AFTER PARTY, le livre de DARYL GREGORY

*Mon esprit a commencé à s’éteindre, zone par
zone, comme une ville durant un black-out dont
des quartiers entiers sont privés de courant. Ma
conscience s’est cristallisée sur une unique
pensée : je vais mourir.*
(Extrait : AFTER PARTY, Daryl Gregory, Éditions Le
Bélial, 2016, édition numérique, 325 pages)

Une église émergente met la main sur une drogue appelée LE NUMINEUX, une molécule qui décuple le sentiment du divin, qui rend la présence de Dieu tangible, presque palpable et enracine chez son consommateur une foi inébranlable menant à l’extrémisme sans parler des crises mystiques et de très fortes hallucinations. Cette drogue neurochimique se répand rapidement dans Toronto et pourrait bien être distribuée dans le monde entier créant des légions de fanatiques.

Une seule personne peut calmer le jeu : Lyda Rose qui a contribué à la création du Numineux ce qui l’a presque anéantie. Si elle accepte, son programme sera chargé : d’abord s’échapper de l’asile psychiatrique où elle est internée, chercher de l’aide, trouver des amis, percer le secret de l’église qui vénère le Dieu hologrammatique et mettre hors d’état de nuire et soigner tous ces nouveaux fanatiques… Un vrai chemin de croix…

UNE DROGUE QUI MÈNE À DIEU
*Je ne savais pas ce qui m’arrivait. Des crampes
m’ont assailli l’estomac…J’étais au-delà de
L’hilarité, perdue dans un état émotionnel
inconnu, bruyant et chaotique. Le genre de
truc qu’éprouve une vague en s’écrasant sur
la plage ?*
(Extrait : AFTER PARTY)

Sans être un chef d’œuvre, AFTERPARTY développe un sujet qui détonne, qui tranche. Voyons un peu le synopsis, mais à ma façon : Une grande fête est organisée. Pendant ce party on fait l’essai d’une nouvelle drogue qu’on appelle LE NUMINEUX. Si on se rapporte au dictionnaire français de l’internaute, le numineux est un phénomène mystérieux qu’on ne parvient pas à expliquer rationnellement. Il laisse à penser qu’il peut-être divin.

Dans AFTERPARTY, le Numineux est une drogue qui décuple la foi en Dieu et le rend physiquement accessible : *Cette drogue te donne l’impression d’entrer en contact avec une force supérieure…l’être surnaturel se trouve dans la pièce avec toi, tu peux le voir, il est intégré à ton champ de vision. Parfois il te parle.* (Extrait)

Maintenant, vous allez comprendre toute la portée et la gravité du titre : cette grande fête a envoyé dans les ailes psychiatriques plusieurs expérimentateurs de la NEM110 qui est l’appellation disons scientifique du numineux et qui développe l’addiction avec une extrême rapidité. Entre temps, par le biais d’une église émergente, la drogue se répand dans toute la ville et risque de se répandre sur toute la planète.

Pour éviter ce fléau on demande l’aide d’une des internées, Lyda Rose qui serait la seule à pouvoir remonter la filière et éviter le pire. Elle accepte, s’échappe de sa résidence avec d’autres personnages aussi mal pris qu’elle et se met à l’œuvre. Elle peut faire la différence car elle a participé à la création du numineux et connait beaucoup de monde.

Donc le livre se concentre surtout sur *l’après-party* et ses conséquences : de graves traumatismes liés à la NEM110. Je ne suis pas spécialement amateur de techno-thrillers mais j’ai trouvé celui-ci assez bien fait. Il n’y a pas de charge contre la religion ni contre l’église, mais l’enquête de Lyda-Rose et de ses amis nous fournit suffisamment de matière pour nourrir une réflexion sur les coûts sociaux et humains des addictions aux drogues.

Si le rythme du récit est assez élevé et farci de nombreux rebondissements, l’histoire accuse quand même quelques faiblesses. J’ai souvent parlé du fil conducteur d’une histoire. Je trouve important que les auteurs ne se mettent pas trop en marge de ce fil pour ne pas perdre ou décourager le lecteur.

