait. HITLERJUGEN : les jeunes hitlériennes, BDM : ligue pour les jeunes filles allemandes.)

Tout dans ce livre a capté mon attention, outre la qualité et la psychologie des personnages et poussé en avant par la fluidité et la clarté de la plume, j’ai été happé par les interactions entre les témoins et c’est là que réside le crescendo dont je parlais plus haut, le suspense, l’atmosphère sociale de Berlin en effervescence et tout ce qui peut se dégager du texte et du non-dit. Béatrice Nicodème s’est véritablement appuyée sur le vécu de jeunes. 

Ça donne à l’œuvre un réalisme bouleversant qui illustre toute la tragédie du nazisme. Ce livre m’a ébranlé et m’a fait comprendre les motivations profondes d’une jeunesse déchirée.

J’ai passé par toute une gamme d’émotions. J’ai éprouvé de la peur, de la colère, de l’empathie, de la compassion. Ce livre a conservé son actualité car même en dehors des cadres de la guerre, il est une parfaite illustration des motivations profondes de la jeunesse. C’est une performance d’écriture que je ne suis pas près d’oublier.

Suggestion de lecture : LA CHANCE DU DIABLE, d’Ian Kershaw


Béatrice NICODÈME a décidé il y a vingt ans de consacrer tout son temps à l’écriture. Elle a une prédilection pour les intrigues sombres, pleines de secrets à découvrir. Passionnée par la psychologie, elle tente de saisir la diversité et la complexité de l’être humain à travers ses personnages.

Ses romans laissent aussi une grande place à l’Histoire avec un grand H. Chez Gulf stream éditeur elle a publié la série Futékati, L’Anneau de Claddagh et plusieurs titres de la collection  » Courants noirs « . Elle tourne aujourd’hui son regard vers l’Allemagne, au cœur de la longue nuit nazie.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 17 décembre 2022