DERNIÈRE TERRE, la série audio de Clément Rivière

*…Ici, tout est clean…pas de zombie, pas de cadavres
à tous les coins de rue, juste des gens…des vrais…*
(Extrait : DERNIÈRE TERRE, LE PILOTE, Clément Rivière,
production celestory studio, captation Audible éditeur.
Narration multiple, durée d’écoute : 4 heures 10 minutes).

Au cœur d’une France envahie par les zombies, Dernière Terre raconte le voyage insolite de quatre jeunes prêts à tout pour rejoindre l’Angleterre. Thomas, David, Laura et la petite Sophie vont côtoyer une série d’univers aussi bien mystique, surnaturel que médiéval. Pour traverser la Manche, notre quatuor de bras cassés va ainsi croiser une galerie de survivants aussi terrifiants qu’excentriques.

Chaque étape de l’aventure permet de comprendre les origines de l’infection et le rôle primordial que les quatre personnages vont devoir tenir. Auront-ils assez de courage, de culot et d’inconscience pour parvenir à sauver l’Europe ? DERNIÈRE TERRE est un road movie burlesque et… particulièrement sanglant ! Avec, dans les rôles principaux : Donald Reignoux, Pierre Lacombe, Audrey Pirault & Mathilde Cerf.

Aventure incongrue
D’un quatuor déjanté
*Si on déterre quelques corps, et ben on peut
les attirer par l’odeur. Une fois massés à
L’intérieur, y’a plus qu’à tout faire péter…*
(Extrait)

Au-delà d’un possible cafouillage scientifique, au départ, il ne faut pas chercher à comprendre. Nous sommes dans une époque du futur où la France est entièrement parasitée par des morts vivants: des zombies. Au cœur de cet enfer, quatre jeunes personnes tentent de gagner l’Angleterre qui, apparemment, n’est pas touchée par cette tragédie.

Il y a Thomas, David et Laura et une petite fille qu’ils amènent in-extrémis : Sophie, 10 ans. Cette petite a un don particulier, elle ne se fait pas mordre, n’a pas peur des zombies et peut communiquer avec eux. Elle leur est tellement sympathique qu’elle est enlevée et enfermée dans le château de Vincennes avec des zombies à qui elle raconte des tas d’histoires. Reste à savoir qui est vraiment Sophie, d’où vient-elle ? Pourquoi et comment résiste-t-elle aux zombies. Pourrait-elle être la source d’un précieux vaccin?

C’est une série époustouflante qui, même avec un côté gore, parodie les histoires de zombies. Les passages humoristiques ne manquent pas. Les dialogues sont pétillants. Et la petite Sophie jouée par Mathilde Serre est particulièrement brillante même si sa petite voix aigüe peut parfois devenir énervante. La distribution est excellente.

Pour ce qui est de l’histoire, elle n’a pas ce que j’appellerais le prix de l’originalité…du réchauffé auquel on a ajouté de la fraîcheur: des bruitages et des effets spéciaux parfois saisissants, des dialogues parfois dynamiques et souvent burlesques.

Le scénario qui a un petit quelque chose de médiéval, serait digne d’un film et ce qui m’a particulièrement plu, ce sont des trouvailles intéressantes dont plusieurs sont rattachées à l’actualité européenne, des passages qui évoquent cette vieille rivalité entre la France et l’Angleterre.

Autre exemple : lorsqu’ils recherchent un zombie géant caché sous les combles de la bibliothèque nationale de Paris, Lara, David et Thomas tombent sur des *gilets jaunes* perdus depuis des mois dans ces sous-sols, pas du tout au courant de la *zombisation* de la France.