Voilà la principale faiblesse du récit : un fil conducteur en dents de scie. L’auteur se disperse, le rythme casse. J’ai tenu bon car la finale en vaut la peine. Il faut savoir toutefois qu’un récit en déséquilibre peut amener des lecteurs/lectrices à se décourager.

Par contre, les personnages sont attachants, quelques-uns sont plutôt originaux. Je pense à la docteure Gloria, un personnage imaginaire issu de la schizophrénie de Lyda-Rose. Au départ, elle devait toujours dire ce que Lyda avait besoin d’entendre. Au final, c’est plus que ça mais c’est tout en douceur et en intelligence.

Gloria vient apporter un peu de légèreté dans un monde lourd et malade. Le tout évolue dans le futur. Imaginez, une drogue qu’on imprime…avec une imprimante spéciale produisant une sorte de papier buvard. Est-ce que Lyda Rose empêchera la propagation mondiale de cette cochonnerie qui grafigne dangereusement le cerveau ?

Malgré une tendance à l’éparpillement, je pense que Darryl Gregory a pondu un bon suspense, intriguant avec plusieurs personnages au caractère bien trempé. Le tout est crédible et porte à réflexion. Donc à lire : AFTER PARTY.

Suggestion de lecture : DUNE, de Frank Herbert

Daryl Gregory est un auteur américain de romans et de bandes dessinées. Il a été diplômé de l’Illinois State University. C’est un grand adepte de la Science-Fiction et de la Fantasy et naturellement, ça transpire dans l’ensemble de son œuvre. Son succès est consacré depuis plusieurs années. Il a remporté le Crawford Award pour PANDEMONIUM publié en 2008. Il est lauréat des prix Shirley Jackson et World Fantasy en 2015.

Pour en savoir plus sur les activités littéraires et la carrière de Daryl Gregory, consultez son site internet : http://darylgregory.com/ (en anglais)

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 30 juin 2019

 

THÉRAPIE, le livre de SEBASTIAN FITZEK

*Mais soudain, son soulagement se mua en horreur.
Car Anna n’avait pas remarqué son retour et ne
manifestait aucune intention de se retourner. Au
lieu de cela, elle était en train de verser discrètement
une substance blanche dans son thé.
*
(Extrait : Thérapie, Sebastian Fitzek, Knaur 2006,  T.f. :
Les Éditions de l’Archipel, 2008, numérique, 213 pages)

Josy, 12 ans, la fille du célèbre psychiatre berlinois Viktor Larenz, est atteinte d’une maladie qu’aucun médecin ne parvient à diagnostiquer. Un jour, son père l’accompagne chez un de ses confrères. Alors qu’elle échappe à son attention. Elle disparait. Quatre années passent. Alors que Lorenz est toujours sans nouvelles de sa fille, une inconnue frappe à sa porte.

Anna Spiegel, romancière prétend souffrir d’une forme rare de schizophrénie : les personnages de ses récits prennent vie sous ses yeux. Or, le dernier roman d’Anna a pour héroïne une fillette qui souffre d’un mal étrange et qui s’évanouit sans laisser de traces. Connaître la suite de l’histoire devient une obsession pour le psychiatre Viktor Larenz.  La quête s’annonce complexe…

COINCÉ DANS LA TEMPÊTE AVEC UNE *SCHIZO*
*Si les photos étaient si choquantes, ce n’était pas

parce qu’elles représentaient des perversions
sadiques, des morceaux de cadavre ou d’autres
choses du même acabit. Viktor était rempli
d’horreur parce qu’il voyait partout le même

visage…on reconnaissait la même personne…*
(Extrait : Thérapie)

Ce livre, qui est un véritable défi pour l’esprit, plonge le lecteur dans l’univers complexe de la schizophrénie, de la mythomanie ou le mensonge pathologique et du syndrome de Münchhausen : un trouble psychologique désignant un besoin irrésistible de simuler une maladie ou un traumatisme dans le but d’attirer l’attention ou la compassion. Je vous dis d’entrée de jeu que j’ai trouvé ce livre phénoménal, aussi brillant qu’acerbe. J’ai été captif de la plume incroyablement efficace de Fitzek.

