GLACE

Commentaire sur le livre de
CHRISTINE FÉRET-FLEURY

<La grand-mère de Kay se penche et arrache une poignée de pousses ligneuses, d’un jaune sale, dans la caisse de métal rouillé posée sous sa fenêtre. Ma caisse est juste en face, elle est pleine de cailloux que j’ai ramassés en allant au travail ou en revenant. J’essaie de les choisir de formes et de teintes différentes, même si je n’ai jamais plus que quelques secondes pour décider lequel je vais prendre ce jour-là.

Me baisser, ramasser, me relever sans attirer l’attention des drones. Je m’y entraîne depuis longtemps. Depuis que j’ai compris une chose essentielle : pour les yeux luisants, inexpressifs, de ces insectes électroniques, nous nous ressemblons tous. Une seule masse terne qui disparait sous terre le matin pour en sortir à la nuit tombée.

Un long serpent animé de soubresauts et de spasmes, mais qui avance, qui avance toujours. Du moment que la marche se déroule normalement, que les wagonnets chargés de minerai se succèdent au rythme fixé. Ils n’interviennent pas.

Si nous nous arrêtions, ce serait autre chose. >
Extrait : GLACE, Christine Féret-Fleury, Scrineo éditeur, 2021, format numérique, 171 pages.


Depuis que ses parents sont morts et que Kay, son meilleur ami, a été enlevé par les Glacés, Sanna se réfugie dans ses souvenirs pour se protéger du désespoir.  Seule, elle décide alors de partir à la recherche de son ami disparu.  Pour la jeune fille, c’est le début d’un long voyage semé d’embûches et de rencontres, parfois improbables, parfois inquiétantes… Qu’y a-t-il au-delà des montagnes et du bouclier climatique érigé par les Glacés ? Kay se trouve-t-il là-bas, captif de l’incarnation
maléfique des contes qui ont bercé son enfance, l’immortelle Reine des Neiges ?

 

DU CONTE À LA DYSTOPIE

C’est un livre intéressant malgré certaines faiblesses comme le début qui est très lent, le rythme un peu traînard mais surtout, la superficialité de certains personnages, la reine des neiges en particulier. Le livre m’a toutefois apporté passablement de satisfaction parce qu’il est imprégné de l’esprit d’Andersen l’auteur du célèbre conte LA REINE DES NEIGES paru en 1844. Dans GLACE, on trouve des extraits de LA REINE DES NEIGES mais aussi l’empreinte du célèbre conteur et ça, ça m’a plu.

Donc Christine Féret-Fleury revisite le conte et réécrit l’histoire en lui insufflant un sens environnemental et en donnant à la Reine Des Neiges un caractère eugéniste.

Nous sommes dans un futur qui pourrait bien ne pas être si lointain. Un mystérieux nuage toxique sème la mort, la désolation, le froid. Un bout de territoire fait exception, protégé par un bouclier thermique. Plusieurs habitants enlevés y ont été envoyés. Nous suivons Sana, 17 ans, vivant dans des conditions misérables et qui recherche désespérément son ami d’enfance, Kay, 19 ans qui se trouverait sous le bouclier thermique.

Pourquoi? Dans quel but? Qui est la Reine des Neiges et d’où vient-elle? Veut-elle refaire le monde sur d’autres bases ? Les siennes? À vous le plaisir de la découverte, amis lecteurs et amies lectrices.

C’est le lien entre Andersen et le récit qui m’a captivé, lien qu’on pourrait apparenter à un cordon ombilical. Que l’auteure ait donné au récit un caractère dystopique n’était pas pour me déplaire non plus. L’avertissement climatique est aussi assez bien développé…davantage que l’intrigue.

Le récit comporte des éléments démotivants. Par exemple, le premier quart de l’histoire est d’une lenteur désespérante. C’est difficile d’embarquer dans l’histoire et de s’attacher à Sana, le personnage principal au profil psychologique un peu obscur. Et puis, il y a Kay. Il est partout, mais on ne le voit nulle part sauf à la fin. Kay est l’obsession de Sana et il n’est pas facile de trouver pourquoi. C’est un peu frustrant.

Enfin, les motivations de la reine des neiges sont difficiles à saisir. Ce qui se passe sous le bouclier thermique, les objectifs de la reine et le rôle de Kay sont sous-développés. Toutefois, plusieurs éléments intéressants contribuent à faire avancer l’intrigue, quoique lentement. Un ou deux personnages se démarquent.

J’ai tiré du récit suffisamment d’éléments positifs pour en tirer de la satisfaction. Ça pourrait vous plaire, surtout si vous êtes amateur de dystopies. Le récit véhicule aussi certains messages que je qualifierais de crédibles.