[Laura] : ………..Qui êtes-vous ?
[Inconnu] :. ……Euh… Vous pouvez baisser votre arme ? Euh… Moi, c’est Marc et voilà ma femme, Diane.
[Sir William] :…. Vous cherchez le Némésis ?
[Marc] : …………Euh… non. Nous on cherche la sortie.
[Diane] : ………..On sait pas ce que c’est votre truc de psoriasis
[Bérenice] : ……NE ME SIS
[Marc] : …………Eh ben nous on s’est perdu paumer dans les catacombes.
[Laura] : ………..Depuis quand ?
[Diane] : ………..Ah… euh… quelques mois…
[Laura] : ………..Quelques mois ?!!!
[Marc] : …………Peut-être plus… c’est mal indiqué aussi…
[Thomas] : ……..Pourquoi vous porter un gilet jaune ? Vous avez peur de vous faire renverser ?
[Diane] : ………..Mais non. Le gilet jaune c’est pour la manif.
[Marc] : …………Ben ouais voilà. On était venu manifester et quand les CRS ont chargés…
[Diane] : …………..Et pourtant on leur avait rien fait…
[Marc] : …………C’est vrai ça ! On avançait les bras en l’air…
[Diane] : … ……..et ils ont quand même tirés…
[Marc] : .. ……….comme quoi les Droits de l’Homme, ça ne leur créé pas des insomnies…

Voilà qui nous rapproche d’une actualité pas si ancienne et qui vient rafraîchir et stimuler un sujet élimé. J’ai adoré ça.

Parmi les petites faiblesses, appelons ça des irritants mineurs qui pourraient bien être voulus par les auteurs, car c’est évident que tout le monde a pris un plaisir fou à créer cette production, sans trop se prendre au sérieux et pourtant désireux de faire quelque chose de professionnel. Les dialogues sont déclamés et rappellent un peu le ton utilisé sur les planches d’un théâtre. Le tout est sensiblement caricatural, grossi, expressions souvent gonflées.

Le réalisme est dans l’ombre d’un jeu parfois exagéré. Par exemple, les sons produits par les zombies me rappellent ceux des cartoons. Ça m’a fait sourire mais au final, certains dialogues sont tellement tordus que j’ai carrément éclaté de rire. Dans cette création, l’horreur chevauche la comédie et l’humour souvent spontané n’est pas sans me rappeler FRANKESTEIN JUNIOR, célèbre comédie hilarante réalisée par Mel Brooks en 1974.

DERNIÈRE TERRE est en fin de compte un bon divertissement, très proche de la littérature jeunesse, une production de qualité, multisonore, essentiellement audio.

Suggestion de lecture : PASSEPEUR TRIO, de Richard Petit

Clement Rivière est scénariste et directeur artistique français. Il travaille sur des fictions interactives en format jeu vidéo, spectacle vivant et audio. Il est auteur, formateur en sciences de l’information et des bibliothèques, narrative designer.
En parallèle, il enseigne l’écriture et le théâtre dans plusieurs écoles en Europe.

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Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 18 février 2023

PASSAGE, le livre de CONNIE WILLIS

*…Il souhaitait l’informer des détails sidérants que Mme Davenport s’était remémorée. «Ils sont si précis et authentiques que vous ne pourrez plus contester la réalité des EMI.» -Ce qu’on voit n’est pas réel.- Rétorqua-t-elle. Même s’il a raison de
parler de précision et d’authenticité. *
(Extrait : PASSAGE, Connie Willis, t.f. Éditions J’ai Lu, 2001, édition numérique, 740 pages)

Joanna Lander, une psychologue, s’est spécialisée dans les expériences de mort imminente. Pour comprendre les mécanismes de la mort et du passage dans une autre vie, elle collige des témoignages qui s’avèrent malheureusement peu fiables. Mais un neurologue, Richard Wright, lui propose de travailler sur des EMI provoquées artificiellement par l’injection d’une drogue psychoactive. Joanna accepte sans toutefois se douter que cette technique pourrait bouleverser toutes les théories scientifiques sur les EMI et sur la mort elle-même. Joanna veux prouver la survie de l’esprit à l’enveloppe charnelle, mais les motivations ne sont pas les mêmes pour tous…

LES CHEMINS DE LA LUMIÈRE
*-C’est un S.O.S.- Ils ne le capteront jamais,
se répéta-t-elle. Mais elle resta assise dans
le noir, cernée d’étoiles, pour serrer le
petit chien contre elle et diffuser des
signaux d’amour, de compassion et
d’espoir. Les messages des trépassés.*
(Extrait : PASSAGE)

La mort, l’au-delà, la vie après la mort et les expériences de mort imminente sont des thèmes qui prolifèrent en littérature mais surtout sous forme de témoignages ou de documentaires, rarement sous forme de roman. Dans PASSAGE, Connie Willis a relevé le défi en se concentrant sur les expériences de mort imminente : Les E.M.I.