Dans n’importe quelle histoire, il faut bien une introduction, une mise en place si on veut comprendre le développement. Mais l’histoire conçue par Fitzek est vraiment spéciale. Voyons voir : un psychiatre renommé, Viktor Larenz accompagne sa fille Josy chez le médecin. Josy est atteinte d’une mystérieuse maladie inconnue.

Larenz s’absente un instant pour aller aux toilettes et lorsqu’il revient, s’aperçoit que sa fille a disparu. Pourtant, le médecin et sa secrétaire certifient à Larenz que Josy n’avait pas de rendez-vous aujourd’hui et personne ne l’a vu entrer.

À partir de ce moment, c’est un trou noir de quatre années à l’issue desquelles Larenz va se réveiller dans un lit d’hôpital psychiatrique avec à ses côtés, le docteur Roth qui non seulement va s’atteler à trouver la vérité mais qui va aussi complètement changer la donne.

Notez que c’est très brièvement résumé et il ne faut pas se fier à l’introduction pour avoir un aperçu de la suite. C’est là le côté génial de Fitzek. C’est que ces quatre années de coma vont entraîner le lecteur de rebondissement en rebondissement et le projeter dans une incroyable suite de revirements de situation.

La plume sombre de l’auteur enferme le lecteur dans un maelstrom psychologique très complexe. C’est ce que je voulais dire au début par *défi pour l’esprit*. Rien n’est sûr, rien ne permet au lecteur de prévoir la fin, de résoudre l’énigme de Josy.

Quant à vous donner des indices, en dire peu c’est comme en dire trop. Il faut donc se laisser aller dans la lecture de ce polar sombre. Le style mordant et acide de Fitzek risque de provoquer une addiction chez beaucoup de lecteurs et de lectrices jusqu’à une finale géniale en deux actes.

Quand on peut lire un livre et oublier le reste y compris le temps, c’est que l’auteur a trouvé le ton juste. C’est un polar terriblement efficace qui va au-delà du genre. Pas de diversions, des chapitres courts parfois haletants ou qui baladent les lecteurs du présent au passé. Le rythme est parfois saccadé et surtout, l’auteur accuse une parfaite maîtrise de la psychologie de ses personnages qui est, vous vous en doutez peut-être, très complexe.

Le récit ne verse pas dans l’horreur ou le macabre mais plutôt dans le mystère et l’inexpliqué comme l’esprit tortueux d’un schizophrène. En effet, imaginez une romancière qui voit ses personnages prendre vie sous ses yeux, ou encore un menteur pathologique qui croit sincèrement ses propres mensonges, ou un père qui prend son enfant pour acquis, comme sa chose, sa propriété et qui l’aime d’un amour étouffant et même fatal.

THÉRAPIE est un récit costaud et même éprouvant jusqu’à un certain point, description d’un long cauchemar dont on ne saisit le début qu’à la fin. C’est drôlement bien ficelé. Ça me rappelle un peu SHUTTER ISLAND de Dennis Lehane dont j’ai déjà parlé sur ce site.

Shutter Island est un îlot au large de Boston où un hôpital psychiatrique semblable à une forteresse accueille des pensionnaires atteints de troubles mentaux graves et coupables de crimes abominables. Deux marshals y font une enquête très troublante. Une chose est sûre, Lehane et Fitzek ont un point en commun : ils ont déployé le maximum pour jouer avec mes nerfs.

THÉRAPIE : à essayer…Je crois qu’on est pas loin du chef d’oeuvre là…

Sebastian Fitzek est un auteur allemand né à Berlin le 13 octobre 1971. Il fait ses études de droit mais préfère finalement les communications. Entre temps, il se met à l’écriture et il publie un premier livre en 2006 : THÉRAPIE qui connaîtra un succès retentissant avec 220 000 exemplaires vendus, seulement en Allemagne. Le premier thriller de Fitzek s’est retrouvé numéro un des ventes dans son propre pays. Plusieurs autres titres à succès suivront dont LE BRISEUR D’ÂMES et L’INCISEUR sans compter une percée au cinéma avec THE CHILD.