Suggestion de lecture : LA MAISON TELLIER et autres contes, de Guy de Maupassant

À lire aussi


L’auteure Christine Féret-Fleury

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 18 octobre 2025

LE TOUR DU MONDE EN QUATRE-VINGTS JOURS

Commentaire sur le livre de
JULES VERNE

*Un bon anglais ne plaisante jamais, quand il s’agit d’une
chose aussi sérieuse qu’un pari, répondit Phileas Fogg.
Je parie vingt mille livres contre qui voudra que je ferai le
tour de la terre en quatre-vingts jours ou moins, soit dix-
neuf cent vingt heures ou cent quinze mille deux cents
minutes. Acceptez-vous ? *
(Extrait : LE TOUR DU MONDE EN QUATRE VINGTS JOURS,
Jules Verne, édition de 1997 chez Gallimard jeunesse, collection
Folio junior. Édition de papier, 332 pages. Littérature jeunesse)


« Je parie vingt mille livres que je ferai le tour de la terre en quatre-vingts jours au moins. » Ainsi s’adressait Phileas Fogg, en cette soirée du 2 octobre 1872, à ses compagnons du Reform-Club de Londres. Et le voilà parti avec son domestique Passepartout. Le gentleman anglais, avare de paroles, précis comme une mécanique, et le Français, vif, malin et bavard, s’accordent à merveille ! Mais nombreux sont les périls qui les attendent sur la route des Indes, de la Chine et des Amériques…

Un pari sur le monde
* Dans ce singulier pays ou les hommes ne sont
certainement pas à la hauteur des institutions,
tout se fait « carrément », les villes, les maisons
et les sottises. *
(Extrait)

J’ai reconnu très vite et avec plaisir la plume visionnaire et onirique de Jules Verne, qui a embelli mon adolescence et jusqu’à aujourd’hui encore en me faisant voyager dans des univers extraordinaires : DE LA TERRE À LA LUNE, CINQ SEMAINES EN BALLONS, VING-MILLE LIEUES SOUS LES MERS, MICHEL STROGOFF, VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE…*Avec Jules Verne, vous pouvez aller partout et de toutes les façons possibles…par tous les temps : il vous suffit de puiser dans le trésor des voyages extraordinaires.* (Extrait du supplément)

Dans LE TOUR DU MONDE EN QUATRE-VINGT JOURS, nous suivons quatre personnages : le principal, PHILEAS FOGG, un richissime gentleman, son valet, Passepartout, l’officier de police FIX et MISS AOUDA, une jeune femme sauvée d’un cruel rituel indou par Passepartout et ramenée en Angleterre par Fogg et qui donnera un sens à toute cette aventure.

FOGG est plutôt égocentrique, peu intéressé à ce qui l’entoure, ne montre jamais ses émotions et sa maîtrise de soi pousse un peu à la caricature. C’est un personnage plus grand que nature un peu comme les personnages de L’ÎLE MYSTÉRIEUSE ou comme Dick Sand, le jeune marin du roman UN CAPITAINE À 15 ANS.

Pour moi, ce n’est pas le meilleur de Verne à cause du personnage principal que l’auteur a imaginé trop mécanique, trop stoïque. Peu sympathique et à peu près pas attachant. Mais ma lecture a été sauvée par deux éléments en particulier. Premièrement, le deuxième personnage en importance : Jean Passepartout, valet de Fogg, un sympathique bavard rusé et surtout extrêmement intuitif. Il est sympathique, drôle, attachant et fera la différence dans cette extraordinaire aventure.

Deuxièmement, mon esprit a voyagé et je n’ai jamais vu le temps passer : Londres, Suez, Bombay, Calcutta, Hong Kong, Yokohama, San-Francisco, New-York avec, pour chaque coin du monde, une généreuse part de surprises, revirement, obstacles de toutes sortes. Et dire que cette merveilleuse odyssée repose sur un pari extrêmement risqué pour Fogg pour qui l’imprévu n’existe pas. Bien sûr, les évènements vont lui démontrer le contraire bien évidemment. Mais l’admettra-t-il ?

Malgré un personnage principal plutôt froid et très *british* j’ai beaucoup aimé ma lecture. Ce livre n’a pas vieilli et pourtant, il décrit la géographie physique et sociale du XIXe siècle. Comme tout ce qui est signé Jules Verne, il induit le rêve et incite aux voyages même les plus inusités. L’écriture n’est pas très actuelle dans le style mais j’ai trouvé la plume fluide et vivante, avec un soupçon d’humour. Toutes les péripéties de ces valeureux personnages ainsi que la finale à laquelle je n’aurais jamais pensé font de LE TOUR DU MONDE EN QUATRE-VINGT JOURS un incontournable roman d’aventure qui constitue une course effrénée contre la montre.

Jules Verne est né à Nantes en 1828.  Après son mariage en 1857, il devient agent de change à la Bourse pour vivre. Travaillant le jour, il étudie la nuit, les mathématiques, la physique, la géographie, la botanique pour construire son œuvre. En 1863, il apporte le manuscrit de « Cinq semaines en ballon » à l’éditeur Hetzel. Cette rencontre sera décisive : ce grand éditeur, enthousiasmé par les manuscrits de Jules Verne, lui propose un contrat propre à stimuler le génie de l’auteur de « Vingt Mille Lieues sous les mers », un contrat qui l’attache à sa maison.

Ainsi, Verne élabore une œuvre immense,  démontrant que la science est le mouvement incessant qui part de l’homme et y revient avec une provision de connaissances, d’images et de rêves. Jules Verne est mort le 24 mars 1905 à Amiens la ville natale de sa femme, où il s’était installé en 1871.

Suggestion de lecture, du même auteur : DE LA TERRE À LA LUNE

C’est la plus célèbre adaptation du classique de Verne : LE TOUR DU MONDE EN 80 JOURS, sorti en 2007. Une saga de 2 heures 50 minutes réalisée par Michael Anderson avec David Niven, Mario Moreno et Shirley MacLaine.

La version de 2004 réalisée par Frank Coraci a aussi atteint des sommets grâce, entre autres à la performance de Jackie Chan. Je n’ai pas tout à fait compris pourquoi, mais la notoriété de Jules Verne y était sûrement pour quelque chose.

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 16 septembre 2023