Évidemment, quand on parle d’E.M.I. on pense presque automatiquement au docteur Raymond Moody qui a fait un tabac avec son livre LA VIE APRÈS LA VIE. Peut-on comparer avec PASSAGE? Disons que les deux auteurs développent une théorie complètement opposée.

Moody attribue à l’E.M.I une dimension essentiellement spirituelle répondant à des critères précis, les principaux étant la décorporation, la sensation d’être enveloppé de bien-être et d’amour, le tunnel avec au bout l’ange de lumière et le récapitulatif de la vie.

Dans PASSAGE, la théorie développée par Connie Willis est essentiellement scientifique, l’ E.M.I. étant considérée comme un soubresaut hallucinatoire du cerveau mourant, une réaction chimique et même comme une ultime tentative de se raccrocher à la réalité de la vie.

Voilà qui ne fait pas l’affaire des mystiques car la disparition des synapses cérébrales une par une, implique une finalité de la vie, un passage vers la non-existence. Ça s’arrête là. *Il est logique de supposer qu’une scientifique considère ces choses sous un jour différent, qu’elle les dépouille de leurs connotations mystiques* (Extrait)

Dans PASSAGE, les deux théories s’opposent. Nous avons en présence Maurice Mandraque, auteur à succès, être borné, farouche partisan du tunnel de lumière et dont les convictions se rapprochent beaucoup de celles de Raymond Moody. L’auteure n’est pas tendre avec son personnage et lui attribue la fâcheuse tendance à influencer les ÉMISTES dans leur témoignage.

Puis, il y a les défenseurs de la théorie scientifique, Joanna Lander et Richard Write qui tentent de comprendre les mécanismes de la mort pour éventuellement sauver des vies. Pour eux, la mort est une finalité, l’âme n’entrant pas en ligne de compte puisqu’elle n’est pas scientifiquement prouvée et encore moins manipulable.

Pour illustrer les étapes de la mort cérébrale, expliquer un retour possible à la vie et mettre en perspective le caractère hallucinatoire de l’É.M.I, l’auteure a imaginé une énigme qui trouverait sa réponse à bord du Titanic peu avant son naufrage et prend l’allure d’une véritable course contre la montre.

Le Titanic prend ici valeur de symbole de la finalité de la mort. Ce n’est pas simple à suivre, mais l’idée était tout de même excellente.

PASSAGE touche une corde sensible, développe un sujet controversé et on ne peut pas vraiment dire qu’il apporte une bonne nouvelle aux êtres humains mystifiés par la mort depuis l’aube des temps. L’histoire est intéressante et comporte beaucoup d’action, même haletante par moment. Mais le livre est victime de sa complexité. Les longues explications scientifiques sont nombreuses et lourdes.

Dans l’ensemble, le livre comporte beaucoup de longueurs. Mais la plume de Willis, brillante, pousse le lecteur à aller toujours plus loin pour comprendre où les acteurs veulent en venir. C’est réussi je crois, même si la finale m’a laissé un petit arrière-goût d’inachevé.

C’est un livre à lire avec patience et un esprit ouvert. Il faut se rappeler que c’est un roman de science-fiction. Willis a évité le piège du mélodrame tout en maintenant une forte intensité dramatique.

Elle ne prétend pas détenir la vérité mais développe une théorie originale qui pousse à une profonde réflexion et un questionnement qui n’aura peut-être jamais sa réponse : peut-on lier la logique, la raison, la science et la survie de l’esprit? Un bon livre finalement.

Connie Willis est une romancière américaine spécialisée dans la science-fiction, née à Denver, Colorado, le 31 décembre 1945. Elle a rapidement gagné en célébrité dès l’apparition de ses premières nouvelles dans les années 80. Comme c’est le cas avec PASSAGE, la plupart de ses livres abordent des thèmes difficiles ou sensibles. Son œuvre est chargée d’une impressionnante quantité de distinctions. PASSAGE par exemple, a décroché le PRIX LOCUS du meilleur roman de science-fiction en 2002. Ses œuvres majeures sont  LE GRAND LIVRE (1994) et SANS PARLER DU CHIEN (2000).

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 6 janvier 2019