Suggestion de lecture : LES NAUFRAGÉS DE LA SALLE D’ATTENTE, de Tom Noti

FITZEK AU CINÉMA

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 25 mai 2019

VOL AU-DESSUS D’UN NID DE COUCOU, de KEN KESEY

*Le martyr de McMurphy est aussi un martyr
chrétien. Ce livre noir est aussi un livre
rayonnant de joie de vivre et un plaidoyer.
Il s’agit de mieux comprendre, de mieux
prendre conscience du monde fou dans
lequel nous vivons.*

(Extrait : VOL AU-DESSUS D’UN NID DE COUCOU,
Plus précisément le texte AVERTISSEMENT signé
André Bay et précédent le récit  de Kesey, Ken
Kesey, Édition Stock de 2002, réédition, édition
numérique, 290 pages)

Dans une maison de santé, une redoutable infirmière fait régner, grâce à un arsenal de « traitements de choc », un ordre de fer, réduisant ses pensionnaires à une existence quasi-végétative avec des psychotropes, des électrochocs et même des lobotomies. Surgit alors McMurphy, un colosse irlandais, braillard et remuant, qui a choisi l’asile pour échapper à la prison. Révolté par la docilité de ses compagnons, il décide d’engager une lutte qui devient peu à peu implacable et tragique. McMurphy sera à l’origine non seulement d’un sentiment de révolte chez les internés, mais aussi d’une prise de conscience de leur personnalité et de leurs conditions de vie.

AVANT-PROPOS

Les origines du titre VOL AU-DESSUS D’UN NID DE COUCOU  sont contestables pour plusieurs. Pour moi, ce titre pourrait très bien symboliser la lobotomie. Mais la version la plus courante laisse à penser que le *nid de coucou* représente l’asile et le *vol* représenterait la seule personne qui a réussi à s’échapper de l’asile : l’indien, le chef Bromdem, c’est-à-dire le narrateur.

UN CLASSIQUE INDÉMODABLE
*Ne reconnaissez-vous pas l’archétype du
psychopathe? Je n’ai jamais vu un cas de
psychopathie aussi manifeste. Cet homme,
c’est Un Napoléon, un Gengis Khan, un
Attila.*
(Extrait : VOL AU-DESSUS D’UN NID DE COUCOU)

C’est un livre très dur, une histoire à haute intensité dramatique que j’ai fini par lire peut-être une vingtaine d’années après avoir vu le film, adaptation remarquable du réalisateur Milos Forman.

Même si ce livre a été un des plus commenté et critiqué dans l’histoire de la littérature américaine, force est de constater qu’il a été un mis dans l’ombre par le film, à cause, en particulier de l’interprétation magistrale de Jack Nicholson qui s’est approprié le rôle du rebelle McMurphy avec un naturel désarmant.

Mais le livre vaut la peine d’être lu, je le considère même meilleur que le film car la plume extrêmement puissante de Ken Kesey appelle à l’angoisse dès le début et vient nous rappeler, grâce à un sordide jeu de pouvoir, cette fâcheuse tendance de toutes les sociétés à vouloir contrôler leurs sujets.

Le fil conducteur est simple à suivre : dans un asile psychiatrique, une redoutable infirmière fait régner une discipline de fer grâce à toute une panoplie de traitements de choc, réduisant les pensionnaires à une existence quasi végétative. Les choses vont changer dès le jour où Randal McMurphy, personnage subversif, exubérant et rebelle arrive à l’asile parce qu’il a choisi cette solution pour échapper à la prison.

Pendant un certain moment de lecture, je me suis demandé qu’est-ce que McMurphy faisait dans ce décor, me disant qu’il était loin d’être fou. Mais j’ai compris assez vite que, révolté par la docilité de ses compagnons à l’égard de l’infirmière, qui est une véritable peau de vache, McMurphy s’est engagé dans une lutte qui devient graduellement implacable et dramatique :

*…eh bien, j’ai été étonné de constater à quel point vous êtes sains d’esprit, tous autant que vous êtes. Pour autant que je puisse en juger, vous n’êtes pas plus fous que le trou-du-cul moyen qui se balade en liberté.*(Extrait)

Dès lors, le récit se concentre sur un impitoyable jeu de pouvoir qui retiendra définitivement l’attention du lecteur allant jusqu’à prendre une très intéressante valeur de symbole révélatrice de la vie actuelle : d’un côté la répression et la coercition et de l’autre, un appel à la tolérance, à l’ouverture d’esprit et à la liberté.

Autre fait intéressant et magnifiquement mis en mots dans le récit de Kesey, l’agitateur devient, aux yeux de ses pairs, un héros…une solution au conformisme crasse qui caractérisait la société des années 60 en général et les institutions psychiatriques américaines en particulier:

*Il était un géant descendu du ciel pour nous libérer du système qui ligotait le monde de son réseau de fils électriques et de cristaux, un être de trop d’envergure pour se soucier de mesquines questions d’intérêt.*(extrait)

Le récit est narré par un vieil indien, un géant qui fait semblant d’être sourd depuis son arrivée à l’asile il y a des années. Tout comme le lecteur, l’indien est témoin et raconte les tentatives habiles de McMurphy pour donner aux pensionnaires de l’asile de la personnalité, une raison de vivre, de se battre.

VOL AU-DESSUS D’UN NID DE COUCOU est un livre en quatre parties. Il n’y a pas de chapitres, pas de temps mort, peu de diversions. C’est un crescendo de révolte et de frustrations. Le livre m’a fait vibrer et passer par toute une gamme d’émotions.

Tantôt j’étais choqué et triste, tantôt fasciné et admiratif. Ce fût pour moi un moment de lecture intense et touchant…le temps s’est arrêté, effet d’une plume habile et sans compromis qui ne laisse pas indifférent.

Je vous recommande la lecture de VOL AU-DESSUS d’un nid de coucou. Une œuvre de premier plan…une grande lecture…

Ken Kesey (1935-2001) était un écrivain américain natif du Colorado. Il s’est prêté à des expérimentations de drogues entraînant temporairement des états de psychose. Continuellement sous acide, Kesey est embauché dans un hôpital. C’est de cette étrange expérience que naîtra son premier roman : VOL AU-DESSUS D’UN NID DE COUCOU, un succès immédiat qui sera adapté au cinéma par Milos Forman. D’autres titres à succès suivront dont SOMETIMES A GREAT NATION, adapté au cinéma en 1963 sous le titre : LE CLAN DES IRRÉDUCTIBLES.

VOL AU-DESSUS D’UN NID DE COUCOU AU CINÉMA
Le livre de Ken Kesey a été adapté au cinéma par Michael Forman. Le film est sorti en 1976 et a fait époque avec 15 prix et 5 nominations.
Le film met en vedette Jack Nicholson

Et Louise Fletcher…la redoutable infirmière

La presse a salué ce film. Le journaliste Jacques Doyon écrivit, peu après la sortie du film en 1976 : *Voilà un film qui est grand parce que fait à l’intérieur d’un système, il nous atteint et nous transforme*.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 20 octobre 2018

L’EXÉCUTEUR, le livre de CATHERINE DORÉ

*Tu pensais avoir tout compris hein salope?…
J’ai des petites nouvelles pour toi ma beauté.
C’est moi qui dirige! Moi! Michel L’exécuteur!
Je suis le bras armé de Dieu!…J’exécute sa
volonté, et, aujourd’hui, sa volonté réside
dans ton exécution!*
(Extrait : L’EXÉCUTEUR, Catherine Doré, Éditions de
Mortagne, 2005, édition de papier, 500 pages)

Désirant fuir l’agitation des grandes villes, Marie-Paule et Pierre se portent acquéreurs d’une maison de campagne pour y couler des week-ends paisibles. Malheureusement, la paix ne sera pas au rendez-vous car en plus d’avoir des voisins pour le moins étranges et son énigmatique ancien propriétaire qui est souvent sur son chemin, une chaîne d’évènements amène Marie-Paule à se pencher sur le mystérieux passé de la région.

Il y a des disparitions, morts suspectes et même des exorcismes en plus du troublant suicide de la mère d’un enfant jadis rejeté par la communauté. La curiosité et les recherches de Marie-Paule l’amènent à rencontrer Simon Bernard, un détective rebelle à l’autorité qui suit la piste d’un tueur en série. Un genre de collaboration s’installe entre Simon et Marie-Paule mais cette collaboration pourrait bien précipiter la jeune femme vers un destin dramatique.

PASSÉ TROUBLE
*Oh Michel! Michel! Qu’as-tu fait? Ton obsession déraisonnable
pour cette femme! Tes colères incontrôlées…Cette funeste
rencontre avec cette incroyable femme. Les cloisons ne sont
plus étanches…! La terre sacrée a été profanée! Michel est
hors de contrôle. L’enfant se cache, terrorisé par les
évènements. Le porteur commence à se douter de quelque
chose. Nous devons agir…*
(Extrait : L’EXÉCUTEUR)

 L’exécuteur est le premier roman de Catherine Doré et je crois que c’est un bon départ. C’est un thriller intéressant qui amalgame efficacement l’intrigue, les énigmes et l’action. Le rapport de forces et de faiblesses est positif, la principale faiblesse étant que l’histoire est un peu prévisible. C’est dans l’originalité que réside la principale force. L’auteure n’a pas choisi la facilité car elle a attribué à son tueur psychopathe le syndrome dissociatif de la personnalité.

Ce syndrome, appelé aussi *trouble de la personnalité multiple* a toujours été pour la psychiatrie un défi de taille et pas facile du tout à soigner. À une certaine époque où le syndrome n’était pas formellement identifié, on parlait de possession démoniaque. Rien de moins. Le défi pour le lecteur, et c’est là que je me suis régalé, est de démêler toutes les personnalités de l’assassin qui ont chacune leur caractère propre.

Pour que le tout se tienne et amène le lecteur à la compréhension des motivations du psychopathe, l’auteure a du faire une sérieuse recherche, non seulement sur le trouble identifié comme tel mais aussi sur la psychopathologie, la psychiatrie, la parapsychologie et même sur l’exorcisme car cet art est évoqué dans l’histoire.

Le défi était autant intéressant qu’une des personnalités du tueur n’était rien d’autre que le bras vengeur de Dieu. L’Église et des prêtres sont donc impliqués dans cette fiction ce qui n’est pas sans nous inciter à nous questionner sur tout ce que l’église a à cacher. C’est une fiction bien sûr, mais elle a un petit quelque chose de très actuel sur les plans scientifique, psychologique, social et judiciaire.

Donc ça fait beaucoup d’éléments à démêler mais le fil conducteur est solide et la tension dramatique est palpable, spécialement dans le dernier quart du livre ou je réussissais à me mettre à la place du détective Simon Bernard qui naviguait d’énigme en énigme alors que les secondes était comptées. L’ensemble est bien dosé et l’action monte en crescendo.

L’histoire est d’autant intéressante qu’elle m’a fait réfléchir un peu sur les interactions existantes entre le domaine judiciaire et la psychiatrie. Ce n’est pas simple. Disons que dans L’EXÉCUTEUR, un meurtrier reste un meurtrier et rien ne l’excuse. C’est à la cour de trancher et je vous laisse découvrir si on se rendra là.

Bref, j’ai savouré un scénario développé avec intelligence dans lequel on trouve des personnages dotés de caractère fort et où on est appelé à essayer de comprendre ce qui se passe dans un corps qui semble abriter plusieurs âmes…

Divertissant…ça se lit vite et bien.

Suggestion de lecture : AFTER PARTY, de Daryl Gregory

NOTE BIOGRAPHIQUE SUR CATHERINE DORÉ

Malheureusement, au moment de rédiger cet article, je n’ai pu trouver aucune photo acceptable de l’auteure.

Catherine Doré est une écrivaine québécoise. Elle a évolué comme professionnelle de la recherche au département de psychologie de l’UQAM. Son intérêt pour la lecture s’est manifesté dès la préadolescence. Dans la jeune quarantaine, elle se met à l’écriture et produit un recueil expérimental de nouvelles mais le produit fini se transforme en fin de compte par un roman de 450 pages : L’EXÉCUTEUR.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
10 JUILLET 2016